Les facteurs de réussite d’une étude de faisabilité: une étude exploratoire

Certaines études traitant des insuccès des projets estiment qu’en Amérique du Nord, le coût associé à l’échec des projets pourrait excéder annuellement la somme de cent milliards de dollars (O’Shaughnessy, 1992). Les causes reliées à une telle situation peuvent être multiples, mais Metivier (1991) pense que ces échecs sont très souvent liés à l’organisation et à la gestion de projet, plutôt qu’à des raisons techniques. Par exemple: des salles de contrôle neuves mais trop petites, des systèmes de conduites automatisées ne répondant pas aux besoins d’exploitation, des installations mal implantées entraînant des difficultés de maintenance, etc.

À cette liste pourrait s’ajouter le manque de précision d’informations, la présence d’évènements non prévus, la mauvaise estimation en termes de coût et de délai, et d’autres échecs liés à la phase de faisabilité. (O’Shaughnessy, 1992). Le cas de l’échec du projet de prolongement du métro Laval en est un exemple, et d’après la vérificatrice générale du Québec, madame Paradis (Assnat, 2007), les origines de l’échec de ce projet sont :
• une mauvaise estimation des coûts du projet;
• l’absence d’une documentation bien structurée reliée à la phase de la faisabilité du projet;
• les décisions qui ont été prises concernant le lancement du projet mais qui n’ont pas été supportées par des documents qui expliquaient le détail du projet.
• l’insuffisance de l’information liée à la phase de la faisabilité.
• l’attribution de tous les travaux d’ingénierie, d’approvisionnement et de gestion de la construction à un gestionnaire unique.

En d’autres telmes, l’échec de ce projet (et de plusieurs autres) remonte principalement à la mauvaise qualité de son étude de faisabilité, c’est-à-dire une étude de faisabilité qui manque de rigueur, de précision d’information, et surtout qui n’a pas atteint ses objectifs. D’après Belzile (1994), l’étude de faisabilité est avant tout un processus d’acquisition d’informations qui a pour but d’alimenter généreusement la décision de rejeter tôt des projets non profitables, et de renseigner et de définir rigoureusement les projets qui le sont.

LA PHASE DE CONCEPTION DU PROJET 

En gestion de projet, le Guide Officiel du Project Management Boby of Knowledge (PMBOK) (2004) défini un projet comme une entreprise temporaire mise en œuvre en vue de créer un produit ou un service unique, il est défini comme une suite de tâches liées entre elles, limitées dans le temps et qui tendent vers une finalité (Genest et Nguyen, 2002). Cette limitation dans le temps est appelée cycle de vie du projet, et elle se définit également par l’enchaînement dans le temps des étapes et de leur validation entre l’émergence d’un besoin ou d’une idée de projet jusqu’à la remise du livrable (PMBOK, 2004), (Souder et Sherman, 1994). Le cycle de vie d’un projet se découpe en plusieurs phases, chaque phase est marquée par l’achèvement d’une ou de plusieurs activités, et par conséquent, une revue d’un livrable (une étude de faisabilité, un plan de projet, un prototype en ordre de fonctionnement, etc.) (Genest et Nguyen, 2002).

Notons que le découpage d’un cycle de vie d’un projet varie selon la nature et la complexité du projet, c’est à dire, plus le projet est complexe plus les étapes de son cycle de vie sont nombreuses. Selon plusieurs auteurs (Clifton et Fyffe, 1979; Genest et Ngyuen, 2002; O’Shaughnessy, 1992; Meredith et al., 2000; Cleland, 1999), le nombre de phases dans un cycle de vie d’un projet varie généralement entre 3 à 6 phases, dépendamment de la nature du projet et de la vision de l’auteur envers les caractéristiques liées à un type particulier de projet. Le professeur O’Shaughnessy (1992) propose un découpage générique qui peut convenir à la plupart des projets. Ainsi et à l’image de simplicité et la généralité cette approche, nous retenons par cette recherche le découpage qu’il nous propose à savoir:
• la phase conception et évaluation du projet;
• la phase planification détaillée du projet;
• la phase réalisation, suivi et contrôle du projet;
• la phase exploitation et évaluation de la performance du projet.

Pour avancer progressivement dans la définition d’une étude de faisabilité, nous allons consacrer ce premier chapitre à une brève description de la phase de conception et d’évaluation de projet; ainsi que la définition de ces composantes.

Phase conception et évaluation du projet 

L’objectif de cette phase est de concevoir et d’analyser une idée de projet en vue de donner naissance à un projet en santé, c’est à dire un projet réalisable, faisable, prometteur, rentable, courant le minimum de risques, et utilisant un nombre optimal de ressources (Gray et Larson, 2006). Toutefois, cette phase peut mener à l’abandon du projet en cas de conclusions négatives concernant la suite à donner au projet, par exemple, la divergence entre le but du projet et la stratégie du producteur, ou alors l’impertinence du concept du projet.

De ce fait, cette phase du projet est la plus importante en termes de collecte de données, car c’est grâce aux informations produites à la fin de cette phase que d’une part le projet est défini, et d’autre part le promoteur peut se prononcer sur les suites à donner au projet, et passer à la prochaine étape si les recommandations sont positives (Kerzner, 1979). La phase conception et évaluation de projet (figure 1) est constituée de trois sous phases:

• identification et définition du projet.
• analyse de pré-faisabilité et présélection des projets.
• analyse de faisabilité du projet.

