METHODES ELECTROCHIMIQUES POUR L’ANALYSE IN SITU DE COMPOSES BIOACTIFS EN MILIEU OCEANIQUE

METHODES ELECTROCHIMIQUES POUR L’ANALYSE IN SITU DE COMPOSES BIOACTIFS EN MILIEU OCEANIQUE

Fabrication des électrodes

 La réalisation des électrodes indicatrices nécessite un protocole précis de préparation. Nous avons testé deux types de fabrication : par chronoampérométrie et par trempage. Le premier nécessite une étape de voltammétrie cyclique pour le nettoyage du fil d’argent puis pour leur détection par réduction. La seconde méthode est plus simple : le fil d’argent est trempé dans une solution de Na2S très concentrée pendant 12 heures. Le nettoyage du fil d’argent a pour but d’éliminer tout autre élément susceptible de contamination. Il est réalisé par voltammétrie cyclique à la suite de nombreux balayages de potentiel (jusqu’à obtention d’un signal stable) ; le fil d’argent est placé dans de l’acide sulfurique 5N. IV. Mesures électrochimiques des sulfures dans les écosystèmes profonds océaniques Une fois le fil propre, on utilise à nouveau la voltammétrie cyclique pour le repérage du potentiel d’oxydation et de réduction des ions sulfure (Figure IV.1). Le fil d’argent est placé dans une solution de sulfure (760 µmol/l) tandis que le potentiel appliqué à l’électrode de travail (Ag) par rapport à celui de l’électrode de référence (Ag/AgCl) est balayé de -0.4 à 0.9 V. Deux pics apparaissent : l’un correspondant à l’oxydation de l’argent, l’autre à la réduction des ions sulfure. Pour une concentration de 760 µmol/l ces pics se situent respectivement autour de -570 mV et – 780 mV. Figure IV.1 : Détection des pics d’oxydation et de réduction pour la préparation d’une l’électrode (C [H2S]t = 760 µmol/l). Deux méthodes de préparation des électrodes, par chronoampérométrie et par trempage de l’électrode et réaction spontanée des ions sulfure avec l’argent, ont été testées ainsi que plusieurs conditions de stockage. La comparaison des résultats obtenus en fonction de la préparation et du stockage doit permettre d’optimiser le protocole pour la réalisation et la conservation des électrodes. La réaction qui se produit à la surface de l’électrode lors de sa création est la suivante : Réaction IV.1 2Ag+S2- → Ag2S + 2 eQuatre électrodes ont été préparées par chronoampérométrie, numérotées 1, 2, 10, 11 et quatre électrodes par trempage, numérotées 12, 13, 14 et 15. -225 -150 -75 0 75 150 -1 -0.8 -0.6 -0.4 E (V vs Ag/AgCl) I (µA) Oxydation Réduction Ag2S + 2 e- → 2Ag + S2- 2Ag+S2-→ Ag2S + 2 e- 

Etude de la réponse des électrodes à détection potentiométriques dans le temps

Chrono ampérométrie 

Le fil d’argent à recouvrir de sulfure d’argent est placé dans l’eau de mer artificielle contenant environ 700 µmol/l de sulfure. Un potentiel constant de -575 mV, par rapport à l’électrode de référence Ag/AgCl, est imposé. La durée du dépôt est au moins égale à 500 secondes. 

 Trempage 

Deux électrodes ont été réalisées par trempage : le fil d’argent est laissé dans une solution très concentrée d’ions sulfure (environ 10 mmol/l) pendant 12 heures. La réaction entre l’argent et les ions sulfure est spontanée et conduit à la formation de Ag2S. Deux hypothèses sont proposées pour cette réaction spontanée : le bilan des Réaction IV.2 et Réaction IV.3 et le bilan des Réaction IV.4 etRéaction IV.5.

