Morphologie du paysage agricole

Morphologie du paysage agricole et liens avec la variabilité spatiale de l’épaisseur des sols

Objectifs et principaux résultats

Ce chapitre vise à déterminer les relations existant entre certains éléments linéaires de la morphologie du site d’étude et la variabilité spatiale de l’épaisseur de sol. Plus particulièrement, il sera recherché s’il y a des variations d’épaisseur de sol induites par des phénomènes de départ ou de dépôt de sol liés à la présence de bordures de parcelles. L’approche adoptée ici est focalisée plus particulièrement sur l’étude de figures morphologiques linéaires remarquables dans le paysage : ces figures sont principalement orientées perpendiculairement à la pente et de largeur décamétrique. Cette étude a fait l’objet d’un article, intitulé : « Classification and mapping of anthropogenic landforms on cultivated hillslopes using DEMs and soil thickness data – Example from the SW Parisian Basin, France », accepté et sous presse dans la revue “Geomorphology”.

Cet article comprend toutes les précisions sur les méthodes, les résultats et les interprétations. Deux types de figures morphologiques linéaires ont été étudiés ici : les banquettes agricoles (« lynchets ») et les ondulations (« undulations »). Les premières sont actuellement associées à des bordures de parcelles, contrairement aux secondes. Les banquettes agricoles sont considérées comme des indicateurs topographiques de dépôt de sol (« topographic SEDI » ; cf. Ch. I). Des études ont montré que leur développement est assuré par l’effet de barrière induit par la bordure de parcelle associée, sur les flux de matière provenant de l’amont, flux d’origine hydrique et/ou aratoire (Bollinne, 1971; Papendick and Miller, 1977; Van Dijk et al., 2005; Follain et al., 2007).

Une banquette agricole se caractérise sur le secteur étudié par une diminution progressive de pente en amont de bordure de parcelle, Morphologie du paysage agricole et liens avec la variabilité spatiale de l’épaisseur des sols Chapitre III – Morphologie du paysage agricole et liens avec la variabilité spatiale de l’épaisseur des sols 110 menant à une pente très douce (< 3%), et par une rupture de pente large de quelques mètres en aval de la bordure (Fig. 3a et c de l’article § III.2.). Les ruptures de pentes associées aux banquettes L1, L2 et L3 (cf. § II.3.2.) peuvent engendrer localement une dénivellation de plus de 2 m. Les ondulations sont de larges convexités graduellement reliées à la pente générale du versant, à leurs parties amont et aval, par des concavités plus ou moins marquées (Fig. 3 b et d de l’article § III.2.). Six ondulations ont été observées sur le site d’étude (U1 à U6). Un MNA (Modèle Numérique d’Altitude) a été établi sur une grille d’une maille régulière de 2 m sur le site d’étude de 16 ha afin de caractériser précisément sa morphologie (Fig. 6 de l’article § III.2.). La pente, la courbure profilée (verticale), la courbure planiforme (horizontale) et la courbure (Zevenberger and Thorne, 1987) ont été dérivées du MNA. L’épaisseur de sol, considérée comme la somme des épaisseurs des horizons L et S, a été densément prospectée sur le site d’étude (au total 734 sondages à la tarière à main sur les 16 ha). Pour ce faire, deux plans d’échantillonnage ont été adoptés (Fig. 4 de l’article § III.2.).

Le plan d’échantillonnage Σ est raisonné : ces points se concentrent sur les trois banquettes et six ondulations observées sur le terrain. Le plan d’échantillonnage ∆ suit un schéma aléatoire stratifié appliqué à l’ensemble du site d’étude (un point pris au hazard dans chacune des mailles de 25 m de côté d’une maille). L’épaisseur de sol a ensuite été estimée par krigeage sur le site total (Fig. 8a de l’article § III.2.) à partir d’un jeu d’estimation de 586 points (80% du jeu total). Les 148 points restant constituent un jeu de validation. La morphologie et l’épaisseur de sol sur le site d’étude montrent des schémas de variations communs. En effet, les variations à courte-distance de l’épaisseur de sol les plus marquées sont orientées perpendiculairement à la pente et concentrées sur les figures morphologiques étudiées. Les 734 points de sondage ont alors éte répartis en trois classes, selon une méthode experte basée sur les variations de topographie (§ 2.3 et Fig. 5 de l’article § III.2.), en trois classes. La classe 1 contient les points situés sur les banquettes agricoles, la classe 2 ceux localisés sur des ondulations, et enfin la classe 0 regroupe les points en dehors des figures morphologiques (surfaces indifférenciées).

