L’organisation territoriale comme forme institutionnelle partielle de la régulation économique

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Un nouveau modèle de développement post-fordiste centré sur le rôle du territoire

Depuis le milieu des années 1970, une nouvelle forme de développement économique, centrée sur le territoire, émerge et s’impose donc comme une piste de réponse à la globalisation économique et à ses conséquences en termes de concurrence et de compétition pour les firmes et les territoires. L’avènement du développement local comme nouveau modèle de développement alternatif au modèle fordiste en crise génère en effet une nouvelle vision de l’espace et du territoire. Ce dernier acquiert un rôle particulier de moyen au service de la création d’avantages comparatifs, en relation avec la nécessité de mettre en valeur les spécificités locales et d’aménager la concurrence entre les territoires. Les territoires passent ainsi d’un statut passif vis-à-vis de la dynamique de développement économique, à une conception renouvelée de leur dimension active et motrice au sein du fonctionnement de l’économie.
Les territoires deviennent les paradigmes moteurs de la régulation économique territoriale, en lieu et place de la logique d’aménagement de la croissance au niveau de l’espace national, qui a prévalu en période d’expansion économique. Le modèle de développement fordiste des Trente Glorieuses, qui envisage le territoire essentiellement comme un simple support des activités économiques et un coût de distance, cède ainsi la place à un nouveau modèle de développement non encore totalement défini, mais qui semble donner un rôle prépondérant au territoire et au milieu local. Le territoire est désormais une variable considérée comme déterminante pour les dynamiques de développement économique et de croissance, dont il est le moteur. C’est une variable incontournable de la régulation économique, porteuse d’avantages comparatifs spécifiques, qui influencent directement les logiques de localisation de firmes (Leriche, 2004). Jusqu’aux années 1970, le développement économique n’envisage pas vraiment le territoire comme une variable active, mais plutôt comme un support, sorte de vase d’expansion de la croissance, ainsi que comme un coût en liaison avec les distances spatiales. La vision dominante est alors essentiellement fonctionnelle : « pour agir sur l’espace, il faut agir sur les fonctions économiques » (Pecqueur, 1986). L’économie régionale, traduction de l’économie spatiale en terme de politique économique, s’est en effet largement développée durant les années de croissance. Elle est fondée sur le paradigme de l’espace polarisé, c’est-à-dire sur une conception de l’espace économique qui nie la spécificité et le rôle des territoires dans les dynamiques de développement. Si la question du rôle des territoires réapparaît aujourd’hui, c’est parce que l’idéologie de l’espace polarisé (ou paradigme) qui masquait la dimension territoriale, montre ses limites explicatives et opérationnelles » (Pecqueur, 1986).
La conception de l’espace économique polarisé développée par F. Perroux (1950) montre que les forces responsables de cette polarisation traduisent des rapports de pouvoir entre agents économiques, qui sont inscrits dans l’espace. Les inégalités engendrées par ce phénomène constituant des obstacles à la dynamique générale d’accumulation, il convient dès lors de les résorber, notamment par le biais de la politique économique conduite par l’Etat. C’est du moins ce qu’en ont conclu les décideurs politiques à la fin des années 1950, lorsqu’ils ont conçu les modalités spatiales d’intervention de la puissance publique en matière d’économie.
La politique nationale d’aménagement du territoire des années 1960, appuyée sur le Plan, propose ainsi une intervention publique dans le domaine économique qui ne conçoit le territoire qu’en tant qu’écran, sur lequel sont projetées des actions visant le rééquilibrage, dans l’espace national, de la localisation des activités. Il s’agit de manière concrète d’aménager des pôles de développement dans les zones faiblement industrialisées, afin d’enclencher de nouvelles dynamiques de croissance à partir de ces pôles (voir infra, 2ème partie).
La déclinaison territoriale de la régulation économique opérée par le pouvoir central durant cette période reflète donc de manière caractéristique le caractère exogène, plaqué depuis l’extérieur » de l’intervention publique par rapport au milieu local. Le seul objectif visé n’est, en définitive, que d’attirer les investisseurs extérieurs et faciliter l’expansion des entreprises françaises, en aménageant le territoire national pour assurer le développement économique du pays. Le territoire local n’est qu’un support de la politique économique de l’Etat, considéré comme un élément spatial parmi d’autres pouvant contribuer à la compétitivité de l’économie de la France.
L’interventionnisme économique conçu à partir du modèle du développement local est au contraire caractérisé par une conception du développement endogène et autocentré, ancré dans le territoire et le milieu local. Il est ainsi le résultat de l’action en synergie des acteurs locaux, « la mobilisation des conditions, directes et (de plus en plus) indirectes, de production par des acteurs extrêmement divers et variables mais ayant en commun d’agir sur le même espace, pour faire face aux mêmes contraintes » (Beckouche, Davezies, 1993a). Ces contraintes sont notamment la multiplication du nombre des interlocuteurs (administrations, institutions publiques ou privées, entreprises…), la mise en concurrence des territoires, les nouvelles responsabilités et compétences des collectivités locales et l’importance accrue de la maîtrise de l’information. « La sortie de la crise passe par une reconsidération complète du mode de représentation de l’espace, lieu de la crise. Les économistes doivent changer de lunettes pour comprendre les enjeux économiques du bouillonnement des territoires » (Pecqueur, 1986).
La conception du développement local proposée par B. Pecqueur (2000) est en effet assez proche de celle de P. Beckouche et L. Davezies. Elle part du principe que les échanges non marchands, c’est-à-dire réalisés en dehors du marché, jouent pour beaucoup dans l’efficacité économique relative de certains territoires. Ils contribuent directement à créer, de manière endogène, des avantages comparatifs sur le territoire. Selon cette approche, le territoire est défini comme une entité socio-économique construite, engendrant des processus de création de ressources matérielles et immatérielles territorialisées. Il apparaît comme un espace de coopération entre différents acteurs économiques, ancré géographiquement.
C’est précisément ce potentiel organisationnel et relationnel du territoire qui fait la différence en matière de développement économique et de capacité d’attraction des firmes. P. Veltz (2002) souligne en effet l’importance pour le développement local de l’optimisation des ressources socio-économiques et sociopolitiques du territoire, à travers le cercle vertueux de la coopération, de la confiance et de la capacité  d’apprentissage des acteurs en interrelation. Les territoires dynamiques et attractifs économiquement sont ceux qui arrivent à combiner une grande variété d’avantages comparatifs, non limités aux ressources productives et géographiques. Les conditions de base du développement économique local sont contenues dans la capacité des sociétés locales, régionales ou métropolitaines, à se prendre en main, à s’organiser, à monter des projets et à mettre en place une gouvernance économique performante à l’échelle du territoire.
Cette nouvelle vision du développement économique repose donc sur la mise en avant des dynamiques propres au territoire local, et non sur un phénomène de redistribution impulsé par l’Etat central dans le cadre d’une politique nationale. Ce type de développement est dit endogène car il repose essentiellement sur les capacités propres du système productif localisé et des institutions en charge de la gestion du territoire à assurer la mise en valeur des attributs spécifiques et des activités économiques sur ce même territoire local. Le développement endogène apparaît en réponse à la globalisation économique et à la concurrence généralisée qu’elle induit. Il met en avant le rôle particulier du territoire dans la valorisation de ses propres spécificités, comme moyen de créer ou d’entretenir des avantages comparatifs.
Désormais, la problématique du développement économique des territoires n’est donc plus seulement de savoir comment attirer les investisseurs sur le territoire, mais également de savoir comment puiser dans les ressources propres du territoire (région ou ville) pour assurer le développement économique. La dynamique du développement économique endogène suppose ainsi une nouvelle forme élargie de l’interventionnisme public, c’est-à-dire une forme plus complète et diversifiée de la régulation opérée par les pouvoirs publics locaux. Celle-ci marie les deux approches exogène et endogène, au sein d’une stratégie de développement et d’impulsion tournée à la fois vers l’intérieur (accompagnement) et vers l’extérieur du territoire (séduction), mêlant attraction externe et stimulation interne du système productif local selon une double logique de démarche commerciale et d’action publique (Demazière, Rivard, 2004).

