Modélisation poromécanique du gonflement d’enrobés bitumineux par reprise d’eau

La gestion des déchets radioactifs est une problématique importante pour la filière nucléaire, notamment depuis la promulgation en 1991 de la loi Bataille (Loi n◦ 91-1381) concernant la gestion des combustibles usés, des déchets dits « ultimes », et autres déchets à vie longue. Cette loi concerne l’ensemble des déchets radioactifs issus des différentes industries, nucléaire civile, militaire et médicale. Les déchets radioactifs sont classés et gérés en fonction de leur niveau d’activité et de la durée de cette activité. Ainsi les déchets TFA (Très Faible Activité) et les déchets FAMA-vc (Faible et Moyenne Activité à vie courte), qui représentent 90% du volume des déchets, sont gérés dans des centres de stockage en surface. Les 10% restants sont séparés en deux groupes : les déchets de Hautes Activité à vie longue (HAVL) et les déchets de Moyenne Activité à vie longue (MA-VL). Les déchets HA-VL sont essentiellement composés du produit du retraitement du combustible usé dans l’usine de la Hague (actinides mineurs et produits de fission vitrifiés). Ils représentent la majorité de la radioactivité des déchets radioactifs produits en France, soit environ 96%, pour un volume de 2700 𝑚3 soit 0.2% du volume total des déchets radioactifs déjà produits. Les déchets MA-VL (4% de la radioactivité et 3% du volume total) sont eux pour partie également composés de produits issus du retraitement des assemblages combustibles (parties métalliques, coques, embouts …), mais aussi de déchets « historiques » constitués de résidus générés notamment de l’ancienne installation de retraitement des combustibles de Marcoule. Pour ces derniers, un procédé de conditionnement basé sur l’enrobage dans une matrice bitumineuse avait été retenu.

Les colis d’enrobés bitumineux ainsi produits sont issus du bitumage, procédé industriel de traitement et de conditionnement de boues issues du traitement chimique d’effluents radioactifs. Dans le procédé, celles-ci sont séchées puis enrobées dans une matrice bitumineuse réputée stable et dont les propriétés permettent le confinement des radionucléides. Le matériau obtenu est ensuite coulé dans des fûts métalliques pour un entreposage dans l’attente de leur stockage définitif [1]. Ce procédé de conditionnement a été déployé de manière industrielle de 1966 à 2007 sur le site de La Hague (Normandie) par Areva, avec les usines STE2 et STE3 (Station de Traitements de Effluents 2 et 3), et sur le site de Marcoule (Occitanie) par le CEA, avec l’usine STEL (Station de Traitements des Effluents Liquides). Les cadences de production sont aujourd’hui largement réduites : actuellement, seules quelques dizaines de fûts par an sont encore produits (contre environ 75 000 déjà entreposés), et le bitume a vocation à être remplacé par des matrices cimentaires. En 2006, le parlement choisit comme solution de référence le stockage géologique pour les déchets HAVL et MA-VL et charge l’Andra (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) de la conception, de la réalisation et de l’exploitation du centre de stockage au moyen du projet Cigéo (Centre Industriel de stockage Géologique). Ce centre sera implanté à 500 mètres de profondeur dans une couche d’argilite, dite du Callovo-Oxfordien, de 150 mètres d’épaisseur et âgée de 160 millions d’années.

Le stockage géologique est donc actuellement la solution de référence pour la gestion de ces déchets (enrobés bitumineux relevant de la catégorie MA-VL).

Comme indiqué en introduction, dans le cadre du stockage géologique, les enrobés bitumineux seront à long terme directement au contact de la roche hôte saturée en eau et donc sollicités hydriquement. L’objectif principal de ce travail est de comprendre le comportement sous eau des enrobés bitumineux contenant des cristaux de sels. Ce chapitre dresse un état de l’art sur cette problématique et se décompose en quatre parties :
– Une description détaillée des déchets bitumineux.
– La définition des mécanismes principaux de la reprise en eau.
– Un inventaire des campagnes expérimentales – disponibles dans la littérature – portant sur l’étude de la reprise en eau des enrobés bitumineux belges et français.
– Les modèles numériques existants modélisant la reprise en eau et la lixiviation de ces matériaux.

