MODELISATION CLIMATIQUE DU BASSIN MEDITERRANEEN

MODELISATION CLIMATIQUE DU BASSIN MEDITERRANEEN

Validité des flux ERA à l’échelle climatique et comparaison à ARPEGE-Climat

 On a vu dans la partie précédente que l’utilisation de conditions initiales issues d’une simulation forcée par ERA40 ou de celles issues d’une simulation forcée par ARPEGEClimat entraîne un comportement de la convection profonde complètement différent. Dans cette partie, nous allons essayer de déterminer si les flux d’ARPEGE-Climat permettent de mieux représenter la convection en Méditerranée et si oui, pourquoi. On utilisera pour cela deux simulations jumelles, l’une forcée par ERA40 (OM8-ERA) et l’autre par ARPEGE-Climat (OM8-ARP). Dans les deux cas, le modèle océanique n’a pas subi de changement et la procédure de spin-up est la même (10 ans avec rappel dans la masse puis 10 ans en interannuel). Elles possèdent toutes les deux un terme de rappel vers une SST observée en surface. La seule différence entre les deux simulations est que pour OM8- ERA, on a débiaisé le flux de sel pour permettre au modèle de rester stable. En effet, le flux net d’eau (E-P) dans ERA40 est connu pour être inutilisable tel quel dans des simulations méditerranéennes (Josey, 2003). Le tableau 2.1 résume les principales caractéristiques d’OM8-ERA et OM8-ARP. Les deux simulations durent d’aoˆut 1961 à décembre 1999 (39 années complètes) mais OM8-ARP ne représente pas la chronologie réelle des années comme c’est le cas dans ERA40. En effet, ARPEGE-Climat est un modèle de climat sans assimilation de données et il se déconnecte en quelques semaines de cette chronologie. La comparaison entre les deux simulations se fera donc par l’intermédiaire de moyennes et d’écart-types ou un peu mieux grâce à des distributions en différentes classes. 

