Mécanisme de formation des bâtonnets

Mécanisme de formation des bâtonnets

Le ou les mécanismes réactionnels donnant lieu à la formation de bâtonnets de boehmite ne sont que peu étudiés dans la littérature. En effet, malgré quelques hypothèses mécanistiques menant à la formation de particules de boehmite très anisotropes 8,23,32,47, le déroulement précis des étapes de formation et les forces motrices de ces évolutions n’ont pas encore été confirmés dans les conditions de notre étude. Le mécanisme le plus cité dans la littérature pour les synthèses réalisées dans l’eau sans additif est le suivant : lorsque le pH est assez acide, les protons en solution déstabilisent les liaisons H reliant les feuillets de boehmite entre eux. Une fois séparés, les feuillets s’enroulent sur eux-mêmes afin de minimiser leurs énergies de surface. Enfin, une étape de murissement permet aux tubes formés de se remplir32 . Ce mécanisme n’a pas été validé par des observations expérimentales et/ou de la modélisation. Un second mécanisme a été démontré pour des synthèses réalisées toujours dans l’eau sans additif, mais cette fois à pH basique, l’agrégation orientée de plaquettes selon leur face (010)74 . Enfin, le mécanisme de croissance de nano-objets le plus souvent décrit lors de la synthèse de particules cristallines est le mécanisme de nucléation croissance (Annexe 1) 92–94 . Outre les aspects mécanismes de synthèse, la réactivité de l’alumine finale dépend de la nature des faces exposées et des impuretés présentes sur ces faces. Il est donc nécessaire de les identifier notamment dans le cadre d’une utilisation de ces particules comme support catalytique. La quantité de sodium et de chlorure après calcination peut en effet être critique car les procédés catalytiques comme l’hydrotraitement ou le reforming10,48,49 , par exemple, sont sensibles à ces impuretés. L’unité cristalline des particules fortement anisotropes synthétisées a elle aussi son importance. En effet, des bâtonnets polycristallins présentant des liaisons plutôt faibles entre cristaux pourraient se redissocier en plaquettes, lors des étapes de peptisation envisagées dans le cadre de l’étude de l’optimisation des propriétés texturales réalisée dans le Chapitre 5. Pour toutes ces raisons, il est donc nécessaire de caractériser finement les particules anisotropes.

Caractérisation approfondie des nanobâtonnets

Les expériences réalisées jusqu’à présent ne permettent pas de valider l’un des mécanismes réactionnels évoqué précédemment. Le premier mécanisme réactionnel envisagé dans le cadre de cette étude est la nucléation – croissance simple avec une direction de croissance fortement préférentielle. Le second mécanisme envisagé est une agrégation orientée de particules plaquettaires, formées préalablement par un mécanisme de nucléation – croissance. Ces deux mécanismes sont compatibles avec l’observation, vue au chapitre précédent et à plusieurs reprises, de 3 « étapes » menant à la formation de ces objets très anisotropes: (i) formation de petites particules amorphes ou très faiblement cristallisées (protoboehmites), (ii) obtention d’une bi-population de morphologies distinctes (protoboehmites et bâtonnets) et (iii) une seule population de particules très anisotropes (chapitre 3). La caractérisation poussée des matériaux finaux devrait nous aider à discriminer une des hypothèses proposées.

Caractérisation morphologique

Pour la caractérisation fine de la morphologie des nanobâtonnets, des techniques spécifiques de microscopie comme la cryo-microscopie ont dû être utilisées de par la faible stabilité sous faisceau de l’oxyhydroxyde d’aluminium (Chapitre matériels et méthodes). Les bâtonnets analysés dans la partie 1.1 ont été synthétisés par une réaction de précipitation à partir d’une solution de chlorure d’aluminium à laquelle est ajoutée de la soude pour atteindre un rapport [OH]/[Al] de 2,63 (sauf pour les coupes ultra microtomes : [OH]/[Al] de 2,94). La température et le temps de réaction sont respectivement de 200 °C et supérieur à 12 h. Les plaquettes analysées présentent un rapport [OH]/[Al] de 3,13. La température et le temps de réaction sont de 170 °C et 12 h. La concentration est toujours de 0,75 M en aluminium. Pour les parties 1.2 et 1.3 tous les produits ont été synthétisés dans des réacteurs de 500 mL (chapitre matériels et méthodes partie extrapolation). Pour les bâtonnets, un rapport [OH]/[Al] de 2,63, une température réaction de 180 °C et un temps de réaction de 24 h ont été utilisés. Pour les bâtonnets « courts » le rapport [OH]/[Al] est de 2,63, la réaction a été faite à 170 °C pendant 12 h. Enfin, pour les plaquettes, un rapport [OH]/[Al] de 3,13, une température et un temps de réaction de respectivement 170 °C et 12 h ont été utilisés. Pour chaque échantillon, des lavages à l’eau déminéralisée ont été réalisés jusqu’à obtention d’une  conductivité de 0,03 S.m-1 (5 à 6 lavages). A titre de comparaison, des échantillons lavés seulement 3 fois (en comptant la séparation du surnageant et de l’échantillon) ont été également caractérisés dans la partie 1.3. La concentration en aluminium est toujours de 1,5 M.

