L’OUTIL UTILISE LE JEU VIDEO

 L’OUTIL UTILISE LE JEU VIDEO

 Introduction au jeu vidéo

Défini par le dictionnaire des médias (Balle, 1998), le jeu vidéo est un « jeu enregistré sur support vidéo, cassette ou disque, ou accessible en ligne. Son utilisation nécessiterait un équipement technique : console ou micro-ordinateur, écran, manette, clavier ou parfois souris ». D’un point de vue historique, Vincent Berry (2006b) situe l’origine des jeux vidéo dans les années 1950-1960 avec des applications informatiques, « militaires ou universitaires, détournées par des étudiants, des hackers ». Dans les années 1970, naîtra le jeu « Pong », en bornes d’arcade ou en versions domestiques (p2). En ligne, en solitaire ou en famille, les jeux vidéo ont investi les foyers et proposent une offre de jeux et de possibilités toujours plus diversifiée et toujours plus attrayante pour les utilisateurs qui, nous allons le voir, ne sont pas forcément les plus jeunes. Selon l’enquête IPSOS de 2009 (IPSOS, 2009), il arrive à 99% des jeunes enquêtés, âgés de 12 à 17 ans, de jouer aux jeux vidéo, sur console ou sur internet, à la maison ou chez des amis. Dans ces 99% de joueurs, ils sont 92% à y jouer régulièrement. Cela montre que les jeux vidéo font partie de la culture des jeunes et qu’il s’agit d’une pratique intense et donc susceptible d’avoir un impact sur lui et/ou son entourage. Parmi ces jeunes, les garçons semblent être plus joueurs que les filles. En effet, ils sont 85% à jouer régulièrement alors que les filles le sont moitié moins. Ces dernières sont 86% à jouer régulièrement alors que les  garçons sont 99% à jouent régulièrement. Lorsqu’il leur est demandé leur pratique quotidienne, ils sont 42% à confier s’y adonner chaque jour. En ce qui concerne l’encadrement parental, les jeunes enquêtés sont 87% à dire que leurs parents parlent avec eux des jeux vidéo auxquels ils jouent. Ces jeux vidéo seraient alors un vecteur d’échange et de discussion et réussiraient, au même titre que la télévision ou le cinéma, à mettre en relation les parents et leurs enfants. Ils seraient même 64% des parents à jouer avec leurs enfants aux jeux vidéo. Trois ans plus tard, en 2012, une nouvelle enquête (IPSOS & ISFE, 2012) fait le point sur les habitudes de pratique des jeux vidéo en France. On apprend dans cette enquête adressée aux parents que 65% des enfants des personnes interrogées jouent aux jeux vidéo et que ces parents jouent avec eux dans 44% des cas. Parmi les raisons invoquées par les adultes, il apparaît en premier lieu la dimension sociale avec le fait de « passer du temps avec eux » pour 38% mais aussi, pour 36%, dans le but de satisfaire la demande de leurs enfants qui souhaitent jouer avec eux. 26% des parents interrogés confient « aimer jouer » avec leurs enfants et 12% disent le faire car le jeu a selon eux un intérêt éducatif. Le jeu créerait du lien dans la famille en offrant des moments de partage et de plaisir à jouer ensemble. Toujours dans cette enquête, on relève que les parents placent le jeu vidéo comme un outil de divertissement avant toute chose. Il semblerait donc y avoir l’image ludique que se font les parents du jeu vidéo et d’un autre côté, la fonction sociale réelle qu’il revêtirait sans forcément que les personnes interrogées ne la mettent en avant. Le secteur du jeu vidéo, qui est aujourd’hui la « première industrie culturelle au monde » (Centre d’Analyse Stratégique, 2010) ne cesse de grandir auprès d’un public toujours plus nombreux. Il a notamment fait l’objet d’une note d’analyse du « Centre d’analyse stratégique », en fin d’année 2010 (Ibid.). 

