Principes et développement d’un outil de création générique de contrôleurs prédictifs optimisés pour la gestion énergétique à l’échelle quartier
Les méthodes d’ingénierie de la gestion énergétique à l’échelle urbaine
Concernant les méthodes de contrôle à l’échelle quartier, les principales énumérées dans la littérature sont les contrôleurs basés sur de la règle experte et ceux introduisant la notion de contrôleur prédiction (Model Predictive Controller, noté MPC). Les premières se basent sur un ensemble de règles définies au préalable, qui s’avèrent parfois moins performantes en termes d’économies d’énergie en comparaison à des stratégies de contrôle utilisant des modèles d’optimisation. Cependant leur simplicité et leur applicabilité en temps réel fait qu’ils sont communément utilisés.
Les limites du contrôle réactif comme solution au nouveau contexte énergétique à l’échelle urbaine
Un contrôleur réactif peut être appliqué à tous types de systèmes énergétiques, comme par exemple les réseaux de chaleur urbain [21]. Dans ce cas, le contrôle intègre des systèmes de stockage couplés avec des pompes à chaleur. Les auteurs proposent alors des solutions de contrôle réactif heuristiques permettant de gérer le stockage de l’énergie thermique. L’objectif est donc d’optimiser la différence de température au sein des collecteurs solaires et la modulation des flux variables des pompes à chaleur. Sur un volet plus électrique, certains travaux [22] présentent une méthodologie permettant de construire un contrôleur sous forme de règles-expertes pour des réseaux de véhicules hybrides branchés en série. L’objectif de l’étude est de minimiser la consommation d’essence des véhicules. Chacun d’entre eux possède un contrôleur suivant une stratégie « d’épuisement de la charge (charge-depleting) puis de maintien de la charge (charge sustaining) ». Cette stratégie est complétée via une routine d’optimisation globale utilisant de la programmation dynamique. Enfin plusieurs solutions de contrôle s’appliquent sous la forme règle experte permettant d’améliorer la flexibilité énergétique de pompe à chaleur raccordé à des bâtiments [21].
Dans ce cas, les solutions sont classées en fonction des objectifs à atteindre pour rajouter de la flexibilité dans la gestion énergétique d’un bâtiment. Ces contrôleurs suivent tous le même principe, à savoir, définir un seuil de déclenchement sur un indicateur à surveiller qui enclenche alors une action sur le système contrôlé, ici la pompe à chaleur. Le déclencheur peut être le temps, la puissance de fonctionnement, le prix de l’énergie ou encore la charge résiduelle. Le tableau 1.2 décrit alors 5 grandes classes de contrôleurs résultat de ces travaux. Tableau 1.2 – Tableau des différents types de contrôles en fonction de leur objectif et déclencheur Objectifs de fléxibilité Référence Déclencheur Modification de charge Lee et al. (2015) Temps en fonction d’un planification . Carvalho et al. (2015) Effacement des pics Dar et al. (2014) Puissance Réduction des coûts Schibuloa et al. (2015) Prix de l’énergie Augmentation de la consommation Dar et al. (2014). Puissance solaire, et de la part des ENR&R De Coninck et al. (2014) charge résiduelle Malgré les avantages de ce type de méthodes, ce que l’on retient de ces études [21], est le manque d’adaptabilité. En effet, étant donné que les paramètres et les seuils de déclenchement sont fixés à l’avance on peut observer un manque de flexibilité dans ces approches. De plus, elles ne possèdent pas de moyen d’anticiper ou de prévoir le comportement des systèmes contrôlés, ce qui peut s’avérer dommageable dans un contexte où de plus en plus de données de mesures sont disponibles.
Le contrôle anticipatif comme une option émergente dans ce nouveau contexte
Ce qui rend l’étude sur les solutions de contrôle [21] d’autant plus intéressante est le parallèle fait avec des méthodes de contrôle prédictifs (MPC). Etant plus complexes et demandant plus d’investissement que les contrôleurs de type réactif, les MPC s’avèrent extrêmement prometteurs dans la gestion énergétique à l’échelle quartier. Intégrant des modèles RC simplifiés des bâtiments, permettant de conserver des temps de calculs décents, ces contrôleurs peuvent par exemple utiliser des prédictions en matière de conditions météorologiques, sur les variations de coûts de l’énergie afin de fournir une stratégie de contrôle adaptée. Il existe plusieurs typologies de MPC différentes appliquées à l’échelle quartier, comme les MPC hiérarchiques ou centralisés décrits dans la partie 3.2 du chapitre 3. Etant donné ces avantages et la flexibilité qu’offrent ces types de contrôleurs, le choix s’est porté sur la mise en œuvre d’un outil de MPC dans le cadre de cette thèse. Cet outil se base sur une architecture générique permettant la création de MPC à l’échelle quartier, et sera décrit en détail dans le chapitre 3.
