Minéralogie comparée des trois gisements

Minéralogie comparée des trois gisements

La composition des minéraux des séquences paragénétiques a été étudiée à l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans (ISTO) au moyen à d’analyses par microsonde électronique CAMECA SX 50 puis SX FIVE équipées de cinq spectromètres, co-gérées par l’association BRGM-CNRS-Université d’Orléans. L’intégralité de ces analyses est compilée dans l’Annexe IV.

Minéralogie des silicates anhydres progrades

 Les silicates anhydres de la phase prograde s’expriment majoritairement par des pyroxènes de la famille des diopsides et des grenats calciques de la famille des andradites. Pour en discuter, il faut bien sûr garder à l’esprit les différences d’abondance des silicates anhydres progrades d’un gisement à l’autre et les différents types de skarn impliqués lorsque cela est possible. 

Les pyroxènes 

La composition minéralogique des pyroxènes sur Ouiksane correspond exclusivement à des diopsides dont la composition chimique est comprise dans le champ des pyroxènes associés aux gisements de type skarn (Table 9.1 ; Figure 9.1 A). Si les moyennes compositionnelles des trois types sont très proches, on remarque que l’exoskarn comporte moins de diopside (Di) que l’endoskarn. La bordure réactionnelle s’écarte un peu des valeurs des skarns, se déplaçant légèrement vers le pôle hédenbergite (Hd). Sur l’ensemble des gisements, si l’on exclut les pyroxènes de la bordure réactionnelle à Ouiksane, les valeurs des compositions restent similaires et varient de 63 à 79 % de diopside et 21 à 36 % d’hédenbergite. Sur Axara et Setolazar néanmoins, quelques pyroxènes se déplacent vers le pôle des hédenbergites (Figure 9.1 B et C). 

Les grenats

 Les grenats à Axara appartiennent tous à un faciès de type exoskarn, venant en remplacement de lithologies carbonatées impures. Ces grenats sont presque exclusivement des andradites. Lorsqu’ils sont zonés, leur bordure se déplace chimiquement vers le pôle grossulaire (Table 9.2 ; Figure 9.2 A). A Setolazar en revanche, les grenats se distinguent en plusieurs faciès (Figure 9.2 B) : endoskarn, exoskarn dans les alternances de la bande minéralisée, grenatites massives et grenats fissuraux dans les lithologies voisines. Ce sont ici tous des andradites, qui évoluent entre un pôle presque pur à 95 % Ad – 39 % Gr à des compositions plus mélangées à 60 % Ad – 39 % Gr. Ces variations de compositions sont encore une fois à attribuer aux zonations qui affectent les grenats, particulièrement les grenats fissuraux et les grenats de l’exoskarn. Ceuxci montrent une zonation complexe caractérisée par deux zones (Figure 9.3 A) : (1) le cœur du grenat est rosé et isotrope. Il montre quelques cristallisations concentriques et est souvent altéré par des oxydes ; (2) une bordure épaisse d’environ 100 µm, de couleur jaunâtre et anisotrope. Les analyses chimiques sur ces grenats zonés montrent que le cœur est constitué d’andradite parfois pure (Figure 9.3 B). En allant vers la bordure, le grenat se déplace vers le champ des grossulaires, comme cela est le cas à Axara, sans l’atteindre toutefois. Les cartographies qualitatives réalisées à la microsonde électronique montrent que le cœur des grenats est riche en Fe (Figure 9.3 C) et pauvre en Al (Figure 9.3 D) tandis que le contraire s’observe au niveau des bordures. Les éléments Si (Figure 9.3 E) et Ca (Figure 9.3 F) ne présentent pas de variations particulières, et Ti (Figure 9.3 G) semble légèrement plus riche en bordure. Si la zonation est bimodale dans les grenats de Setolazar, elle peut s’avérer plus fine et rythmée dans les bancs à grenats des alternances exoskarnifiées de Axara (Figure 9.3 H à J). Ces zonations reflètent les variations des conditions physico-chimiques du système hydrothermal (JAMTVEIT et al., 1993) : (1) la cristallisation de cœurs andraditiques montre que le fluide hydrothermal initial était riche en Fe oxydé et la fO2 élevée ; (2) au cours de la cristallisation des grenats, le contenu en Fe du fluide diminue relativement tandis que, parallèlement, le contenu en Al augmente. Les bordures ont donc des compositions qui se rapprochent des grossulaires, ce qui indique par ailleurs que la fO2 du système a diminué (LIOU, 1973). Sur l’ensemble des gisements, les grenats et pyroxènes se révèlent riches en Ca et contiennent peu de Mn, ce qui reflète un environnement oxydant caractéristique des minéraux de skarns calciques tels que définis par EINAUDI et al. (1981). Il est malheureusement difficile ici d’utiliser les compositions de ces minéraux comme géothermomètre ou géobaromètre car ils sont très rarement à l’équilibre. En effet, l’endoskarn est exclusivement composé de pyroxènes à Ouiksane. A Setolazar, ce sont les pyroxènes qui sont pratiquement absents. Quant à Axara, les pyroxènes en alternance avec les grenats sont le plus souvent altérés en épidote par la phase rétrograde.