La convection profonde

 La figure 3.31 montre que les comportements d’OM8-ARP et d’OM8-ERA sont très différents en terme de profondeur maximale de la CMO et donc probablement en terme de formation de masse d’eau, convection profonde et de circulation thermohaline. Les distributions sont quasiment disjointes : OM8-ERA ne présente jamais de convection plus profonde que 800 m alors qu’OM8-ARP présente une convection profonde (> 1400 m) dans 80% des cas. On remarque sur la distribution d’OM8-ARP que le processus de convection n’est pas gaussien mais s’apparente plutˆot à un processus à seuil. On a en gros trois états différents : la convection peu profonde (h < 600 m, 5 années), la convection intermédiaire (600 < h < 1400 m, 2 années) qui s’arrête dans la couche de LIW et la convection profonde (h > 1400 m, 32 années). En fait, pour OM8-ERA, la convection dans le Golfe du Lion s’arrête très rapidement dans les 5 premières années de la simulation. Il apparaît une barrière en densité qui inhibe la convection profonde. Cet arrêt rapide de la convection (Roussenov et al., 1995; Wu and Haines, 1996; Myers et al., 1998a; Castellari et al., 2000) est déjà mentionné dans la littérature avec d’autres forçages qu’ERA40 : analyse du CEPMMT, flux de la base de données du Southampton Oceanography Center, analyse du National Meteorology Center (futur NCEP), réanalyse du NMC. Seules des corrections de flux permettent de conserver une convection profonde (Wu and Haines, 1998; Myers et al., 1998a; Castellari et al., 2000, e.g.) et encore en donnant des caractéristiques θ-S-σθ pas toujours en accord avec les observations. La simulation forcée par ARPEGE-Climat est beaucoup plus réaliste qu’OM8-ERA. En effet, depuis les études de MEDOC Group (1970), le nord-ouest du bassin LiguroProvençal est connu comme le siège régulier d’une convection profonde importante et qui peut atteindre le fond certains hivers. Jusqu’à présent, très peu d’études se consacrent à la variabilité interannuelle de cette convection par manque de données observées et, pour les études de modélisation, par manque de forçages sur le long terme ou par excès de coˆut numérique. Pour les observations, citons Mertens and Schott (1998) repris dans Béthoux et al. (2002) qui recensent les différentes campagnes de mesures sur la zone. De l’hiver 1969 à l’hiver 1994 (26 hivers), Mertens and Schott (1998) citent 8 campagnes (1969, 1970, 1972, 1973, 1975, 1982, 1987, 1992) ayant mesuré la profondeur de la couche de mélange en février. Pour ces années, ils obtiennent respectivement des profondeurs de 1750, 1500, 800, 500, 1200, 1100, 2200 et 1400 m. Si on garde la même nomenclature que pour les modèles, cela fait 1 convection peu profonde, 3 convections intermédiaires et 4 convections profondes (> 1400 m). Notons qu’on a observé in-situ une convection atteignant le fond uniquement pendant l’hiver 1987. En utilisant un modèle de couche de mélange 1D et les flux océan-atmosphère fournis par des stations cˆotières et le modèle PERIDOT, Mertens and Schott (1998) ont simulé 24 des 26 hivers compris entre 1969 et 1994 (les hivers 1980-81 et 1990-91 n’ont pas été simulés par manque de données). Ils obtiennent environ 10% d’hiver sans convection, 20% avec une convection intermédiaire et 70% avec une convection très profonde (17 événements sur 24). Ce dernier chiffre est à comparer avec les 80% d’hivers à convection profonde obtenus avec OM8-ARP. Lorsque l’on effectue ces comparaisons, il faut garder à l’esprit que : – les campagnes de mesures ne couvrent pas toute la zone de convection ni spatialement ni temporellement. Elles sous-évaluent donc la profondeur maximale de la CMO ; – le modèle 1D de Mertens and Schott (1998) ne reproduit la profondeur observée de la CMO que dans 5 cas sur 8 et encore en acceptant une erreur d’environ 30%. En revanche il ne semble pas biaisé puisqu’il sous-estime aussi souvent qu’il sur-estime ; – l’absence d’advection latérale dans un modèle 1D empêche une bonne prise en compte de la restratification. Il y a donc une tendance à surestimer la convection dans ce type de modèle. Castellari et al. (2000) dans une étude basée sur un OGCM forcé de manière réaliste pendant la période 1980-1988 avec les flux du NCEP obtiennent 2 années sans convection, 4 avec une convection intermédiaire et 3 avec une convection profonde. Cette convection profonde 1 année sur 3 est obtenue avec un forçage toutes les 12h et une correction spécifique sur la climatologie en sel utilisée pour le rappel en surface. Notons également le taux de formation d’eau entre 29.00 et 29.15 qui vaut 1.6 Sv en moyenne sur les 9 ans avec des pics à 1.6, 2.5 et 3.5 Sv lors des 3 années convectives.