Une méthode de classification (« Classification Tree » : arbre de classification ; Breiman et al., 1984) basée sur des analyses statistiques a été appliquée au jeu d’estimation afin de construire automatiquement des modèles de classification des points dans les classes d’appartenance aux formes précitées. Deux modèles ont été construits. Le premier, nommé CTsoil, est basé sur l’analyse statistique Chapitre III – Morphologie du paysage agricole et liens avec la variabilité spatiale de l’épaisseur des sols 111 des variables prédictives suivantes : la pente, la courbure profilée, la courbure planiforme, la courbure, et l’épaisseur de sol. Le second utilise les mêmes variables prédictives, exceptée l’épaisseur de sol. L’efficacité de chacun des modèles est alors testée et discutée afin de souligner les liens existant entre figures morphologiques et variabilité spatiale de l’épaisseur de sol.

Pour ce faire, chaque modèle a été implémenté dans le Système d’Informations Géographique ArcGIS 9.3 afin de cartographier les résultats de classification des figures morphologiques de chacun (Fig. 9 de l’article § III.2.). Chaque modèle permet d’identifier et de cartographier de manière plus ou moins précise les figures morphologiques étudiées à partir des variables prédictives concernées : les banquettes L1 à L3, et les ondulations U1 à U6. De plus, de nouvelles figures morphologiques linéaires et de largeur décamétrique sont détectées par les modèles CTtopo et CTsoil. Les résultats obtenus via la cartographie ont ensuite été comparés à la classification expert pour des points du jeu de validation. Les résultats de validation des modèles CTsoil et CTtopo montrent respectivement que 83% et 67% des points du jeu de validation ont été correctement reclassés par ces modèles (Tab. 5 et 7 de l’article § III.2.). Chacun des deux modèles classe très bien les points situés sur les banquettes agricoles : ces figures ont en effet des caractéristiques morphologiques et d’épaisseur de sol très différentes des ondulations et des surfaces non différenciées.

De ce fait, les gammes de valeurs de chacune des variables prédictives, morphologiques et d’épaisseur de sol de la classe 1 apparaissent statistiquement différenciables des gammes de valeurs observées en classes 0 et 2 (Tab. 3 de l’article § III.2.). Les principales erreurs observées dans l’application des deux modèles résident essentiellement de la difficulté de discriminer de manière nette les ondulations des surfaces indifférenciées (Tab.5 et 7 de l’article § III.2.). Il s’avère que les ondulations ne peuvent être distinguées des surfaces indifférenciées que sur la base des variables courbure, courbure profilée et épaisseur de sol (Tab. 3 de l’article § III.2.). Les confusions entre ondulations et surfaces indifférenciées sont donc plus marquées lorsque l’épaisseur de sol n’est pas prise en compte en tant que variable prédictive dans l’application d’arbre de classification (modèle CTtopo).

Article accepté, sous presse dans « Geomorphology »

Classification and mapping of anthropogenic landforms on cultivated hillslopes using DEMs and soil thickness data – Example from the SW Parisian Basin, France Chartin, C. a,*, Bourennane, H. b, Salvador-Blanes, S. a, Hinschberger, F. a, Macaire, J.-J. a a Université François-Rabelais de Tours, Université d’Orléans, CNRS/INSU, Institut des Sciences de la Terre d’Orléans – UMR 6113, Faculté des Sciences et Techniques, Parc Grandmont, 37200 Tours, France b INRA – Unité de Science du Sol, 2163 avenue de la Pomme de Pin, CS 40001 Ardon, 45075 Orléans Cedex 2, France * Corresponding author: Tel. +33/2/47367339, Fax. +33/2/47367090 E-mail address: caroline.chartin@etu.univ-tours.fr (C. Chartin) Abstract This study focuses on linear anthropogenic landforms of decametric width on cultivated hillslopes and their relations to soil thickness variability. The 16 ha study area shows a rolling topography supported by Cretaceous chalk of the SW Parisian Basin, France. Two types of landforms were identified: lynchets, similar to those described as soil terraces occurring on downslope field parts in other contexts, and undulations, linear, convex landforms that cut across fields.

An accurate DEM and a detailed soil thickness survey were performed all over the study area. Soil samples were classified considering their location on specific types of anthropogenic landforms. Classification tree (CT) method was applied to assess whether lynchets and undulations can be discriminated through morphometric attributes (slope, Chapitre III – Morphologie du paysage agricole et liens avec la variabilité spatiale de l’épaisseur des sols 114 curvature, profile curvature and planform curvature) and soil thickness (CTsoil) or through morphometric attributes only (CTtopo). The CT application establishes predictive classification models to map the spatial distribution of lynchets and undulations over the whole study area. The validation results of the CTsoil and CTtopo applications show model efficiencies of 83% and 67%, respectively. Both models performed well for lynchets. Errors arise mainly from difficulties in unequivocally discriminating gently convex undulations and undifferentiated surfaces, especially when soil thickness is not accounted for. Mean values of soil thickness are 1.08, 0.62 and 0.45 m in lynchets, undulations and undifferentiated areas, respectively. The general shape of the thickened soil is characteristic to each type of anthropogenic landform.