Système productif local et dynamiques d’innovation

Face à un contexte de concurrence exacerbée, la compétitivité du territoire revêt une importance particulière. Celle-ci ne dépend pas uniquement des ressources matérielles et immatérielles tacites, ni seulement des institutions qui les mettent en valeur, mais également de la capacité à innover du territoire. Cette capacité à innover est en grande partie liée à la capacité du système productif localisé « de générer des mécanismes de création de richesses en valorisant ses ressources spécifiques et en les utilisant pour s’adapter aux transformations de l’environnement technologique et du marché. Une telle approche donne aux acteurs locaux une importance capitale car ce sont leurs comportements qui déterminent le dynamisme et la cohérence des systèmes territoriaux de production » (Maillat, 1999).
La notion de système productif local (SPL) s’inscrit directement en référence à celle de territoire et dérive des analyses menées par les chercheurs américains et européens sur l’aspect territorial de l’industrialisation et de l’innovation, selon une approche par les coûts de transaction » (Benko, 1995). A.J. Scott souligne en effet que l’unité pertinente d’analyse de la localisation des activités économiques dans l’espace n’est pas l’entreprise ou l’établissement, mais le système productif local, c’est-à-dire un ensemble d’entreprises reliées entre elles (Scott, 1988, cité par Demazière, 2000).
Le SPL est d’abord caractérisé par sa territorialité, c’est-à-dire par son appartenance à un espace géographique particulier et délimité : il forme territoire, en constituant l’espace d’intelligibilité des acteurs », ainsi que leur espace d’appartenance et de référence commune (Pecqueur, 1996). Le SPL est ainsi l’expression d’une double proximité géographique et organisationnelle, au sein de laquelle l’historicité des relations, la culture commune (ou les valeurs), les relations de solidarité (ou de réciprocité) et le rôle des autorités publiques contribuent à la formation d’un référent territorial commun à l’ensemble des acteurs économiques présents sur le territoire. Pour C. Courlet (1994), il s’agit d’une « configuration d’entreprises regroupées dans un espace de proximité autour d’un métier, voire de plusieurs métiers industriels. Les entreprises entretiennent des relations entre elles et avec le milieu socioculturel d’insertion. Ces relations ne sont pas seulement marchandes, elles sont aussi informelles et produisent des externalités positives pour l’ensemble des entreprises ». Cette approche s’appuie essentiellement sur l’analyse des districts industriels (Beccattini, 1991), envisagés comme autant de systèmes productifs localisés, plus ou moins spécialisés autour d’un ou plusieurs savoir-faire productifs spécifiques. Une littérature abondante existe sur ce sujet, que nous ne détaillons pas ici. Elle souligne en particulier le rôle des institutions et des formes d’externalités sociales et organisationnelles dans les phénomènes d’agglomération économique de ce type.
L’agglomération des firmes en un même lieu apparaît ainsi comme la forme d’organisation spatiale la plus à même de minimiser les coûts de transaction pour chacune d’entre elles, dans un contexte d’ensemble marqué par la montée en puissance de la flexibilité et de la logique d’innovation dans les dynamiques de croissance économique : « Alors que la concentration caractéristique des grandes entreprises permettait d’envisager des économies d’échelle, les économies réalisées grâce à la proximité des entreprises permettent de privilégier la flexibilité du système productif » (Benko, 1995). La dimension nouvelle conférée à la proximité spatiale entre les entreprises constitue dès lors un enjeu de première importance pour les agents économiques, légitimés dans leur statut d’acteur au sein d’un territoire servant désormais de cadre d’élaboration des conventions et des normes qui régulent leurs échanges (Pecqueur, 1995). Les liens traditionnels entre les acteurs du SPL et les institutions publiques locales s’en trouvent de facto renforcés, car directement reliés à l’efficacité économique du territoire, dont ils sont la condition nécessaire.
Cette approche inspirée du modèle du district marshallien permet également la formulation de l’hypothèse d’une détermination de la dynamique locale de développement endogène, à travers le mode d’organisation des interactions entre le système productif localisé, le système territorial et le milieu innovateur (Maillat, 1999). Les processus d’innovation, d’auto-identification et de reproduction sont considérés ici comme nécessaires pour assurer la dynamique de développement endogène du territoire, dans un contexte de crise économique et de primauté conférée à la flexibilité et à l’adaptation en continu de la production aux évolutions du marché.
Face à ce triptyque, les grandes villes apparaissent comme les territoires les mieux disposés, notamment grâce à la densité et à la proximité des services rares, des activités de recherche et développement ou encore des compétences spécialisées des savoir-faire particuliers qu’elles abritent. L’approche par l’innovation permet par ailleurs de mettre en évidence une forme spécifique de SPL, conceptualisée par le vocable de technopôle », relatif à une agglomération d’activités à haute valeur technologique et d’innovation.
S’appuyant sur l’analyse de la croissance économique californienne, A. Scott et M. Storper (1991) identifient les grandes métropoles du Sud-ouest américain à des patchworks de districts, c’est- à-dire à une juxtaposition spatiale de systèmes productifs locaux, dont certains revêtent une importante dimension technopolitaine. C. Demazière (2000) prolonge leur approche en Europe en élaborant la notion plus spécifique (mais moins technopolitaine) de système productif urbain, défini à l’échelle d’une ville (agglomération ou métropole) et caractérisé par une ou plusieurs spécialisations sectorielles. Les interrelations entre les établissements présents sur le territoire ne sont cependant pas aussi fortement développées que dans le cas du SPL classique, de taille plus réduite, chacun poursuivant de manière plus ou moins indépendante par rapport aux autres ses propres activités, logiques d’échanges et trajectoires de développement, dans un contexte géographique de polarisation urbaine marqué par la juxtaposition spatiale de spécialités économiques et productives, qui ne sont pas forcément complémentaires entre elles.
Ces notions offrent un cadre conceptuel pertinent pour qualifier le territoire économique des grandes villes, et permettre l’analyse des formes de régulation à cette échelle. Le modèle métropolitain du patchwork de districts et celui du système productif urbain peuvent ainsi être transposés au cas de la métropole lyonnaise.
L’agglomération lyonnaise peut en effet être envisagée comme un système productif urbain composé d’une multitude d’entreprises aux interrelations variées, de la même manière qu’elle peut être vue comme une juxtaposition de systèmes productifs localisés, dont certains revêtent une dimension de milieu innovateur particulier, et qui sont plus ou moins en relation les uns avec les autres (voir infra, Section 2).

Conclusion de chapitre

La remise en cause de la pertinence, de la légitimité et de l’efficience du niveau étatique dans l’organisation et la conduite de la régulation économique du système capitaliste conduit donc à reconnaître au territoire local un nouveau statut de moteur et de ressource pour le développement économique des entreprises. Les nouvelles logiques de fonctionnement des firmes, adaptées au contexte de mutation du régime d’accumulation fordiste vers un système plus flexible et concurrentiel, donnent une plus grande importance aux dynamiques de spécialisation, d’innovation, de sous-traitance et de souplesse organisationnelle qui les traversent. Ces dernières ont ainsi une influence notable sur la nature et l’intensité des relations qui unissent les entreprises et le territoire. Un nouveau modèle de développement économique consacre l’évolution du cadre référentiel de la régulation de l’économie depuis la crise des années 1970. Il fait la part belle à la capacité des territoires de créer et promouvoir des avantages comparatifs localisés susceptibles d’attirer et/ou de maintenir sur place les entreprises et les acteurs économiques. Un rôle déterminant est notamment reconnu aux systèmes productifs locaux et à leur capacité à faire émerger des échanges et des coopérations entre les différents agents économiques.
Plus globalement, le modèle du développement économique local consacre l’émergence nouvelle des acteurs politiques, économiques et institutionnels du territoire local dans l’organisation de la régulation économique. Les effets de croissance et de stimulation du développement économique sont attendus de leur intervention active pour améliorer l’environnement général des entreprises et l’accueil des investisseurs sur le territoire. Celle-ci n’est supposée être possible et efficace qu’à condition que l’ensemble de ces acteurs arrive à coordonner son action au sein d’un projet stratégique de développement à base territoriale.
Les grandes villes comme Lyon, et leurs agglomérations métropolitaines, se voient renforcées dans leur position de place centrale de l’économie mondiale. Elles constituent en effet des territoires très performants et attractifs au regard des besoins des firmes dans le nouveau contexte économique hyperconcurrentiel et dominé par les logiques d’innovation, en raison de la concentration de ressources matérielles et immatérielles qu’elles offrent aux acteurs économiques, mais aussi grâce au potentiel organisationnel et d’initiation que recèlent leurs systèmes sociaux, politiques et productifs.
– Les atouts du système productif Lyonnais face au modèle de développement economique territorial
L’idée du développement local rapidement esquissée confère une importance toute particulière aux ressources territoriales et à la constitution d’avantages comparatifs propres au territoire local, ce que F. Corolleur et B. Pecqueur nomment des spécificités territoriales » (Demazière, 1996). D’après P. Veltz (1992), le nouveau modèle industriel territorial concurrentiel, qui remplace depuis les années 1970 le modèle hiérarchique fordiste, fait la part belle à la métropolisation et aux plus grandes villes. L’agglomération urbaine comme forme territoriale apparaît comme étant la mieux disposée dans le jeu de concurrence exacerbée qui sévit entre les territoires pour la captation et la polarisation des activités économiques stratégiques (voir la notion de ville assurantielle développée par ce même auteur).
L’agglomération lyonnaise, deuxième métropole française en termes de population (1.2 million d’habitants en 1999) et second pôle économique du pays après la capitale, bénéficie en effet de nombreux attributs spécifiques, – situation géographique, héritage historique, base économique et système productif local, grands équipements structurants –, qui lui confèrent une valeur assurantielle potentielle importante sur le marché des lieux de localisation pour les entreprises. Ils constituent également, du point de vue de la régulation économique exercée par les pouvoirs publics locaux, autant de leviers susceptibles d’être activés, renforcés, mis en valeur ou développés à travers l’action publique des autorités locales dans le champ de l’économie.