Les flux océan-atmosphère

En s’appuyant sur le cas 1986-87, nous allons comparer les simulations OM8-ERA et OM8-ARP sur la zone LION4 et pour des grandeurs intégrées sur la période décembrejanvier-février. La figure 3.32 montre le flux de chaleur (après rappel en SST), le flux d’eau, la norme de la tension de vent et la partie positive du rotationnel de la tension de vent. Le tableau 3.4 résume les caractéristiques de la figure 3.32. Dans cette partie, les flux de chaleur seront toujours indiqués après application du terme rappel c’est-à-dire comme vu par le modèle océanique. Il en est de même pour le flux d’eau d’OM8-ERA. Variabilité interannuelle des flux sur 39 ans en hiver (DJF) Pour le flux net de chaleur (valeurs après rappel en SST), OM8-ARP et OM8-ERA sont très similaires : même moyenne, même écart-type et même forme de distribution bimodale avec un pic autour de -125 W.m−2 et un autour de -170 W.m−2 . Suivant les recommandations de Bunker (1972), Madec et al. (1991b,a, 1996) utilisent une valeur de -170 W.m−2 pour simuler la convection dans le Golfe du Lion. Cette valeur correspond au pic le plus fort de la distribution bimodale. Dans les deux simulations, cela correspond également à environ une année sur trois. Or on voit sur la figure 3.31 que la simulation OM8-ERA ne produit pas de convection profonde alors qu’OM8-ARP en produit régulièrement. Cela signifie que ce n’est pas la faiblesse du flux de chaleur cumulé sur l’hiver qui empêche la convection dans OM8-ERA. Le flux net d’eau (ou évaporation nette) est plus important dans OM8-ARP que dans OM8-ERA et cela malgré la correction effectuée. Cela signifie que le débiaisage du flux E-P calibré sur le bassin méditerranéen entier n’est pas optimal pour le bassin LION4. Nous avons cependant vu au chapitre précédent que le flux d’eau joue un rˆole secondaire dans le flux de flottabilité. Cet écart de flux d’eau entre OM8-ARP et OM8-ERA ne devrait pas expliquer l’écart important en terme de convection. Ce point de vue est confirmé par la remarque suivante : Bunker (1972) avance une valeur du flux net d’eau (E-P) de 6,3 mm/j reprise dans Madec et al. (1991b,a, 1996). Cette valeur est bien supérieure à celles d’OM8-ARP et OM8-ERA. Cependant, puisqu’OM8-ARP montre de la convection régulière, c’est que le problème est ailleurs. La figure 3.32c apporte un début de réponse puisque l’on voit que les distributions de la norme de la tension de vent sont très différentes entre OM8-ERA et OM8-ARP. L’écart type est quasi-identique mais la valeur moyenne est le double dans OM8-ARP. C’est cette remarque qui justifie a posteriori le test de sensibilité des expériences OM8-15.4 et OM8-15.5 dans lesquelles on a multiplié la tension de vent par deux. 

