Les fronts d’eau et la nature en ville en Europe

Les fronts d’eau et la nature en ville en Europe

Depuis des siècles, l’homme remanie les milieux aquatiques en réalisant différents aménagements : des canalisations en bétonnant les berges, des endiguements en augmentant la hauteur des berges pour éviter les inondations, des dragages pour approfondir le lit, des modifications du cours initial, des recalibrages en modifiant la profondeur et la largeur du lit. L’homme a également aménagé des installations nécessaires aux diverses activités en lien avec le milieu aquatique. Les objectifs de ces aménagements étaient multiples et paraissaient légitimes lors de leur réalisation : la protection contre les inondations, la lutte contre les érosions, le développement de la navigation fluviale ou encore la production d’énergie, l’irrigation ou l’alimentation en eau (site du CNRS). Au fil des années, les fonctions des fleuves et des rivières ont évolué. De zones économiques prospères, elles sont passées en friches industrielles ou portuaires, en zones délaissées et peu accessibles. Mais depuis une quarantaine d’années, le rapport à l’eau a changé. Les villes ont la volonté de retisser des liens nouveaux avec les fleuves afin de leur redonner une nouvelle fonction intégrée dans le fonctionnement de la ville. En effet, l’eau est la ressource fondamentale de la vie mais elle apporte aussi des bénéfices écologiques, économiques et sociaux pour les villes (Vasconcelos Silva, 2006). Ce retour vers le fleuve a débuté en Amérique du Nord puis s’est propagé en Europe occidentale. Les villes ont alors eu pour volonté de redécouvrir, requalifier ou réhabiliter leur fleuve. De nombreuses opérations de réaménagement des fronts d’eau ont alors été réalisées afin d’améliorer les liens entre la ville et le fleuve. « Le front d’eau est la zone urbaine en contact direct avec l’eau » (Pekin Timur, 2013). Diverses générations de projets se sont suivies dans le but de redévelopper les fronts d’eau. Dans les années 70, les villes souhaitaient redonner une nouvelle centralité au port, en réaménageant les friches portuaires en de nouvelles fonctions à la fois culturelles, touristiques mais aussi récréatives. Ceci permettait entre autre de contrer l’étalement urbain. Par exemple, Baltimore a choisi de reconvertir son port intérieur avec des fonctions commerciales et ludiques comme des marinas et des hôtels. Dans les années 80, les projets se sont surtout basés sur un développement économique comme par exemple l’Angleterre qui a choisi de redévelopper les 2000ha de docklands de Londres en une zone pour les entreprises avec des avantages fiscaux et une zone de résidences haut de gamme, Canary Wharf. Dans les années 2000, les projets se sont diversifiés et touchent différents domaines tels que les loisirs, la culture, l’immobilier ou encore l‘économie. En effet, une ville de grande taille doit répondre aux exigences de nombreux usagers simultanément. La qualité d’une ville augmente lorsqu’une grande diversité d’activités peut avoir lieu simultanément et où les acteurs assument les responsabilités conjointement. Les raisons, plus actuelles, pour expliquer le retour vers le fleuve sont la montée des préoccupations pour la préservation de la nature et du paysage ainsi que l’amélioration des conditions esthétiques, sociales et écologiques de ces milieux endommagés. Pendant longtemps, la place de la nature dans le développement urbain a été ignorée puisqu’elle était considérée comme un artifice. Mais depuis une vingtaine d’années, certains ingénieurs montrent que la nature ne peut être séparée de la société. De plus, les citadins souhaitent de plus en plus de nature en ville dans le but d’améliorer la qualité de la vie urbaine. Certains engagements sont également pris dans cette même direction à l’échelle nationale. L’un des objectifs du Grenelle de l’Environnement est de valoriser et restaurer la nature en ville dans le but d’améliorer « l’adaptation au changement climatique, la réduction des pollutions, la maîtrise du ruissellement, la création du lien social et le maintien de la diversité biologique ». (DICOM – CGDD, 2010) Ce mémoire se concentre sur les fronts d’eau urbains et non sur les fronts d’eau ruraux afin d’étudier les enjeux pour les métropoles particulièrement concernées par ces questions. En effet, selon Pekin Timur 2 (2013), huit milliards de personnes dans le monde vivent actuellement dans les zones urbaines. Elles offrent des possibilités sociales et économiques et sont confrontées à des problématiques environnementales sur l’air, l’eau, la pollution sonore et le manque d’espaces verts. Il est prévu que d’ici la fin du 21ème siècle, les trois quarts de la population mondiale soient urbains. Ainsi, cette croissance va accélérer les effets négatifs existants sur l’environnement urbain (Vasconcelos Silva, op.cit.). L’aménagement des fronts d’eau est également une occasion de valoriser des zones délaissées depuis de nombreuses années pour diverses raisons. Les villes peuvent profiter de l’opportunité des projets de requalification pour revenir sur le devant de la scène internationale et pour se démarquer dans une compétition urbaine de plus en plus rude, en réalisant des projets ambitieux et innovants. Elles peuvent se servir de ce prétexte pour mettre en place une stratégie de communication tout autour d’un projet d’aménagement pour attirer des touristes, des futurs habitants ou des entreprises et gagner ainsi en attractivité. La mise en place de projets œuvrant pour la préservation de l’environnement est une bonne occasion de se mettre en valeur comme par exemple la ville de Bordeaux qui souhaite élever deux tours en bois de cinquante mètres, le premier projet Européen de ce type. Il existe d’autres projets comme le quartier zéro émission à Valenciennes, le projet de l’île Marie Galante aux Antilles qui souhaite devenir une île de tourisme durable (Boëdec, 2016) ou encore le projet de pont aménagé en parc à Londres (AFP, 2014) Ainsi, ce mémoire se propose d’étudier la question de la revalorisation et de la requalification des fronts d’eau urbains par la nature en se limitant à l’échelle Européenne. De quelle manière la revalorisation des fronts d’eau urbains peut-elle être réalisée grâce à la nature en Europe ? Comment l’aménagement des fronts d’eau par des espaces naturels peut-il constituer une vitrine d’une ville et lui redonner une image valorisante ? Pour répondre à cette problématique, le plan choisi est basé sur une première partie consacrée à une analyse des généralités des fronts d’eau. Ils seront étudiés dans un cadre général et théorique. Cette analyse pose les enjeux de la requalification des fronts d’eau, les processus de revalorisation, l’histoire des fronts d’eau et des exemples de choix d’aménagement. Elle aura pour but de dégager une ou plusieurs hypothèses. Puis dans une seconde partie, la méthode réalisée sera présentée avec les différents choix méthodologiques réalisés que ce soit au niveau des outils de recherches ou des critères d’analyse. Cette partie aura également pour sujet de présenter le cas d’étude choisi pour répondre à la problématique. Elle permettra aussi de situer et d’exposer les différents sites d’étude. Dans une dernière étape, les cas d’étude seront analysés plus précisément pour répondre à l’hypothèse émise. Elle montrera les différents résultats ressortant de l’analyse effectuée en suivant la méthodologie présentée précédemment. Enfin, la conclusion permettra de discuter de l’analyse dans un contexte plus général et d’élargir sur des poursuites à ce mémoire

