Modélisation et étude de la propagation des ondes électromagnétiques dans un milieu forestier

La forêt abrite une grande part de la bio-diversité terrestre, qu’il s’agisse de forêts naturelles ou de forêts dédiées à la production de bois de construction ou de papier. Ce milieu reste fondamental pour la survie de la biosphère et de l’humanité car aucun autre écosystème ne peut le remplacer. Sa surveillance est logiquement devenue un sujet environnemental très important et urgent à traiter.

Depuis son origine, la télédétection a évolué pour devenir un outil important pour surveiller l’état du couvert végétal. La télédétection est une technique permettant d’obtenir de l’information sur des cibles en analysant des données collectées par des instruments n’étant pas en contact direct avec ces cibles. Elle se fait grâce à deux types de capteurs, optiques et micro-ondes, qui dépendent de la bande de fréquence utilisée. Les images des capteurs optiques sont relativement simples à interpréter, puisque très proches de la vision humaine, mais leur fonctionnement dépend des conditions météorologiques (ciel dégagé, utilisation matinale et à des altitudes où la présence de pluie et de nuages est moins fréquente). De leur côté, les images des capteurs micro-ondes (300MHz < f < 300 GHz) sont plus difficiles à interpréter car l’onde peut pénétrer profondément dans les cibles, voire les traverser. En retour, l’avantage est qu’ils sont moins sensibles aux conditions météorologiques ([1, 2]). Il existe deux types de capteurs : le capteur passif qui enregistre le rayonnement naturel électromagnétique et le capteur actif qui comporte sa propre source d’éclairement. Les mesures en télédétection radar sont principalement effectuées par des capteurs actifs qui émettent une onde quasi monochromatique et polarisée. Le délai entre l’émission et la réception fournit une information sur la distance de la cible et l’amplitude de l’onde reçue en caractérise la nature. L’onde reçue a la même fréquence que l’onde émise, mais sa polarisation peut être changée. Sur une cible végétale, les variations de polarisation sont directement liées aux propriétés biophysiques de cette dernière, telles que la permittivité, la géométrie, etc …

Les antennes micro-ondes, lors des mesures, sont placées à bord d’avions ou de satellites permettant d’augmenter la résolution des images par une technique de synthèse d’ouverture (Synthetic Aperture Radar- SAR). Cette technique s’appuie sur le mouvement du porteur pour obtenir un effet d’ouverture d’antenne beaucoup plus grand que ses dimensions physiques.

L’imagerie radar se distingue par sa complexité d’interprétation, particulièrement pour les zones naturelles. Les mécanismes d’interaction entre l’onde électromagnétique et la végétation sont d’une complexité telle que cela en brouille la compréhension. Dans ce contexte, on comprend aisément l’intérêt de disposer de modèles électromagnétiques d’interaction entre les ondes et la végétation. Grâce à eux, il est possible de simuler des images tout en maîtrisant parfaitement tous les paramètres. En ce sens, la modélisation électromagnétique de zones forestières fait partie intégrante de la télédétection radar et en est un aspect très prometteur. Dans la littérature, plusieurs modèles théoriques ont été développés pour aider à l’interprétation des mesures de télédétection. Mais en raison de la nature complexe du problème de diffusion, le modèle parfait et universel n’existe pas… mais on s’y essaye. Le choix d’un modèle ou d’un autre dépend surtout de l’objectif fixé, de la scène observée et de l’échelle d’acquisition des données. Plus le modèle est fidèle à la réalité, plus les ressources informatiques nécessaires à sa mise en œuvre numérique sont prohibitives. C’est pourquoi, depuis quelques années, on peut constater un intérêt croissant pour les modèles électromagnétiques approchés basés sur des approximations physiques et mathématiques.

La problématique de l’imagerie radar pose comme objectif de caractériser la cible observée. Dans le contexte de la télédétection appliquée aux milieux forestiers, il s’agit d’en extraire les paramètres physiques constitutifs de la végétation. La forêt est un milieu particulièrement complexe de par le nombre de diffuseurs présents et leurs différences en terme de position, de dimensions, d’orientation et de permittivité. L’extraction de tous les paramètres physiques est donc une tâche particulièrement ardue. Une façon de simplifier le problème est d’utiliser les basses fréquences radar (VHF-Bande P). Dans cette bande de fréquences, la canopée (feuilles, aiguilles et petites branches) est assimilable à une couche homogène atténuatrice. Les principaux diffuseurs sont alors les troncs et les branches primaires. Dans ces conditions, nous avons choisi une approche de complexité croissante où les forêts ne sont d’abord constituées que de troncs, puis de troncs avec des branches primaires.