Identification et définition d’un projet

L’identification d’une idée de projet constitue l’évènement qui déclenche la première activité dans le processus de conception du projet. Dans la pratique, les sources d’idées se divisent en deux catégories: la première englobe les sources d’idées internes à l’entreprise, par exemple, les idées issues d’un laboratoire de R&D, les services de marketing, le conseil d’administration, les employés, un besoin urgent ou non (le cas de l’innovation à l’interne), une amélioration à un procédé de fabrication, etc. La deuxième catégorie regroupe les sources d’idées externes à l’entreprise, par exemple, une demande d’,un client, les pratiques des concurrents, les nouvelles exigences réglementaires, etc. (O’Shaughnessy, 1992; Le Nagard-Assayag, 2005). Quant à la définition du projet, elle permet de clarifier l’idée proposée en définissant les extrants, les intrants, les buts, une identification des risques, et une recommandation expliquant clairement pourquoi le promoteur doit poursuivre les analyses de ce projet.

Dans la pratique, toutes les idées de projet ne peuvent faire l’objet d’une étude de faisabilité ou même d’une étude de pré-faisabilité. C’est pour cette raison que l’entreprise doit définir des méthodes simples de priorisation pour éliminer les idées ne rencontrant pas certains critères préétablis permettant de choisir rapidement les meilleures. Une méthode simple de priorisation consiste à trouver des réponses à des questions fondamentales telle que :
• est-ce que l’idée apporte une plus value à l’entreprise? Si oui, laquelle?
• est-ce que l’idée a une chance de réussir?
• est-ce que l’idée correspond à ce que l’entreprise sait, veut et peut faire?

Il est recommandé (Innov, 2008) de ne pas écarter les idées non retenues, mais de les formuler, les faire évoluer, et conserver les raisons pour lesquelles elles n’ont pas été poursuivies, afin qu’elles puissent ultérieurement être réutilisées. En effet, un changement important dans l’environnement de l’entreprise en termes de conditions de marché ou en termes d’évolution technologique, peut modifier le statut d’une idée et la rendre plus opportune qu ‘au moment de sa naissance. De même, l’idée qui au départ paraissait la plus pertinente, peut s’avérer trop risquée ou difficilement réalisable, suite aux conclusions de l’étude de faisabilité.

La définition d’ ‘Jn projet reste une étape très importante, l’un des textes fondateurs sur les études de faisabilité postule que l’échec d’un projet résulte principalement d’un contenu mal défini (Clifton et Fyffe, 1977). En effet, c’est à la définition du projet que dépend toute la suite des opérations, tâches, et processus. Il est important donc de communiquer la définition d’une idée à tous les secteurs de l’entreprise, entre autre l’équipe chargée du développement, du management, et toutes les autres équipes. De même, il est important de mettre en présence toutes les intelligences susceptibles de critiquer, d’enrichir, et de valider l’idée nouvelle qui peut être au départ, une simple intuition abstraite ou une hypothèse fonctionnelle d’une nouvelle technologie, produit ou processus (Morley, 2004; Kerzner, 1979; Knutson, 2001).

Table des matières

INTRODUCTION GÉNÉRALE
CHAPITRE 1 LA PHASE DE CONCEPTION DU PROJET
1.1 Introduction
l.2 Phase conception et évaluation du projet
1.2.1 Identification et définition d’un projet
l.2.2 L’analyse de pré-faisabilité et présélection des projets
1.3 Conclusion
CHAPITRE 2 CADRE CONCEPTUEL D’UNE ÉTUDE DE FAISABILITÉ
2.1 Introduction
2.2 Faisabilité du marché
2.3 Faisabilité technique
2.4 Faisabilité organisationnelle
2.5 Faisabilité de l’environnement socio-économique
2.6 Faisabilité juridique
2.7 Gestion des risques
2.8 Faisabilité et rentabilité financière
2.9 L’études de faisabilité : la synthèse
2. 10 Conclusion
CHAPITRE 3 APPROCHES DES ÉTUDES DE FAISABILITÉ EXISTANTES
3.1 Introduction
3.2 Modèle séquentiel linéaire
3.3 Modèle dynamique
3.4 Modèle par chevauchement
3.5 Modèle d’engagement progressif
3.6 Conclusion
CHAPITRE 4 MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
4.1 Problématique et questions de recherche
4.2 Analyse de la recension des écrits pour orienter nos travaux
4.2.1 La gestion d’ une analyse de faisabilité
4.2.2 La notion du travail d’équipe
4.3 Propositions (hypothèses) de recherche
4.4 La méthodologie de recherche et le cadre conceptuel
CHAPITRE 5 PHASE EMPIRIQUE
5.1 Échantillonnage
5.2 Collecte de données
5.3 L’analyse des données
5.4 Application de la méthode au contexte de notre recherche
5.5 Présentation des résultats
5.5.1 Qualité d’une étude de faisabilité
5.5.2 Facteurs contribuant à l’amélioration de la qualité d’ une étude de faisabilité
CHAPITRE 6 LIMITES DE LA RECHERCHE ET RECOMMANDATIONS
6.1 Les limites
6.1.1 Petite taille de l’échantillon et impossibilité d’ une généralisation .
6.1.2 Manque de fidélité de la méthode
6.1.3 Développement du concept de l’étude de faisabilité réductionniste
6.2 Les forces de l’étude
6.2.1 Échantillon soigneusement sélectionné
6.2.2 Lien intéressant entre les facteurs et la qualité des études de faisabilité
6.3 Perspectives de la recherche
CONCLUSION

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