Les limites de la méthode de recours aux indicateurs au niveau éthique et moral

Les avantages de la méthode de recours aux indicateurs

Les intervenants pointent une multitude d’avantages inhérents à la méthode de recours aux indicateurs, qui se rejoignent le plus souvent. Selon Monsieur Guertin, gestionnaire local des indicateurs de l’Arrondissement judicaire de Forge, les services de police ont toujours travaillé avec des indicateurs, même avant la création de règles, car la base du travail de tout policier est de récolter des informations. D’abord, le premier avantage et le plus souvent mentionné par les intervenants est que les indicateurs apportent des informations dont la police n’a pas connaissance et sur lesquelles elle ne travaille pas, ce qui permet de mettre à jour des faits délictueux méconnus des enquêteurs. L’information étant la base du métier d’enquêteur, il est très intéressant pour la police d’avoir des contacts avec des personnes proches du milieu criminel. Madame Baron, magistrat en charge des méthodes particulières de recherche de Forge, ajoute que plus l’indicateur est proche du milieu criminel, plus il donnera des informations intéressantes. Selon Monsieur Mertens et Monsieur Aubin, officiers de police locale dans les zones de police Lauzier et Chastin, il est intéressant de pouvoir éventuellement attirer l’attention de l’indicateur sur un évènement qui intéresse la police, pour récolter une information plus ciblée.

En outre, beaucoup d’intervenants soulèvent que la méthode de recours aux indicateurs a un moindre coût par rapport à d’autres techniques, particulières ou non, ce qui la rend rentable au niveau du coût-bénéfice. En effet, il suffit pour le fonctionnaire de contact de récolter de l’information auprès d’un indicateur, ce qui constitue notamment une plus-value de la méthode par rapport aux autres méthodes particulières de recherche. De plus, comme le soulève Monsieur Lebel, fonctionnaire de contact à la zone de police Chastin, les fonctionnaires de contact peuvent opérer un suivi permanant d’un dossier grâce à un indicateur. Ensuite, la rapidité de l’obtention de l’information a souvent été mentionnée par les intervenants, ce qui résulte en un gain de temps. Selon Monsieur Aubin, une bonne information permet à un dossier de ne pas trop prendre en longueur, en perdant moins de temps sur des observations ou écoutes téléphoniques par exemple. En lien avec cette rapidité, les informations amenées par les indicateurs peuvent faire avancer une enquête à grands pas et la faire évoluer plus vite. Monsieur Lacroix, fonctionnaire de contact à la zone de police Bazin, avance que c’est la méthode qui apporterait le plus de résultats au niveau des saisies, des arrestations et des élucidations de dossiers.

Selon Monsieur Mertens et Monsieur Rimard, fonctionnaire de contact à la zone de police Ranteigne, les indicateurs sont les yeux et oreilles de la police. En effet, ces derniers ont accès à des milieux où il est très difficile pour la police de s’infiltrer, comme par exemple, le milieu du terrorisme. La méthode permet ainsi de recueillir des informations sur des milieux où il est difficile pour la police d’y pénétrer, même avec la méthode de l’infiltration policière. Il est pointé par Monsieur Mertens qu’un policier infiltré prendrait beaucoup plus de temps à récolter une information qu’un indicateur et avec plus de difficulté, ce qui mène une fois de plus à un gain de temps de la méthode des indicateurs. La plupart des intervenants ont soulevé que les informations apportées par les indicateurs sont souvent précises, mêmes si celles-ci sont à vérifier. Ces renseignements précis sur ce qu’il se passe dans le milieu criminel dont il est question ne seraient pas dévoilés en procédure ouverte.

Comme le mentionnent Monsieur Simard et Monsieur Cousteau, fonctionnaires de contact dans les zones de police Forge et Margende, ces renseignements peuvent éventuellement aboutir à la mise en place d’interventions, via des méthodes telles que l’observation ou l’écoute téléphonique, ou, comme le mentionne Monsieur Berger, fonctionnaire de contact à la zone de police Corteau, ces renseignements précis permettent parfois d’orienter l’enquête en cours. Ceci constitue donc également une plus-value de la méthode des indicateurs par rapport à d’autres techniques d’enquête. Toujours selon Monsieur Berger, joint par Monsieur Cousteau, les informations qu’un indicateur apporte en cours de dossier peuvent avoir un rôle de réactualisation des informations déjà disponibles. Monsieur Simard et Monsieur Girard, fonctionnaire de contact à la zone de police Chastin, ont pointé que les informations des indicateurs peuvent permettre de faire des liens entre les personnes impliquées dans des infractions ou entre des infractions.

