Les fondements de la théorie de l’activité

Cours les fondements de la théorie de l’activité, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.

La deuxième génération

La théorie de l’activité s’est graduellement développée : « The first evident feature of these developments is the transition from an individualistic into a systemic, contextual or sociocultural view of creativity » (Miettinen, 2009, p. 173-174). Les travaux de Leontiev en sont particulièrement responsables (Barma, 2008!; Engeström, 2015!; Legras, 2007).
Pour Leontiev (1947/1976), le travail est ce qui distingue l’être humain des autres espèces animales, l’usage et la fabrication d’outils étant deux éléments interdépendants qui caractérisent cette activité. Le travail est d’abord vu comme une action entre l’homme et la nature, mais il peut s’effectuer « dans des conditions d’activité commune collective », de sorte qu’il constitue « un processus médiatisé à la fois par l’outil (au sens large) et par la société » (Leontiev, 1972/1976, p. 67). Leontiev (1972/1976) explique que le travail s’appuie sur la coopération entre les individus et qu’il s’agit, à l’origine, d’une activité sociale impliquant la division du travail : « À certains individus, par exemple, incombe l’entretien du feu et la préparation du repas, à d’autres, la recherche de la nourriture. Parmi les personnes chargées de la chasse collective, certaines ont pour fonction de rabattre le gibier, d’autres d’être à l’affut et de frapper » (1972/1976, p. 68). Dans ce cas, il n’est pas question d’activité individuelle, mais « de l’activité d’un individu dans le contexte plus large d’une activité mettant en relation plusieurs actants » (Barma, 2008, p. 150) : les membres d’une collectivité partageant ainsi la poursuite du même objet.
Leontiev (1972/1976) explique l’activité selon trois niveaux : l’opération, l’action et l’activité (figure 4). « Sous le niveau de l’activité et de l’action individuelle se trouve le niveau des opérations » (Legras, 2007, p. 11). Les opérations sont généralement inconscientes et automatisées : elles dépendent des conditions dans lesquelles se trouve l’individu (Legras, 2007). L’action, quant à elle, est orientée vers un but!; par son automatisation, elle peut devenir une opération qui est conditionnée par les conditions mises à sa disposition (Barma, 2008). Enfin, l’activité « est connectée à un objet et a une motivation » (Legras, 2007). En somme, « les activités sont réalisées au travers des actions, lesquelles se font par le biais d’opérations » (Lacasse, 2013). L’homme chargé de rabattre le gibier, par exemple, pose une action au sein de l’activité de chasse collective dont l’objectif est de se nourrir ou de se vêtir.
Figure 4. Niveaux de l’activité de Leontiev (1972/1976) selon Legras (2007)
Figure 5. Émergence de la médiation dans un système d’activité de Leontiev (1978) selon Bracewell et Witte (2003)
Même si « Leontiev never graphically expanded Vygotky’s original model into a model of a collective activity system » (Engeström, 2015), il contribua au travail de ses successeurs, notamment à l’élaboration d’un modèle mettant en relation l’individu, la population et l’environnement. La figure 5 présente ce modèle et se lit ainsi : entre l’individu et l’environnement, la médiation s’effectue par l’utilisation d’outils, entre l’individu et la population, elle se fait par le biais des règles alors qu’entre la population et l’environnement, c’est par la division du travail que s’opère la médiation (Bracewell et Witte, 2003). Le travail de Leontiev sera poursuivi dans la troisième génération de la théorie de l’activité.

La troisième génération de la théorie de l’activité

La troisième génération de la théorie de l’activité s’est majoritairement développée grâce aux travaux de Yrjö Engeström (2015). La théorie de l’activité a alors pris des dimensions internationale et multidisciplinaire (Engeström, 1999). Son déploiement a nécessité le développement d’outils conceptuels pour comprendre le dialogue de perspectives diverses et de réseaux d’interactions des systèmes d’activité : « When activity theory went international, questions of diversity and dialogue between different traditions or perspectives became increasingly serious challenges. It is these challenges that the third generation of activity theory must deal with » (Engeström, 2001, p. 135).
Engeström (2001) oriente la troisième génération de la théorie de l’activité par cinq principes. Le premier principe veut que le système d’activité, en relation avec d’autres systèmes d’activité, soit l’unité principale d’analyse : chaque système d’activité devant au moins interagir avec un autre système. Les actions individuelles ou de groupe orientées vers un but de même que les opérations sont relativement indépendantes, mais ne peuvent être interprétées et comprises que par l’entremise des interactions entre les systèmes d’activité. La figure 6 présente un système d’activité et ses différents pôles : le sujet, l’outil, les règles la division du travail, la communauté et l’objet. Le tableau 1 définit chacun de ces pôles (Engeström, 1987).
Figure 6. Système d’activité d’Engeström selon Class (2001)
Tableau 1 : Définition des pôles du système d’activité d’Engeström (1987) dans Lacasse (2013)
Le deuxième principe veut que le système d’activité rende compte de points de vue multiples, de traditions et d’intérêts variés. La division du travail dans une activité crée ces positions diverses chez les participants. Le système d’activité porte différentes couches qui se définissent distinctivement selon leur histoire, leurs règles, leurs artéfacts (les outils et les signes) et leurs traditions. L’interaction entre les systèmes d’activité multiplie la pluralité des voix. « Cet aspect multidimensionnel demande une bonne part de traduction et de négociation de la part de chaque participant » (Barma, 2008, p. 161). Legras (2007) résume bien ces deux premiers principes.
Un minimum de deux systèmes d’activité à la culture et aux traditions radicalement différentes interagissent sur la base d’un objet partagé. Il s’agit non pas de considérer l’évolution d’un système ou de l’autre, mais de prendre en compte cette diversité pour étudier les situations de dialogue, de perspectives et de positions, multiples, ou de réseaux entre des systèmes d’activités (Legras, 2007, p. 13).
La figure 7 illustre cette interaction entre deux systèmes d’activité par un objet partagé.
L’objet de chaque système d’activité passe d’un état initial (objet 1) vers un objet construit collectivement par le système d’activité (objet 2). Ce dernier est potentiellement partagé par les deux systèmes d’activité!; il est conjointement construit. L’objet de l’activité (objet 3) est amené à changer continuellement (Engeström, 2001).

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