LES DIFFÉRENTES POSTURES DE L’ÉTUDIANT

LES DIFFÉRENTES POSTURES DE L’ÉTUDIANT

De la relation dans un métier à l’humain à un métier humain de la Relation Dans le cadre de la formation infirmière, l’étudiant expérimente une double position, ce qui peut parfois être déstabilisant. Tout d’abord celle d’étudiant, par laquelle il se retrouve à la fois dépendant et autonome, soumis au regard des professionnels pour construire ses compétences, dont l’évaluation porte sur les performances réalisées lors de la mise en œuvre des attendus professionnels332. Nous avons vu la difficulté pour l’étudiant d’avoir des repères dans ses apprentissages, puisqu’il existe plusieurs modèles professionnels, identiques dans le respect des principes et singuliers dans la manière de les mettre en œuvre dans une situation toujours unique. L’étudiant se trouve aussi dans la position de futur professionnel, responsable de ses actes face à des patients qui le considèrent comme soignant. Si l’étudiant est dépendant du regard de son référent dans la relation pédagogique et si le patient peut être dépendant du regard de l’étudiant dans la relation de soin, la Relation se construit dans une interaction où la réciprocité et la récursivité sont présentes. Si le pouvoir peut appartenir au référent, dans le cadre de l’évaluation et de la validation de sa formation, l’étudiant peut devenir détenteur d’un certain pouvoir sur le patient. Interroger ces deux relations asymétriques et leur expérimentation en formation, peut permettre à l’étudiant de prendre conscience des nombreux enjeux d’alternances qui les traversent, entre évaluation et validation, exigence et progression, dépendance et autonomie, pouvoir et liberté. Comment penser cet espace de rencontre où se joue la Relation, qu’elle soit pédagogique ou de soins, pour qu’il participe de la construction professionnelle de l’étudiant, dans une interaction et une intersubjectivité ? Comment l’expérimentation de la Relation en tant qu’étudiant et futur professionnel, en formation en alternance, peut l’aider à devenir un soignant professionnel capable d’exercer un métier humain de la Relation ? 

La relation pédagogique

Les référents tous infirmiers, une spécificité à défendre ? 

La particularité des formations professionnelles paramédicales est que les formateurs sont tous issus de filières paramédicales et, si leur formation initiale et leur exercice professionnel en tant que pairs peuvent être un atout par la connaissance des réalités du métier, exercer en IFSI implique une formation spécifique333. Les formateurs ont pu ainsi dépasser cette fonction de « monitrices d’écoles infirmières qui n’enseignent pas aux élèves infirmières à devenir des infirmières » 334 (Lanriec, 1992, p.55), uniquement fondée sur la reproduction de leur exercice professionnel. Mais ils peuvent rester sur une approche dite théorique de la pratique et parfois dans la seule transmission de leurs expériences soignantes en tant que doxa (Perrenoud, 2001d)335 . Or l’intérêt d’une formation en alternance est d’accompagner l’étudiant dans une réflexion sur l’écart, pour ne pas rester sur un apprentissage qui se centre sur la connaissance des protocoles et procédures, en dehors de tout contexte d’adaptation. « L’alternance permet d’apprendre ce qui ne s’enseigne pas à l’école » (Geay, 1998, p.29) dans la mesure où en situation l’étudiant cherche à identifier ce qui pose problème avant de le résoudre, en tenant compte des ressources à sa disposition. Pour l’étudiant, il ne s’agit pas d’imaginer une solution idéale, en dehors de tout impératif professionnel et de toute contrainte, revenant à nier la complexité. Il va chercher à adapter sa réponse en fonction des possibilités offertes par le contexte, en mobilisant dans l’instant plusieurs ressources pour « inventer, reconstruire, innover » (Le Boterf, 2000, éd.2010, p.38), dans une adaptation singulière à la situation, au-delà de l’application des procédures. Ainsi il ne s’agit pas de nier certains paradoxes en formation initiale professionnelle infirmière336, puisque « la force du paradoxe (…) réside dans l’inachèvement et dans le surgissement de l’inattendu qu’il contient et qu’il permet » (Lerbet-Sereni, 1997a, p.103). En acceptant les paradoxes en formation, l’étudiant construit son parcours en formation en restant attentif à ses besoins et aux exigences liées au niveau de formation attendu, accompagné par l’ensemble des référents qui participent à sa construction professionnelle, tant à l’IFSI qu’en stage337. Pour donner à l’étudiant des repères et l’accompagner dans ce parcours, un formateur responsable du suivi pédagogique est désigné pour le suivre, soit durant une année, soit durant les trois années selon le choix des IFSI. 

