Les polymères biodégradables

Les polymères biodégradables

Le contexte des biomatériaux 

Le développement de nouveaux grades de polyesters s’inscrit dans celui des « bio-polymères » et plus généralement des « bio-matériaux ». Le terme bio-polymère englobe aujourd’hui à la fois des polymères « issus de ressources renouvelables » et des polymères dits « biodégradables ». Le premier aspect est défini par une norme (ASTM, 2005). Cette dernière est basée sur une méthode de mesure du taux de carbone issu de la biomasse. Les termes « biosourcé », ou « issu de ressources naturelles », ou encore « issu de ressources renouvelables » s’appliquent aux polymères dont la majorité des constituants proviennent de la biomasse. La source peut être végétale ou animale. Ce terme s’applique aussi bien aux polymères directement extraits de la biomasse (amidon, chitine, PHA) qu’à ceux obtenus par polymérisation d’un monomère naturel (PLA). Il ne garantit pas la biodégradabilité du matériau. Les matériaux issus de ressources renouvelables ont été étudiés de façon intensive ces 20 dernières années, et ce pour deux raisons. Tout d’abord la prise de conscience générale de l’épuisement des stocks de pétrole, dont sont issus la majorité des plastiques de commodité, a motivé la recherche de sources alternatives pour ces matériaux. Par ailleurs, les attentes de la société moderne vis-à-vis des matériaux plastiques ont évolué face aux problèmes environnementaux que posent ces composés (notamment la gestion des déchets). Les polymères biodégradables 22 En l’espace de quelques dizaines d’années, l’abondance du pétrole alliée à la relative inertie chimique des produits qui en sont issus, a été désastreuse pour le développement des polymères naturels. Cependant ces matériaux sont de nouveau étudiés avec intérêt tant pour l’amélioration de leur propriétés que pour l’amélioration de leur impact écologique. Le terme « biodégradable » doit être défini. Dans un premier temps, on peut retenir qu’un polymère biodégradable est un polymère dans lequel la dégradation est, au moins partiellement, gouvernée par un système biologique (Amass, 1998). Cette définition est toutefois ambigüe. En effet, elle ne pose pas d’échelle de temps, et pourrait donc correspondre à tous les polymères existants, puisque ces derniers vieillissent et s’oxydent. De plus, l’étape de bio-assimilation, qui consiste en l’absorption des produits de dégradation par les microorganismes, n’est pas abordée. Dans le cadre de cette étude, un seul aspect de la biodégradation est évoqué : il s’agit de la « compostabilité ». Pour ce faire, nous nous référons à la norme européenne actuellement en vigueur définissant la compostabilité (EN-13432, 2000). Cette dernière assure que les produits soient biodégradables, qu’ils se désintègrent à 65 °C et 100 % d’humidité relative et qu’ils n’aient pas d’effets négatifs sur le processus de transformation et sur la composition finale d’un compost (par exemple effet écotoxicologique à court terme). D’autre part, cette norme donne des exigences sur les constituants (fluor, métaux lourds …) et standardise des méthodes de test. Cette norme n’est cependant applicable qu’aux emballages à l’heure actuelle. De plus, il faut noter que le terme compostable n’implique en rien que des matériaux soient “bio-dégradables” dans la nature (c’est-à-dire qu’ils puissent disparaître en étant simplement enterrés par exemple). En effet, pour qu’un matériau se composte, des températures élevées (60-70 °C), une forte hygrométrie (50-90 %) et des concentrations importantes en microorganismes, sont nécessaires. Or ces conditions sont extrêmement rares dans la nature. Ainsi, une filière de récupération appropriée devrait être mise en place afin que ces matériaux puissent être recyclés ou traités dans des composteurs industriels. Le PLA, qui est au centre de cette étude, présente les deux aspects développés ci-dessus, puisqu’il est issu de ressources renouvelables mais également compostable. De plus, il faut noter que les polyesters aliphatiques, ont, de façon générale, un fort potentiel de développement devant eux (Amass, 1998). Il est ainsi permis d’imaginer la substitution à court terme de résines polymères classiques par ces nouveaux matériaux. Cependant, à l’heure actuelle, les propriétés mécaniques, la résistance au vieillissement 23 et la tenue à l’eau du PLA nécessitent d’être améliorées pour répondre aux besoins des principaux marchés industriels. Cette étude se propose d’atteindre cet objectif par le mélange ou par additivation. Dans la suite, les polyesters aliphatiques sont présentés au sein d’une description non exhaustive des principaux matériaux biodégradables. Deux grandes familles de polymères biodégradables sont ensuite décrites : les polymères issus du pétrole et les polymères issus de ressources renouvelables dans lesquelles plusieurs sous-familles sont distinguées. Un certain nombre de polymères ne sont cependant pas décrits, dans un souci de concision. Ainsi, les mélanges polymères synthétiques/bio-polymères ou encore les familles émergentes de polymères bio-sourcés non biodégradables tels que certains types de polyoléfines ou les polyamides sont exclus de cet état de l’art. Dans la suite le concept de biodégradation est développé et les mécanismes impliqués dans les processus de biodégradation sont brièvement décrits. De plus, les différents labels et normes utilisés, notamment pour le compostage, sont énumérés. 