De plus, Monsieur Girard mentionne que l’indicateur, étant proche du milieu criminel, peut être à l’origine d’informations qui permettent de comprendre la structure et la composition d’une organisation criminelle, renseignements qui manquent souvent aux enquêteurs. Comme le fait remarquer Monsieur Rimard, l’indicateur a une vision de l’intérieur du milieu alors qu’avec les autres méthodes d’enquête, ce n’est qu’une vision policière. Finalement, selon Monsieur Girard, le fait que les criminels utilisent des contre-mesures pour complexifier le travail des enquêteurs, par exemple au niveau des écoutes téléphoniques, donne du crédit à la méthode de recours aux indicateurs. L’on peut ajouter, comme le mentionne Monsieur Rimard, que c’est une méthode qui perdure dans le temps car l’indicateur est une source humaine ; la méthode se base donc sur la relation humaine et l’humain continuera à posséder des sentiments tels que le besoin de vengeance ou le comportement de « balancer » une personne. Par rapport à la filature ou l’écoute téléphonique, Monsieur Mertens mentionne que la plusvalue principale de la méthode des indicateurs par rapport à ces dernières est que les informations d’indicateurs peuvent être le point de départ d’une enquête et l’initier, tandis que les autres interviennent pendant la procédure.

Les limites de la méthode de recours aux indicateurs

Concernant les limites de la méthode de recherche de recours aux indicateurs, un certain nombre de problèmes liés à celle-ci ont été soulevés par les intervenants. Le principal problème soulevé par la majorité des intervenants est que la scission entre le recueil de l’information par le fonctionnaire de contact auprès de l’indicateur et la gestion de l’information par l’enquêteur en aval, prescrite par loi, est difficilement applicable et par conséquent parfois non appliquée dans plusieurs zones de police locales. En effet, il est prévu que le fonctionnaire de contact ne travaille pas sur les informations qu’il récolte auprès d’un indicateur, afin de rester objectif et neutre. Or, souvent, l’indicateur rapporte des informations à propos de divers domaines, dont celui qui concerne son fonctionnaire de contact. Selon Monsieur Girard et Monsieur Rimard, l’aspect problématique réside en le fait que le système veut que les fonctionnaires de contact soient enquêteurs, créant au policier une double casquette, ce qui risque de provoquer un conflit d’intérêt s’il travaille sur les informations qu’il récolte lui-même.

Ensuite, Monsieur Simard pointe une deuxième limite de la méthode relative au fait que certaines informations rapportées par les indicateurs ne peuvent être exploitées car cela mettrait en danger l’indicateur, si lui seul a connaissance de l’information qu’il rapporte par exemple. Ainsi, certaines informations ne peuvent être traitées. Madame Baron et Monsieur Lacroix ajoutent qu’il existe parfois une difficulté de faire entrer une information rapportée par un indicateur en procédure, soit car elle n’est pas utilisable, orientant simplement l’enquête, soit car elle établit un lien trop logique avec l’indicateur, risquant son anonymat. Monsieur Lacroix et Monsieur Guertin indiquent que le système de cette méthode de recherche de recours aux indicateurs est quelque peu hypocrite et ambigu. Ils expliquent que le fonctionnaire de contact a le devoir de dire à l’indicateur qu’il suit qu’il ne peut commettre d’infractions et ne peut être impliqué dans les faits qu’il dénonce, mais, se pose la question de savoir comment une personne faisant partie du milieu criminel ou étant proche de celui-ci peut obtenir des informations sans commettre d’infraction. De plus, lors du cadrage de l’indicateur, le fonctionnaire de contact ajoute qu’il ne veut pas savoir comment il a récolté les informations. Même si la méthode de recherche qui implique des indicateurs présente de nombreux avantages, l’information rapportée par ce dernier n’est pas un élément de preuve en soi : elle doit être confirmée et ne fait parfois qu’orienter l’enquête, comme indiqué par Monsieur Girard et Monsieur Rimard. Ce dernier met également en avant que la charge administrative qui découle du contact est assez lourde et prend énormément de temps. Finalement, une limite mise en avant par trois intervenants est que la méthode de recherche des indicateurs ouvre la porte à la désinformation, pouvant écarter l’enquêteur qui récolte des informations auprès d’un indicateur d’une piste ou en étant manipulé. En outre, comme le fait remarquer Monsieur Lebel, l’indicateur peut grossir l’information qu’il rapporte, pour son intérêt personnel.