Détection des ions sulfure

 Les gammes étalons sont préparées selon la méthode des ajouts dosés. La mesure est réalisée en présence d’une électrode combinée de température et de pH, afin de déterminer les concentrations des différentes espèces de soufre -II et leur quantité dans la solution. Les mesures sont également faites avec une agitation pour homogénéiser la solution le plus rapidement possible. Un exemple d’étalonnage de l’électrode n° 1 est présenté ci –après. La Figure IV.2 montre le potentiel mesuré en fonction du temps lors d’ajouts successifs de solution mère de sulfure : chaque palier correspond à un ajout. -0.7 -0.6 -0.5 -0.4 -0.3 -0.2 0 300 600 900 1200 Temps (s) E (V) 4 µmol/L [H2S]t 13 µmol/L [H2S]t 40 µmol/L [H2S]t Figure IV.2 : Suivi du potentiel en fonction du temps lors d’un étalonnage réalisé par ajouts successifs de solution mère d’ions sulfure. On note une stabilisation du signal très rapide (<1 seconde) pour des concentrations supérieures à 20 µmol/l. La Figure IV.3 présente l’étalonnage correspondant pour des concentrations en S2- entre 0.03 et 12 nmol/L, correspondant à des concentrations en sulfure total entre 40 et 900 µmol/l (calculés grâce aux constantes d’acidité données dans le Chapitre I). Selon les électrodes et leur mode de stockage la gamme de concentrations de sulfure total mesuré peut varier entre 4 µmol/l et 13 mmol/l. La pente, de l’ordre de 32 mV/ décade, est proche de la valeur théorique. IV.2. Etude de la réponse des électrodes à détection potentiométriques dans le temps 125 y = -14.175Ln(x) – 599.57 R2 = 0.9998 -640 -620 -600 -580 -560 -540 0.0 0.1 1.0 10.0 100.0 conc S 2- nmol/L E (mV) Figure IV.3 : Etalonnage de l’électrode 1 pour des concentrations en S2- entre 0.03 et 12 nmol.l-1, soit une concentration en sulfure total entre 40 et 900 µmol/l. Au niveau des écosystèmes profonds, la concentration en ions sulfure fluctue rapidement, c’est pourquoi il est important que le temps de réponse des électrodes soit minimal quelle que soit la concentration du milieu. Sur la Figure IV.2 le signal n’est pas stable pour les faibles concentrations (<40 µmol/l) et présente une instabilité qui n’est pas retrouvée pour les fortes concentrations. Cette réponse dépend toutefois de l’électrode et de son mode de stockage, en général plus l’électrode est utilisée, plus sa gamme de linéarité est étendue et sa limite de détection basse. La Figure IV.4 ci-dessous montre la stabilité du signal sur dix minutes pour une concentration d’environ 600 µmol/l. Figure IV.4 : Stabilité signal sur 10 minutes. 090506essais_stabilité_elect1_10min -650,0 -625,0 -600,0 -575,0 -550,0 1225 1325 1425 1525 1625 1725 1825 temps (s) E(mV) 

Mesures électrochimiques des sulfures dans les écosystèmes profonds océaniques 

 Le signal observé est parfaitement stable avec une moyenne et un écart-type respectivement de -634,38 mV et 0,15 mV, soit une précision (définie comme 2 écarts types) de 0,05%. 

 Reproductibilité

Les échantillons sont préparés dans le but d’effectuer un test de reproductibilité. Un étalonnage est effectué avant le dosage des échantillons. Les 10 échantillons, tous issus de la même solution, sont préparés dans différents béchers. Deux tests de reproductibilité ont ainsi été réalisés sur deux jours successifs avec la même électrode (n°1) (Figure IV.5). Réplicabilité électrode 1 500 550 600 650 700 750 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 N° de l’échantillon Concentration (µmol/L) le 11/05/06 le 16/05/06 Figure IV.5 : Tests de reproductibilité : suivi de la réponse de 10 échantillons de même concentration (autour de 690 µmol/l) à deux reprises. Les variations de concentration mesurées entre échantillons sont très faibles, les précisions (calculées à partir de 2 écarts types) sont inférieures à 3 % (Tableau IV.2). La méthode apparaît reproductible à plusieurs jours d’intervalle. Tableau IV.2 : Test de reproductibilité. Date Concentration moyenne (µmol/l) Ecart type (σ) Précision (2 σ) le 11/05/06 688.6 4.7 1.4 % le 16/05/06 694.8 10.,2 2.9 % 