Géographie et histoire du système productif lyonnais

Lyon est située au confluent des deux axes fluviaux majeurs que sont la Saône et le Rhône, dans un couloir naturel situé entre le Massif Central et l’ensemble jurasso-alpin. Sa position géographique à la charnière entre la France du Sud (monde méditerranéen) et celle du Nord en fait un point de passage obligé des échanges économiques, humains et culturels, un carrefour central des grandes routes commerciales au moins depuis l’Antiquité. Cette identité de ville carrefour est également façonnée par son glorieux passé historique, combinant polarisation et rayonnement religieux, ainsi que centralité commerciale et bancaire au sein de l’Europe occidentale.
Au proto capitalisme de négoce qui fonde la puissance et le rayonnement de la ville de l’Antiquité au Moyen Age, succède un puissant capitalisme bancaire et mercantile durant la Renaissance et la période classique, qui s’appuie en grande partie sur le développement d’une proto industrie textile centrée sur le tissage de la soie. Le rattachement de la ville au royaume de France au début du 14ème siècle apporte en effet protection et privilèges aux marchands et artisans lyonnais durant l’Ancien Régime : foires franches au 15ème siècle (4 permanentes), fabrication de la soie au tournant du 16ème siècle. Ces décisions royales ont une incidence directe sur la constitution d’un puissant secteur bancaire et financier à Lyon, en attirant entre Saône et Rhône les marchands et forains du Piémont italien, ainsi que les banquiers florentins puis les artisans soyeux de Gênes (Braudel, 1986).
Une véritable industrie textile émerge de ce terreau au 19ème siècle, soutenue par les grandes banques locales (Crédit Lyonnais, Banque Morins-Pons…) et structurée par le système de la Fabrique hérité du 18ème siècle, dans lequel les Soyeux, donneurs d’ordres lyonnais, s’appuient sur un réseau régional d’artisans tisseurs sous-traitants. Cette industrie textile performante est elle-même à l’origine du développement des activités chimiques à Lyon, en liaison avec les besoins spécifiques en matière de teinture et d’apprêts. Le développement d’un important secteur mécanique est également lié aux besoins des activités textiles, notamment en métiers à tisser et machines pour le bobinage des fils. Les activités mécaniques se diversifient dès la fin du 19ème siècle pour répondre aux nouveaux besoins en matière de transports (chemin de fer, automobile, véhicules utilitaires) ou de mécanisation de la production manufacturière. Elles sont complétées par de nouvelles activités de construction électrique et de métallurgie induites par le développement de l’énergie électrique dans les Alpes voisines, ainsi que par les activités liées à la navigation fluviale ou à la production/distribution du gaz d’éclairage (Laferrère, 1960 ; Labasse, Laferrère, 1966 ; Bayard, Cayez, 1990 ; Kleinclausz, 1948-1952 ; Latreille A., 1988)2.
Ainsi, l’héritage historique du pôle économique lyonnais traduit une grande capacité d’initiative et d’entreprenariat au cours des siècles, caractérisé en outre par des phénomènes de coopération professionnelle et interprofessionnelle qui sont à l’origine de la diversification du système productif local : le textile lyonnais engendre la chimie et la mécanique lyonnaises.
L’industrie lyonnaise polarise l’économie régionale au tournant du 20ème siècle du fait de sa position géographique centrale, mais ne constitue toutefois pas le facteur principal de développement des autres pôles industriels de la région. Saint Etienne, Grenoble, Oyonnax, Roanne bénéficient d’une relative autonomie par rapport à Lyon dans leur décollage industriel, et tendent à nouer des relations directes avec la capitale parisienne, sans que le recours à Lyon ne soit un passage obligé pour leur développement. La métropole lyonnaise assure malgré tout un rôle de connexion et d’interface entre sa région et le reste du pays (voire du monde), en offrant notamment les services financiers de ses grands établissements bancaires (Crédit Lyonnais en tête) et de sa bourse de valeurs. Cette position est notablement renforcée par le développement du réseau ferroviaire dans la deuxième moitié du 19ème siècle, qui fait de Lyon le second nœud de croisement des grandes lignes françaises après l’étoile parisienne, ainsi que par la tradition de formation professionnelle et technique que la ville recèle.
En effet, si l’université lyonnaise ne brille pas par son ancienneté ou sa force de rayonnement historique, il en va tout autrement des nombreuses écoles techniques de l’agglomération, issues du pragmatisme des acteurs économiques et des industriels locaux pour favoriser le développement et la pérennisation de leur branche d’activité (Molin, 1996). L’enseignement supérieur reste ainsi fortement marqué par le glorieux passé industriel de la ville et reflète la diversité de la base économique lyonnaise : Ecole de la Martinière (fondée en 1807), Ecole Centrale Lyonnaise (1837), Société d’Enseignement Professionnel du Rhône (1864), Ecole Supérieure de Commerce (1872), Ecole de Chimie Industrielle (1883), Ecole Municipale de Tissage et de Broderie (1884), Ecole Catholique d’Arts et Métiers (1900), Institut de Chimie et Physique Industrielle (1919).
L’enseignement universitaire d’Etat et la recherche publique ne sont véritablement promus à Lyon que depuis les Trente Glorieuses : « Dans le langage moderne, on dirait que les industriels lyonnais se méfiaient des universitaires et des technocrates » (Molin, 1996). Cet héritage encore fortement actif dans le domaine de la formation professionnelle confère à la métropole lyonnaise des atouts non négligeables en matière de qualification et de compétences professionnelles spécifiques de la main d’œuvre. Une tendance générale à l’augmentation de la qualification en découle (Bonneville, 1997).
Lyon a donc historiquement une dimension de métropole régionale et européenne notable, elle jouit d’un rayonnement économique important fondé sur la diversité de ses compétences et savoir -faire particuliers dans le secteur industriel, malgré l’écrasante domination parisienne qui limite plus ou moins fortement son développement selon les époques. La métropole lyonnaise reste en effet longtemps confinée dans un rôle économique secondaire au niveau national, à l’ombre de la capitale, situation qui se trouve renforcée par la logique centralisatrice de la politique économique nationale durant les Trente Glorieuses (voir 2ème partie).
La relative faiblesse de Lyon par rapport à la capitale est particulièrement visible dans le domaine des fonctions métropolitaines supérieures et d’autorité économique, Paris captant l’écrasante majorité des emplois de cadres et des sièges sociaux au niveau national. Le rapport entre Lyon et Paris est ainsi environ de 1 à 10 en matière de fonctions de direction et de décision économiques (Damette, 1994), la Région Rhône-Alpes dans son ensemble ne représentant que 8.1 % des emplois de décision en France en 1999 (RUL, 1999).
P. Veltz (1992) souligne cependant que face aux profonds changements que connaissent les principes d’organisation de la production et des firmes au cours des dernières décennies (le fonctionnement en réseau remplace l’organisation hiérarchique), le processus général de métropolisation de l’économie induit une nouvelle configuration économico-territoriale en France, assez favorable à la métropole lyonnaise. La constitution d’une vaste « métropole -réseau » entre Paris, Lyon et quelques autres pôles économiques et urbains secondaires à l’échelle du pays confère enfin à la ville le statut longtemps recherché de pôle relais ou alternatif d’implantation des grandes firmes sur le territoire français par rapport à la capitale.

