Manuel d’économie politique

LE MODE DE PRODUCTION FÉODAL

L’avènement de la féodalité

Le régime féodal a existé, avec des particularités différentes, dans presque tous les pays. La féodalité s’étend sur une longue période. En Chine, le régime féodal a existé plus de deux mille ans. En Europe occidentale, il a duré plusieurs siècles, depuis la chute de l’Empire romain (Ve siècle) jusqu’aux révolutions bourgeoises d’Angleterre (XVIIe siècle) et de France (XVIIIe siècle); en Russie, du IXe siècle à la réforme paysanne de 1861;en Transcaucasie, du IVe siècle jusque vers 1870; chez les peuples de l’Asie centrale, des VIIe et VIIIe siècles à la victoire de la révolution prolétarienne en Russie. En Europe occidentale, la féodalité s’est constituée sur les ruines de la société romaine esclavagiste, d’une part, et sur celles de la gens, chez les tribus conquérantes, d’autre part; elle résulta de l’action réciproque de ces deux processus.
Des éléments de féodalisme existaient, nous l’avons déjà dit, au sein de la société esclavagiste sous la forme du colonat. Les colons étaient tenus de cultiver la terre de leur maître, grand propriétaire foncier, de lui verser une somme d’argent ou de lui remettre une importante partie de la récolte; ils étaient en outre astreints à certaines redevances. Néanmoins, les colons avaient plus d’intérêt à leur travail que les esclaves, puisqu’ils possédaient leur propre exploitation. Ainsi se formèrent de nouveaux rapports de production, qui reçurent leur plein développement à l’époque féodale. L’Empire romain fut détruit par les tribus germaniques, gauloises, slaves et autres, qui habitaient différentes parties de l’Europe. Le pouvoir des propriétaires d’esclaves fut renversé, l’esclavage disparut. Les latifundia et les grands ateliers artisanaux reposant sur le travail servile se disloquèrent. Après la chute de l’Empire romain, la population se composait de grands propriétaires fonciers (anciens propriétaires d’esclaves qui avaient adopté le système du colonat), d’esclaves affranchis, de colons, de petits paysans et d’artisans. A l’époque où elles soumirent Rome, les tribus conquérantes se trouvaient au stade de la communauté primitive en voie de désagrégation. La communauté rurale, qui chez les Germains portait le nom de « marche », jouait un rôle important dans la vie sociale de ces peuplades.
La terre, à l’exception des grands domaines de l’aristocratie de la gens, était bien communal. Les forêts, les friches, les pacages, les étangs restaient indivis pour l’usage collectif. Au bout de quelques années, on procédait à un nouveau partage des champs et des prairies entre les membres de la communauté. Mais, peu à peu, le terrain attenant à l’habitation, puis toute la terre arable, passèrent aux familles, en jouissance héréditaire. La répartition des terres, l’examen des affaires concernant la communauté, le règlement des litiges qui s’élevaient entre ses membres, étaient du ressort de l’assemblée de la communauté, des anciens et des juges qu’elle élisait. A la tête des tribus conquérantes se trouvaient des chefs militaires qui, ainsi que leurs suites, possédaient de vastes étendues de terre. Les tribus qui soumirent l’Empire romain s’emparèrent de la plus grande partie des terres publiques et d’une partie des terres appartenant auxgros propriétaires fonciers.
Les forêts, les prairies et les pacages restèrent en jouissance commune, alors que la terre arable était divisée entre les exploitations. Les terres ainsi partagées devinrent par la suite la propriété privée des paysans. Ainsi se constitua une couche nombreuse de petits paysans indépendants. Mais les paysans ne pouvaient garder longtemps leur indépendance. L’inégalité des fortunes entre les membres de la communauté rurale devait nécessairement s’accentuer du fait de l’existence de la propriété privée de la terre et des autres moyens de production. Il y eut, parmi la paysannerie, des familles pauvres et des familles aisées. A mesure que grandissait l’inégalité des fortunes, les membres enrichis de la communauté acquéraient sur celle-ci un pouvoir toujours croissant. La terre se concentrait entre les mains des familles riches, de l’aristocratie de la gens et des chefs militaires. Les paysans perdaient petit à petit leur liberté personnelle au profit des grands propriétaires fonciers.
La conquête de l’Empire romain hâta la décomposition du régime de la gens chez les tribus conquérantes. Pour maintenir et consolider leur pouvoir sur les paysans dépendants, les grands propriétaires fonciers devaient renforcer le pouvoir d’Etat. Les chefs militaires, s’appuyant sur l’aristocratie de la «gens » et les guerriers de leurs suites, concentrèrent le pouvoir en leurs mains et se transformèrent en rois, en monarques.

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