Mécanismes d’ouverture et de fermeture des stomates

L’histoire et le genre Populus

Les peupliers ont une longue histoire commune avec l’Homme, tous deux s’installant préférentiellement près des points d’eau. Il y a plus de 10 000 ans, les habitants de la rivière de l’Euphrate au Moyen-Orient utilisaient déjà du peuplier pour le chauffage et la construction de leurs habitations (Stettler, 2009), tout comme les Amérindiens Ojibwés 8 000 ans av. J.-C. (Hageneder, 2005) et les résidants de Youmulakekum, en Chine pendant la période précédant la dynastie Han (700-200 av. J.-C.). Dans la mythologie grecque, il est raconté que les dieux possédaient des couronnes tissées de peupliers tremble (Populus tremula, L.). À l’aube du 19e siècle, pendant leur traversée transcontinentale de l’océan atlantique au Pacifique, les explorateurs Lewis et Clark dépendaient des peupliers pour le chauffage, leurs canoés et leurs abris (DeVoto, 1997). Au milieu des années 1800 les peupliers servaient d’inspiration aux peintres impressionnistes français, comme Paul Cézanne (« Les Peupliers », 1880), Gustave Courbet (« Marine, le peuplier », 1875) ou Claude Monet et sa série de 23 tableaux prenant pour sujet des peupliers bordant la Seine. Le peuplier ayant un bois blanchâtre, il a été très utilisé pour la peinture sur panneau, par exemple il a servi de support pour la célèbre Joconde de Léonard de Vinci. Le genre Populus est divisé en six sections (Abaso, Aigeiros, Leucoides, Populus, Tacamahaca, et Turanga), dont l’apparition est difficile à définir. La plus ancienne section (Abaso) daterait de la fin du Paléocène, d’après des empreintes de feuilles fossilisées de Populus cinnamomoides (Lesquereux) datant de 58 millions d’années (Collinson, 1992).

La section Leucoides serait apparue pendant l’Eocène, puis Tacamahaca à la fin de l’Oligocène, Aigeiros au Miocène et Populus au Pliocène. Les peupliers noirs (Populus nigra L.) ont été introduits en Europe depuis la Perse (actuellement Iran) par l’intermédiaire de l’Italie vers 1750. Les peupliers de Virginie (Populus deltoides Bartr.) quant à eux, ont été introduits au 17e et 18e siècle depuis l’Amérique du Nord, sous plusieurs noms de cultivars. Jusqu’au 20e siècle les peupliers plantés étaient principalement des espèces naturellement présentes, ou des hybrides spontanés issus d’espèces d’Europe et d’Amérique du Nord. L’hybridation entre espèces au sein ou entre sections est courante dans le genre Populus (Vanden Broeck et al., 2005). La première hybridation contrôlée de peuplier a été réalisée par A. Henry en 1912 (Henry, 1914), puis par la suite au jardin botanique de New York (Stout & Schreiner, 1933). Rapidement, le premier institut de recherche dédié à la création variétale de peupliers a vu le jour en Italie en 1937 dans la vallée de la rivière du Po (Dickmann, 2006). C’est à ce moment qu’est né le clone I214 (Jacometti, 1937), encore largement cultivé aujourd’hui de par le monde, et un des clones utilisés dans cette présente thèse. Des pénuries de bois au cours des années 1930 ont provoqué l’établissement d’une commission nationale du peuplier par le Ministère français de l’Agriculture. L’implication d’autres pays européens a permis dans un second temps d’étendre et de transformer cette commission en commission internationale pour le peuplier (IPC) sous la gouvernance de la FAO en 1958 (FAO, 1958).

Ecologie et répartition des peupliers

Au sein de la famille des Salicaceae, les peupliers sont des dicotylédones arbustives et dioïques, à feuillage caducifolié ou rarement semi-persistant. Les arbres portent des fleurs pistillées (femelle, produisant les graines) ou staminées (mâles, portant les pollens) réunies en chatons, sans calice ni corolle et s’allongeant depuis les bourgeons axiaux reproducteurs. Les feuilles de peupliers sont diverses, d’une espèce et d’un génotype à l’autre, peuvent changer avec l’âge et au sein d’un même arbre. Elles sont amphistomatiques, avec une densité stomatique très souvent supérieure sur la face abaxiale. La distribution géographique des peupliers s’étant des forêts boréales aux tropiques. En France, l’espèce dominante à l’état naturel est le peuplier noir, ou peuplier d’Italie (Populus nigra), devant Populus tremula (L.) et Populus alba (L.). Sa distribution naturelle s’étend des îles britanniques au nord, aux côtes méditerranéennes au sud, jusqu’en Afrique du Nord. A l’est, elle atteint la Chine et le Kazakhstan (Fig. 1). Bien que son aire de répartition soit large, la présence des peupliers est rare à l’échelle géographique. Inféodés aux milieux humides à cause de leur forte consommation en eau et faible tolérance à l’ombrage, les peupliers sont des plantes pionnières courantes d’environnements perturbés. Nous les retrouvons peu en forêts denses, mais sont couramment répartis le long des rivières et dans des zones humides ripariennes ou alluviales (Fig. 2). La dynamique hydro géomorphologique détermine l’hétérogénéité spatiale et temporelle de l’habitat riparien (Naiman et al., 2005). Les peupliers au sein de la ripisylve jouent un rôle écologique essentiel. Le système racinaire des peupliers permet de maintenir la cohésion des sédiments, réduisant l’érosion des berges et limitant les dégâts des inondations. Ils permettent aussi de filtrer les eaux de ruissellement (épuration des nutriments excédentaires comme l’azote des eaux agricoles) et stimuler la biodiversité par la création d’habitats spécifiques (Stobrawa, 2014).