La base productive lyonnaise

La base économique actuelle de la métropole lyonnaise repose sur un système productif local marqué par l’importance du tissu des PME-PMI, malgré le fort développement depuis cinquante ans des grandes groupes industriels dans l’agglomération (Rhône-Poulenc, RVI, Elf…). En 1994, 76 % des établissements industriels emploient moins de dix salariés, tandis qu’une dizaine d’établissements seulement dépassent le millier d’employés. Le constat est encore plus évident pour le secteur tertiaire : 6 % des entreprises comptent plus de 10 salariés, plus de la moitié ne sont composées que d’une seule personne (RUL, 1994).
Cette structuration particulière du SPL tend à renforcer et à poursuivre la tradition d’indépendance des entreprises lyonnaises, malgré l’augmentation des relations de dépendance et de sous-traitance entre les petites structures et les plus grandes unités. L’internationalisation du système économique contribue par ailleurs à faire pénétrer les capitaux étrangers dans les entreprises lyonnaises. Ils émanent majoritairement d’autre pays de l’Union Européenne, comme la Grande-Bretagne ou Allemagne, et induisent une certaine dépendance vis-à-vis de stratégies extérieures au SPL (25 %des capitaux étrangers sont originaires des Etats-Unis en 1992) . Toutefois, cette infiltration des capitaux étrangers dans l’économie locale n’est pas seulement un facteur négatif : la position stratégique de Lyon, comme porte d’entrée d’une vaste zone Sud-est de la France, tend à réaffirmer son statut de métropole régionale rayonnante, assurant l’interface entre le territoire local et le reste du monde (Bonneville, 1997).
En 1990, Le Grand Lyon compte près de 600 000 emplois, dont la moitié est localisé dans la ville centre. Il constitue ainsi le second pôle d’emploi français après Paris. Lyon apparaît comme une ville encore assez fortement marquée par son profil industriel et généraliste, malgré l’important développement du secteur tertiaire, y compris des services aux entreprises, notamment au regard des autres villes de province du pays (Bonneville, 1997). La part de l’emploi industriel (BTP compris) représente un peu moins du quart de l’emploi total, alors que les services en couvrent près de 70 %, dont 34 % dépendent du secteur public (administrations déconcentrées et locales, offices HLM, hôpitaux, éducation nationale, Sécurité Sociale) (INSEE, 1998). En 1997, les mêmes proportions s’observent encore entre secteurs secondaire et tertiaire. Le nombre total d’emplois atteint 750 000 en 2005, répartis dans 117 500 établissements3.
Entre 1989 et 1997, le Grand Lyon a perdu 12 600 salariés dans le secteur privé. La seule ville de Lyon a perdu 18 300 salariés tous secteurs confondus (INSEE, 1998), révélant l’important processus de « périphisation » de l’emploi autour de la ville centre (Boino, 1999). Cette perte d’emploi s’accompagne d’une forte désindustrialisation, le Grand Lyon enregistrant une perte de 22 % des effectifs de l’industrie en 8 ans (-26 854 emplois). Ce sont essentiellement les communes de l’Est et du Sud-est, traditionnellement tournées vers les activités industrielles, qui enregistrent les plus grosses pertes après la ville de Lyon (Vénissieux, Saint-Fons, Villeurbanne, Décines-Charpieu, Saint-Priest).
Le secteur tertiaire constitue en revanche la locomotive du maintien de l’emploi dans l’agglomération, bien qu’il ne compense pas en totalité les pertes liées à l’industrie. L’emploi salarié tertiaire privé augmente en effet de 9 % entre 1989 et 1997, la moitié de cet accroissement étant assurée par les services aux entreprises (+11 961 emplois). L’économie lyonnaise affiche donc une très nette tertiarisation, dynamique qui s’inscrit en cohérence avec les tendances générales de l’économie (voir supra), mais qui puise aussi ses origines dans la politique étatique de décentralisation tertiaire des années 1960-70 (voir 2ème partie).
Malgré les pertes sévères enregistrées par le secteur industriel lyonnais, sa grande diversité continue donc de caractériser le « modèle lyonnais », qui diffère notamment du modèle parisien » reposant sur les activités élitistes ou des villes plus spécialisées comme Toulouse, Montpellier et Grenoble (Damette, 1994). Le maintien d’un large panel de spécialités productives locales contribue ainsi à asseoir la position de la métropole lyonnaise dans l’ensemble économique national (Bonneville, 1997), comme la seule grande ville française véritablement industrielle, avec un indice de spécificité en matière de production matérielle supérieur à 170 par rapport à la moyenne des autres villes (Damette, 1994).
Toutefois, l’indice élevé dans le domaine des activités d’intermédiation montre qu’il existe un lien étroit entre l’industrie et le tertiaire dit « stratégique »4 à Lyon. L’agglomération représente même le premier pôle provincial de services stratégiques en 1990 avec 61 000 emplois, spécialisé dans les activités commerciales industrielles, la gestion des établissements industriels, le commerce de gros, la recherche appliquée et les services aux entreprises industrielles locales et régionales (Bonneville, 1997). Les services marchands aux particuliers et le commerce de détail, plus banaux et induits par le poids démographique de l’agglomération, renforcent encore l’armature tertiaire locale.
La grille d’analyse des structures urbaines d’activité proposée par P. Beckouche et F. Damette (1993) permet de préciser le profil fonctionnel de l’économie de l’agglomération lyonnaise, à partir de l’identification des fonctions de reproduction sociale, de production abstraite (recherche, gestion, commerce, marketing) et concrète (industrie et services pratiques), ainsi que des fonctions d’autorité ou avales, toutes envisagées selon leur caractère individuel ou collectif. Lyon se positionne ainsi comme une métropole plutôt spécialisée dans les fonctions individuelles productives essentiellement industrielles (abstraites et concrètes), mais faiblement dotée en fonctions d’autorité comparativement à d’autres villes françaises, avec une place très importante également pour les fonctions collectives de circulation et d’intermédiation au sens large (logistique, services spécialisés aux entreprises) (Larceneux, Boucon, Caro, 1998). Hormis ses faiblesses en matière de commandement économique, Lyon apparaît donc comme une métropole bien armée dans le jeu de concurrence exacerbée qui sévit entre les territoires.
L. Davezies (1998) pointe en outre le profil très particulier de l’agglomération lyonnaise en France, qui détermine de manière assez positive ses possibilités de développement économique autonome vis-à-vis de l’Etat et de la capitale : grâce au fort maintien de l’industrie dans le système productif local et au développement d’un important secteur tertiaire marchand et industriel pour les entreprises, Lyon se positionne comme une ville globalement peu dépendante des fonds publics pour son développement économique, donc relativement bien disposée pour asseoir sa prospérité sur l’économie de marché.
Les 11 fonctions stratégiques identifiées par P. Beckouche et F. Damette (1993) sont : la gestion, la recherche industrielle, le commerce industriel, l’informatique, la recherche, l’information, les services aux entreprises, la banque et l’assurance, le commerce de gros, les télécommunications et les transports.
Le dynamisme propre du SPL lyonnais et de ses secteurs d’activités moteurs confère en effet à la métropole une capacité de développement endogène importante, notamment par rapport à Marseille ou Lille : la présence d’un tertiaire industriel important et de services aux entreprises spécialisés facilite notamment le prolongement des mouvements technologiques dans les entreprises sur le territoire lyonnais, susceptible d’entraîner croissance et progrès économique.

