Les enjeux d’un développement professionnel

La capacité de professionnels à déceler le potentiel de leurs situations de travail et à le réaliser

Dans le précédent article nous avions une approche assez générale du développement professionnel, sans d’ailleurs le mettre en débat quant à sa définition et ces processus, même si nous mettions en avant qu’il est observable à travers une redéfinition des buts de l’action et des opérations (contrôle, exécution, orientation) dans une longitudinalité associant temps formatif et temps d’expérimentation. Mais que se passes-t-il comme apprentissage en situation de travail et par les situations de travail ? Dans ce chapitre, nous approfondissons cette question. Nous questionnons le levier des situations potentielles de développement organisé pour un développement des compétences d’un individu. Nous identifions dans un premier temps que les mises en milieu construites sur le terrain, à partir de conditions apprenantes identifiées par les conceptrices-animatrices, se révèlent comme situation potentielle de développement pour les participants. Dans un second temps, nous identifions des mises en milieu construites par les conseillers pour leurs agriculteurs, issu de la manière dont ils se sont approprié les mises en milieu et les apprentissages vécu en collectif.  En cela, nous interrogeons le pouvoir développemental des situations potentielles de développement. Pastré (2011) mentionne que les apprentissages sont un processus organisé plutôt cumulatif alors que le développement « se produit par des changements brusques, que Vygotski qualifie d’expérience-déclic et qui prennent au sein même de l’apprentissage » (1997, p347). Cet article s’intéresse aux apprentissages qui peuvent être réalisé lors d’expérience- déclic que nous qualifions de situations potentielles de développement au regard des apprentissages et effets développementaux qu’elles engendrent pour les conseillers agricoles. Ainsi la capacité des conseillers à potentialiser leurs situations d’interaction avec les agriculteurs, à propos de la conduite de l’agroécosystème, et la façon dont ils accompagnent les agriculteurs vers des pratiques plus agroécologiques est notre porte d’entrée. Nous analyserons la façon dont cette capacité se développe au cours du temps par l’élargissement de leur compréhension des dimensions agissantes des situations et le développement de  compétences d’enquête par la construction d’indices pour les analyser, afin de tenir conseil avec les agriculteurs.

Les enjeux d’un développement professionnel pour ceux qui sont engagés dans des relations de service, ont déjà été abordés sous l’angle des processus de réélaboration pragmatique qui ont lieu (Mayen, 1999). C’est le cas par exemple des travaux de Mayen sur les garagistes qui changent leur conception du véhicule quand ils passent de l’atelier à la réception du client (1997). Toutefois, la diversité des situations de services (Cerf & Falzon, 2005) et des enjeux de transformation de ces situations auxquels les professionnels ont à faire face restent peu traités. Nous proposons ici de nous intéresser à la façon dont des professionnels, un prestataire et un bénéficiaire engagés dans une relation de conseil, reconfigurent leurs situations de travail et leur activité conjointe pour traiter de nouveaux enjeux à intégrer dans l’activité du bénéficiaire comme du prestataire. C’est ce processus de reconfiguration des situations et les possibilités d’un apprentissage en situation, que nous questionnons ici. Nous avons abordé cette question dans un univers en pleine mutation : le monde agricole et les recompositions qui sont à l’œuvre dans la relation de conseil technique et agronomique pour intégrer les enjeux environnementaux et plus globalement de durabilité dans le cadre d’une transition de l’agriculture vers l’agro-écologie.

Les évolutions environnementales, les aléas climatiques plus présents et plus intenses, la réglementation, la pression financière, la pression sociétale, la fin du « tout chimique », (ré)orientent le modèle agricole dit conventionnel vers des modèles de production inscrits dans un processus de transition agroécologique (Compagnone, Auricoste, & Lémery, 2009). Pour autant, cet enjeu de transition agroécologique ne dessine pas une orientation à suivre clairement définie (Rémy et al., 2006) d’un nouveau modèle de production répondant à ces différentes problématiques, mais dessine une diversité de modèles de production y répondant chacun à leur manière. Si les agriculteurs sont en premier lieu concernés par cet enjeu, d’autres métiers et activités, comme les situations de travail s’y rattachant, évoluent  (Coquil et al., 2018). C’est le cas en particulier du métier de conseiller agricole qui reste un des interlocuteurs privilégiés des agriculteurs qui souhaitent s’engager dans de nouvelles façons de produire, le fameux « produire autrement » porté par le Ministère de l’Agriculture à partir de 2012.

 

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