Multi-temporal mapping of field border networks shows that undulations are linked to borders that were removed during the latest land consolidation. Lynchets are associated with current field borders. Lynchets and undulations, which cover 39% of the study area, define topographic indicators of human-induced soil accumulations. The method involves perspectives for efficiently mapping and quantifying the anthropogenically modified spatial variability of soil thickness on agricultural hillsides. Keywords: Digital Elevation Model; Morphometric attributes; Soil thickness; Lynchet; Field borders; Classification Tree. 1. Introduction The thickness and horizonation of soil cover result from the interaction of soil forming processes through parent-rock weathering and erosion or accumulation of matter at the soil surface (e.g., Jenny, 1941; Huggett, 1997). Accordingly, the thicknesses of the A and B horizons, as well as solum thickness are important diagnostic features for soil classification schemes (e.g., FAO, 1998). Moreover, soil properties such as water storage capacity and carbon content are sensitive to thickness variations (Van Wesemael et al., 2000; Yoo et al., 2006; Follain et al., 2007).

Soil thickness variation has a direct impact on crop quality and yields on cultivated land (Power et al., 1981; Christensen and McElyea, 1988; Kosmas et al., 2001). Recording soil thickness in agrarian landscapes, therefore, appears to be important for soil mapping. Chapitre III – Morphologie du paysage agricole et liens avec la variabilité spatiale de l’épaisseur des sols 115 Soil thickness is strongly linked to landscape morphology. Slope gradient is a major factor for soil development because it affects soil stability against gravity-induced movements (soil creep, landslide and debris flows) and controls rill and interrill erosion (Gerrard, 1981; Vandaele et al., 1996; Chaplot and Le Bissonnais, 2000). The notion of landscape is predominated by the assumption of spatial heterogeneity that includes patterning or structuration (Turner et al., 2001; Farina, 2006; Bolliger et al., 2007). Meeus et al. (1990) defined agricultural landscapes as areas where “management is manifest and the interaction of such factors as soil conditions, elevation, use, management and history are visible in the landscape and are expressed in its form and layout”.

Few contiguous fields or several hundred hectares dedicated to agricultural practices can define an agricultural landscape. Landscape morphology primarily depends on natural parameters: tectonics, lithology and climate (Derruau, 1962). In addition to natural factors, human activities can significantly affect geomorphology. Anthropogenic deforestation often induces a significant increase in soil erosion (de Moor et al., 2008, Macaire et al., 2010). Landscape fragmentation by field border networks has also important effects on the spatial variability of soil erosion (Van Oost et al., 2000; Follain et al., 2006; Szilassi et al., 2006). The spatial variability of tillage erosion is affected by field geometry as soil translocation by tillage implements occurs exclusively within field limits. Field borders act then as barriers to soil matter fluxes for tillage translocation, and also to fluxes for water translocation when borders are vegetalised (Dabney et al., 1999; Govers et al., 1999; De Alba, 2003; Van Dijk et al., 2005; Knapen et al., 2008).

This leads to the formation of anthropogenic landforms that relate to local soil erosion/accumulation such as ridges-and-furrows, headlands, and lynchets that are frequently found in Western Europe (Callot, 1980; Hooke, 1988; Zadora-Rio, 1991; Houben, 2008). These features can be unintentional or intentional, when they are used for soil and water conservation systems (ridges-and-furrows, lynchets) or as biodiversity conservation systems (headlands) (Taylor, 1975; Corbet, 1995; Bellemlih, 1999). In soil science and geomorphology, lynchets provide an example of an anthropogenic landform resulting from agricultural practices. Lynchets are also known as terraces, soil banks or fence lines. They are locally called “rideaux” in northern France and Belgium. A lynchet is predominantly shaped by the progressive accumulation of soil material by water and/or tillage translocation upslope of a field border (Bollinne, 1971; Papendick and Miller, 1977; Van Dijk et al., 2005; Follain et al., 2007).

This leads to the creation of a gentler slope than in the Chapitre III – Morphologie du paysage agricole et liens avec la variabilité spatiale de l’épaisseur des sols 116 upslope field area and an associated break-in-slope below the field border. Depending on the slope gradient upslope and the degree of development of the lynchet, the break-in-slope can range from several decimetres to a few meters height (Papendick and Miller, 1977; SalvadorBlanes et al., 2006). Moreover, the benching effect tends to be amplified by erosion downslope of the break-in-slope (Van Oost et al., 2000; Follain et al., 2007). Although lynchets are of decametric width, they may store an important proportion of soil material on cultivated hillslopes because of their frequent occurrence in the landscape (Macaire et al., 2002). 

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