 Etude de la réponse des électrodes à détection potentiométriques dans le temps

 Etude de la stabilité dans le temps des électrodes

L’évolution de la concentration à partir de laquelle la réponse de l’électrode à la concentration de S2- devient linéaire a été suivie pour chacune des électrodes. La sensibilité des électrodes dans la gamme de linéarité a également été déterminée au cours du temps (Tableau IV.3). La Figure IV.6 illustre l’évolution des droites de calibration pour l’électrode n° 2 en fonction du temps, pendant la période du 4 mai 2006 au 9 août 2006 (soit 97 jours après sa fabrication). -660 -630 -600 -570 -540 0.01 0.10 1.00 10.00 100.00 conc S2- nmol/L E (mV) 04 05 06 07 07 06 13 07 06 20 07 06 25 07 06 09 08 06 Figure IV.6 : Evolution des droites de calibration de l’électrode n°2 en fonction du temps pendant 97 jours. Cette électrode a été préparée par chronoampérométrie et stockée à l’air. On note que les pentes des droites de calibration sont proches de 30 mV/ décade et donc peu différentes de la valeur théorique (29 mV/décade). Ce décalage pourrait s’expliquer par le fait que la température est mesurée mais pas totalement contrôlée (entre 20 et 25 °C), et /ou par le fait que lors de la formation du sulfure d’argent à la surface de l’électrode d’autres composés peuvent également être formés (polysulfures…).