Piliers et moteurs du système productif lyonnais

Le SPL lyonnais reste donc caractérisé par l’importance des activités de production industrielle et un profil généraliste, malgré une nette tendance à la tertiarisation depuis quarante ans. La répartition entre production de biens intermédiaires, biens d’équipements et biens de consommation est assez équilibrée en comparaison des autres grandes villes françaises et régionales, avec cependant un léger avantage relatif pour les premiers. L’héritage historique de l’économie locale, bâti autour de trois grands secteurs industriels piliers du développement des activités productives, confère un rôle encore déterminant au textile (6 000 emplois), à la chimie (17 000 emplois) et à la construction mécanique, automobile, électrique et électronique (40 000 emplois au total).
Ces filières industrielles ont en commun d’être à l’origine d’un vaste réseau de production, de sous-traitance et de coopération, qui couvre une grande partie de la région Rhône-Alpes (Bonneville, 1997). Le pôle économique lyonnais joue ainsi un rôle central de tête de pont pour l’ensemble productif régional, en polarisant les grands donneurs d’ordres et l’accès vers les marchés extérieurs.
La notion de filière territorialisée de production, ou branche industrielle territorialisée, est mobilisée pour saisir l’inscription et l’ancrage dans le territoire local de l’ensemble des stades successifs d’élaboration et de fabrication de produits industriels ou de familles de produits, c’est-à-dire de secteurs productifs dont toutes les étapes respectives de production, de la conception à la commercialisation, sont présentes sur le territoire considéré (Brunet, 1994). De la sorte, une ou plusieurs activités économiques, par leur organisation et le choix des acteurs impliqués, ont un lien de cause à effet, de structuration et d’identité avec le territoire sur lequel elles sont implantées. La notion de filière ou de branche territorialisée permet donc de saisir les liens existant entre des stratégies privées et publiques au sein du territoire local qu’elles contribuent à produire (Vanier, 1997).
Le concept de secteur moteur vient compléter cet appareillage notionnel, en renvoyant à une autre dimension du système productif local, fondée à partir la théorie de la base développée par la pensée mercantiliste classique puis par l’économie spatiale et urbaine au 20ème siècle (Derycke, 1982 ; Aydalot, 1985 ; Camagni, 1996). Elle repose sur l’idée que le développement du système économique d’un territoire ou d’une ville s’appuie sur l’existence de branches d’activité locales, dites basiques, qui en exportant leur production vers l’extérieur, sont à l’origine de la création d’autres activités économiques sur le territoire, en lien direct ou non avec cette branche basique, et à destination de la population ou des entreprises locales. Ces branches d’activités agissent ainsi comme des moteurs de la croissance économique locale, grâce aux effets multiplicateurs d’activités et d’emplois qu’elles induisent. Ce concept permet de mettre en évidence les spécialisations économiques de la métropole lyonnaise, qui offrent des possibilités de création d’emplois et/ou qui sont susceptibles d’entraîner et de renforcer la diversification et la croissance du système productif local.
Les trois grandes branches industrielles piliers du système productif lyonnais peuvent être décomposées selon plusieurs secteurs moteurs, incluant des activités qui appartiennent également à la vaste sphère du tertiaire et des services. Une étude réalisée par l’association Economie & Humanisme identifie ainsi huit pôles d’activités majeurs et dix « micro-pôles d’excellence » (Minelle et alii, 1996). Elle s’appuie sur l’identification statistique des secteurs basiques du SPL conduite à partir des fichiers STRATES de l’INSEE par des chercheurs parisiens (laboratoire de l’ŒIL) visant à montrer que ces secteurs créent plus d’emplois dans l’agglomération lyonnaise que les secteurs d’activité non basiques (Beckouche, Davezies, 1995).
L’analyse des pôles majeurs de l’économie lyonnaise met en évidence la grande variété des activités, organisées selon quelques grandes branches qui recoupent en grande partie les trois grands secteurs piliers déjà identifiés, mais qui tendent à rendre plus ou moins poreuse la frontière normative établie entre le secondaire et le tertiaire :
La chimie, la pharmacie et le plastique ;
L’automobile, l’équipement automobile (y compris la fabrication de pièces détachées techniques en matière plastique) et l’entretien/réparation ;
La mécanique et le travail des métaux ;
La fabrication d’équipements électriques, aérauliques et frigorifiques, et d’électroménager ;
Le commerce de gros d’équipements industriels divers ; La création de logiciels et le conseil informatique ;
La recherche & développement et la formation ; La logistique et les transports.
La création de logiciels, le conseil informatique, la R&D et la formation occupent 9 000 emplois au total, le secteur de la logistique environ 15 000 (transport routier de marchandise interurbain et de proximité, entreposage, organisation des transports internationaux, messagerie et fret express, location de camions avec chauffeur, transports urbains de voyageurs), plaçant l’agglomération lyonnaise au second rang après Paris au niveau national et confirmant sa vocation de centre d’échanges économiques et de carrefour commercial. Ces trois secteurs relèvent de la sphère des services mais ont des liens très directs avec les activités productives. Ils illustrent bien l’étroite imbrication des différentes branches d’activités de l’économie lyonnaise entre elles et les grandes possibilités de coopération et d’échanges réciproques existant sur le territoire local.
L’analyse des dix « micro-pôles d’excellence » renforce encore l’impression de grande proximité entre les différents grands domaines d’activité traditionnels, et de porosité entre monde des services et monde de la production industrielle au sein du SPL lyonnais :
Logiciels ;
Conseil informatique et services multimédias ; Gestion de portefeuilles ;
Renseignement commercial (banques de données) ; Conseil pour les affaires et la gestion ;
Travail temporaire ; Textiles techniques ;
Instruments de précision ;
Bijouterie,
Environnement (réduction des nuisances et pollutions industrielles) ; Biotechnologies (R&D en sciences physiques et naturelles).
Cette dernière liste fait apparaître en outre quelques spécialités lyonnaises en matière de services de haut niveau (ou supérieurs) pour les entreprises, dans les domaines du management, de l’ingénierie biologique et environnementale, ainsi que dans le domaine du numérique et de l’informatique.
Ce dernier aspect tend notamment à atténuer la portée des allégations relatives à la faiblesse de la métropole lyonnaise dans ce domaine et au fait qu’elle aurait quelque peu raté le virage de l’informatique au tournant des années 1970. Si un handicap certain en matière d’électronique et de construction informatique et microélectronique demeure (Duval, 1995), la situation est assez différente en ce qui concerne les services informatiques (essentiellement destinés aux entreprises).
Lyon s’apparente en effet plus au cas parisien qu’à Grenoble ou Toulouse pour la structuration de son système productif et technologique, notamment par rapport à la politique nationale d’aménagement du territoire des Trente Glorieuses : l’agglomération lyonnaise reste globalement hors des circuits de distribution des surplus d’emplois massivement délocalisés depuis la région parisienne, étant déjà un territoire économiquement dynamique et attractif pour les grandes firmes de production et de services informatiques, notamment grâce à son important bassin d’emploi. A cette époque, les activités informatiques sont émergentes, mais ne concernent encore majoritairement que le secteur productif industriel, et non le secteur tertiaire : elles ont notamment besoin pour s’implanter de surfaces importantes. C’est donc logiquement dans la périphérie Est de l’agglomération (zone de plaine disposant de grandes réserves foncières idéales pour l’industrie) que les premiers établissements de construction informatique s’installent, y compris dans la ville nouvelle voisine de l’Isle d’Abeau (i.e. hors agglomération lyonnaise), bénéficiant ainsi de la proximité du réseau autoroutier et du marché potentiel offert par la grande ville, sans en assumer les surcoûts fonciers.
Grenoble et Toulouse, villes phares des technologies informatiques en France, se distinguent de Lyon pour le secteur global de la production de biens et de services informatiques, notamment par les effectifs employés dans la recherche et la fabrication de matériel informatique. Toutefois, si l’on ne considère que les effectifs employés à la production de services liés à l’informatique, la hiérarchie entre les trois agglomérations s’inverse, Lyon retrouvant sa place de seconde métropole tertiaire informatique en France et se rapprochant, bien que loin derrière, du profil parisien.
Pourtant, en 1995, Lyon n’occupe encore que la cinquième place en matière d’emplois stratégiques derrière Paris, Grenoble, Montpellier et Toulouse (en proportion de l’emploi total), bien que l’agglomération concentre plus d’emplois dans les services informatiques (conseils en systèmes informatiques, réalisation de logiciels, commerce de gros de matériel informatique et traitement de données) que dans les activités de fabrication informatique. Ceci peut d’ailleurs en partie expliquer les moindres effectifs dans la recherche informatique à Lyon, celle-ci accompagnant très souvent les activités de fabrication de matériel, minoritaires dans l’agglomération, mais beaucoup plus rarement les activités de conseil ou de services informatiques, majoritaires dans l’agglomération lyonnaise.
Pour faire simple, on peut dire que Lyon est spécialisée dans la production de contenus (« soft »), tandis que Grenoble est plutôt tournée vers la production de contenants (« hard »). Traditionnellement, les fabricants d’ordinateurs fournissaient à la fois les machines et les contenus, mais la généralisation de l’usage informatique au cours des années 80, au sein des entreprises mais aussi chez les particuliers depuis les années 90, a conduit à la multiplication des entreprises spécialisées dans les logiciels et dans l’informatisation des tâches dans l’agglomération lyonnaise. Les figures emblématiques de ce secteur à Lyon sont notamment les firmes Atari (ex-Infogrames, n°2 mondial du jeu video) et Cegid (progiciels).
Ainsi, Lyon, à l’image de l’Ile-de- France, s’oriente, face à l’émergence des nouvelles technologies informatiques, plutôt vers un profil métropolitain, à l’inverse de ses concurrentes qui misent essentiellement, selon la stratégie de l’Etat central et sous la domination de grandes firmes de construction informatique, sur le binôme fabrication et recherche correspondant au profil de « villes industrielles modernes » (Beckouche, 1993). Lyon s’apparente donc de plus en plus au profil d’une métropole tournée vers la haute technologie à l’image de Paris, mais avec les activités de fabrication en plus et les fonctions d’autorité et de gestion en moins.
Si Lyon veut se positionner comme la principale « alternative parisienne » française pour la localisation des activités de commandement et de R&D, le retard pris dans le secteur de l’informatique peut lui être préjudiciable, tout comme la faible intégration des industries électronique et informatique au sein de sa puissante base industrielle. Un des aspects positifs reste cependant la moindre dépendance décisionnelle et financière du secteur informatique lyonnais, structuré autour d’un tissu de PME majoritairement locales et bénéficiant également de l’assise régionale de certains grands établissements implantés sur son territoire.
Loin derrière Paris dont l’influence s’étend à tout le Nord du pays, Lyon est la seule ville après la capitale dont les effectifs de la fonction commercial- marketing évoluent positivement, et qui soit ainsi capable de rayonner à court terme sur le Sud de la France dans le domaine des activités informatiques.

