Méthodolog i e de recueil des données, échantillon et corpus

Méthodolog i e de recueil des données,
échantillon et corpus

Des techniques d’enquêtes choisies et mises en place 

Le choix des entretiens de type semi-directif s’est imposé comme mode de collecte principal de l’information pour cette thèse. Un questionnaire préliminaire a également été développé afin de recueillir « des informations préalables sur les caractéristiques ethnosociolinguistiques des informateurs (âge, origine, profession, langues connues, etc.), qui permettront d’établir d’éventuelles corrélations avec certaines réponses, ainsi que d’établir un échantillonnage statistique » (Blanchet, 2000 : 45). En outre, j’ai également collecté un certain nombre de documents (articles de journaux, brochures promotionnelles, …) recueillis dans une démarche ethnologique complémentaire.Ce troisième type de sources a servi soit à la contextualisation des pratiques (cf. chapitres 3 et 4), soit à la compréhension de certaines origines de représentations collectives ou individuelles par recontextualisation (cf. Partie II). Les documents exploités sont consultables en annexes (cf. Annexes XXX – CD) 

Choix méthodologiques de recueil des données

 L’étude de Bruno Maurer (1999) sur les méthodes d’enquêtes les plus usitées en sociolinguistique pour observer des attitudes et des représentations révèle que « le mode de recueil des données d’informations le plus utilisé est assurément le questionnaire sous une forme écrite, constitué de questions fermées, parfois à choix multiple. […] » (1999 : 181). De façon pragmatique, cette technique de collecte se prête à la réalisation d’une enquête à partir d’un échantillon de population bien plus important qu’en ayant recours à des entretiens. Les données collectées sont plus facilement analysables par calculs mathématiques lorsqu’il s’agit de questions à réponses fermées ou de questionnaires à choix multiples. J’ai moi-même eu recours à la technique du questionnaire, dans le cadre de mon Master 2 (Adam : 2006) pour caractériser mes informateurs français et hongrois à partir de déterminants sociaux et recueillir leurs mises en mots au sujet des langues, de la langue de scolarisation choisie pour leur(s) enfant(s) et de son apprentissage. Cette technique présente deux écueils majeurs pour l’étude des représentations sociolinguistiques. D’une part, un questionnaire « ne permet pas de savoir comment ces représentations sont construites par le sujet, ni comment elles peuvent être articulées à d’autres » (Maurer, 1999 : 182). Il s’agit alors d’un recueil d’informations décontextualisées, qui peuvent être analysées statistiquement, catégorisées à des fins descriptives mais difficilement explicatives. En Master 2, il m’avait alors fallu réaliser des entretiens complémentaires pour « contextuer [les] résultats obtenus » (Blanchet & Gotman, 1992 : 47) avant de les interpréter. D’autre part, la formulation des questions et les réponses proposées peuvent introduire des biais substantiels. L’informateur, seul face à ce questionnaire, interprète les interrogations. Il ne faudrait alors aucune ambiguïté dans les formulations. Dans le cas de questions fermées, les réponses sont également imposées à l’enquêté, « alors qu’il se peut que son opinion soit plus nuancée que oui/non, d’accord/pas d’accord, favorable / non favorable, etc. » (Boukous, 1999 : 17). En outre, la part de subjectivité du chercheur est à considérer attentivement. Le manque de réflexivité de l’enquêteur quant à ses propres représentations sur le sujet abordé, avant de formuler les différentes alternatives de réponse, peut introduire des biais interprétatifs lors des analyses.Les enquêtes partielles précitées concernant les motivations des parents à propos du choix du bilinguisme breton-français pour le jeune enfant (Moal, 2007 : 219-232), élaborées par des acteurs de terrain, illustrent bien cette difficulté. Dans l’enquête auprès des parents d’élèves de huit sites bilingues privés catholiques du Finistère en 1996, réalisée par Mona Ropars, enseignante, plusieurs propositions de réponse reflètent cette subjectivité peu conscientisée. Aux côtés des réponses du type « facilité d’apprentissage des autres langues », Stefan Moal relate les réponses suivantes : « appartenir à une communauté culturelle est un facteur d’équilibre psychologique », « l’ouverture d’esprit passe par le respect de sa propre culture », (2007 : 229). Outre le manque de clarté sémantique de telles formulations, ces réponses introduisent des associations d’idées, incluant des jugements de valeurs, qui vont assurément influer sur l’ensemble des réponses de l’informateur à ce questionnaire, qu’il adhère ou non à ces propositions. Ces considérations participent de ma réflexion globale quant à l’importance de préciser et de théoriser les choix méthodologiques effectués. Dans une approche méthodologique plurielle, les techniques de recueil et d’analyse des données utilisées pour cette recherche, lorsqu’elles sont quantitatives, ont toujours été pensées dans une démarche qualitative. Le questionnaire préliminaire, outil dit quantitatif, a ainsi été envisagé comme complémentaire et interdépendant des techniques dites qualitatives de recueil des données, tel que l’entretien semi-directif. Le recueil des données a donc débuté par l’envoi d’un questionnaire préliminaire permettant de collecter des informations sur les profils socio-économiques, géographiques et linguistiques des parents de chaque famille. La nécessité d’acquisition de ces informations a été pensée pour faciliter la définition de l’échantillon de population à contacter mais également en vue d’enrichir les résultats de la recherche. Dans une démarche de contextualisation, décontextualisation, recontextualisation des données collectées, l’analyse quantitative de ces informations et leur croisement avec les résultats des analyses qualitatives sont en effet susceptibles de révéler des correspondances ou de mettre en valeur des paradoxes qui n’auraient pas été perceptibles sans elles. A titre d’exemple, le croisement des résultats de l’analyse des mises en mots des parents dans les entretiens semi-directifs avec les données relatives à la variable sociale « âge » m’avait permis en Master 2 d’émettre une hypothèse complémentaire, générationnelle, à propos des origines de leurs prises de décision. Cette interrogation a donc été reprise dans le corpus d’hypothèse de la thèse (cf. chapitre 1).