Culture et risques associés

A la suite de la seconde guerre mondiale, la demande de produits dérivés du bois fut en hausse. La croissance de la population mondiale accélère également la propagation de ces hybrides à croissance rapide à travers le monde, notamment en Chine, en Inde, en Australie, au Brésil, au Chili, en Nouvelle Zélande et en Afrique du Sud (FAO, 1958). La superficie mondiale de peupliers est estimée à plus de 87 millions d’hectares, principalement au Canada, aux USA en Chine et en Russie (98% du total à eux quatre), dont 8.6 millions sont plantés essentiellement en Chine pour 88%. En France, la culture du peuplier représentait 236 000 ha en 2008 (Tableau 1), soit la plus grande surface de peupliers plantés en Europe (FAO, 2012). Tableau 1. Superficie de peupliers à l’état naturel ou cultivé par pays. D’après FAO (2012). Les chiffres de la France sont ceux de 2008 puisque les données n’ont pas été actualisées dans le rapport de 2012. A l’état cultivé, les hybrides du peuplier noir avec un peuplier américain (Populus deltoides), les peupliers euraméricains (Populus euramericana ou Populus canadensis) sont les plus courants. D’autres hybrides, comme les peupliers interaméricains (Populus deltoides × trichocarpa) ont également été beaucoup utilisés pour leur vigueur et leur capacité de résistance aux pathogènes, et en particulier à la rouille foliaire. Cependant, de nouvelles virulences à la fin des années 1990 l’ont rendu fortement sensible à la rouille.

Ainsi, il est aujourd’hui très peu utilisé comparé aux hybrides euraméricains (Thivolle-Cazat, 2002). La propagation végétative des peupliers peut se faire à partir de simples tiges de bois, desquelles se formeront de nouvelles racines et tiges. Le bois de peuplier présente de nombreuses qualités qui permettent une grande diversité d’utilisations. Son anatomie poreuse se traduit par une certaine légèreté, un grain droit et une texture uniforme. Le bois n’est pas très rigide, faiblement résistant aux chocs et à la pliure, ce qui rend son travail, à la main ou par des machines, aisé. De plus il est facilement cloué, vissé ou collé. Parmi ses nombreuses utilisations, il peut servir à la fabrication de pulpes, de papiers, de contreplaqués, de panneaux composites, de bûches, de bois d’oeuvre, de caisses, de boites, d’allumettes, de baguettes et de copeaux d’emballage. Il est notamment utilisé pour les emballages de camembert. La demande en bois et produits dérivés devraient augmenter de façon continue dans les années à venir atteignant une hausse de 20% d’ici 2060 (Fig. 3), conduite par la croissance démographique et économique ainsi que par des politiques publiques environnementales et énergétiques (FAO, 2018).

Changements climatiques observés

Dans un récent rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (IPCC, 2018), le comité rapporte que les hausses de température observées aujourd’hui à travers le globe de 0.8 à 1.2°C au-delà des températures de l’ère préindustrielle atteindront très probablement 1.5°C entre 2030 et 2052. Les zones continentales sont d’ailleurs sujettes à de plus fortes augmentations que les océans, notamment dans les hautes latitudes de l’hémisphère Nord. Ceci implique un accroissement de la fréquence et de l’intensité des extrêmes climatiques (Chevuturi et al., 2018). Il faut noter que les conditions régionales spécifiques sont déterminantes pour une grande partie des impacts locaux des changements climatiques. En particulier les motifs de précipitations et de sécheresse, sont hautement dépendants du climat local. Ces changements climatiques résultent essentiellement d’émissions de gaz à effet de serre (CO2 principalement) d’origine anthropiques. Les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont augmenté de 280 ppm en 1750, à l’aube de l’ère industrielle, à 390 ppm en 2011. Chaque décennie est marquée par une augmentation substantielle de la quantité d’émissions, avec une hausse moyenne de 1.9% par an dans les années 1980, 1% dans les années 1990 et 3.1% par an depuis 2000 (Peters et al., 2012). Cette augmentation était à l’origine principalement due aux émissions liées à la déforestation et à des changements d’occupation des territoires. A partir de 1920, la part majoritaire des émissions de gaz à effet de serre provient de combustibles fossiles (Le Quéré et al., 2013). De plus les émissions de méthane, un gaz à effet de serre émis en bien moindre quantité que le CO2 mais ayant un potentiel de réchauffement global 25 fois supérieur, sont en forte augmentation depuis 2007 (Nisbet et al., 2019). Les efforts internationaux pour limiter l’augmentation des températures globales au-delà de 2°C semblent pour l’heure inconséquents au vu des prédictions d’émission de gaz à effet de serre (Fig. 4; Solomon et al., 2009; IPCC, 2018). Les augmentations des émissions de méthane ne sont, par exemple, pas prévues dans les accords de Paris. Les objectifs fixés pourraient ainsi être plus complexes à atteindre.

Table des matières

REMERCIEMENTS
LISTE DES ABREVIATIONS COURAMMENT UTILISEES
AVANT-PROPOS
1. Le peuplier
1.1. L’histoire et le genre Populus
1.2. Ecologie et répartition des peupliers
1.3. Culture et risques associés
2. Changements globaux et sécheresses
2.1. Changements climatiques observés
2.2. Sécheresses édaphiques
2.3. Impacts sur les végétaux
3. Stomates
3.1. Rôles des stomates
3.2. Mécanismes d’ouverture et de fermeture des stomates
3.3. Facteurs induisant des mouvements stomatiques
3.4. Modélisation de la conductance stomatique
3.5. Dynamique des mouvements stomatiques
4. Efficience d’utilisation de l’eau
4.1. Définitions et composants à différentes échelles
4.2. Intérêt et utilisation des isotopes de carbone
PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE RECHERCHE
REFERENCES

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *