Les sources et les aquifères littoraux karstiques en Méditerranée

Les sources sous-marines 

De nombreuses sources sous-marines sont connues des gens de mer (pêcheurs, …) notamment par les effets qu’elles ont sur le milieu marin. Il est ainsi possible de reconnaître les sources sous-marines en surface, grâce à la présence d’un panache se manifestant par « une tache d’huile »  . Sous l’eau on distingue les sources grâce à un effet dit « glycérine », lié au non-mélange de deux liquides de caractéristiques optiques différentes. Les nageurs localisent ces sources par l’écart thermique entre l’eau douce, de température relativement assez froide, et l’eau de mer. Cet écart peut être très fort en été. Enfin, il peut exister une faune et une flore spécifique à ces milieux, comme Perez et al. (2004) l’ont constaté près de Batroun au Liban, en découvrant une nouvelle espèce d’éponge siliceuse dans un conduit karstique sous marin au fond duquel s’écoule une source sous-marine.

Dans l’ancien testament, Job révèle la présence d’une source sous-marine au large de l’île d’Arwad en Syrie. Cette source fut captée il y a trois mille ans par les Phéniciens (Kohout, 1966). Durant les siècles qui ont suivi, de nouvelles expériences de captage furent menées. Les soldats d’Hannibal, puis les pirates remplissaient ainsi amphores et sacs en cuir en les retournant au-dessus de sources sous-marines (Doerpinghaus, 2001). C’est essentiellement à partir des années 1960 que les études modernes sur les sources ont débuté ; on considérait que cette ressource précieuse ne devait pas être perdue.

Méthodes de recherche et localisation des sources sousmarines 

Différentes méthodes de recherche et de localisation des sources sous-marines ont été proposées. Sur la base d’articles et d’expériences de plongeurs scientifiques qui ont travaillé sur ce sujet, j’ai constitué une base de travail pour l’étude des sources et surtout la S2. Les différentes méthodes de localisation existantes sont :

a) Mesure de la conductivité électrique ou de la résistivité, et de la température

Gruvel (1929) a mesuré dans différents endroits côtiers au Liban et en Syrie la température de la mer en profondeur ce qui le conduit à admettre l’arrivée d’eau douce sousmarine. Les premières expériences basées sur la mesure des paramètres chimiques de l’eau étaient basées sur un prélèvement d’échantillons étudiés ensuite en laboratoire. En URSS plusieurs anomalies rattachées au phénomène de sources sous-marines par détection de salinité inférieures à la salinité de l’eau de mer furent repérées (Buachidze et Meliva, 1967, in Zektzer et al., 1973). Différents types de sondes sont utilisées pour mesurer la conductivité électrique ou la résistivité et la température. Pour un pas de temps fixé on mesure les valeurs de ces paramètres. La présence d’une masse d’eau plus douce implique une conductivité électrique plus faible (ou résistivité plus forte).

b) Mesure de la densité 

Cette technique repose sur l’utilisation d’un aréomètre in situ pour évaluer les valeurs de densité comprises entre 1,04 (densité de l’eau de mer) et 0,99 (densité de l’eau douce).

c) Mesure de la concentration en radon 

La mesure de la concentration en radon permet de tracer la présence d’eau douce souterraine. En effet, les eaux souterraines sont plus riches en radon que l’eau de mer. Ce type d’étude a été réalisé par Moore (1996), qui a cherché à déterminer ainsi le flux diffus.

d) Observations sous-marines 

Certaines sources sous-marines sont associées à des structures particulières facilement repérables en mer ou en surface. C’est le cas de sources sous-marines dans le Fjord de Ikka au Groenland associées au développement de colonnes de carbonates de calcium au travers desquelles circule l’eau douce.