L’inscription territoriale du système productif métropolitain lyonnais

L’agglomération lyonnaise est, après Paris, une des rares villes françaises, avec Marseille, susceptibles de pouvoir prétendre au statut de métropole, si tant est que la métropolisation est un processus de « renforcement des fonctions économiques supérieures en matière de décision, de direction et de gestion des systèmes économiques et de leur concentration dans quelques pôles urbains majeurs » (Bonneville, 1993b, p.223). La métropolisation se caractérise également par une recomposition interne des systèmes urbains propres aux grandes agglomérations, plus particulièrement par une recomposition des structures économiques et de leur territorialisation » (Bonneville, 1993b, p.234). A chaque branche d’activités du SPL lyonnais correspond un type de localisation métropolitaine et une évolution propre de cette inscription territoriale. Des phénomènes de polarisation sélective, de diffusion spatiale des activités économiques et d’hétérogénéisation de l’espace économique lyonnais sont ainsi à l’œuvre au sein du territoire métropolitain lyonnais.
Ces dynamiques territoriales se traduisent par un double phénomène de concentration des fonctions économiques supérieures dans le centre et de diffusion spatiale des autres activités jugées moins stratégiques (production, logistique, centres de gestion technique…), selon des logiques relativement diversifiées propres à chaque branche. Schématiquement, le partage des rôles entre l’agglomération centre et ses périphéries périurbaines s’organise de manière à ce que Lyon commande et ordonne, tandis que les périphéries exécutent. A mesure que certaines fonctions se concentrent à Lyon, l’influence de la ville, en termes de bassin d’emploi et de migrations alternantes, s’étend sur un territoire plus vaste, qui couvre le département du Rhône et une partie de l’Isère, de l’Ain et de la Loire (Région Urbaine de Lyon).
La diffusion spatiale à partir du centre est toutefois plus marquée pour les résidences que pour les emplois (Boino, 1999). A l’échelle du bassin d’emploi de Lyon5, les emplois sont plus concentrés dans le centre de l’agglomération que les actifs et ont tendance à se localiser en des points privilégiés de l’espace en s’éloignant du centre, c’est-à-dire en délaissant certains endroits, alors que les actifs (i.e. les résidences) se répartissent de façon plus homogène, même en périphérie (Andan, Tabourin, 1998). La même étude révèle que le nombre d’emplois croît plutôt dans les espaces de la proche périphérie lyonnaise qu’aux confins du bassin d’emploi, ce qui tend à confirmer l’inscription territoriale du SPL lyonnais au niveau de l’agglomération à proprement parler, c’est-à-dire du Grand Lyon. Le détail par grand secteur d’activités permet de saisir plus finement les différences au sein des dynamiques territoriales qui animent le SPL lyonnais.

L’industrie

La filière chimique s’articule autour de la chimie de base, de la chimie organique de synthèse, de la para-chimie (ou biochimie) et de l’industrie pharmaceutique. Elle repose en grande partie sur les activités déployées à partir de deux grandes firmes mondialisées nées à Lyon, que sont anciennement Rhône-Poulenc (et ses nombreuses filiales comme Rhodia) et Atochem du groupe Elf. La chimie de base est ainsi essentiellement localisée dans le Sud de l’agglomération, sur les communes de Saint-Fons, Feyzin et Pierre-Bénite, qui constituent le célèbre Couloir de la chimie concentrant centres de recherche et unités de production. La biochimie est caractérisée par une localisation plus centrale dans l’agglomération, notamment en raison de l’implantation depuis 1977 du siège mondial, des services commerciaux et du centre de recherche de Rhône-Poulenc Agrochimie dans le 9ème arrondissement de Lyon (Vaise, site de Rochecardon – la Dargoire). De la même façon, les activités de recherche et de direction dans le secteur de la pharmacie sont fortement concentrés dans la ville centre, majoritairement dans le quartier de Gerland (BioMérieux, Institut Pasteur, Institut Mérieux, Laboratoire P4 de virologie…).
Par contre, les activités de production de la biochimie et de l’industrie pharmaceutique ont fait l’objet durant les années 1960-70 d’une large diffusion dans l’espace périphérique de l’agglomération : dans la vallée de la Saône au Nord (Roussel-Uclaf à Neuville-sur-Saône, usines RP Agrochimie de Villefranche-sur-Saône – ex -Péchiney-Progil – en dehors de l’agglomération), sur les coteaux de l’Ouest à Marcy l’Etoile et Chaponost (BioMérieux, Pasteur Mérieux Sérums et Vaccins, IMEDEX) ou encore à Saint Genis-Laval (INSEE, 1998). La pharmacie présente l’indice de spécificité6 le plus élevé de toutes les filières industrielles lyonnaises, avec 2.34 en 1997 (Bonneville, 1997), ce qui signifie que cette filière est particulièrement ancrée dans le territoire local et constitue une véritable spécialité au sein du système productif lyonnais.
Le périmètre d’étude d’un rayon de 45 km autour de Lyon correspond à la zone où est obtenue l’égalité comptable entre les emplois et les actifs.
Indice de spécificité = poids du secteur dans la zone / poids du secteur en Rhône-Alpes. Un indice supérieur à 1 indique une spécialisation de la zone dans ce secteur d’activité.
La branche mécanique et automobile, ainsi que ses dérivés que sont l’industrie électrique et électronique, sont fortement marquées par l’héritage historique local – voir l’aventure de l’illustre Berliet, mais aussi la multitude de petits constructeurs-mécaniciens indépendants lyonnais du début du 20ème siècle. Elle est à l’origine d’un important tissu de sous- traitance qui s’est largement diversifié et diffusé dans l’espace régional avec le temps : fourniture de pièces détachées (usinage, fonderie, traitement de surfaces, décolletage et mécanique de précision), transformation de matières plastiques, matériaux composites, équipements électriques et électroniques…
Ces activités sont majoritairement localisées dans le Sud et l’Est de l’agglomération pour l’industrie automobile (Vénissieux et Saint-Priest accueillent les usines RVI-Renault Trucks et leurs 6 000 salariés), pour la production de biens d’équipements mécaniques et électriques et pour la métallurgie (Décines-Charpieu, Vaulx-enVelin, Chassieu, Mézieux. La commune de Lyon n’est pas en reste malgré le desserrement des activités productives opéré durant les Trente Glorieuses, elle supplante même Villeurbanne en effectifs salariés. Cette dernière apparaît pourtant comme la localisation privilégiée et traditionnelle pour une grande partie des activités industrielles, notamment mécaniques, métallurgiques et électriques, expulsées hors de la ville centre (voir supra, 2ème partie).
Contrairement à la chimie et à la pharmacie, la branche de la mécanique et de la construction électrique présente un indice de spécificité légèrement inférieur à 1, bien que celui de la filière automobile soit de 1.6, traduisant l’ancrage historique de celle-ci dans l’agglomération. Rhône-Alpes est en effet la première région mécanicienne française (18 % du potentiel national de la branche), elle présente un important pôle de compétence autour de ces filières, hérité notamment du développement industriel des régions alpines (décolletage dans la vallée de l’Arve) et entretenu depuis par un riche tissu de PME-PMI organisé en réseaux de sous-traitance. La position de l’agglomération lyonnaise dans cet ensemble s’avère donc beaucoup moins dominatrice et hégémonique que pour la chimie ou l’industrie automobile.
La branche du textile et de l’habillement s’est développée au 20 ème siècle autour des activités de production de fibres synthétiques, mais elle est en profonde régression depuis trente ans dans l’agglomération (RP Textiles et Rhodiaceta, aujourd’hui disparues). La région lyonnaise représente quand même près de 20 % de la production textile française, avec une nette spécialisation dans la production de fibres techniques (75 % de la production nationale est issue de la région Rhône-Alpes) et des textiles hauts de gamme (soieries notamment). Lyon et Villeurbanne, qui étaient les deux places fortes du textile dans l’agglomération, ont perdu le tiers des effectifs de ce secteur entre 1982 et 1990 (Beckouche, Davezies, 1993b).
Des pôles d’activité textile se maintiennent dans la banlieue lyonnaise, à Rillieux- la-Pape, Vaulx-en-Velin, Vénissieux, Pierre-Bénite, et dans le Val de Saône au Nord. Si ce secteur ne représente plus autant d’emplois que par le passé (la seule usine Rhodiaceta de Vaise a compté jusqu’à 6 000 salariés), la richesse de la métropole lyonnaise en matières d’organismes de formation professionnelle fait cependant du territoire local un centre d’organisation pour la production régionale non négligeable, jouissant également sur quelques aspects très pointus d’un rayonnement international avéré (implantation du centre de ressources des industriels du textile UNITEX à Vaise).