Le questionnaire préliminaire

En sociologie explicative, telle que conçue par Durkheim (2010 [1895]) ou Bourdieu (1979), « l’enquête par questionnaire a pour fonction de mettre au jour les déterminants sociaux, inconscients, des pratiques » (De Singly, 1992 : 33). Cet outil a donc été conçu pour déterminer les profils des informateurs potentiels sur la base de variables sociales (l’âge, la profession, le nombre de langues parlées, le nombre d’enfants…) et de variables contextuelles qui puissent ensuite être comparées, croisées avec des comportements avérés et les représentations associées. Naturellement, ces données recueillies par questionnaire, issues de déclarations des informateurs et non d’observations sur le terrain, sont relatives, en particulier quant aux pratiques linguistiques effectives de ces derniers. Il peut ainsi y avoir un écart entre ce qui est dit et ce qui est fait. Cependant, ces données seront tout aussi pertinentes et intéressantes à analyser, notamment en termes de rapport aux langues, dans le cadre de mes interrogations sur les représentations sociolinguistiques de ces informateurs et leurs influences sur leurs comportements, 

Constitution du questionnaire 

L’outil élaboré pour le recueil des premières données de cette recherche est composé de plusieurs éléments : une lettre explicative, un questionnaire et un « coupon-réponse » pour que les informateurs précisent s’ils acceptent de participer à un entretien complémentaire. Concernant la partie « questionnaire », il comportait un tableau principal et trois sousparties. De Singly (1992) distingue plusieurs catégories d’indicateurs pour la détermination sociale des informateurs : des variables associées à des paramètres biologiques (l’âge et le sexe), des variables relatives aux capitaux des enquêtés (social, scolaire, économique…), des variables liées à l’identité de ces individus du point de vue familial, « ethnique », religieux… (1992 : 51-57) Après avoir indiqué leurs nom(s) et prénom(s), les enquêtés devaient ainsi indiquer leur profession, leur date de naissance, leur âge, et leur « pays et ville d’origine » respectifs. Le recueil de ces données a été effectué afin de pouvoir catégoriser ces informateurs à partir de ces données quantifiables et de croiser ces paramètres avec les résultats des analyses qualitatives. L’ambivalence de la formulation « Pays et ville d’origine » nécessitait également que les enquêtés situent leurs origines géographiques, soit du point de vue des origines géographiques de leurs propres parents, leur famille au sens large, soit au niveau de la localisation géographique de leur foyer actuel. Ces données ont bien entendu été précisées lors des entretiens mais elles laissent déjà à voir des représentations individuelles qui sont à rapprocher des variables étiquetées comme « origines ‘ethniques’ ; enracinement familial » par De Singly (1992 : 52-55). Les dénominations employées par les enquêtés pour décrire leurs origines géographiques familiales ont donc été étudiées avec attention lors des analyses. Puis, une première sous-partie contient des questions fermées et semi-ouvertes pour connaître les pratiques langagières des parents et déterminer leurs rôles vis-à-vis du choix effectué pour leurs enfants : 1- « Quelle est votre langue maternelle ? » 2- « Parlez-vous une ou des langues étrangères et si oui, combien ? » 3- « Est-ce que vous parlez breton ou avez quelques connaissances en breton ? » 4- « Si oui, dans quel cadre l’avez-vous appris ou les avez-vous acquises ? » Par souci d’intelligibilité, j’ai employé dans la première question le terme de « langue maternelle » qui est tout à fait discutable du point de vue sociolinguistique. Par ailleurs, la question aurait dû être rédigée au pluriel. Les informateurs qui ont plusieurs langues premières de socialisation l’ont généralement malgré tout mentionné. J’ai également effectué des recoupements et des demandes de précisions lors des entretiens. Dans la deuxième question, j’ai, à dessein, employé le terme de « langues étrangères » et certains parents y ont inclus le « breton », d’autres m’ont interrogée sur cette dénomination lors des entretiens. La troisième question, semi-ouverte, relative aux compétences linguistiques des interviewés en breton aurait pu être à choix multiple du type « pas du tout, quelques connaissances,…, couramment ». Toutefois, l’intérêt de ces réponses réside davantage dans les représentations sociolinguistiques que ces locuteurs ou non locuteurs du breton ont de leurs propres pratiques linguistiques, et donc dans les dénominations employées, que dans la connaissance des pratiques réelles qui n’ont pas été vérifiées ensuite sur le terrain. Cette question est également formulée afin de vérifier, en partie, l’hypothèse de la volonté d’une transmission possible ou non d’un savoir linguistique à leurs enfants.