Développement d’une méthode de contrôle commande générique impliquant une architecture de MPC 1
Objectifs des travaux de thèse Afin de gérer au mieux la complexité des réseaux énergétiques à l’échelle du quartier, autant sur le plan technique que social ou économique, il devient important d’intégrer des notions d’anticipation dans les contrôleurs. De nombreuses solutions ont été évaluées dans la littérature présentant des résultats concluants, et ouvrant des possibilités d’application grandissant. Cependant, on observe un manque criant de généricité dans les solutions proposées, qui se limitent dans leur grande majorité au système spécifique contrôlé, au cas par cas. L’objectif de ce travail est donc de proposer une solution de contrôle-commande générique impliquant une architecture orienté-objet, se basant sur une analyse de la décomposition fonctionnelle d’un MPC, tout en prenant en compte les systèmes énergétiques que l’on peut retrouver de l’échelle de la zone thermique à celle du quartier. En parallèle de cette volonté de généricité, une autre approche est envisagée celle de la « sobriété » concernant la quantité de capteurs nécessaires sur les systèmes énergétiques.
En effet, les approches peuvent nécessiter une assez grande quantité de données sur l’ensemble des systèmes énergétiques afin de pouvoir les configurer, notamment avec des logiques d’apprentissage (ou « data-driven »). Or, cela semble être difficilement compatible avec la volonté de généricité, ce qui amène à devoir faire des choix allant dans le sens de cette « sobriété ». Cette voie se retrouve d’autant plus renforcée par la multiplication de capteurs sur l’ensemble des systèmes énergétiques, permettant alors un accès plus important aux données de mesures sur ces systèmes. Cette masse d’informations permet donc, dans le cadre du MPC, de pouvoir mettre en place des dispositifs de prédiction ainsi que de pouvoir identifier les modèles spécifiques de ce type de contrôleur. En combinant leur capacité d’anticipation, la possibilité d’identifier le modèle interne et ce nouvel accès aux données, le MPC constitue alors une option de choix pour les besoins de contrôle-commande à l’échelle quartier. En soi ce type de contrôle commande doit répondre à un problème inverse, dans le sens où l’objectif est de déterminer une donnée qui est normalement en entrée des modèles : la stratégie de commande optimale.
Méthodologie de résolution de problème inverse
Choix de résolution du problème inverse en utilisant des modèles d’optimisation
Pour résoudre un problème inverse, il existe deux solutions communément applicables, à savoir développer un modèle inverse d’un système à contrôler ou développer un problème d’optimisation représentant le dit-système. La première solution peut s’appliquer à la problématique, mais ne semble pas appropriée à une approche générique, s’approchant d’une logique que l’on peut qualifier de « boite noire » ou data-driven. Ce genre de méthode demande une grande maitrise des données qui sont disponibles et en dépend grandement. Par contre, l’approche utilisant l’optimisation, demande certes une connaissance physique des systèmes à contrôler, mais semble bien plus en adéquation avec une approche MPC plus sobre en termes de données de mesure. Ainsi, l’approche pour résoudre le problème inverse que doit répondre chaque MPC est de résoudre un problème d’optimisation. C’est pour cela que nous avons choisi le logiciel OMEGAlpes.
Le metamodelleur de problème d’optimisation OMEGAlpes
OMEGAlpes est un méta modeleur de problèmes d’optimisation basé sur une bibliothèque extensible orienté-objet. Développé par le G2Elab dans une optique open source, l’objectif de ce logiciel est donc de permettre de créer et résoudre des problèmes d’optimisation sur des systèmes ou des réseaux énergétiques tout en prenant en compte les contraintes des parties prenantes. Etant donné le grand nombre de variables engagées à l’échelle quartier, il a été choisi de développer des modèles en formulation MILP (Mixed-Integer Linear Programming). La modélisation repose sur une logique de brique d’instance d’une classe principale appelée EnergyUnit qui sont divisées en trois catégories : les classes de productions (dérivant de la classe mère ProductionUnit), les classes de consommation (dérivant de la classe mère ConsumerUnit) et les classes d’unités de stockage (dérivant de la classe mère StorageUnit).
Chacune de ces instances possèdent leur propre jeu de contraintes, qu’elles soient physiques (afin de représenter la physique du système répondant à des équations d’état) ou intégrant des fonctions objectifs en fonction des besoins (minimiser l’énergie, le coût, optimiser l’autoconsommation ou l’effacement). Indépendamment de leur spécificité, les instances d’EnergyUnit peuvent être variables ou fixes, en fonction de si on leur fournit un profil de charge, provenant de mesures ou de données de prédiction, ou si on souhaite l’évaluer en tant que variable du problème d’optimisation. Pour un réseau énergétique donné, les systèmes de production, de consommation ou de stockage vont trouver leur modèle dans la bibliothèque OMEGAlpes et peuvent être connectés les uns aux autres à l’aide d’une instance de la classe EnergyNode. Ainsi, cette instance permet d’établir le bilan énergétique résultant entre les différentes EnergyUnit une fois connectées entre elles. Plusieurs EnergyNode peuvent être créées qui sont ensuite connectées ou non ensemble afin de finaliser le modèle correspondant au système étudié. Ci-après un exemple de schéma de connexion permettant de modéliser un système (Fig. 1.7).
1 Introduction |