e) Télédétection en thermographie infra-rouge et photo infra-rouge 

La thermographie aéroportée analyse les températures des objets survolés. Sur les images thermiques obtenues, on distingue à la surface de la mer des anomalies thermiques dues à la présence de masses d’eau ayant une température ou une composition chimique différente de celle du milieu environnant. Cette technique consiste à analyser, par l’intermédiaire d’un radiomètre infra-rouge à balayage embarqué à bord d’un véhicule aérien, l’énergie émise dans la partie infra-rouge du spectre électromagnétique par les objets survolés. L’appareil utilisé transforme l’énergie incidente, qui dépend de la température de la zone survolée, en un signal électrique qui est amplifié puis traité. Une image thermique est obtenue à partir d’un enregistrement des radiations émises dans l’infra-rouge (3-5 μm ou 8-14 μm) tandis que la photographie infra-rouge est sensible à l’infra-rouge réfléchi seulement (longueur d’onde 0,7 μm à 0,9 μm). Les données « thermiques » à partir du satellite Landsat TM peuvent être utilisées dans ce domaine de détection (3-5 μm ou 8-14 μm). Lors de la détection et de la localisation de ces sources, les images infra rouges sont également analysées et interprétées pour évaluer le débit des sorties d’eau . Contrairement aux autres méthodes, la thermographie aéroportée permet de localiser les sources sous-marines de façon assez rapide. Les autres méthodes semblent plutôt complémentaires de la thermographie infra-rouge, pour localiser de façon plus précise, l’endroit où débouche la source. On peut en domaine côtier visualiser avec cette technique la répartition spatiale de masses d’eau d’origines diverses (débouché de rivière, courants marins, sources sous-marines, sorties d’eau douce diffuses …). L’étude de ces masses d’eau, corrélée à la connaissance géologique du domaine côtier ainsi que des réseaux de rejets anthropiques, peut permettre de déterminer l’origine de l’anomalie thermique.

Dès les années 1960, de nombreuses missions de détection des sources sous-marines par thermographie se déroulèrent et de nombreuses côtes furent ainsi explorées par cette méthode . Citons les côtes italiennes et de Sicile (Cottecchia, 1982, Gandino, 1983, Guglielminetti, 1974 in Gandino, 1983), d’Espagne (Espejo Molina, 1988), de Grèce (Gros et al., 1976), du Liban (FAO, 1998, CNRS, 2000), etc…