QU’EST-CE QU’UN FRONT D’EAU ?

 Le front d’eau « désigne une urbanisation linéaire à vocation touristique localisée sur des rivages marins, lacustres ou fluviaux, dans des zones urbaines, périurbaines ou en zone rurale. La configuration du front d’eau peut varier dans des proportions notables depuis le « mur de béton  » quasi-continu à l’alternance plus ou moins planifiée d’agglomérations et de zones non urbanisables ne passant pas par diverses combinaisons intermédiaires » (GéoTour) Les fronts d’eau sont vus différemment selon que nous nous plaçons à l’échelle de la planification ou bien à l’échelle de l’urbanisme opérationnel. En effet, selon la première, il peut être réduit à une « ligne de partage entre les différentes vocations des espaces », il peut représenter une ligne de contact entre les espaces agricoles, naturelles, forestiers et les espaces urbains. Mais il peut également englober les parcelles construites et ouvertes, les réseaux hydrographiques, viaires et écologiques à l’échelle de l’urbanisme opérationnel. Le front d’eau devient alors un espace de dialogue entre les différentes entités. (IAU-IDF, 2015) Les fronts d’eau peuvent se situer au niveau de deltas, de zones humides, de fleuves, des côtes, de plages ou de dunes. (Azlina Binti Md, 2011). Il existe cinq catégories de fronts d’eau (Pekin Timur, op.cit.) : les zones situées sur la péninsule, dans une baie, sur les rives d’une rivière, sur les rives de rivières qui se croisent ou encore sur une grande étendue d’eau. La forme du rivage a une influence sur l’impact des fronts d’eau sur la ville. Les villes sur une côte, sur une péninsule ou au niveau d’un croisement de rivières, peuvent bénéficier d’une longueur de côte importante et leur centre-ville reste proche du fleuve. Les fronts d’eau possèdent différentes caractéristiques (Ibid). Ils regroupent deux éléments essentiels qui sont l’eau et la terre. Mais l’eau peut être aussi une rivière, un lac ou une mer. Le secteur riverain peut être soit une zone portuaire historique, soit une zone urbaine à proximité de l’eau et destinée à d’autres usages. Le front d’eau doit permettre des interactions entre la population, la nature et l’eau. Un front d’eau – dans certaines conditions, telle qu’une zone humide artificielle ou non- peut également agir comme espace naturel de défense contre les inondations qu’elle peut écrêter, l’érosion en jouant un effet tampon, ou encore un réducteur de pollution. 