Mises en relation et diffusion du questionnaire

L’étude des origines de la mise en place de politiques linguistiques éducatives familiales et leurs influences ne nécessitait pas forcément d’intermédiaires scolaires pour la mise en relation avec la population étudiée, en particulier les parents d’élèves. Cependant, transiter par les différentes instances des trois institutions scolaires qui régissent les filières d’enseignement/apprentissage bilingue breton-français, telles que l’inspection académique, les directions d’établissements, les enseignant(e)s pour autoriser la diffusion et transmettre des informations relatives à mon travail de recherche m’est apparu pertinent à plusieurs niveaux. Ce préalable me permettait d’être mise en contact avec l’ensemble des familles concernées dans chaque école par un seul vecteur : la communication du questionnaire préliminaire avec un courrier explicatif. De plus, cette légitimation institutionnelle rassure certains parents quant à la demande d’une inconnue, bien qu’universitaire. Ces deux éléments laissaient augurer une participation plus large des parents concernés et donc une possibilité de sélectionner un échantillon de la population plus représentatif, à rencontrer lors d’entretiens. En outre, au niveau organisationnel, il était donc permis d’envisager que certains entretiens puissent se dérouler à l’école en fonction des souhaits des personnes interviewées (cf. infra). Aussi, j’ai commencé par présenter mon projet de recherche et effectuer des demandes d’autorisation aux responsables administratifs et pédagogiques des trois filières d’enseignement/apprentissage bilingue breton-français au niveau régional ou départemental, et local. Dans la mesure où ces trois institutions scolaires sont, soit directement administrées par l’État français (écoles publiques), soit sous contrat avec l’État (écoles privées catholiques et écoles associatives Diwan), un courrier a tout d’abord été envoyé aux inspecteurs d’académie des quatre départements de la Bretagne administrative. Leurs autorisations respectives pour la conduite de l’enquête me sont parvenues en moins de deux semaines (voir annexe 1). La réponse de Mme Kieffer, inspectrice d’académie du Finistère à cette date, précisait également la nécessité d’informer les inspectrices de l’Education nationale (désormais IEN) chargées de mission en langue et culture bretonnes et d’obtenir les autorisations des directeurs de l’enseignement privé catholique et de Diwan :

Atténuation des biais et difficultés rencontrées

Autant le fait de diffuser le questionnaire préliminaire via les écoles comportait les avantages mentionnés ci-dessus, autant cela pouvait introduire des biais qu’il a fallu conscientiser et tenter d’atténuer. Par ailleurs, cela a également posé quelques difficultés que je détaille par la suite. Malgré l’intérêt méthodologique incontesté de demander aux enseignants de transmettre le questionnaire aux parents, notamment pour légitimer ma présence et ma démarche, cette procédure peut freiner la participation de parents. Certains parents ne souhaitent pas répondre à des questions relatives à leur vie privée si leurs réponses sont susceptibles d’être lues ou connues par le personnel et les usagers de l’école. Par ailleurs, cela implique un positionnement particulier de l’enquêtrice. Les parents pouvaient associer mon statut à celui d’un membre de l’institution scolaire. Consciente de l’influence du mode d’accès aux interviewés sur l’acceptation ou le refus de participer à cette recherche mais aussi sur la modification du contenu des réponses, j’ai pris quelques précautions pour clarifier, auprès des parents, la place de ces intermédiaires vis-à-vis de ma recherche. Ainsi, la lettre explicative, associée au questionnaire, avait pour objet de me présenter ainsi que l’enquête menée, mais également d’atténuer les biais anticipés de cette démarche (cf. lettre et questionnaire préliminaire – annexe 2). Après une brève présentation personnelle du cadre et du sujet de la recherche, j’ai donc tenté de rassurer les parents sur le caractère non institutionnel et non évaluatif des questions posées : « Je souhaiterais rencontrer des parents volontaires lors d’entretiens individuels. Ces rencontres ne sont pas des évaluations ou jugements de valeur et toute réponse même brève sera pour moi très intéressante à analyser et enrichissante. » Dans la mesure où les paramètres de la situation d’entretien peuvent également avoir une incidence sur les discours des interviewés (Blanchet & Gotman, 1992 : 69-75), je leur précisais ensuite qu’ils étaient libres de choisir la date et le lieu de leur entretien : « Pour ce faire, je me mettrai à la disposition de tout parent volontaire en me rendant disponible à la date et au lieu qui lui conviendra (domicile, école…). » Le coupon-réponse associé au questionnaire leur demandait ainsi de préciser leurs disponibilités horaires et le lieu souhaité.

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