Table des matières

Introduction
Chapitre 1 – Les sources et les aquifères littoraux karstiques en Méditerranée
1.1. Les sources sous-marines
1.2. Méthodes de recherche et localisation des sources sous-marines
1.3. Méthodes d’évaluation des débits de sources sous-marines
1.4. Les aquifères littoraux et les sources sous-marines du Liban
1.4.1. Recherches sur les sources littorales et sous-marines du Liban
1.4.2. Recherches sur les sources littorales et sous-marines de Chekka
1.4.3. Interprétation générale et discussion des informations
1.5. Conclusions et propositions concernant les sources sous-marines au Liban
Chapitre 2 – Cadre géographique, géologique et hydrogéologique de la région de Chekka-Bcharreh-Tannourine
2.1. Présentation régionale
2.1.1. Cadre géographique
2.1.2. Aperçu général sur le climat
2.1.3. Cadre géologique régional
2.1.3.1. Stratigraphie
2.1.3.1.1. Le Jurassique
2.1.3.1.2. Le Crétacé
2.1.3.1.3. L’Eocène
2.1.3.1.4. Le Néogène
2.1.3.1.5. Le Messinien
2.1.3.1.6. Le Pliocène et le Quaternaire
2.1.3.2. Structure et évolution géologique et tectonique du Liban
2.2. Hydrogéologie régionale
2.3. Karst et karstification
2.3.1. Généralité sur le karst
2.3.1.1. Système karstique et différents types d’aquifères karstiques
2.3.1.2. Fonctionnement et structure d’un aquifère karstique
2.3.1.3. Potentiel de karstification
2.3.1.4. Notion de niveau de base
2.3.1.5. Classification fonctionnelle des aquifères karstiques continentaux
2.3.1.6. Classification fonctionnelle des aquifères karstiques littoraux
2.3.2. Karst et karstification régionale
Chapitre 3 – Fonctionnement de l’aquifère de la région de ChekkaBcharreh-Tannourine
3.1. Approche hydrodynamique
3.1.1. Analyse des hydrogrammes
3.1.2. Fonctionnement hydrodynamique de certaines sources
3.1.2.1. Analyses des débits classés
3.1.2.1.1. Méthode et fondement mathématique
3.1.2.1.2. Interprétation des courbes
3.1.2.1.3. Application et analyse des débits classés des systèmes
3.1.2.1.4. Synthèse
3.1.2.2. Analyse de la courbe de récession
3.1.2.2.1. Principe de la méthode
3.1.2.2.2. Fonctions utilisées pour l’étude des courbes de récession
3.1.2.2.3. Calcul du volume dynamique
3.1.2.2.4. Classification de Mangin
3.1.2.2.5. Application aux systèmes étudiés
3.1.2.2.6. Discussion et synthèse
3.1.2.3. Analyse corrélatoire et spectrale
3.1.2.3.1. Généralité et méthodes d’analyse
3.1.2.3.2. Analyse simple
3.1.2.3.3. Analyse croisée
3.1.2.3.4. Classification des systèmes karstiques
3.1.2.3.5. Application aux systèmes de Dalleh et Bziza
3.1.2.3.6. Discussion et synthèse
3.1.3. Synthèse générale sur le fonctionnement hydrologique régional
3.2. Approche hydrogéochimique
3.2.1. Points d’observation
3.2.2. Facteurs responsables de la chimie des eaux carbonatées
3.2.3. Description des données et diagrammes
3.2.3.1. Diagrammes décrivant la composition chimique des eaux
3.2.3.2. Les analyses factorielles
3.2.4. Caractéristiques géochimiques
3.2.4.1. Validité des données de terrain et méthodes d’interprétation
3.2.4.2. Représentation graphique des échantillons
3.2.4.3. Synthèse des analyses chimiques faites sur les points d’eau
3.2.4.4. Analyses en composantes principales
3.2.5. Analyse du chimisme des points d’eau
3.2.5.1. Distribution de fréquence de conductivité
3.2.5.2. Etude du comportement hydrochimique des émergences
3.2.5.2.1. Evolution du chimisme
3.2.5.2.2. Analyses en composantes principales des points d’eau
3.2.6. Conclusion
Chapitre 4 – Hydrogéologie des calcaires cénomano-turoniens : le Système Karstique de Chekka
4.1. Présentation générale
4.2. Travaux réalisés sur le site de Chekka et sur l’aquifère CT
4.3. Hydrogéologie et karstification
4.3.1. Limites géologiques et géométrie de l’aquifère
4.3.2. Evolution karstique du littoral libanais
4.3.3. L’aquifère cénomano-turonien (CT) de Chekka
4.3.4. Aquifère littoral du Quaternaire de Chekka
4.3.4.1. Variations piézométriques saisonnières
4.3.4.2. Variations chimiques saisonnières
4.3.5. Pertes des rivières et jaugeages différentiels
4.4. Modèle conceptuel du Système Karstique de Chekka
4.5. Bilan
4.5.1. Les entrées du système
4.5.1.1. Les pertes des rivières
4.5.1.2. Les précipitations sur le SKC
4.5.2. Les sorties du système
4.5.2.1. Les sources
4.5.2.2. L’évapotranspiration réelle (ETR)
4.5.2.3. Les prélèvements dus aux pompages et pour l’irrigation
4.5.2.3.1. Prélèvements pour l’irrigation
4.5.2.3.2. Prélèvements des forages industriels et privés
4.5.2.3.3. Prélèvements des captages pour l’eau potable
Conclusion

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