LES FRONTS D’EAU CONFRONTES A DE NOMBREUX ENJEUX 

Au cours de ces dernières années, le développement des fronts d’eau a évolué et de nouvelles raisons de réaménager les fronts d’eau ont été mises en évidence. L’objectif des réaménagements des fronts d’eau est d’intégrer l’eau avec la ville (PekinTimur, op. cit.), de révéler, rendre accessible et utilisable ces espaces si longtemps délaissés. Ainsi, selon Lechner (2006), Pekin Timur (op.cit.) et Azlina Binti Md (op.cit.), les enjeux des fronts d’eau sont multiples.

 SOCIETAUX

Rendre à nouveau les berges disponibles et accessibles au plus grand nombre Les fronts d’eau ne doivent pas être isolés. Le public qui comprend les habitants et les touristes doit pouvoir accéder aisément à l’eau à la fois visuellement et physiquement. Des couloirs de vue peuvent être créés et l’accès aux piétons doit être une priorité grâce notamment à des chemins piétons et des espaces ouverts1 . L’accessibilité à l’eau peut être évaluée de trois manières : la connexion des fronts d’eau avec la ville, la continuité avec les zones inter-fronts d’eau et la connexion du front d’eau avec l’eau. 1 Dans ce mémoire, la notion d’espaces ouverts englobera les espaces non bâtis et non imperméabilisés soit l’ensemble des 4 Développer de nouveaux loisirs et des zones récréatives La proximité avec l’eau offre de nombreuses possibilités pour le développement d’activités de loisirs et de divertissement. Les fronts d’eau contribuent au bien-être humain directement et indirectement grâce à la création d’espaces réservés aux activités de loisirs : promenades, parcs, équipements de sports nautiques. Ils permettent aussi d’améliorer la qualité de vie des citadins, ce sont également des éléments unificateurs.

ECONOMIQUES

Trouver un équilibre entre l’intérêt public et la rentabilité économique Les réaménagements des fronts d’eau permettent de créer de nouvelles activités. Ils peuvent également devenir des zones économiques importantes notamment pour le transport mondial. Mais il est important de garder un équilibre entre l’intérêt de la population et le développement économique. Permettre le développement du tourisme industriel La revitalisation des fronts d’eau peut être aussi l’occasion de permettre la croissance du tourisme industriel et du tourisme d’entreprises. Il est important d’attirer de nouveaux investisseurs privés ou publics. 

CULTURELS

Intégrer l’identité historique au développement des fronts d’eau Le patrimoine historique et culturel devra être pris en compte et mis en valeur dans les projets de réaménagement. Par exemple, dans le cas des villes portuaires, il est important de conserver le passé industriel. 

URBAINS

Réintégrer les fronts d’eau dans le tissu urbain existant Les projets de réaménagement des fronts d’eau doivent permettre la reconnexion avec les parties existantes et doivent contribuer à la vitalité de la ville. Les fronts d’eau doivent intégrer des quartiers voisins dévalorisés de la ville, restructurer la ville et les relations entre la ville et l’élément aquatique. Recomposer les espaces délaissés De nombreux bâtiments sont vacants, en friche, abandonnés au niveau des fronts d’eau, ce qui provoque une baisse de la valeur immobilière et le développement d’activités criminelles. Le réaménagement de ces bâtiments permet de préserver des éléments qui font partie de l’histoire de la ville ou du pays. Développer l’accessibilité des fronts d’eau par de nouveaux moyens de transport Le réaménagement des fronts d’eau peut permettre d’utiliser les voies d’eau comme un nouvel axe de transport collectif. 

ENVIRONNEMENTAUX 

La préservation des écosystèmes diversifiés Les fronts d’eau sont des zones dynamiques avec l’évolution fréquente des caractéristiques biologiques, chimiques, géologiques et hydro-géomorphologiques. Ils offrent des écosystèmes très diversifiés et des habitats pour de nombreuses espèces aquatiques. Il est donc nécessaire de les préserver. La lutte contre l’étalement urbain Les gouvernements commencent à prendre conscience du problème de l’étalement urbain et de la nécessité de mettre en place une croissance intelligente des villes. Pour cela, il est nécessaire de proposer une mixité des usages au niveau des aménagements mis en place, de développer des bâtiments compacts qui préservent l’environnement et les espaces ouverts. 5 Mais Vienne arrive-t-elle à répondre à ces différents enjeux dans ses différents projets de réaménagement des fronts d’eau ?

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