La biodégradation des polymères

Introduction

 Selon le Comité Européen de Normalisation (CEN), le terme dégradation rassemble les caractéristiques suivantes « Un matériau est considéré comme dégradable dans certaines conditions s’il subit une dégradation quelconque déterminée dans un temps donné et selon une méthode de mesure standardisée adaptée ». La notion de biodégradation est elle un peu plus précise, et est définie comme étant « un type de dégradation engendrée par une activité biologique, particulièrement des attaques enzymatiques, entraînant un changement significatif dans la structure chimique du matériau ». Cependant, la définition de la biodégradation selon la norme EN 13-432 précise que ce processus doit nécessairement contenir trois étapes fondamentales successives et/ou concomitantes qui sont la fragmentation, la bio-assimilation et la minéralisation. La fragmentation du matériau correspond à des observations et des mesures physicochimiques. En effet, le matériau se désagrège peu à peu sous l’effet de la diminution de la longueur des chaînes. Cette dégradation peut être issue principalement de deux phénomènes : l’hydrolyse ou l’oxydation. Notons qu’il est communément admis que la 24 désintégration correspond à une fracture du matériau en petits fragments dont environ 90% en masse a une granulométrie inférieure à 2 mm (EN-13432, 2000). La bioassimilation des produits est plus complexe dans la mesure où elle fait intervenir des organismes vivants. Des micro-organismes (faune et/ou flore), utilisent le matériau fragmenté comme nutriment et l’incorporent par voies métaboliques. Dans cette étape, il a été montré que les produits de dégradation des polymères devaient être suffisamment fonctionnalisés et de faible masse moléculaire pour pouvoir être assimilés par ces organismes spécifiques (Müller, 2004). La minéralisation, correspond à la transformation des composés assimilés par des micro-organismes. Selon les conditions de minéralisation, les produits obtenus différent. On obtient de l’eau et du dioxyde de carbone dans des conditions aérobies alors que des conditions anaérobies conduisent à de l’eau et du méthane. En résumé la « biodégradabilité » se définit comme l’aptitude d’un matériau à être dégradé par une attaque microbienne. Ceci transforme progressivement sa structure pour aboutir finalement à une conversion en CO2 et/ou CH4, H2O, chaleur, résidus minéraux éventuels, et intervenir dans une réorganisation de la biomasse (CalmonDecriaud, 1998; Lenz, 1993). Il faut cependant remarquer l’absence de deux notions dans cette définition : d’une part, la durée propre à chacune de ces étapes et d’autre part l’écotoxicité des produits de dégradation obtenus. Ces deux éléments sont pris en compte uniquement par les normes qui standardisent les conditions de traitement de fin de vie des plastiques. Concernant l’aspect de la cinétique de biodégradation, la référence, généralement considérée, est le temps de biodégradation de la cellulose (un grade synthétique). Dans la suite, les principaux facteurs affectant l’étape de biodégradation sont listés. 