Les services

Les services aux entreprises, y compris les services financiers et bancaires, sont majoritairement localisés dans la ville centre (Lyon), puis dans une moindre mesure à Villeurbanne et dans les communes du Nord-ouest de l’agglomération. Les communes de l’Est, non totalement dépourvues de tertiaire, restent globalement marquées par un profil industriel dominant (INSEE, 1998). Le développement des services aux entreprises dans l’agglomération est du à la fois à l’implantation locale de filiales de grands groupes parisiens ou étrangers (cabinets d’expertise comptable Ernst & Young, Arthur Andersen, Coopers & Lybrand ACL, Deloitte & Touche, agences de publicité Euro RSCG, Havas) et à la mise en place d’entreprises locales qui accompagnent l’essor économique de la métropole lyonnaise et de sa région (cabinets comptables, conseils en management, bureaux d’études, conseils en services informatiques, renseignement économique, conseils juridiques, avocats d’affaires…).
De façon plus générale, la concentration géographique des services aux entreprises autour de Lyon est élevée, Lyon et Villeurbanne rassemblant 57 % des salariés du secteur en 1998 (INSEE Rhône-Alpes, 1998). Si toutes les activités y sont représentées, Lyon excelle dans la publicité, les études de marchés et les sondages, tandis que Villeurbanne brille plutôt par ses nombreuses sociétés de services informatiques, ses cabinets d’architectes et ses bureaux d’ingénierie et de contrôle. Deux pôles tertiaires secondaires se dégagent également dans l’agglomération : le premier à l’Ouest, très développé (plus de 1 000 salariés par commune le long de l’autoroute A6 vers Paris, avec des profils de quasi mono activité) en forte croissance et regroupant les activités les plus nobles (conseil et assistance aux entreprises, services bancaires) ; le second à l’Est, plus spécialisé dans les services opérationnels et la logistique (commerce et tertiaire industriel). Ici, les seuls points forts dans les activités de conseil et d’assistance proviennent d’entreprises isolées, le plus souvent liées à de grands groupes industriels (ancien centre de recherche de RP Industrialisation à Décines-Charpieu).
Le tertiaire supérieur au sens plus large (banques, assurances, immobilier, services marchands aux entreprises, santé et administration générale) voit sa centralité se renforcer à mesure qu’il se développe dans l’agglomération, malgré une croissance également très soutenue en périphérie : la moitié des nouveaux emplois de ce secteur se concentrent dans un rayon de 5 km autour de l’hyper centre de Lyon. Ceux qui sont situés en périphérie relèvent essentiellement de la santé, de l’administration et des services marchands aux entreprises (notamment de la logistique). Les quartiers centraux de Lyon et Villeurbanne accueillent donc la majeure partie de cette concentration, selon une logique de polarisation intra-urbaine autour des principaux axes desservis par le métro, qui concentrent la plupart des sièges sociaux ou des directions publiques et privées locales : Nord-Sud de la Cité Internationale à Gerland (6ème , 3ème et 7ème arrondissements de Lyon), Ouest-Est de Vaise à Bron et Saint-Priest, en passant par la Guillotière – Saxe-Gambetta, La Part-Dieu, Grange-Blanche et Villeurbanne (9ème, 7ème, 3ème, 8ème arrondissements) (Bonneville, 1993).
En revanche, le tertiaire quotidien (éducation nationale, action sociale, commerce de détail, services aux ménages, hôtels, bars, restaurants, postes et télécommunications, production/distribution d’énergie) est beaucoup plus dépendant de la localisation de la population. Il suit donc globalement les évolutions de localisation des résidences pour ses implantations spatiales, c’est-à-dire une dynamique de diffusion relativement homogène dans l’espace. Ces activités se maintiennent à peu près au même niveau dans le centre de l’agglomération, parallèlement à leur augmentation en périphérie pour suivre les dynamiques de périphisation et de périurbanisation de la population (Boino, 1999).
Enfin, le tertiaire périphérique (commerce de gros, logistique, grandes surfaces commerciales de détail, réparation et commerce automobile), également en fort développement, délaisse massivement la partie centrale de l’agglomération au profit de la périphérie. Ces activités se reportent dans la première couronne (entre 5 et 15 km du centre), essentiellement dans la partie Est de l’agglomération, en liaison avec la réalisation de la Rocade Est depuis 1993 et la mise en œuvre de pôles logistiques à Corbas, à Bron – Saint-Priest et à l’Isle d’Abeau (hors agglomération).
La proximité immédiate des grands axes et nœuds de communication (autoroutes, aéroport et gare TGV) favorise l’accessibilité de ces espaces et donc leur attractivité pour ce secteur d’activités. On les retrouve ainsi dans une bien moindre mesure aux portes Nord-ouest et Nord-Est de l’agglomération (Limonest, Dardilly ; Miribel et Côtière de l’Ain). La ville de Lyon accueille cependant encore plus du tiers des grossistes de l’agglomération, surtout dans le textile et l’habillement (1er arrondissement de Lyon : quartiers des Terreaux et des pentes de la Croix-Rousse). Lyon et son agglomération se positionnent comme la principale porte d’entrée des marchandises pour la distribution dans la région et au delà. L’importance des activités liées aux transports vient en grande partie de la position de carrefour de la métropole, mais également des grands équipements structurants qu’elle abrite (port fluvial, aéroport, TGV, nœud autoroutier).
La métropole lyonnaise polarise ainsi les services généraux et qualifiés pour l’ensemble de la région Rhône- Alpes et une partie du quart Sud- est du pays, malgré une forte concurrence avec les autres grandes villes sur ce secteur (Grenoble, Annecy, mais aussi Genève, Marseille…). Ces dynamiques mettent en lumière l’intégration fonctionnelle du centre et des périphéries urbaines dans une logique de fonctionnement économique et urbain commune (Beckouche, Davezies, 1993), ainsi qu’un certain accroissement du commandement économique exercé depuis la métropole lyonnaise, notamment sur l’entité territoriale, fonctionnelle et économique que constitue la Région Urbaine de Lyon (voir 2ème partie).

Table des matières

Première partie : Le territoire local à la rencontre de l’Economie et de la Politique Cadrage théorique
Section 1 : REGULATION, ECONOMIE ET TERRITOIRE
I – La caractérisation théorique de la régulation économique
1- Régulation et accumulation du capital
Les formes institutionnelles du mode de régulation
Crise économique et régulation
2- L’organisation territoriale comme forme institutionnelle partielle de la régulation économique
Régulation économique et dépassement de la dichotomie espace/territoire
La dimension territoriale de la crise du mode de régulation
3- L’émergence du niveau local comme solution à la crise territoriale du mode de régulation
Conclusion de chapitre
II – Les enjeux spatiaux du développement économique en période de crise
1- Flexibilité organisationnelle et innovation, les nouveaux paradigmes du système économique capitaliste
2- Les conséquences spatiales de la mutation du système économique
3- Un nouveau modèle de développement post-fordiste centré sur le rôle du territoire
4- Système productif local et dynamiques d’innovation
Conclusion de chapitre
III – Les atouts du système productif Lyonnais face au modèle de développement economique territorial
1- Géographie et histoire du système productif lyonnais
2- La base productive lyonnaise
Piliers et moteurs du système productif lyonnais
L’inscription territoriale du système productif métropolitain lyonnais
Rayonnement métropolitain et diversité du tertiaire lyonnais
Le potentiel de rayonnement international de la métropole lyonnaise (économique, culturel, touristique)
Les grands équipements structurants (infrastructures et superstructures)
Les milieux innovateurs (R&D) et la dynamique technopolitaine de Lyon
Conclusion de chapitre
Conclusion de Section
Section 2 : REGULATION, POLITIQUE ET TERRITOIRE
I – Aménagement et représentations du territoire
1- La variabilité du territoire de référence ou la question de l’échelle d’analyse
2- Contingence historique et sociopolitique des représentations territoriales
Conclusion de chapitre
II – La territorialisation des politiques économiques
1- Les politiques publiques locales de développement économique
2- La territorialisation de la régulation économique
3- Le système d’acteurs local
4- Représentation des intérêts économiques et poursuite de l’intérêt général local
Conclusion de chapitre
III – La ville comme territoire politique et scène de régulation locale
1- La ville comme société locale (incomplète)
2- De la régulation économique à la régulation politique
3- Territoire, régulation économique et gouvernance
Conclusion de chapitre
IV – La gouvernance urbaine et territoriale face à la question économique
1- Les apports de la notion de gouvernance…
2- …Et les limites de la notion de gouvernance
La gouvernance, une fausse nouveauté ?
La gouvernance, Cheval de Troie néolibéral ?
3- Territoire, gouvernance et stratégie : un nouveau discours sur la méthode ?
L’intégration de l’intérêt des entreprises par les pouvoirs publics locaux
Les limites techniques et démocratiques du modèle de la régulation économique territorialisé
Conclusion de chapitre
Conclusion de Section
Conclusion de la 1ère Partie
Deuxième partie : La régulation économique sous domination étatique (1950-1980)
Section 1 : LA POLITIQUE ECONOMIQUE NATIONALE ET SES DECLINAISONS A LYON
I – Cadre référentiel, principes et moyens de la politique économique française
1- Le principe interventionniste de l’économie mixte en contexte de croissance
2- L’encadrement de la politique économique structurelle par la planification
Une planification déconnectée des enjeux territoriaux
La régionalisation du Plan et l’ouverture de la régulation aux logiques spatiales
L’intégration des logiques spatiales dans la régulation économique
3- Le rôle du patronat français dans la régulation économique étatique
Le patronat français face au principe de l’économie dirigée
Une alliance de l’Etat et du grand capital au service de la croissance
4- Les moyens directs de la régulation économique structurelle étatique
La formation du secteur public et la logique de concentration économique
Les leviers financiers et réglementaires
5- L’urbanisme et l’aménagement au service de la régulation économique territoriale
Planification urbaine, zones industrielles et régulation économique territoriale
La politique nationale d’aménagement du territoire
La consolidation du dispositif de régulation économique territoriale par la LOF
Conclusion de chapitre
II – La régulation économique étatique face au cas lyonnais
1- L’impact limité des dispositifs financiers au niveau local
2- L’intégration de la planification territoriale locale dans la politique nationale d’aménagement au service du développement économique
Le PDGU, reflet des intérêts industriels lyonnais
Les avancées territoriale et étatique du PADOG
Les impératifs tertiaire et industriel du SDAM, au service de la politique économique
La Région Urbaine de Lyon : matérialisation territoriale du projet économique de l’Etat
3- L’aménagement économique de la métropole au service des grands groupes industriels et tertiaires
Répartition fonctionnelle et hiérarchisée des activités économiques sur le territoire
Un outil spatial et conceptuel à la mesure des objectifs industriels
L’opération Part Dieu, instrument de la décentralisation tertiaire souhaitée par l’Etat
Conclusion de chapitre
Conclusion de section
Section 2 : LA PLACE DU SYSTEME D’ACTEURS LYONNAIS DANS LA CONDUITE DE LA POLITIQUE ECONOMIQUE
I – Le rôle des structures patronales locales dans la régulation économique
1- Une alliance entre patronat et pouvoirs publics plus nuancée au niveau local
2- La représentation des intérêts économiques locaux de l’agglomération lyonnaise
La Chambre de Commerce et d’Industrie de Lyon (CCIL)
Le Groupement Interprofessionnel Lyonnais
3- Le Comité d’expansion économique lyonnais, creuset pour une capacité d’expertise économique territoriale
Les principes de l’expertise portée par le patronat lyonnais
L’intégration de l’initiative d’expertise locale dans le dispositif de planification étatique
Une « guerre » de l’expertise économique perdue face à l’Etat central
4- L’évolution des relations entre le milieu économique et le pouvoir politique à Lyon
Le clientélisme municipal lyonnais
L’ouverture des relations aux intérêts extra-locaux
Conclusion de Chapitre
II – La reconfiguration du paysage institutionnel et opérationnel
1- Hégémonie étatique et concertation limitée dans la conduite de la politique d’aménagement à Lyon
2- Les insuffisances du niveau municipal en matière de régulation économique
3- De nouvelles structures d’agglomération au service de la politique économique étatique
Avantages et limites politiques de la COURLY
De l’ATURVIL à l’ATURCO
La SERL, bras opérationnel des collectivités locales
4- L’accompagnement spatial du développement économique
L’éviction des activités industrielles hors du centre de l’agglomération
L’organisation du desserrement industriel autour de Lyon
Le développement de l’offre d’implantation tertiaire
Conclusion de chapitre
Conclusion de section
Section 3 : VERS LA TERRITORIALISATION DE LA REGULATION ECONOMIQUE SPATIALE
I – Le désengagement de l’Etat des affaires économiques lyonnaises
1- L’échec de la décentralisation industrielle et tertiaire
Des complexes industriels régionaux inadaptés aux réalités économiques
L’impact limité de la Part Dieu sur la décentralisation tertiaire
Lyon, métropole financière ?
2- La Charte Industrielle ou le réveil du patronat lyonnais
La contestation de l’expertise économique technocratique
Un nouveau positionnement patronal hostile à l’interventionnisme public
De l’art et de la manière de reprendre le leadership
Remise en cause de l’organisation de la régulation économique au niveau local
3- Le basculement dans un régime économique de crise
Thèmes et concepts de référence : de la croissance à la crise
Prémices d’une territorialisation de l’intervention en faveur de l’économie
Conclusion de chapitre
II – L’émergence de la politique économique lyonnaise
1- Une nouvelle alliance entre patronat et responsables politiques lyonnais
Un positionnement hostile à la politique économique de l’Etat
Missions et positionnement stratégique de l’ADERLY
L’organisation du système d’acteurs local au service des intérêts économiques lyonnais
2- L’acculturation managériale des acteurs lyonnais
L’ouverture des responsables lyonnais à la gestion partenariale du développement économique
Gestion partenariale des problèmes économiques et conflits politiques
Le rôle pilote de l’ADERLY
Management et sous-traitance dans les opérations d’aménagement économique
Une gestion pragmatique des surfaces d’activités dans l’agglomération
Conclusion de chapitre
Conclusion de Section
Conclusion de la 2ème Partie
Troisième partie : la territorialisation de la politique économique dans la métropole lyonnaise (1980-2005)
Section 1 : IMPERATIF ECONOMIQUE ET MONTEE EN PUISSANCE DES POUVOIRS PUBLICS LOCAUX DEPUIS 1980
I – Les mutations du cadre référentiel de la régulation économique
1- La compétitivité économique territoriale au centre des politiques urbaines
2- L’évolution du cadre législatif français (1982-2002)
Conclusion de chapitre
II – Le processus de réappropriation politique de l’impératif économique
1- Les freins à l’engagement économique communautaire dans les années 1980
Divergences idéologiques au sein de la classe politique lyonnaise
Autres facteurs limitatifs de l’engagement économique communautaire
La primauté des initiatives municipales en faveur de l’économie
La domination politique de la municipalité lyonnaise sur l’appareil communautaire
2- L’inscription de l’enjeu économique dans l’agenda politique communautaire
Entre rhétorique métropolitaine et consécration légale
L’économie au centre de la politique urbaine lyonnaise
Extension sectorielle du domaine de la lutte économique
Conclusion de Chapitre
III – Montée en puissance de la compétence économique dans l’organigramme
communautaire
1- Une difficile saisine technique de la problématique économique dans les années 1980 … 300
2- Anticipation d’une compétence attendue (1989-1991)
3- Le temps de l’officialisation (1992-1998)
La parenthèse SODERLY
La Direction des Affaires Economiques et Internationales
4- La consécration des services économiques communautaires (depuis 1999)
Renforcement de la capacité d’action et tentatives territoriales de la DAEI
Instauration de la TPU et redéfinition de l’intérêt économique communautaire
Territorialisation de la politique économique communautaire…
… ou tentations hégémoniques de la part du Grand Lyon ?
Conclusion de chapitre
Conclusion de section
Section 2 : LA STRATEGIE COMME MODALITE DE REGULATION ECONOMIQUE TERRITORIALE
I – L’avènement de la méthode stratégique durant la décennie 1980
1- Qu’est-ce que la démarche stratégique ?
Un nouveau principe d’action économique pragmatique et flexible
Une méthode d’action publique adaptée à la contrainte concurrentielle
2- L’application de la méthode stratégique à la politique économique lyonnaise
L’urbanisme et l’aménagement au service du développement économique territorial
Entre urbanisme économique et stratégie de positionnement international
Sous-traitance et partenariat, solutions à la quête de pragmatisme économique
3- La planification stratégique, pivot du développement économique local
Une nouvelle culture partagée de l’action publique
Une vision stratégique de la planification urbaine portée par les acteurs économiques
L’AGURCO, vecteur de l’acculturation stratégique de la puissance publique locale
L’essence stratégique du projet de schéma directeur « Lyon 2010 »
Une déclinaison spatiale et multisectorielle des enjeux de développement économique
Conclusion de chapitre
II – L’intégration fonctionnelle des politiques urbaines
1- Projet urbain et globalisation de l’action publique au service du développement économique
La dimension économique du projet urbain
La mise en oeuvre opérationnelle des projets urbains stratégiques
Les missions territoriales, vecteurs de transversalité et de proximité dans l’action publique
2- Difficultés de mise en cohérence développement urbain / développement économique
Vertus intégratives de l’aménagement des surfaces d’activités
Renouvellement urbain et développement économique
Le cloisonnement sectoriel de l’action économique communautaire
Un problème de compétences techniques en matière d’action économique ?
3- De l’animation territoriale au développement économique décentralisé
La réorganisation territorialisée de l’intervention économique
Avantages et limites du développement économique territorialisé
Conclusion de chapitre
Conclusion de section
Section 3 : CONFIGURATIONS ET LIMITES DE LA NOUVELLE GOUVERNANCE ECONOMIQUE LYONNAISE
I – Le repositionnement contraint des organismes à vocation économique
1- Le rôle pilote des acteurs économiques dans les années 1980
L’ADERLY au coeur de la conception stratégique de la politique économique territoriale
Accueil, promotion, internationalisation et rhétorique technopolitaine
Expertise économique et vision stratégique du développement économique local
2- La subordination des structures représentatives des intérêts économiques au Grand Lyon
Les structures patronales, acteurs incontournables du développement économique local…
… Soumis à la concurrence de nouveaux organismes de représentation des entreprises…
… et progressivement relégués au second plan par la DAEI du Grand Lyon
3- La gouvernance économique lyonnaise
Conclusion de chapitre
II – L’instauration de relations directes entre le Grand Lyon et les entreprises
1- Un nouveau rapport du politique aux entreprises
2- Du partenariat public/privé à l’intégration de l’intérêt des entreprises
Le recours aux entreprises privées dans l’aménagement urbain
Un cas d’école, la Cité Internationale
Une participation accrue des acteurs économiques à la planification urbaine
Les entreprises, cibles, partenaires et vecteurs directs du développement économique territorialisé
Du SDE au GLEE : l’avènement de l’intérêt des entreprises au coeur de la politique économique
3- Limites politiques de l’intégration de l’intérêt des entreprises par le Grand Lyon
Contradictions entre les objectifs spatiaux de l’action publique et le développement économique
Le développement économique territorialisé au risque de la représentation démocratique
Poursuite de l’intérêt général ou défense de l’intérêt des entreprises ?
Conclusion de chapitre
Conclusion de section
Conclusion de la 3ème Partie
Conclusion
Bibliographie générale

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