Ouest Provence , un territoire en tension

Ouest Provence , un territoire en tension

La question identitaire est une préoccupation qui touche d’une manière générale l’ensemble des villes nouvelles pour qui elle reste problématique. Mais pour la ville nouvelle des rives de l’étang de Berre, cette question se pose avec d’autant plus d’intensité que le territoire est d’une grande complexité et qu’on lui associe communément une image d’une terre damnée (Paillard, 1981) : « Son portrait symbolique le plus commun, attendu, est un dégradé de noir […] » (Girard, 2006 : 38). Outre l’ancrage des représentations liées à un territoire où l’industrie y est fortement implantée et ce, depuis le XIXe siècle, il y a aussi l’héritage de l’histoire de la ville nouvelle qui pose la question de la production d’une identité territoriale dans un contexte de tension entre volonté de maîtrise d’un territoire à une échelle local et sentiment de menace venue conjointement de l’État et de la métropole marseillaise. De la lecture des travaux qui portent sur le territoire de cette ville nouvelle et de ses alentours se dégage un sentiment unanime de contradiction, d’étrangeté et de dangerosité. Cette « drôle de ville nouvelle » (Borruey, 2008 : 179)84 et son environnement ne manquent pas de cristalliser un certain nombre de qualificatifs dépréciatifs extraits de travaux de recherche dont voici un échantillon : « non-lieu social », « l’étang est à la fois un lieu de perdition et de déperdition », « réalité oppressante de la pollution » (Fabiani, 2006), « terre damnée », « étang de Berre en perdition » (Girard, 2006), « lieux étranges », « lieux urbains inconsistants », « espace des malentendus et des équivoques », « espace dégrammaticalisé », « discontinuités territoriales », « fragmentation », (Péraldi, 1989). On pourrait poursuivre cette liste à l’envi qu’elle n’offrirait guère de description plus élogieuse de ce vaste territoire difficilement qualifiable parce que tout à fait paradoxal : il est marqué d’une part, par la complexité de ses terroirs et d’autre part, par le gigantisme industriel.

Le pourtour de l’étang de Berre est un espace délimité : au nord par la chaîne des Alpilles, à l’ouest par la plaine de la Camargue et le Rhône et au sud, par la Méditerranée. Si l’on se réfère aux études Insee du territoire, on peut dire que cet espace est constitué en trois zones, correspondant chacune à une zone d’emploi : Fos-sur-Mer à l’ouest, L’étang de Berre à l’est et Salon de Provence85 au nord. Le pourtour de l’étang, toujours selon le périmètre défini par l’Insee, se compose de 32 communes et compte 402 000 habitants en 2006. Il est desservi par un important réseau routier et autoroutier, il accueille un aéroport international à Marignane et un complexe industrialo-portuaire de portée mondiale à Fos- sur-Mer.  Ce périmètre ne comprend pas moins de sept établissements publics de coopération intercommunale : le SAN Ouest Provence, la communauté d’agglomération Salon-Étang de Berre-Durance (Agglopole Provence), la CA de l’Ouest de l’étang de Berre (Pays de Martigues), la CU de Marseille (Marseille Provence Métropole), la CA d’Aix-en-Provence (Pays d’Aix), la CA Arles-Crau-Camargues-Montagnette, et la CC de la vallée des Baux et des Alpilles. Le SAN Ouest Provence et le Pays de Martigues représentent à eux seuls un peu plus de la moitié de la population du pourtour de l’étang de Berre, soit 51 %. Les autres EPCI n’entrent que partiellement dans la zone. Les communes les plus densément peuplées de cette zone se trouvent justement sur les rives de l’étang de Berre. On compte une dizaine de communes à cet endroit, regroupant 300 000 habitants : Miramas, Istres, Vitrolles, Marignane, Saint-Chamas, Saint-Mitre les Remparts, Rognac, Saint-Chamas, Berre l’Étang, Châteauneuf-les-Martigues.

Ce territoire est à l’image de l’ensemble du département des Bouches du Rhône où l’intercommunalité est loin d’être un phénomène négligeable (Olive, Oppenheinm, 2001). En 1996 déjà, avant la loi Chevènement, 119 villes étaient regroupées dans des structures intercommunales sur un ensemble de 120 communes, ce qui équivaut au double de la moyenne nationale à cette époque. Cette organisation territoriale prend forme sur la base d’un développement qui se veut autonome au regard de celui de la métropole marseillaise. Avec l’implantation des activités de l’industrie lourde à la fin des années soixante, le pourtour de l’étang de Berre a bénéficié d’un développement économique rapide attirant de nombreuses populations jusque dans les années quatre-vingt – le nombre d’habitants a été multiplié par 2,4 entre 1962 et 1990. En effet, à partir de cette période le tissu économique s’est orienté vers les secteurs du tertiaire et en particulier vers les services aux entreprises. Malgré cette importance prise par le tertiaire depuis plusieurs décennies, l’industrie reste encore le moteur de ce territoire avec ces trois activités principales que sont la construction aéronautique, la sidérurgie et la pétrochimie. L’emploi industriel représente encore 18 % de l’emploi total du territoire contre 10 %

 

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