L’invasion biologique

L’invasion biologique

L’arrivée d’une espèce végétale en dehors de son aire de répartition naturelle peut entraîner d’importantes répercussions environnementales et économiques (Mack et al., 2000; Pimentel et al., 2005; Colautti et al. 2006). Malgré le fait que seule une faible proportion des espèces introduites se naturalisent et deviennent envahissantes (Williamson et Fitter, 1996; Caley et al., 2008), celles qui y parviennent peuvent parfois modifier dramatiquement la structure et le fonctionnement des communautés indigènes (p. ex. Levin et al., 2006; Pearson, 2009). La compréhension du processus d’invasion biologique revêt donc une importance particulière pour limiter les impacts engendrés par certains de ces envahisseurs. La mise en place de mesures visant à réduire les risques d’introduction et de propagation des espèces exotiques envahissantes ne peut d’ailleurs être efficace sans une connaissance approfondie de ce processus.

Une invasion biologique, au sens général du terme, correspond à la dispersion rapide d’un organisme, sans égard à son taxon, et à la conquête, par ce dernier, d’aires nouvelles dans lesquelles il forme des populations dominantes après avoir franchi des barrières biotiques et abiotiques (Valéry et al., 2008). Bien qu’elle soit peu explicite en ce qui a trait à l’arrivée d’une espèce à l’extérieur de son aire de répartition initiale, cette définition fait indirectement référence à différentes phases du processus d’invasion biologique, à savoir l’introduction, la naturalisation, l’expansion, l’explosion démographique et la consolidation  . Dans la littérature, les trois dernières phases ne sont pas systématiquement discriminées; celles-ci étant plutôt considérées comme une subdivision de la phase d’invasion proprement dite.

Par ailleurs, il existe une certaine confusion autour de la terminologie util isée dans le domaine de l’écologie de  l’invasion (Pysek, 1995; Richardson et al., 2000; Valéry et al., 2008; Young et al., 2011), ce qui fait en sorte que certains termes ne sont pas utilisés à juste titre et d’ autres sont interchangés bien qu’ils possèdent une signification particulière. Les différentes phases du processus d’invasion seront donc abordées en précisant le sens de certains termes utilisés.

Une espèce indigène, c’est-à-dire autochtone par rapport à une entité géographique donnée (Sarat et al., 2015), doit d’abord franchir des barrières géographiques et environnementales pour amorcer le processus d’invasion biologique. L’introduction d’une espèce à l’extérieur de son aire de répartition naturelle constitue la première phase du processus d’invasion biologique et, suivant celle-ci, l’espèce est désignée comme exotique par rapport à son aire d’origine. Cette introduction peut être de nature intentionnelle ou accidentelle, mais elle est généralement liée à des activités anthropiques telles que l’importation à des fins alimentaires ou ornementales. Considérant la hausse des échanges commerciaux en lien avec la mondialisation, les risques d’introduction involontaire sont accrus, ce qui augmente, par le fait même, la probabilité d’être aux pnses avec des espèces exotiques envahissantes (Environnement Canada, 2004).

L’arrivée d’une espèce à l’ extérieur de son aire de répartition naturelle ne signifie pas pour autant qu’elle s’y établira. En effet, une espèce introduite doit être en mesure de s’adapter aux conditions de son nouveau milieu pour y parvenir. Dans les faits, seule une faible proportion des espèces introduites se naturalisent, c’est-à-dire qu’elles arrivent à se reproduire et à former une ou plusieurs populations pérennes et autonomes (Williamson et Fitters, 1996; Caley et al., 2008; Lavoie et al., 2016). Ceci s’explique par le fait que les espèces sont confrontées à des barrières environnementales et reproductives qui limitent leur succès de naturalisation (Richardson et al., 2000).

Une fois naturalisée, une espèce n’est pas systématiquement considérée comme envahissante. Pour qu’elle soit qualifiée ainsi, elle doit produire une descendance généralement abondante et avoir un potentiel de dispersion sur de grandes distances (Richardson et al., 2000; Pysek et al., 2004; Richardson et al., 2011). L’invasion survient donc lorsqu’une espèce commence à s’ étendre bien au-delà de son site d’introduction initial. Cette phase d’expansion géographique est suivie d’une phase d’explosion démographique où elle prolifère et devient de plus en plus abondante. La phase de consolidation survient lorsque l’espèce se disperse progressivement dans les derniers habitats disponibles.

Parmi la vaste littérature traitant de l’invasion biologique, peu d’auteurs se sont concentrés sur les étapes subséquentes à la phase d’invasion proprement dite. En effet, les différents stades du continuum de naturalisation-invasion sont exposés, mais la phase de consolidation semble se perpétuer indéfiniment dans le temps (Williams, 1997; Shigesada et Kawasaki, 1997). Selon nous, deux principaux cas de figure sont possibles suivant la phase d’invasion: i) l’espèce reste dominante et d’abondantes populations persistent dans le temps ou ii) l’espèce est en déclin de façon plus ou moins prononcée, et ce, sur un intervalle de temps plus ou moins long avant que ses populations ne se stabilisent à un niveau donné  . Évidemment, la phase de rétrogression peut survenir suite à la mise en place de mesures de lutte contre les espèces envahissantes (p. ex. Fleming et al., 2017), maIs elle peut également relever de mécanismes de régulation naturels qui impliquent des facteurs dépendants de la densité ou des modifications dans les conditions environnementales. Par exemple, de fortes crues printanières ou un épisode de sécheresse pourraient entraîner un déclin des espèces exotiques envahissantes en rendant inaccessibles certaines ressources nécessaires à leur croissance, telles que l’ accès à la lumière, à l’ eau et aux nutriments.

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer le succès des plantes exotiques envahissantes. L’une d’ entre elles est la fluctuation de la disponibilité des ressources (Davis et al., 2000) qui propose qu’une perturbation puisse créer une nouvelle ressource, ou rendre disponible une ressource jusqu’ alors inaccessible. Les plantes exotiques pourraient tirer profit de cette situation si aucune plante indigène n’a les adaptations nécessaires pour proliférer dans de telles circonstances, ou si les plantes indigènes qui les avaient ont été éliminées au passage. Ceci ouvrirait ainsi la voie aux espèces exotiques possédant de telles capacités, en autant bien sûr qu’elles soient sur place ou à proximité.

L’ une des hypothèses les plus connues pour tenter d’expliquer le succès des plantes exotiques envahissantes demeure néanmoins l ‘hypothèse du relâchement de la pression exercée par des ennemis spécifiques (enemy release hypothesis; Keane et Crawley, 2002). Il existe plusieurs variantes de cette hypothèse (voir Catford et al., 2009), mais elles stipulent toutes de manière générale que si les envahisseurs prolifèrent, c’est parce qu’ils ne sont pas confrontés, dans leur aire d’introduction, aux ennemIs (herbivores, pathogènes) qui leur nuisent dans leur aire d’origine. De ce fait, elles pourraient allouer plus de ressources à la croissance et à la reproduction plutôt qu’à  la défense, ce qui contribuerait ainsi à la formation d’abondantes populations (Blossey et Notzold, 1995). Néanmoins, il est possible que cet effet ne soit que temporaire; après une première phase au cours de laquelle les populations prennent beaucoup d’expansion, l’envahisseur subirait de plus en plus de dommages en lien avec l’accumulation de différentes guildes de consommateurs, ou par l’ effet des organismes pathogènes qui s’ accentuerait avec le temps.

Table des matières

CHAPITRE 1 INTRODUCTION
1.1 L’invasion biologique
1.2 Problématique
1.3 Cadre conceptuel
1.3.1 La salicaire en Amérique du Nord
1.3.2 La salicaire au Québec
1.3.3 La salicaire au lac Saint-Pierre
1.3.4 Mise en place d’ un programme de lutte nationaL
1.4 Objectif
1.5 Méthode d’évaluation des dommages
CHAPITRE II BOOKKEEPING OF INSECT HERB IVORY TRENDS IN HERBARIUM SPECIMENS OF PURPLE LOOSESTRIFE (LYTHRUM SALICARlA)
Abstract
Introduction
Material and methods
Phyllophagous insects associated with purple loosestrife in Quebec
Data collection
Damage evaluation
Estimation of leaf area
Historical reconstruction of herbivory pressure
Evaluation of contemporary herbivory pressure
Results
Phyllophagous insects associated with purple loosestrife in Quebec
Historical reconstruction of herbivory pressure
Contemporary damage evaluation
Discussion
Conclusion
Acknowledgements
Funding
References
Tables
Figure captions
Figures
Supplementary Material
References
CHAPITRE III CONCLUSION GÉNÉRALE

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