Minéralogie des minéraux métalliques 

La magnétite

 Le fer représente le métal économique des gisements des Beni Bou Ifrour, au sein desquels on le trouve principalement sous deux formes : (1) magnétite massive (carapace, flammèches et lentilles), et (2) fissurale (stockwerk). Elle est également disséminée dans le fond de roche des lithologies réactives. Les magnétites de Ouiksane ont été discriminées en trois types en prenant en compte cette distinction macroscopique : (1) les magnétites magmatiques, en tant que minéraux accessoires présents dans les intrusions grenues, par opposition aux magnétites hydrothermales (2) d’ouverture et (3) de remplacement (Figure 9.4 A). La comparaison chimique de ces trois types s’est faite sur les éléments mineurs et traces rapportés à 100 %. La magnétite magmatique se révèle ainsi très homogène, à caractère alumineux et titanique marqué. Elle forme un champ presque individualisé, marquant une composition chimique significativement différente des magnétites hydrothermales. Ces dernières sont beaucoup plus  variables, avec des champs largement communs dans lesquels on peut discerner quelques tendances : le type de remplacement affiche en effet un caractère plus magnésien (et manganésifère) et moins titanifère que le type d’ouverture. Par ailleurs, la magnétite de remplacement intègre davantage d’éléments mineurs et traces que les autres types. Seule la magnétite de remplacement est commune aux trois gisements (Figure 9.4 B). Les teneurs en éléments traces et mineurs montrent que c’est à Axara que ces magnétites hydrothermales intègrent le plus d’éléments. Aucune de ces magnétites de remplacement ne présentent les mêmes caractéristiques que les magnétites magmatiques de Ouiksane, d’où une individualité vérifiée de ce type. En revanche, les variations de composition sont très vastes et recouvrent le champ de variation de l’ensemble des magnétites hydrothermales de Ouiksane. Par exemple, dans le diagramme SiO2-Al2O3-MgO, les magnétites de Setolazar sont très proches des magnétites d’ouverture de Ouiksane. Si l’on observe quelques nuances entre les trois gisements (e.g. Setolazar est dans l’ensemble plus proche de l’axe Al + Si), les magnétites hydrothermales définissent globalement un vaste champ où les gisements ne se distinguent pas. L’étude de la paragenèse de Ouiksane a révélé la présence de minéraux de magnétite automorphe zonée dans le fond carbonaté des marbres (Figure 9.5 A). Une traversée de l’un de ces minéraux montre une quasi-absence de zonalité chimique (si l’on exclut le point 3 qui semble une plage ponctuelle très « propre » ; Figure 9.5 B et Table 9.3), hormis une légère baisse des teneurs en éléments mineurs et traces au niveau des bordures. Les cartographies qualitatives réalisées à la microsonde électronique (Figure 9.5 C à F) confirment que la zonalité optique observée n’est pas chimique. 

Pyrite et pyrrhotite 

Quel que soit le gisement étudié, la pyrite est un minéral secondaire de la minéralisation, qui arrive postérieurement à la magnétite, mais dont l’abondance a fortement dévalorisé le minerai et rendu difficile son extraction. Sur l’ensemble des trois gisements, elle se décline en quatre types : (1) la pyrite fissurale, (2) la pyrite interstitielle, (3) la pyrite massive et (4) la pyrite du stockwerk, propre à Ouiksane. Sa formule structurale est Fe1.02S2 à Ouiksane, Fe1.03S2 à Axara et Fe1.04S2 à Setolazar. Pour analyser plus finement la minéralogie de la pyrite, nous avons choisi les éléments Co, As et Ni, susceptibles de se substituer au Fe (Co, Ni) ou au S (As). La Figure 9.6 A reporte ces trois éléments au sein d’un triangle en les différenciant par gisement. On y voit que les pyrites sont plus cobaltifères à Ouiksane, plus arséniées à Setolazar tandis qu’à Axara, elles sont proches de la moyenne des trois gisements. La Figure 9.6 B discrimine cette fois les pyrites selon leur type. Celles-ci se distribuent sur un axe Co-As à Ni équivalent, dans l’ordre les pyrites massives, fissurales et interstitielles, tout en restant relativement proche de la moyenne globale des compositions. La pyrite du stockwerk se différencie néanmoins de tous les autres types en se rapprochant davantage du pôle nickelifère. Les pyrites massives se trouvant uniquement sur Axara (traversées automatiques) et le stockwerk sur Ouiksane, la comparaison entre les gisements est possible uniquement sur les pyrites fissurales (Figure 9.6 C) et interstitielles (Figure 9.6 D). On peut y voir que la chimie des pyrites est indépendante du type puisqu’elle reproduit les mêmes variations que celles observées précédemment en comparant les trois gisements. Ces tendances sont cependant mineures à l’échelle de la pyrite dans son ensemble puisque la somme (Co + As + Ni) ne représente que 0.24 wt % de sa composition chimique. Si la pyrrhotite est très localement présente sous forme de minéralisation massive à Axara (Fe6.72S7, n=146), elle est également à titre de comparaison présente en « mouches » primaires dans la barre carbonatée sommitale à Setolazar (Fe6.4S7, n=8). 

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