Effets de la structure chimique des polymères et mécanismes mis en jeu 

De nombreux polymères d’origine naturelle (cellulose, protéines, …) sont généralement dégradés par hydrolyse biologique, puis par oxydation biologique dans une deuxième étape. La biodégradabilité de certains polymères synthétiques trouve son origine dans les mêmes mécanismes. La grande majorité des catalyses enzymatiques se produit en milieu aqueux. En effet, ces polymères contiennent des groupements polaires, donc solubles dans l’eau, qui sont hydrolysables. Ces groupements polaires 25 font soit initialement partie de la structure chimique du polymère, soit ils sont issus de la dégradation de ce dernier (acides, hydroxydes …). Par exemple, les liaisons esters, urées, amides et uréthanes sont susceptibles d’être biodégradées par les microorganismes et par hydrolyse enzymatique (Müller, 2004). Dans le cas des polyesters aliphatiques synthétiques, la structure chimique présente de nombreux groupements hydrolysables (Müller, 2004). Dans le cas des produits de dégradation de films de polyoléfines, plusieurs études suggèrent qu’un prétraitement oxydatif favorise la dégradation (Bonhomme, 2003). L’assimilation des produits d’oxydation par les micro-organismes devient alors possible en raison de l’apparition de courtes chaînes polaires (Albertsson, 1987). Pour un polyéthylène thermo oxydé, un taux de 60% de dégradation au bout de 180 jours peut-être être atteint (Jakubowicz, 2003). De plus, dans ces conditions de vieillissement, le polyéthylène présente une étape de minéralisation (formation d’eau et de dioxyde de carbone). Cependant, d’autres auteurs démontrent que de telles valeurs de biodégradation ne peuvent être atteintes en conditions réelles de vieillissement. Ils remettent ainsi en cause l’utilisation de chambre de vieillissement accéléré (Feuilloley, 2005). La dégradation biotique du PLA a été très largement traitée dans la littérature (Zhang, 2004; Södergard, 2002; Amass , 1998). La biodégradation des polymères et copolymères à base d’acide lactique pour des applications médicales (implants chirurgicaux) ont été étudiées in vivo et in vitro (Ramakrishna, 2001) et dans divers systèmes biologiques (Ramakrishna, 2001). Les études in-vitro ont particulièrement insisté sur l’effet du pH afin de pouvoir prévoir les temps de vies in-vivo de matériaux à base de PLA (Auras, 1998). Des enzymes telles la protéinase K, ou la pronase, ont été testées in vivo pour hydrolyser le PLA, bien que ces dernières ne puissent diffuser dans les parties cristallines pour les attaquer. Peu de dégradation enzymatique se produit au début du processus d’hydrolyse, puis des cavités formées par fragmentation permettent de rendre accessible l’ensemble des phases aux enzymes (Ramakrishna, 2001). En compostage le PLA se dégrade selon un mécanisme en plusieurs étapes (Figure I.1) faisant intervenir différents mécanismes (Auras, 1998). Tout d’abord on distingue l’étape de fragmentation majoritairement assurée par l’hydrolyse abiotique (c’est-à-dire en l’absence de tout micro-organisme): les coupures aléatoires de chaînes conduisent à une réduction de la masse molaire. Puis, les oligomères diffusent à l’extérieur de la matrice de PLA et sont attaqués par les micro-organismes (mécanisme biotique). La 26 biodégradation de ces micro-organismes produit du CO2, de l’eau et enrichi l’humus (par minéralisation) (Hakkarainen, 2000). La mobilité des chaînes de polymère est susceptible de permettre une meilleure interaction aux sites actifs des enzymes et donc une biodégradabilité accrue (Martens, 2003). Ainsi, un polymère hautement enchevêtré, ou présentant une forte cohésion interne (polyamide, polymères incorporant de nombreux groupements aromatiques …) présente une très faible cinétique de biodégradation. Par ailleurs, la stéréochimie peut également influer sur les phénomènes catalysés biologiquement. Dans le cas du PLA, une étude a démontré que le protéinase K (très répandue) a une préférence selon les types d’unités lactide d’un copolymère P(DcoL)LA. Les enchaînements LL ayant une sensibilité plus importante que les enchaînements LD (ou DL) eux-mêmes plus sensibles que les enchaînements DD (Li, 2000; Li, 2001).

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