L’utilisation la plus courante du bitume est la réalisation d’enrobé routier. De nombreuses publications s’intéressent au comportement des enrobés routiers pour des questions de mise en œuvre, de comportement mécanique, de durabilité, de résistance à la fatigue, d’étude sous chargement cyclique [12], [13], [14]. Les résultats de ces études sont difficilement transposables au cadre qui nous intéresse. Les durées caractéristiques des sollicitations mécaniques sont en effet fortement différentes car adaptées aux chargements routiers. Pour ce qui est des mécanismes de reprise en eau, les bitumes routiers ne sont pas concernés : ils ne contiennent pas les cristaux de sel qui sont à l’origine de ce phénomène . Les données exploitables pour cette thèse se limitent donc à la littérature traitant spécifiquement de l’utilisation du bitume comme matrice d’enrobage des boues de coprécipitation, issues du traitement des effluents produits lors du retraitement de combustibles nucléaires usés.

Les caractéristiques mécaniques et poromécaniques des enrobés bitumineux, sont déterminantes pour comprendre le comportement sous eau [15], [2]. Un autre facteur clé dans la reprise d’eau est la nature et les ratios des cristaux de sel qui sont enrobés dans la matrice bitumineuse. Les procédés de fabrication ont également un impact sur la nature des enrobés, et conditionnent leur comportement à long terme. Aussi, la fabrication d’échantillons à des fins expérimentales, suit un protocole spécifiquement étudié, permettant d’obtenir une structure microscopique la plus proche possible des enrobés industriels. L’observation de cette microstructure permet de vérifier ce dernier point et permet également de conclure sur les choix d’hypothèses de modélisation.

Table des matières

CHAPITRE 1 Introduction
CHAPITRE 2 Présentation du matériau et état de l’art
2.1 Les déchets bitumineux
2.1.1 La matrice bitumineuse
2.1.2 Les enrobés bitumineux français
2.1.3 La composition en sels
2.1.4 Homogénéité de l’enrobé
2.1.5 Comparaison avec les enrobés bitumineux belges et japonais
2.2 Les phénomènes physiques de la lixiviation
2.2.1 La diffusion
2.2.2 Le transport darcéen
2.2.3 L’osmose
2.2.4 La dissolution/précipitation des cristaux de sel
2.3 Les campagnes expérimentales
2.3.1 Campagnes expérimentales traitant de la lixiviation en milieu non confiné (gonflement libre)
2.3.2 Campagne expérimentale traitant de la lixiviation en milieu confiné
2.4 Les modèles numériques existants
2.4.1 Le modèle COLONBO
2.4.2 Modèle CHM (UPC)
2.4.3 Conclusion
CHAPITRE 3 Le modèle de comportement
3.1 Les constituants : hypothèses et notations
3.1.1 Hypothèses
3.1.2 Notions de porosités Eulérienne et Lagrangienne
3.2 Les mécanismes de transport
3.2.1 Le transport darcéen
3.2.2 L’osmose
3.2.3 La diffusion fickienne
3.2.4 Les flux de la phase liquide et de sel dissous
3.3 Les équations de conservation
3.4 Les lois complémentaires
3.4.1 La dissolution/précipitation des sels
3.4.2 L’évolution de la porosité
3.4.3 Loi d’évolution de la masse volumique de la phase liquide
3.4.4 Les lois d’évolution des paramètres de transport
3.5 Le modèle mécanique
3.5.1 Contraintes effectives de Terzaghi
3.5.2 Loi de conservation mécanique
3.5.3 Modèle mécanique viscoélastique de Maxwell
3.5.4 Méthode d’homogénéisation : l’approche Mori-Tanaka
3.6 Implémentation numérique
3.7 Conclusion
CHAPITRE 4 Conclusion

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