Table des matières

1 Introduction générale
1.1 Mare Nostrum
1.2 Machine thermodynamique
1.2.1 Flux d’eau, de sel et de chaleur
1.2.2 Masses d’eau et circulation thermohaline
1.3 Influences climatiques de la Mer Méditerranée
1.4 Influences du climat sur la mer Méditerranée
1.4.1 Téléconnexions
1.4.2 Systèmes dépressionnaires
1.4.3 Le relief et les vents
1.4.4 Les fleuves
1.4.5 La mer Noire
1.5 Variabilité et tendances en Méditerranée
1.5.1 Au dessus de la surface de l’eau
1.5.2 Sous la surface de l’eau
1.6 Organisation de la thèse
1.6.1 Thématiques scientifiques
1.6.2 Outils
1.6.3 Plan de la thèse
2 Présentation des modèles numériques et des simulations
2.1 Entre AGCM et RCM : ARPEGE-Climat à maille variable
2.1.1 Besoin de modèles climatiques régionaux
2.1.2 Etat de l’art
2.1.3 Caractéristiques d’ARPEGE-Climat, Medias, Version 3
2.2 Modèle de la mer Méditerranée : OPAMED
2.2.1 Historique de la modélisation numérique en Méditerranée
2.2.2 Etat de l’art de la modélisation numérique en Méditerranée
2.2.3 Le modèle OPAMED8
2.2.4 Les simulations numériques de la mer Méditerranée
2.3 Modèle couplé régional AORCM : SAMM
2.3.1 Motivation pour les modèles couplés régionaux
2.3.2 Couplage ARPEGE-Climat / OPAMED8
2.3.3 Présentation des simulations couplées
2.4 Récapitulatif des simulations climatiques
3 Formation de la WMDW : hiver 1987 et flux ERA40
3.1 Etude de cas : l’hiver 1986-87
3.1.1 Présentation du cas observé
3.1.2 Présentation des simulation
3.1.3 Validation de la simulation de référence OM8-15.7
3.1.4 Mécanismes
3.1.5 Etude de sensibilité
3.1.6 Discussion
3.1.7 Conclusion sur l’étude de cas de l’hiver 1986-87
3.2 Validité des flux ERA40 à l’échelle climatique
3.2.1 La convection profonde
3.2.2 Les flux océan-atmosphère
3.3 Conclusion et validation d’OM8-ARP
4 Etude de la variabilité interannuelle avec un AORCM
4.1 Mise en place du AORCM
4.2 Etude du spin-up
4.3 Etude du bassin méditerranéen
4.3.1 Flux de surface
4.3.2 Topographie dynamique et circulation de surface
4.3.3 Température et salinité
4.3.4 Densité en surface et profondeur de la couche de mélange
4.3.5 Formation des masses d’eau et circulation thermohaline
4.4 Etude de la formation de la WMDW
4.4.1 Préambule concernant les corrélations
4.4.2 Flux de surface
4.4.3 Température et salinité
4.4.4 Profondeur de couche de mélange
4.4.5 Stratification en novembre
4.4.6 Formation d’eau dense par les flux de surface
4.4.7 Taux de formation de la WMDW
4.4.8 Caractéristiques θ-S-ρ de la WMDW formée
4.4.9 Fonction de retournement
4.4.10 Restratification
4.4.11 Export de la WMDW nouvellement formée
4.4.12 Synthèse concernant les corrélations temporelles
4.4.13 Téléconnexions
4.5 Conclusion
4.6 Perspectives
4.6.1 Idées pour tester les rétroactions
4.6.2 Problème de chronologie
4.6.3 Idées de correction des dérives
4.6.4 Vers un scénario couplé régional corrigé
5 Cyclogénèse en Méditerranée
5.1 Cadre de l’étude
5.2 La cyclogénèse en Méditerranée
5.3 Méthode de suivi automatique des dépressions
5.3.1 Différentes méthodes de suivi automatique
5.3.2 La méthode de suivi automatique utilisée
5.3.3 Application aux simulations d’ARPEGE-Climat
5.4 Le domaine méditerranéen
5.4.1 Statistiques générales
5.4.2 Validation géographique
5.4.3 Cyclogénèses et cyclolyses des dépressions en Méditerranée
5.4.4 Variabilité interannuelle
5.4.5 Impact du couplage régional et de la SST
5.4.6 Scénario de changement climatique
5.5 La cyclogénèse du golfe de Gênes
5.5.1 Validation par rapport à ERA40
5.5.2 Composites : méthodologie .
5.5.3 Description de la dépression type dans ARPEGE-Climat
5.5.4 Comparaison forcé/couplé
5.5.5 Impact du couplage et/ou du biais en SST
5.5.6 Scénario de changement climatique
5.6 De l’importance d’un scénario couplé
5.7 Dépressions et convection océanique profonde
6 Conclusion
6.1 Conclusions numériques
6.2 Conclusions scientifiques
6.2.1 Convection profonde et circulation thermohaline : stabilité, variabilité et impact du changement climatique
6.2.2 Cyclogénèse et dépressions méditerranéennes
6.3 Perspectives
6.3.1 Flux océan-atmosphère et variabilité
6.3.2 Convection profonde et MTHC
6.3.3 Cyclogénèse
Bibliographie
Annexes
A Acronymes des masses d’eau en Méditerranée
B Validation atmosphériques des modèles utilisés
B.1 Méthode
B.2 Simulation ARP : climat moyen
B.3 Simulation ARP : variabilité interannuelle
B.4 Simulation CAM : climat moyen
B.5 Simulation CAM : variabilité interannuelle
B.6 Comparaison par boîtes
C Diagnostic des masses d’eau : application au golfe du Lion
C.1 Water mass diagnostic
C.2 Water mass climatology for the Gulf of Lions area
C.3 Open-sea deep convection in the Liguro-Provençal Basin
C.4 Conclusion of the Somot (2003) study
D Is the Mediterranean Sea thermohaline circulation stable in a climate
change scenario ?
D.1 Résumé en français
D.2 Papier soumis à Climate Dynamics

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