CONCLUSION

Cette recherche avait pour objectif de récolter les avantages et les perceptions des limites, générales et au niveau de l’éthique et de la morale, des intervenants à propos de la méthode particulière de recherche de recours aux indicateurs. L’hypothèse posée était que la méthode présente des avantages pour les enquêtes mais aussi des limites, notamment au niveau de l’éthique et de la morale. Grâce aux entretiens réalisés avec les professionnels qui interviennent dans cette méthode, de nombreux avantages ont effectivement été mis en avant, tels qu’un gain de temps, un gain en coût, un gain d’efficacité et la récolte de précieuses informations venant directement du milieu criminel. Des limites, ou problèmes de la méthode, ont également été mis en lumière par les intervenants, comme un problème au niveau de la loi qui est parfois difficilement applicable, l’impossibilité d’exploiter certaines informations fournies par les indicateurs ou encore la difficulté d’être enquêteur et fonctionnaire de contact simultanément. Finalement, au niveau de l’éthique, celle-ci n’interviendrait pas à partir du moment où la loi autorise cette méthode. Par conséquent, même s’il est tentant d’affirmer qu’il existe un problème éthique ou moral avec la méthode de recours aux indicateurs, les intervenants soulignent que celle-ci n’est pas immorale tant que les règles prescrites sont respectées.

Même si aucun problème éthique majeur n’a été pointé du doigt par les intervenants, certains de ceux-ci avouent néanmoins adopter la « position de l’autruche » quant aux infractions commises par les indicateurs qu’ils suivent alors que d’autres soulignent que le système est tantôt ambigu, tantôt hypocrite, car il inciterait implicitement les indicateurs à commettre des informations en vue de récolter des informations. La recherche a montré qu’il y a plus de problèmes liés à la méthode, à la loi qui l’entoure, que de problèmes éthiques. Il s’avère dès lors encourageant que la méthode ne semble pas révéler de problème éthique ou moral majeur, la rendant acceptable. Le cadre légal établi est ressorti essentiel afin de contrôler la méthode et d’établir un système qui fonctionne, en protégeant le fonctionnaire de contact et l’indicateur. Par ailleurs, une recherche sur la nouvelle et peu connue méthode des infiltrés civils pouvant impliquer des indicateurs pourrait être intéressante à étudier, notamment au niveau des risques importants qu’elle présente, de son contrôle, de la fiabilité des preuves mais aussi des avantages pour l’élucidation des enquêtes de grande criminalité. À priori, même s’il n’est pas évident de considérer la récompense des malfaiteurs pour être devenus des témoins-clé comme une pratique à encourager (Weigend, 1997, cité dans Beernaert, 2003), la méthode a fait ses preuves et fonctionne, même si le système s’avère imparfait. Pour reprendre les mots de Monsieur Mertens, « sans indicateurs, il n’y a pas de police ».

Table des matières

ABSTRACT
INTRODUCTION
CORPUS THÉORIQUE
QUESTION DE RECHERCHE
MÉTHODOLOGIE
Participants
Outil de récolte
Procédure
Aspects éthiques
Stratégie d’analyse
RÉSULTATS
Les avantages de la méthode de recours aux indicateurs
Les limites de la méthode de recours aux indicateurs
Les limites de la méthode de recours aux indicateurs au niveau éthique et moral
DISCUSSION
Les avantages de la méthode de recours aux indicateurs
Les limites de la méthode de recours aux indicateurs
Les limites de la méthode de recours aux indicateurs au niveau éthique et moral
Forces et limites de la recherche
Piste d’amélioration
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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