L’extraction des paramètres physiques de ces cibles à partir de mesures radar constitue un problème dit « inverse », qui consiste à reconstruire un objet inconnu à partir de la mesure du champ électromagnétique résultant de son interaction avec une onde interrogatrice (dite « onde incidente ») connue. La résolution d’un tel problème nécessite la construction d’un modèle numérique, dit « direct », capable de calculer le champ électromagnétique résultant de l’interaction d’un objet connu avec une onde interrogatrice connue. Bien entendu, ce modèle doit être fiable et rapide. Les modèles qui résolvent numériquement les équations de Maxwell sans approximations physiques, bien que particulièrement fiables, sont coûteux en ressources informatiques. C’est pourquoi nous avons opté pour l’utilisation d’un modèle direct « approché » basé sur une approximation physique qui conduit à une solution analytique et qui, bien que moins fiable, est beaucoup plus rapide que les modèles précédents. Ce modèle assimile les troncs et les branches primaires à des cylindres diélectriques de sections circulaires et de longueurs finies.

Historiquement, les premiers modèles approchés de forêt étaient basés sur la théorie du transfert radiatif utilisée pour caractériser la dispersion de la forêt. Elle s’appuie sur le principe de la conservation de l’énergie. La méthode de résolution itérative de l’équation du transfert radiatif permet de prendre en compte les mécanismes d’interaction entre l’onde et les diffuseurs avec plus ou moins de précision. Cette méthode a évolué vers une formulation vectorielle afin de prendre en compte la polarisation des ondes [6, 7, 8]. La forêt y est représentée en couches superposées au dessus d’un sol diélectrique lisse ou rugueux. Cette formulation est incohérente, elle ne prend pas en compte la position des diffuseurs discrets. Les champs diffusés sont décorrélés de sorte que l’énergie de l’ensemble des champs diffusés est égale à la somme des énergies de chaque champ. Cette approche énergétique ne tenant pas compte de la nature complexe du champ électrique, cela conduit à ne pas prendre en compte les interférences destructives ou constructives entre les ondes diffusées ([9, 10]) et a aussi pour conséquence de perdre la phase absolue et, par là même, de se priver de l’application à l’interférométrie. De plus, cette approche n’est pas valable dans le cas de milieux denses où les couplages en champ proche sont forts ([11, 12]). Les modèles approchés ont donc été améliorés de manière à palier ce défaut. Ces modèles sont dits « cohérents » de par le fait que les contributions de chaque diffuseur sont sommées de manière cohérente. D’autre part, ces modèles sont basés sur l’approximation de Born au premier ordre  qui ne tient pas compte de la diffusion multiple ([13, 14]).

Table des matières

Introduction
I Modélisation et étude de la propagation des ondes électromagnétiques dans un milieu forestier
I Introduction à la modélisation de la diffusion par un milieu forestier
I.1 Modèles existants de diffusion par la végétation
I.2 Matrice de diffusion et conventions
II Modèle approché
II.1 Introduction
II.2 Principe général du modèle approché
II.3 Calcul du champ diffracté par un cylindre infini
A- Calcul du champ diffracté pour une polarisation verticale (TM)
B- Calcul du champ diffracté pour une polarisation horizontale (TE)
II.4 Calcul du champ diffracté par un cylindre fini
II.5 Calcul de la matrice de diffusion
II.6 Représentation d’une parcelle forêt dans le modèle approché
II.7 Conclusion
III Modèle exact
III.1 Introduction
III.2 Rappels des équations fondamentales
III.3 Calcul du champ diffracté par la Méthode des Moments
III.4 Représentation d’une parcelle de forêt dans le modèle exact
III.5 Conclusion
IV Validation numérique du modèle approché par comparaison au modèle exact
IV.1 Introduction
IV.2 Étude de convergence du modèle approché d’un cylindre en espace libre
IV.3 Validation dans le cas d’un cylindre en espace libre
A- Cylindre vertical
B- Cylindre incliné
IV.4 Prise en compte des mécanismes de diffusion pour un cylindre posé sur sol
A- Interactions diffuseur-sol
B- Contribution du sol
IV.5 Validation pour un cylindre vertical posé sur une surface parfaitement conductrice
A- Cas du monostatisme
B- Cas du bistatisme
IV.6 Validation pour un arbre composé d’un tronc et deux branches inclinées
IV.7 Effet de couplage
A- Arbre avec quatre branches inclinées
B- Arbre avec huit branches inclinées
IV.8 Validation du cas de diffraction par plusieurs arbres
IV.9 Validation d’un objet diffractant posé sur un sol réel
A- Cas d’un cylindre diélectrique
B- Cas d’un arbre composé d’un tronc et de quatre branches
IV.10 Conclusion
Conclusion

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