Orientation de la politique budgétaire et cycle de croissance

Orientation de la politique budgétaire et cycle de croissance

Secteur public : des choix à opére

La théorie des déficits jumeaux repose en partie sur l’enchainement comptable proposé – ou en ajustant l’équilibre ressources-emplois à travers l’ajout des dépenses (G) et des recettes publiques (T) – tout en intégrant une répartition de l’économie totale en ses composantes publique et privée. Cette tâche constitue en soi une difficulté de taille voire même une entrave pour la réussite, la comparabilité et l’exhaustivité des travaux empiriques. En effet, le champ de définition du secteur public s’avère complexe et déterminant. Il incorpore un amas de concepts partant du marchand au non marchand et s’avère sujet à des changements de structure importants, avec des entités entrantes (institutions nouvelles : CST, SEGMA,…) ou sortantes (privatisations, gestion déléguée…). L’ensemble de ces éléments tend à conférer à l’usage du terme « secteur public » un grain de simplicité souvent de trop.Ainsi, le secteur public peut renvoyer aussi bien aux administrations centrales dont l’activité principale est de caractère non marchand ou encore à un groupement de cette première catégorie aux sociétés publiques à vocation marchande. Le choix opéré n’est pas anodin et ses implications en matière de recommandations, de conclusions et de résultats peuvent être très importants. A titre d’exemple, les dépenses d’investissement du « secteur public » au titre de 2013 peuvent varier de 48,2 milliards de dirhams à 126,2 milliards selon que l’on prenne compte ou pas de celles des entreprises publiques. 

 Revue de la littérature théorique

 Sur le plan théorique, fondamentalement, deux thèses opposées essayent d’expliquer la relation existante entre solde budgétaire et celui du compte courant. La première affirme l’absence d’un lien de causalité alors que la deuxième prône l’existence d’une relation de cause à effet.De fondement classique, la première thèse repose sur la neutralité de la politique budgétaire en stipulant que celle-ci reste sans effets sur les agrégats réels. Se basant sur l’hypothèse du comportement altruiste des agents économiques et sur « la neutralité et/ou l’inefficacité » de la politique budgétaire, pierre angulaire de l’équivalence Ricardienne, ce courant affirme l’absence d’une relation entre solde budgétaire et celui courant (Barro 1974). L’approche conventionnelle qui affirme, pour sa part, l’existence des déficits jumeaux regroupe les écoles de pensées monétaristes, l’école de Cambridge, les keynésiens et la théorie néoclassique d’horizon fini. L’école de Chicago ou l’approche monétaire de la balance des paiements précise que le déficit extérieur provient d’un excès d’émission monétaire visant à financer le déficit budgétaire qui va servir à l’achat de biens et/ou actifs de l’extérieur. La théorie comportementale, dite « behavioriste », de l’Ecole de Cambridge présentée par Godley et Cripps (1974), stipule, pour sa part, l’existence d’un lien parfait, total et unilatéral du déficit budgétaire à celui extérieur. Selon la théorie Keynésienne (Fleming, 1962 ; Mundell, 1963 ; Kearney et Monadjemi, 1990 et Haug, 1996), la relation de cause à effet du déficit budgétaire au déficit extérieur est expliquée par les canaux des taux d’intérêt et de change. Ainsi, suivant le modèle IS-LM-BP pour une petite économie ouverte, une aggravation du déficit budgétaire devrait générer une hausse des taux d’intérêt, induisant un afflux des capitaux étrangers et par la même une augmentation de l’absorption puis une appréciation de la monnaie ainsi qu’une détérioration du déficit du compte courant, conséquence de l’accroissement des importations et du ralentissement des exportations, qui pâtissent des effets de change. Par ailleurs, la théorie néoclassique d’horizon fini (Diamond, 1965 ; Blanchard, 1985 ; Frenkel et Razin, 1992) stipule qu’une réduction des taxes pour un niveau donné des dépenses publiques, génère une baisse de l’épargne publique parallèlement à un accroissement moins proportionnel de l’épargne privée. Ceci induit un repli de l’épargne nationale et en conséquence soit un ajustement (parfait) de l’investissement (à travers les taux d’intérêts et l’effet d’éviction) soit un creusement des déficits du compte courant. Constituant un prolongement des explications behavioristes et keynésiennes, Bispham (1975) indique aussi un sens opposé et positif de causalité, en arguant qu’une amélioration des exportations, provenant d’une demande mondiale plus importante, serait à l’origine d’une atténuation du déficit courant parallèlement à une progression des recettes fiscales et par la même un allégement du déficit budgétaire. En somme, même les approches validant l’hypothèse des déficits jumeaux ne semblent pas être unanimes sur le sens de causalité, laissant ainsi un grand champ d’investigation aux travaux empiriques qui tendent à présenter bien souvent des résultats divergents, selon les pays étudiés, le choix des périodes, des méthodes et des variables.