Table des matières

LISTE DES PRINCIPAUX SIGLES ET ABREVIATIONS UTILISES
INTRODUCTION GENERALE
I. INTRODUCTION A LA BIOGEOCHIMIE DES OCEANS ET DES ECOSYSTEMES PROFONDS
INTRODUCTION
I.1. INTRODUCTION A LA BIOGEOCHIMIE DES OCEANS
I.1.1. La production de matière organique
a. La photosynthèse et le phytoplancton
b. Les principaux éléments nutritifs
I.1.2. Le rôle de l’océan dans le changement global du climat
a. Le cycle du carbone
b. Le rôle de l’océan dans le climat
I.1.3. La silice dans les océans
a. Le cycle de la silice dans l’océan
b. Le rôle de la silice dans le cycle du carbone
c. La chimie de la silice
I.2. LES MILIEUX REDUCTEURS DANS L’OCEAN ET LEURS ECOSYSTEMES ASSOCIES
I.2.1. Les sources hydrothermales
a. Origine
b. Les paramètres physico-chimiques des fluides hydrothermaux
c. Le fonctionnement des écosystèmes et la chimiosynthèse
d. Caractéristiques des environnements hydrothermaux
e. Conclusion
I.2.2. Les sources froides des marges continentales
a. Origine
b. L’écosystème et les paramètres physico-chimiques des sources froides
c. Conclusion
I.2.3. La chimie du soufre réduit dans l’eau de mer4
a. Les diverses formes du soufre
b. Chimie des sulfures
c. Chimie des polysulfure
d. Chimie des sulfures de fer
CONCLUSION
II. LES METHODES ANALYTIQUES
INTRODUCTION 5
II.1. LES METHODES SPECTROPHOTOMETRIQUES D’ANALYSE
II.1.1. La mesure du sulfure
II.1.2. La mesure du silicate
II.2. LES METHODES ELECTROCHIMIQUES D’ANALYSE
II.2.1. Mesures potentiométriques à courant nul
a. Electrode de première espèce.
b. Electrode de deuxième espèce
c. Electrode à membrane
d. Electrode redox
II.2.2. Détermination de la caractéristique d’une électrode 5
II.2.3. La voltammétrie
II.3. LA MESURE DU SILICATE PAR ELECTROCHIMIE
II.4. LA MESURE DU SULFURE PAR ELECTROCHIMIE
II.4.1. Potentiométrie
II.4.2. Chronoampérométrie
II.4.3. Voltammétrie
CONCLUSION
III. LES CAPTEURS CHIMIQUES IN SITU POUR LA MESURE DES SELS NUTRITIFS ET DES SULFURES
INTRODUCTION
III.1. LES SYSTEMES D’OBSERVATION
III.2. LES CAPTEURS CHIMIQUES POUR UNE MESURE A LONG TERME
III.3. LES CAPTEURS IN SITU POUR LA MESURE DES DIFFERENTES FORMES DE SULFURES
III.3.1. Méthodes, performances et mesures in situ
a. Spectrophotométrie dans le visible
b. Spectrophotométrie UV
c. Potentiométrie
d. Ampérométrie
e. Voltammétrie.
III.3.2. Les mesures autonomes in situ
III.4. LES CAPTEURS AUTONOMES IN SITU POUR LA MESURE DES SELS NUTRITIFS
III.4.1. Les capteurs autonomes
a. ANAIS : Autonomous Nutrient Analyzer In-situ
b. Les autres analyseurs spectrophotométriques
III.4.2. Les mesures de sels nutritifs obtenues sur les observatoires permanents
CONCLUSION
IV. MESURES ELECTROCHIMIQUES DES IONS SULFURE DANS LES ECOSYSTEMES
PROFONDS OCEANIQUES
INTRODUCTION
IV.1. MATERIELS ET METHODES
IV.1.1. Réactifs et solutions
IV.1.2. Appareillage
IV.2. ETUDE DE LA REPONSE DES ELECTRODES A DETECTION POTENTIOMETRIQUE DANS LE TEMPS
IV.2.1. Fabrication des électrodes
a. Chrono ampérométrie.
b. Trempage
c. Stockage
IV.2.2. Détection des ions sulfure4
IV.2.3. Reproductibilité
IV.2.4. Etude de la stabilité dans le temps des électrodes
IV.2.5. Conclusion
IV.3. LA MISE AU POINT DES METHODES VOLTAMMETRIQUES SUR ELECTRODE D’ARGENT
IV.3.1. Gammes de concentrations
IV.3.2. Mesures pour les faibles concentrations
IV.3.3. Reproductibilité
IV.3.4. Etude de la sélectivité et de l’influence du pH
IV.3.5. Etude de la stabilité dans le temps des électrodes
IV.3.. Conclusion
IV.4. LA MESURE INDIRECTE DES IONS SULFURE
IV.4.1. Méthode
a. Oxydation des chlorures
b. Attente d’un temps fixe pour le déplacement des espèces
c. Réduction par voltammétrie linéaire de l’AgCl restant
IV.4.2. Paramètres
IV.4.3. Calibration et précision
IV.4.4. Conclusion
CONCLUSION
V. UNE NOUVELLE METHODE DE MESURE DU SILICATE SANS REACTIFS EN MILIEU
MARIN
INTRODUCTION
V.1. MATERIELS ET METHODES
V.1.1. Réactifs et solutions
V.1.2. Méthode colorimétrique
V.1.3. Méthodes électrochimiques
V.1.4. Prélèvement des échantillons
V.2. RESULTATS ET DISCUSSION
V.2.1. Etudes préliminaires
V.2.2. Chrono-ampérométrie
V.2.3. Etude de l’interférence du phosphate
V.2.4. Oxydation du molybdène
V.2.5. La méthode semi-autonome
V.2.. Inter-comparaison de la méthode semi-autonome avec la méthode classique sur des échantillons naturels
V.2.. Méthode sans réactif1
CONCLUSION
VI. ANALYSE DES MASSES D’EAUX DU PASSAGE DE DRAKE
INTRODUCTION
VI.1. LES MASSES D’EAUX DU PASSAGE DE DRAKE
VI.1.1. Données
VI.1.2. Hydrologie du Passage de Drake
VI.1.3. Description des masses d’eaux
VI.1.4. Discussion
VI.2. LA METHODE D’INVERSION DES MASSES D’EAUX.
VI.3. APPLICATION DE LA METHODE D’INVERSION DES MASSES D’EAUX
VI.3.1. Matrices A et W
VI.3.2. Robustesse des résultats et résidus
VI.3.3. Résultats et discussion
a. Eaux de surface
b. Eaux intermédiaires et profondes
CONCLUSION
CONCLUSION GENERALE
LEXIQUE
ANNEXE I : SILICATE DETERMINATION IN SEA WATER : TOWARD A REAGENTLESS ELECTROCHEMICAL METHOD
ANNEXE II : A NEW ELECTROCHEMICAL REAGENTLESS METHOD FOR SILICATE
MEASUREMENT IN SEA WATER
REFERENCES

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