Quel sens donner à la relation pédagogique ?

 Pour favoriser son intégration, les référents peuvent donner à l’étudiant les codes, dans le cadre du fonctionnement du service ou du règlement intérieur de l’IFSI.De même lui préciser dès le début du stage et lors de chaque mise en œuvre d’unités d’enseignement, les exigences et les incontournables pour « agir », « comprendre » et « transférer » 340 dans une construction des compétences professionnelles, participe de l’encadrement de l’étudiant. Enfin prendre le temps, à travers le dialogue et les analyses de pratique  d’expliciter les choix réalisés au regard de la situation contribue à sa formation. Les différentes postures du tuteur , entre « intégrer », « encadrer » et « former », qui s’appliquent à l’ensemble des référents, participent du sens donné à la pratique, débordant toute doxa unique. Accepter les écarts en formation et créer des espaces où ils vont pouvoir se dire, se questionner et devenir source d’une construction professionnelle singulière, invite l’étudiant à devenir un soignant professionnel, attentif à la subjectivité de chacun, au-delà d’être un professionnel de soins, capable de réaliser des soins de qualité. Ainsi, la relation entre un référent et un étudiant peut être entendue comme un espace à investir, dans une « réciprocité récursive »   (LerbetSereni, 1997a, p.153). La possibilité pour l’étudiant d’analyser ce qui fait écart pour lui, l’amène à interroger le hors-cadre, qui n’apparaît pas comme un interdit mais comme une compétence à utiliser le cadre, les attendus pour s’adapter dans une ouverture aux possibles. Ces espaces favorisent le maintien d’un système vivant, dans une clôture opérationnelle pour accepter le déséquilibre  à partir duquel naît le mouvement, dans une Relation à autrui et à soi où chacun peut co-émerger. Le référent, par une relation pédagogique à l’étudiant réciproque, lui permet de se reconnaître en tant qu’ipséité , acceptant de ne pas tout savoir d’autrui et inversement. Cette relation existe à travers e dialogue où peuvent se dire les paradoxes, dans une relation Amour-Agapè346 , relation paradoxale où coexistent permanence et changement, relation et séparation (Lerbet-Sereni, 2003). Pour Liiceanu (1994, éd.1997, p.115) la relation pédagogique est le lieu « où le pouvoir s’exerce en vue d’une émancipation finale (…) », et cette séparation permet à l’étudiant de devenir un professionnel, en tant que pair reconnu, intégrant cette dimension de la Relation en tant que relation/séparation (Lerbet-Sereni, 1997a). Il ne s’agit alors plus de reproduire un modèle, qui ne serait qu’une représentation limitée de la profession, mais de produire un agir porteur de sens, dans une énaction347 à travers laquelle l’étudiant dit son engagement et sa responsabilité ainsi que son art soignant. Cependant appréhender la complexité de la relation pédagogique n’est pas évident lorsque les enjeux de la formation en alternance restent ceux d’une validation de l’ensemble des compétences, tant à l’IFSI qu’en stage, pour l’obtention du diplôme. Dans le cadre de la formation infirmière, les étudiants ont la possibilité d’expérimenter la posture d’encadrant auprès d’autres étudiants en santé au cours de leurs stages et de l’UE 3.5 S4348, construisant ainsi la compétence 10349 . Les étudiants peuvent appréhender par cette expérience et à travers les connaissances abordées, qu’être référent (soit en tant qu’encadrant de proximité, soit en tant que tuteur)350 ne s’improvise pas et ne se base pas uniquement sur la spontanéité ou la bonne volonté du professionnel.

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