Evolutions historiques : des points d’ancrage 

L’avènement de la crise financière internationale qui s’est développée en crise économique a été à l’origine du renouveau des discussions portant sur les déficits jumeaux, en remettant en avant l’intérêt des différents programmes économiques préconisés pour répondre aux répercussions économiques de cette crise. Dans ce sens, les évolutions les plus récentes sont très informatives, permettant de stresser certains éléments des différentes pensées présentées précédemment. En effet, clarifier l’origine des sources de pressions sur les deux déficits permet entre autres d’adopter des mesures économiques à même d’y répondre d’une manière « efficace », « efficiente » et moins « douloureuse ».Sur la base des données publiées par le FMI dans la mise à jour d’avril 2015 du « World Economic Outlook », cette section propose une lecture des évolutions des deux déficits avant et après crise. Au regard des diversités spatiales, structurelles, historiques et conjoncturelles, il serait bien prétentieux de présenter des conclusions  consensuelles. A titre d’exemple, les conséquences de la crise sur les situations budgétaire et courante pour les pays importateurs de pétrole ont été bien différentes de celles ayant régi les économies exportatrices. Ainsi, dans les pays exportateurs de pétrole, la symétrie et le parallélisme entre les évolutions du compte courant et de la situation budgétaire aurait pour origine notamment, un facteur clé, à savoir le cours international de pétrole. En effet, le degré élevé de concentration des économies exportatrices de pétrole constitue une source de pression considérable pour ces pays. Ceci est illustré notamment à travers la faiblesse des prix de pétrole permettant d’équilibrer aussi bien le compte courant que la situation budgétaire. Dans ce cas, les déficits jumeaux ont pour origine notamment une certaine concentration de la structure économique autour des produits énergétiques en plus d’un éventuel effet de causalité bidirectionnel entre ces deux composantes. L’amélioration du compte courant qui traduit un afflux important des ressources liées à l’exportation de pétrole se traduit par des rentrées fiscales considérables qui permettent à ces pays de mener un certain train de vie. Avec le repli des prix de pétrole, observée à partir de juin 2014, et tenant compte des projections de prix de la Banque mondiale et du FMI, qui établissent un nouveau palier d’équilibre à moyen terme, ces pays sont amenés à faire face à des défis conséquents en matière de redressement des comptes budgétaire et courant. Toutefois, avec un degré de concentration et des stocks en ressources (devises et richesses naturelles) bien différenciés, les marges de manœuvres de ces pays s’avèrent très disparates.  

Déficits jumeaux : investigation économétrique 

Dans ce qui suit, une exploration des relations économétriques régissant principalement les agrégats du besoin de financement du Trésor et du compte courant est proposée. Pour se faire, il est recouru aux différents tests de causalité, la section suivante propose un bref rappel des différents types de causalités traités en théorie.

Analyse de la causalité

 L’analyse traditionnelle de la causalité repose sur les travaux de Clive Granger (1969) qui suppose que la cause précède toujours l’effet. Ainsi, en exploitant des tests de nullité de coefficients, la causalité au sens de Granger test si le passé de variables, dites causales, et le passé de la variable ‘réponse’ influencent les valeurs présentes de la variable réponse. Ce test s’effectue à travers les modèles à Vecteurs AutoRégressifs (VAR) utilisés sur des données stationnaires. Il repose notamment sur les tests d’exogénéité des variables explicatives proposés par Wald, qui permettent entre autres de tester si les coefficients des variables explicatifs sont conjointement nuls ou pas. L’analyse de la causalité au sens de Granger suppose la stationnarité des séries étudiées, une hypothèse qui tend à être difficilement vérifiable pour les échantillons à petite taille temporelle et à changements de régime. Les tests de causalité au sens de Granger étant fortement sensibles à la stationnarité des variables étudiées et aux spécifications retenues pour les modèles VAR (Sims), il s’avère difficile de conclure définitivement de la robustesse des résultats obtenus.La littérature propose également des tests de causalité instantanée qui reposent, pour leur part, sur l’existence d’une certaine corrélation entre les résidus des différents modèles estimés à travers l’approche VAR. Alors que la causalité au sens de Granger est évaluée unilatéralement, celle instantanée est bilatérale par définition puisqu’elle repose sur l’existence d’une corrélation contemporaine entre les résidus des régressions. Cette causalité stipule que la prise en compte des observations à l’instant ‘t’ des variables causales permettent d’augmenter la précision de la prédiction de la variable réponse à l’instant ‘t’. En particulier et lorsque les variables sont intégrées d’ordre 1 et cointégrées (Engle-Granger 1987, Granger 1988, Johanson 1988) il faut recourir aux modèles à correction d’erreurs (VECM) permettant de tester la causalité au sens de Toda et Phillips (1991) sur les modèles à court et long terme. Celle de court terme étant obtenue à partir des coefficients associés aux variables explicatives différenciées tandis que la causalité de long terme provient des variables utilisées dans le vecteur de cointégration. Cependant, au regard des limites et de la faiblesse des tests de racine unitaire pour les échantillons de petite taille, les tests de cointégartion de Johanson ont tendance à rejeter l’hypothèse d’absence de cointégration (Toda et Yamamoto, 1995) en relation notamment avec une éventuelle sous-paramétrisation des modèles VAR liée elle-même aux pertes de degré de liberté occasionnées par l’ajout des retards. Ainsi, le test de causalité au sens de Granger, Toda et Yamamoto (1995) utilise un test de Wald modifié pour tester la nullité des coefficients des variables visées dans un modèle VAR d’ordre k. La procédure consiste à déterminer dans une première étape l’ordre d’intégration des séries ‘d’ et dans une deuxième étape à réestimer un modèle VAR d’ordre ‘k+d’ et à tester la causalité au sens de Granger, Toda et Yamamoto à travers le test de Wald de nullité des k premiers coefficients

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