Modélisation empirique de l’évolution des galaxies infrarouge

Modélisation empirique de l’évolution des galaxies infrarouge

Introduction

La plupart des observables infrarouges (comptages, N(z)…) n’apportent pas une information directe sur l’évolution des galaxies. Par exemple, Sect. 2.1.2, nous avons vu comment celle-ci agit de manière non triviale sur les comptages de sources. Pour interpréter ces différentes observations, il est donc nécessaire de recourir à un modèle, qui peut se construire selon plusieurs approches. La première, dite semi-analytique, a pour but de retrouver l’évolution observée grâce à une modélisation purement physique. La seconde, dite backward evolution1 , est plus empirique et tente de reproduire finement les observations grâce à une évolution plus ou moins simple des propriétés statistiques des objets. J’ai développé au cours de ma thèse un modèle de type backward evolution. 6.1.1 Modèles semi-analytiques Les modèles semi-analytiques se basent sur les grandes simulations d’effondrement de la matière noire (par exemple la simulation Millenium, Springel et al. (2005)). Elles partent des très faibles fluctuations de densité (de l’ordre de 10−5 ) observées dans le fond cosmologique, et simulent la manière dont ces fluctuations croissent sous l’effet de la gravité pour former les halos de matière noire. Ceci fournit l’historique de la croissance par accrétion et fusions éventuelles de tous les halos présents dans le volume d’Univers simulé. Des recettes semi-analytiques permettent alors de décrire l’effondrement et le refroidissement du gaz dans les halos, qui permet la formation d’étoiles. Ce mécanisme est piloté par le temps d’effondrement dynamique et le temps de refroidissement du milieu interstellaire. Pour pouvoir comparer ces simulations aux données, il faut également simuler le spectre de chaque galaxie. La distribution en masse des étoiles crées à chaque pas de la simulation est donnée par la fonction de masse initiale (IMF2 ). On peut citer, entre autres, les IMFs de Salpeter (1955), Kroupa (2001) et Chabrier (2003). A chaque pas de la simulation, on calcule alors la distribution en masse et en âge des étoiles. La distribution spectrale d’énergie (SED) totale émise par les populations stellaires peut ainsi être déterminée en utilisant des templates comme ceux de Bruzual et Charlot (2003). On prend ensuite en compte l’extinction du spectre par la poussière. L’énergie ainsi absorbée est alors émise dans l’infrarouge. Il existe de nombreux modèles semi-analytiques construit sur des hypothèses différentes, comme par exemple, Hatton et al. (2003), Somerville et al. (2008), ou Lacey et al. (2010). Aujourd’hui, ces modèles sont encore incapables de reproduire fidèlement les observations infrarouges sans modifier l’IMF. Les taux de formation d’étoiles sont trop faibles à haut redshift pour engendrer suffisamment d’ULIRGs à z=2. Les modèles utilisent en général une IMF modifiée avec plus d’étoiles massives que dans celle de Salpeter (1955) pour régler ce problème. En effet, si les étoiles sont plus massives, elles sont plus bleues. Leur lumière est donc plus absorbée, ce qui augmente mécaniquement la luminosité infrarouge pour un même taux de formation d’étoiles. Cette modification de l’IMF sans grande motivation physique n’est néanmoins pas très satisfaisante. Une meilleure prise en compte des courants de gaz froid le long des filaments de matière noire ou de la clumpiness3 pourrait permettre de régler ce problème.

Modèles backward evolution 

L’approche dite backward evolution consiste à faire évoluer au cours du temps les propriétés statistiques des galaxies infrarouges comme la fonction de luminosité. Ces propriétés sont en général bien contraintes dans l’Univers local. Elles le sont beaucoup moins dans l’Univers lointain. Ces modèles partent donc en général des propriétés observées localement et les font évoluer avec le redshift, d’où le terme backward evolution. Il existe de très nombreux modèles de type backward evolution. Chacun se construit sur des hypothèses assez différentes. Nous présentons ici une sélection de modèles récents. Modèle de Lagache et al. (2003, 2004) Le modèle de Lagache et al. (2003, 2004) utilise deux populations évoluant indépendamment pour reproduire les comptages de l’infrarouge moyen au domaine sub-millimétrique. Ces deux populations sont les galaxies passives froides et les galaxies à flambée de formation d’étoiles (starburst). Les distributions spectrales d’énergie des galaxies à flambée de formation d’étoiles évoluent avec la luminosité infrarouge : plus elles sont lumineuses et plus elles sont chaudes. Leur densité et leur luminosité caractéristiques évoluent très rapidement avec le redshift. Les SEDs des galaxies froides n’évoluent pas, quant à elles, en fonction de la luminosité. La LF de cette population évolue peu avec le redshift. Ces évolutions sont déterminées manuellement par essais successifs jusqu’à reproduire les observations.

Modèle de Negrello et al. (2007) 

 

Le modèle de Negrello et al. (2007) est construit de façon très différente. Il contient une population de galaxies sphéroïdales à haut redshift formant des étoiles à un rythme très soutenu. Leur évolution est décrite par le modèle physique de Granato et al. (2004). Une population de galaxies spirales formant leurs étoiles à un rythme plus modéré est ajouté de façon purement empirique afin d’ajuster les observations. Les radio-galaxies du modèle de de Zotti et al. (2005) sont également ajoutées à ce modèle. Enfin, il contient une population de galaxies sphéroïdales amplifiée par effet de lentille gravitationnelle (Perrotta et al. (2002)). Ces sources lentillées ont un effet important sur les comptages de sources dans le domaine sub-millimétrique pour des flux de l’ordre de 100 mJy. La prise en compte de ce phénomène est une particularité importante de ce modèle. 

Modèle de Le Borgne et al. (2009)

 Le modèle de Le Borgne et al. (2009) est un modèle empirique basé sur une seule population, qui correspond à la bibliothèque de SED de Chary et Elbaz (2001). Cette bibliothèque évolue uniquement avec la luminosité infrarouge. L’originalité de ce modèle réside dans la façon dont est déterminée l’évolution des galaxies infrarouges. Il ne suppose pas une forme paramétrique particulière pour la fonction de luminosité, mais force la fonction de luminosité à évoluer lentement en fonction de la luminosité et du redshift. Les évolutions de la LF compatibles avec les comptages infrarouges sont déterminées de façon automatique.

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