Les caractéristiques du jeu vidéo

Le jeu vidéo tient donc une place prépondérante dans notre société. Mais quelles sont les caractéristiques de ces jeux ? Que permettent-ils ? Pourquoi sont-ils si prisés et quels sont leurs effets sur les utilisateurs ? Nous allons tenter de répondre à ces questions en analysant les caractéristiques propres aux jeux vidéo.

Le jeu vidéo est-il vraiment un « jeu » ?

Le jeu vidéo tire sa force de sa dénomination, « jeu vidéo », qui fait de lui un « jeu » à part entière. Comme nous l’avons précisé, les jeu est pour Huizinga (1951, pp.57-58) « une activité volontaire, accomplie dans certaines limites fixées de temps et de lieu, suivant une règle librement consentie, mais complètement impérieuse, pourvue d’une fin en soi, accompagnée d’un sentiment de tension et de joie et d’une conscience d’être autrement que dans la vie courante ». Les jeux vidéo répondent-ils alors à ces critères énoncés par l’auteur ? Brougère (2008) a décrypté la mise en scène du jeu dans les jeux vidéo en se demandant justement si le jeu vidéo était bien « un jeu ». Tout en reconnaissant que le jeu vidéo était à l’évidence « à l’origine du développement de nouvelles pratiques ludiques » (p.85), l’auteur a interrogé la nouvelle place du jeu suite à l’apparition du multimédia. Jouer serait, dans le jeu vidéo, « une succession de décisions ». « Jouer c’est décider » et il y aurait donc une « réduction de l’action à la décision » (Ibid. p.85). Il abonde dans le sens des jeux vidéo perçus comme « jeux » en présentant le jeu vidéo comme un dispositif qui a « la particularité de réaliser, à travers un dispositif matériel, les caractéristiques même du jeu avec son optimisation au moins dans les jeux les plus réussis » (Ibid. p.85). Il en vient à présenter les jeux vidéo comme une « matérialisation radicale » du jeu (Ibid. p.90). Les jeux vidéo seraient  donc des « jeux » sous une forme médiatisée qui pourraient même dans certains cas accentuer les caractéristiques propres au jeu. Ce qui change finalement, c’est la forme dans laquelle le jeu est proposé au joueur. Patricia Greenfield (1994) identifie néanmoins une différence importante entre les jeux traditionnels et les jeux vidéo, à savoir que, dans les jeux vidéo « personne ne vous fournit les règles à l’avance. Celles-ci doivent être découvertes par l’observation, par des tâtonnements, “essais et erreurs”, et par une méthode de mise à l’épreuve d’hypothèses » (p.47). Cet aspect d’essai-erreur et de possibilité de modification pourrait expliquer l’engouement pour le jeu vidéo. En effet, dans le jeu vidéo on peut se tromper et recommencer sans que cela n’ait une incidence sur la vie quotidienne. Le joueur est à l’écart du monde qui l’entoure et qu’il peut trouver comme étant trop restrictif ou trop peu malléable. Rinaudo (2010, p.140) confirme cette distinction entre le jeu vidéo dans lequel les joueurs peuvent « affronter un adversaire, être un chef de bande, séduire, combattre, déjouer des pièges, mais surtout reprendre là où ils en étaient ou encore recommencer à zéro » et le monde réel qui les entoure et qui est perçu bien souvent comme trop complexe. Cet univers expérientiel soulagerait ainsi la complexité du quotidien des joueurs, leur ouvrirait les portes d’un environnement plus libre, plus créatif et donc pour eux, plus rassurant et motivant. Cette relation entre l’univers virtuel et l’univers réel est d’ailleurs de plus en plus discutée aujourd’hui.

