Lorsque les astronautes parlent à la Terre

Lorsque les astronautes parlent à la Terre 

Le 20 février 1962, John Glenn est le premier astronaute américain à effectuer un vol orbital autour de la Terre près de 10 mois après celui du Soviétique Youri Gagarine. En lien avec l’idée que les astronautes échangent avec le personnel au sol, si ces entretiens avec la National Aeronautics and Space Administration (NASA) durant cette mission sont purement factuels et professionnels dans un premier temps: «Roger. Zero-g and l feel fine. Capsule is turning around. », ils ne tardent cependant pas à laisser transparaître l’émerveillement que chaque être humain est en capacité de ressentir lors d’expériences nouvelles : « Oh, that view is tremendous ! ». Quelques années auparavant, au même titre  que Jules Verne publiait De la Terre à la Lune, c’est en 1954 qu’Hergé avait prédit cet émerveillement dans sa bande dessinée On a marché sur la Lune des A ventures de Tintin : il est, en effet, possible de lire une réplique du Professeur Tournesol qui, en contemplant la Terre depuis l’espace, dit: « Quand on a contemplé pareil spectacle, eh bien, on peut mourir!»(Hergé, 1954, pA).

Aller dans l’espace s’avère donc avoir des effets sur les astronautes et ceux-ci, il nous semble, peuvent se traduire par l’entremise de la communication. En lien avec cette idée, considérons à nouveau la célèbre citation de Neil Amstrong lors de l’alunissage de la mission Apollo Il en 1969. Près de 50 ans plus tard, la phrase « That’s one small step for man, one giant leap for mankind » est devenue synonyme de cet événement. Pourtant, à l’heure où la course à l’espace battait son plein, où deux nations se perdaient à rêver d’être la première à atteindre le satellite naturel de notre planète, la première phrase prononcée une fois l’exploit accompli n’a pas été animée par l’envie de démontrer la supériorité d’un pays mais davantage par ce besoin universaliste de réunir chaque être humain comme faisant partie d’une même entité plus grande: l’humanité. Là encore, Hergé avait considéré cet universalisme lorsqu’en réalisant ses premiers pas sur ce satellite, Tintin prononçait: «On a marché sur la lune! »(Hergé, 1954, p.25), réunissant ainsi l’ensemble des êtres humains dans un même pronom.

Il peut sembler plus naturel, dans un premier temps, de parler d’effets physiques lorsque la possibilité d’envoyer des êtres humains dans l’espace est évoquée puisqu’il faut s’assurer que ces derniers restent en bonne santé malgré les radiations auxquelles ils peuvent être soumis par exemple (Mcphee & Charles, 2009). Cependant, comme mis en avant plus haut, des effets psychologiques semblent aussi présents et les exemples évoqués à ce sujet dans les paragraphes précédents constituent des preuves anecdotiques que l’espace modifie la psychologie humaine.

Selon Slack, Shea, Leveton, Whitmore et Schmidt (2009), l’espace engendre effectivement différents types de conséquences psychologiques sur les êtres humains qui peuvent être regroupées sous les rubriques de pathogénèse (effets négatifs de l’espace sur l ‘Homme) ou de salutogénèse (effets positifs sur l’Homme). En lien avec cette dichotomie, il va sans dire que voyager dans l’espace peut être considéré comme étant une expérience stressante. Entre autres, le corps de l’astronaute s’adapte physiologiquement à la modification de la gravité et ses patrons de sommeil se modifient également. Il existe donc un risque de détérioration de la santé mentale (anxiété, asthénie, et dépression) d’un astronaute lors d’un voyage  dans l’espace et ce risque augmente en fonction de la durée de la mission (Slack et al., 2009). Pourtant, ces mêmes auteurs indiquent, dans leur recension des écrits à propos des impacts comportementaux et psychiatriques de l’espace, que voyager dans l’espace peut aussi se traduire par un émerveillement plutôt que par une expérience stressante. Lors de voyages spatiaux, certains astronautes disent vivre des expériences transcendantes ou religieuses. Qui plus est, cet effet semble perdurer bien après leur voyage dans l’espace comme pour John Glenn ou Russel Schweickart qui ont « réorienté leurs activités principales pour faire progresser la vision de la Terre comme [étant] un tout indivisible» [traduction libre] ou pour Edgar Mitchell qui a fondé l’ Institute of Noetic Sciences pour étudier la conscience humaine et son potentiel d’expansion. (Suedfeld et al., 2012, p.l19) .

Dans ce mémoire, nous allons d’ailleurs nous concentrer sur une des conséquences d’ordre psychologique qu’engendre un séjour à bord de la Station Spatiale Internationale au 21 e siècle, à savoir, son impact sur les valeurs. À ce sujet, plusieurs études qui sont présentées plus loin dans ce mémoire confirment que l’un des moyens permettant d’observer les effets de l’espace sur les valeurs d’astronautes résulte en l’analyse de leurs communications. Toutefois, avant de présenter la recherche portant sur ce thème, il est essentiel d’expliquer le cadre théorique sous-jacent à notre mémoire tout en y définissant le concept de valeur et en y démontrant sa pertinence en tant qu’outil pour étudier la communication chez les astronautes.

Table des matières

INTRODUCTION
Lorsque les astronautes parlent à la Terre
PROBLÉMATIQUE
Description du modèle des valeurs de Schwartz (1992)
Figure 1
Pertinence du modèle de Schwartz (1992)
Valeurs et médias
Valeurs et environnements extrêmes
Valeurs et voyages dans l’espace
Hypothèse et objectifs de la recherche
Question de recherche
MÉTHODOLOGIE
Corpus
Mesure
Procédure
RÉSULTATS
Les valeurs animant Thomas Pesquet avant son départ pour l’espace
La perspective intra individuelle
Tableau 1
Tableau 2
Tableau 3
Tableau 4
La perspective interindividuelle
Tableau 5
Tableau 6
DISCUSSION
CONCLUSION

Cours gratuitTélécharger le document complet

 

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *