LES ESPACES PÉRIPHÉRIQUES À L’ÈRE DE LA GLOBALISATION

LES ESPACES PÉRIPHÉRIQUES À L’ÈRE DE LA GLOBALISATION

Il a été question, dès l’introduction de cette thèse d’espaces périphériques du monde. Or la périphérie, hors de son sens commun géométrique, est un concept géographique et à ce titre se doit d’ tre explicité. En géographie, périphérie et centre forment un couple, uni par des relations dissymétriques de domination et de dépendance. Si ce couple conceptuel est si important pour la géographie, c’est parce qu’il s’intéresse avant tout à la différenciation spatiale et analyse volontiers les causes des inégalités territoriales. Le géographe, à l’aise avec les échelles, sait que le rapport centre-périphérie peut s’étudier à divers niveaux géographiques, depuis l’intra-urbain jusqu’au niveau du système-monde, en passant par des échelles mésos système de villes, provinces d’un pays autour d’une capitale, etc. . Cette propriété géographique de l’espace favorise le développement du capitalisme et ce dernier produit volontiers ce couple centre-périphérie afin d’assurer sa reproduction élargie. Mais le concept de centre-périphérie peut dépasser la dualité de son horizon relationnel. Le centre domine souvent plus d’une périphérie, c’est une situation banale. Cependant, une périphérie peut aussi être dépendante de plusieurs centres, du moins plusieurs centres peuvent se disputer sa domination. Dans ce cas, une approche systémique s’impose. La définition de centre-périphérie proposée par le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés (Lévy, Lussault, 2003) prend des allures systémiques : « Le couple centre/périphérie est utilisé pour décrire un système spatial fondé sur la relation inégale entre deux types de lieux ». Centres et périphéries se conjuguent plutôt au pluriel et des auteurs en ont même fait des typologies. L’historien Fernand Braudel a plutôt évoqué ce couple centre-périphérie à partir des espaces de domination. Lorsqu’il fixe ses règles pour évoquer son concept d’économie- monde à partir de son ouvrage majeur Civilisation matérielle et capitalisme comme à travers l’étude de l’exemple italien (Braudel, 1979 et 1994 , l’unique pôle dominant occupe la place centrale. Ce pôle s’appuie sur un réseau de pôles dominés dont le rôle est de constituer des relais pour administrer tous les espaces composant l’économie-monde. Comme il ne peut y avoir qu’un seul pôle dominant, l’auteur décrit une sorte de longue rotation des pôles au fur et XIVe au XIXe siècles. Ainsi Venise, premier pôle dominant du capitalisme européen va céder sa primauté à Anvers qui perdra son hégémonie au profit de G nes, puis d’Amsterdam, Londres et enfin New-York.

Les auteurs de Le Monde, Espace et Systèmes (Durand, Lévy, Retaillé, 1993) proposent une typologie des espaces dominés : les périphéries intégrées sont de petits espaces qui profitent par proximité des bienfaits du centre où sont accumulées les richesses, le savoir, les capacités d’apprentissage, d’innovation, etc. ; les périphéries annexées reçoivent les activités dont les centres ne veulent plus ; la plupart des espaces font partie de l’immensité des périphéries exploitées au profit des centres. Les espaces périphériques du monde dont il est question dans cette thèse, et en particulier la Bolivie, font partie de ce groupe des périphéries exploitées. Enfin, le dernier groupe, composé essentiellement de pays africains, qui forment un type de périphéries délaissées, parce qu’ils n’ont pas grand-chose à offrir aux centres. Le monde que décrivent les auteurs n’est plus celui divisé en économies- mondes de Fernand Braudel. C’est un monde unifié multipolaire. Entretemps, le géographe Alain Reynaud s’est fait précurseur en géographie dans l’exploration du couple centre- périphérie (Reynaud, 1981). Sa typologie est bien plus détaillée (Hyper-centre, centre dominant, périphérie intégrée-exploitée, périphérie intégrée-annexée, associat, périphérie dominée, périphérie délaissée, périphérie qui compte sur ses propres forces, isolat). La préoccupation de l’auteur est la justice socio-spatiale s’appuyant sur la notion de classe socio- spatiale, puisque l’espace est économiquement et statutairement discriminant. Pour cela, il développera des exemples à partir d’ensembles nationaux France, États-Unis, URSS). Puisque, selon F. Braudel, le couple centre-périphérie est lié au développement du capitalisme, il est naturel que la théorie marxiste se soit emparée de ce concept dual pour mettre à jour les systèmes de domination et de dépendance pérennisés. Ce sont des économistes spécialistes du développement inégal (Raul Prebisch, Hans Wolfgang Singer, Samir Amin qui vont s’appuyer sur le couple centre-périphérie pour développer leur thèse de la dépendance, de l’échange et du développement inégal du point de vue des espaces dominés. À contre-courant des thèses évolutionnistes en économie comme celle de Rostow, ces auteurs insistent sur la dimension structurelle du développement inégal, de l’impossibilité du rattrapage et prône de ce fait une rupture avec les espaces dominants.

 

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