Marquage de filaments et système in vitro

Biotine/Streptavidine

La forte interaction non covalente entre la molécule biotine et la protéine bactérienne strepta-vidine est un outil utilisé depuis les années 70 dans le domaine de la biologie étant un modèle des liens ligand-protéines. La très grande affinité du lien entre ses deux molécules ainsi que sa résilience au changement de pH en font un candidat idéal pour le marquage spécifique des filaments.
Pour obtenir ce marquage, nous avons utilisé une solution de biotine-maléimide commerciale (Sigma) ainsi que des billes de polystyrène de 500 nm recouvertes de façon non covalente par de la streptavidine (Spherotech). Pour que l’extérieur des filaments soient recouverts de biotines, ceux-ci sont marqués avec la solution de biotine-maléimide de la même façon qu’avec les fluorophores (voir section 2.7.2). Bien que l’énergie de liaison entre la biotine et la streptavidine soit moins élevée qu’un lien covalent typique, la spécificité de ce lien ainsi que les multiples sites de liaison sur chaque protéine en font un processus idéal pour cette application.
Les souches utilisées doivent avoir une cystéine sur la protéine du filament pour que ce mar-quage donne des résultats. Les souches EM800, HCB1661 et HCB1737 on donc été utilisées. La souche HCB1737 est construite sur une base de type sauvage avec une mutation de la protéine fliC pour l’ajout d’une cyctéine directement dans le génôme (fliC_cys (S219C)). Une fois les filaments marqués avec le biotine-maléimide, le protocole de marquage avec les micro-billes et nanoparticules est utilisé avec les billes recouvertes de streptavidine. Dès la première mise en contact des particules avec les filaments marqués, nous avons observé des billes en rotation avec un taux de succès plus important que pour les microbilles de polystyrène. Des exemples de résultats sont disponibles à la section 4.3. Ces expériences ont été réalisées avec l’aide d’Olivier Gagné, étudiant en biochimie.
Quelques problèmes sont cependant présents. En premier lieu, la solution a tendance à former des agrégats de plusieurs billes malgré des passages de cette solution au vortex. Nous pourrions utiliser un bain sonique, mais, comme la streptavidine est attachée de façon électrostatique aux nanoparticules, les protéines auraient tendance à se décrocher. Un aggrégat fixé à un filament se produit donc régulièrement, ce qui est loin d’être idéal lorsqu’on veut suivre précisément la rotation du filament. Deuxièmement, il arrive aussi d’obtenir un même filament avec 2 ou 3 nanoparticules fixées. Comme nous cherchons une sonde influençant le moins possible la rotation, le fait d’avoir plusieurs billes sur un filament ajoute une charge non négligeable au moteur. Malgré ces quelques désavantages, cette technique est la plus prometteuse en terme de rendement.

Détection de la vitesse de rotation

Pour mesurer précisément la rotation du moteur flagellaire, quelques méthodes sont dispo-nibles. Deux techniques ont été utilisées pour mesurer la position d’une microbille attachée sur un filament : une caméra EMCCD rapide et une photodiode avalanche.

Caméra EMCCD

La technique la plus flexible consiste à enregistrer une séquence vidéo de l’image fournie par le microscope avec une caméra EMCCD rapide (> 500 fps). Une fois l’acquisition terminée, un programme Matlab applique une régression gaussienne en deux dimensions sur la tache de lumière engendrée par la microbille, que ce soit en champ clair ou en fluorescence. Cette analyse permet de déterminer avec une précision supérieure à la taille d’un pixel 4 la position en x et en y d’une bille de polystyrène. Pour déterminer la fréquence de rotation, une transformée de Fourier est appliquée sur le signal de la position en fonction du temps pour obtenir un spectre de fréquences.
4. Chaque pixel (24 µm) correspond à environ 240 nm dans le plan de l’échantillon pour la caméra utilisée lors de ces expériences (Andor Technology, iXon+ DU-860).
Lorsque la détection de la particule est faite par fluorescence, un photoblanchiment des billes peut toutefois se produire lors de longues expositions. De plus, la lumière proche du bleu agit comme une menace pour la cellule causant des changements de direction de rotation incessants [77]. Nous essayons donc, autant que possible, de choisir des fluorophores excitables à de plus grandes longueurs d’onde. La figure 4.2 montre un exemple de résultats intéressants obtenus
à l’aide de la caméra EMCCD et de la régression gaussienne d’une bille fluorescente de 200 nm. On peut voir que la bille attachée sur un flagelle tournait à une vitesse d’environ 175 Hz en plus d’une giration périodique du flagelle autour de l’axe du moteur d’environ 2-3 Hz.

Photodiode avalanche

Les résultats de la figure 4.2 n’ont cependant pas été la norme. Certaines difficultés tech-niques ont fait en sorte que le rendement de données intéressantes n’était pas très élevé. Le photoblanchiment des billes limitait la durée des expériences en raison de la perte d’intensité avec le temps. Comme il était difficile d’observer un signal stable et robuste pour des billes de 200 nm, nous avons aussi mis en place une méthode de détection basée sur une photodiode avalanche (Avalanche photodiode, APD) avec des billes de 1 µm de diamètre.
Comme la magnification de l’objectif utilisé est de 100x, le détecteur de la photodiode avalanche d’une grandeur de 50 µm correspond à 0,5 µm dans le plan de l’échantillon. Au lieu d’obtenir une position qui varie dans le temps (comme avec la caméra), une acquisition avec l’APD donne simplement une intensité lumineuse variant dans le temps à un point fixe. L’utilisation de cette technique a comme avantage une mesure très précise et sensible de l’intensité. Cette précision vient du fait que la photodiode est capable de détecter des photons jusqu’à une fréquence de 20 MHz (temps mort entre 2 photons de 40 ns). Une routine LabView fut développée pour extraire du signal de la photodiode l’intensité lumineuse mesurée en nombre de photons par intervalle de temps. Cet intervalle de temps peut être modifié selon les besoins. Lorsque la zone de détection est placée dans le trajet de la bille qui tourne, cette intensité lumineuse va varier à la même fréquence que la rotation du filament.
On peut voir sur la figure 4.3 les oscillations d’une billes de 1 µm mesurées avec la photodiode avalanche. Cette oscillation est beaucoup moins rapide (∼ 20 Hz) que lors des essais avec des billes de 200 nm dû à la traînée visqueuse plus importante pour des grosses billes. Certaines harmoniques apparaissent dû au fait qu’une partie de la bille passait devant le détecteur à deux reprises à chaque rotation. Le fait de travailler avec des billes plus grosses permet ici d’utiliser le champ clair pour l’illumination.

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