Jeu vidéo et interactivité

L’ « interactivité » se définit dans le dictionnaire Larousse (« Dictionnaire Larousse en ligne », s. d.) comme la « faculté d’échange entre l’utilisateur d’un système informatique et la machine par l’intermédiaire d’un terminal doté d’un écran de visualisation ». Dans le Dictionnaire des Médias (1998), l’« interactivité » est la « faculté, pour l’utilisateur d’un média, d’en obtenir, parmi les programmes ou les services que celui-ci est susceptible de lui offrir, ce qu’il veut et quand il le veut ». Cette notion « interactive » semblerait donc liée au média, à l’informatique, à internet. Mais qu’apporte-t-elle à l’utilisateur ? Permet-elle un dialogue constructif et une réponse adaptée aux attentes de l’individu ? Et amène-t-elle à un apprentissage ? Max Giardina (1992) s’est intéressé à l’interactivité et à son importance dans un environnement d’apprentissage multimédia. Selon l’auteur, ces environnements se doivent non pas de « présenter un objet passif » mais bien d’être « moyen de communication des intentions pédagogiques». L’individu serait au cœur de ce système « d’accès et de manipulation d’informations » (p.43). Ce concept amène à l’apprenant des « dimensions de pouvoir et de contrôle » sur son environnement d’apprentissage (Ibid. p.44). L’apprenant serait actif dans cette situation, il serait acteur de son apprentissage. Cette notion d’interactivité semble « connotée par la dimension d’immédiateté » (Ibid. p.51), devenue partie intégrante de notre fonctionnement, avec la culture désormais affichée et revendiquée par tous du « tout, tout de suite ». L’interactivité constituerait alors le meilleur moyen pour contenter des utilisateurs toujours plus avides d’immédiateté. L’auteur conclut sur la pertinence de l’usage et l’amplification de cette interactivité dans les environnements informatiques : « La valeur des acquisitions de l’apprenant dépend du degré d’interactivité possible dans l’environnement interactif » (Ibid. p.61). L’interactivité aurait donc une place centrale dans le développement des apprentissages des élèves. Lebrun et Vigano (1995) voient également dans « l’interactivité fonctionnelle » (qui amène à des vues dynamiques sur l’information) et dans « l’interactivité relationnelle » (suscitée par les médias) un moyen de mieux « apprendre, comprendre et vivre la société complexe » (p.479). La portée de l’interactivité dépasserait toutes les attentes car on y trouverait une nouvelle source potentielle d’apprentissage. Weissberg (1999), mais aussi Jacquinot et Meunier (1999), se sont eux aussi penchés sur les vertus de l’interactivité en termes d’apprentissages. Le premier cité prône pour une « reconnaissance » de la « communication numérique et de l’hyper-médiation dans une perspective éducative » et donc de la place de l’individu dans ce système qu’il appelle le « devenir auteur » (p.168). Jacquinot et Meunier insistent, quand à eux, sur le caractère fondamental des « lieux d’échange » dans un « groupe virtuel d’apprentissage » (p.8) et présentent l’« interactivité machinique » comme pouvant au pire « bloquer » l’apprentissage, si l’utilisateur est en manque de sens, et, au mieux « le favoriser », sans toutefois ne jamais « s’y substituer » (p.4). En d’autres termes, l’interactivité peut générer des apprentissages si elle apporte du sens au joueur et elle peut, dans le pire des cas, les bloquer et non pas les réduire. Cette interactivité, rendue possible par l’informatique, est définie par Tricot et Rufino (1999) comme « un environnement dans lequel un certain nombre de choix possibles sont présentés à l’utilisateur à l’instant t, et que chacun de ces choix entraine, à l’instant t+1, une modification de l’environnement » (p.105). C’est en choisissant que l’on rendrait effective l’interactivité d’un lieu informatique. Les auteurs précisent que cette apparition de l’interactivité dans les « EAO » (Environnements Assistés par Ordinateur) a eu comme influence d’en modifier la dénomination pour en faire des « EIAO » (Environnements Intelligemment Assistés par Ordinateurs), et qu’elle peut s’apparenter à un conditionnement, comme l’a présenté Skinner dans les années 1960. L’interactivité est le fruit des choix du joueur et n’existe donc que par le joueur et pour le joueur.

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