Surface et dimension des bâtonnets

 Deux types de bâtonnets sont visibles en microscopie (Figure 82), des bâtonnets « lisses » et des bâtonnets « rugueux ». La largeur de ces deux types de bâtonnets est de 6 ± 1 nm pour les bâtonnets « rugueux » et 7 ± 1 nm pour les bâtonnets « lisses ». Sur la face rugueuse la distance mesurée en microscopie entre deux « creux » est comprise entre 10 nm et 15 nm.

Identification des faces exposées 

Pour les bâtonnets 

La distance interréticulaire mesurée sur les clichés de microscopie (Chapitre matériels et méthodes) est de 5,9 Å (Figure 83) sur les faces « lisses » des bâtonnets.La distance tabulée entre deux feuillets qui se rapproche le plus de celle mesurée est de 6,107 Å (ie la moitié du paramètre de maille dans la direction b pour des plans (020) successifs (Figure 84 et Tableau 24). De plus, le contraste des franges est élevé et homogène jusqu’au bord de l’objet, ce qui laisse à penser que ces plans (020) correspondent aux faces latérales. La face (010) a une énergie de surface constante quel que soit le pH et n’est pas ou peu chargée . Cette face présente en effet une majorité de sites 4-O et 2-OH (dont le pKa est en dehors de  la gamme 0-14) en surface, or ces sites ne se chargent pas dans la gamme de pH étudiée11 . La formation de cette face en proportion élevée est donc très probable compte tenu de sa faible énergie. Comme les franges (020) sont perpendiculaires à l’axe de croissance des bâtonnets et que nous sommes dans un système orthorhombique, l’axe de croissance ne peut pas être l’axe y. La direction de croissance est donc une direction [h0l] et plus probablement [101], [100] ou [001]. Les réseaux de franges n’ont été observés que sur des bâtonnets « lisses ». Les bâtonnets « rugueux » peuvent donc être soit un autre type de particules amorphes, soit des bâtonnets « lisses » vus sous un angle différent. Pour conclure sur ce point, nous avons fait pivoter plusieurs objets selon leur axe de croissance en les alignant sur l’axe de tilt du porte-échantillon (MET Tecnai spirit G2 – Chapitre matériel et méthode). Nous avons fait tourner l’échantillon autour de cet axe de ± 60°. Après chaque rotation d’un angle donné, un cliché est pris. Ces clichés sont ensuite mis en regard pour observer les différentes « faces » de l’objet. Grâce à cette analyse, nous pouvons affirmer que les faces « lisses » et « rugueuses » sont en fait deux faces d’un même objet vu selon deux angles différents (Figure 86). 

Pour les plaquettes

Les plaquettes ont également été caractérisées en microscopie (Figure 90). Pour une réaction de 12 h à 170 °C, les objets mesurés sur les clichés de MET sont des losanges d’environ 27 nm de côté et 7 nm d’épaisseur. Des franges de diffraction ont été obtenues sur la tranche des particules (épaisseur). La distance interréticulaire mesurée (5,9 Å) correspond à nouveau à la distance entre deux plans (020). Ce résultat concorde avec la littérature car la face basale des plaquettes est toujours la face (010)74. Enfin, l’angle obtus des losanges a été mesuré sur 116 plaquettes et il est d’environ 101°± 4°. Il est reporté dans la littérature que les faces (101) et (10-1) forment un angle de 104°96. Les plaquettes sont donc bordées de faces basales {010} et de faces latérales {101} (Figure 91)

Caractérisation par diffraction des rayons X

L’analyse par diffraction des rayons X nous a permis de confirmer que la phase synthétisée était bien de la boehmite. Les échantillons analysés étant pour la plupart anisotropes, une orientation préférentielle peut être générée lors de l’étape de préparation de l’échantillon sur un porte échantillon traditionnel (application d’une pression sur la poudre), qui peut induire des différences d’intensité relative pour les différentes raies du diffractogramme. Pour nous affranchir de ce phénomène, un capillaire (l’échantillon est placé dans un capillaire) a été utilisé afin de réaliser l’analyse sur des bâtonnets synthétisés avec un rapport [OH]/[Al] = 2,63 à 180 °C pendant 12 h (Chapitre matériels et méthodes). Les résultats sont présentés dans la Figure 92 

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