PALUDISME GRAVE DANS SA FORME NEUROLOGIQUE CHEZ LES ENFANTS AGES DE 2 MOIS A 15 ANS

PALUDISME GRAVE DANS SA FORME NEUROLOGIQUE CHEZ LES ENFANTS AGES DE 2 MOIS A 15 ANS

Physiopathologie du paludisme grave

Les troubles de la conscience  L’hypothèse de la perméabilité Cette hypothèse énoncée par MAEGRAITH grâce à des études réalisées sur le singe RHESUS infecté par le Plasmodium knowlesi suggère qu’une toxine (toxine plasmatique de Maegraith), pouvant être une kinine et libérée par les hématies parasitées, est responsable de l’augmentation de la perméabilité vasculaire, principalement de la barrière hémato-encéphalique par altération de la respiration cellulaire du fait de l’action de cette toxine sur les phosphorylations oxydatives. Il en résulte une fuite du plasma d’où l’œdème cérébral et le coma qui s’en suit [43,57]. Ainsi des résultats récents montrent que les pressions cérébro-spinales initiales sont élevées chez les enfants africains atteints du paludisme grave dû à un œdème cérébral [48]. Toutefois, des résultats d’études menées chez des adultes dans le coma, le passage d’albumine sérique humain marqué à l’iode 125 à travers la barrière hémato-cérébrospinale est trois fois plus faible que dans le modèle du singe RHESUS de MAEGRAITH [43]. D’autre part, chez des patients atteints de paludisme grave, les pressions initiales de liquide cérébrospinal étaient normales dans 79% des cas et même plus basses pour les cas mortels [64]. Aussi si l’hypothèse de la perméabilité est de plus en plus abandonnée dans la physiopathologie du paludisme grave de l’adulte, elle reste toujours de mise dans celle de l’enfant [64].  L’hypothèse mécanique Le cycle de P. falciparum chez l’homme, en particulier son passage intraérythrocytaire, est responsable de la séquestration des hématies parasitées au 13 niveau des capillaires et des veinules post-capillaires. Trois mécanismes principaux de séquestration sont décrits : la cytoadhérence, le phénomène de « rosetting » et l’autoagglutination [32].  La cytoadhérence L’adhésion endothéliale ou cytoadhérence des hématies parasitées à l’endothélium vasculaire et aux cellules trophoblastiques placentaires est le mécanisme qui a été le mieux appréhendé ces dernières années. Au niveau du globule rouge, la cytoadhérence se fait par l’intermédiaire de protubérances membranaires ou « knobs » au sein desquelles des adhésines plasmodiales ont pu être caractérisées. Parmi ces molécules de surface du globule rouge infecté qui se lient à l’endothélium, la PfEMP1 (Plasmodium falciparum erythrocyt membran protein 1) est la molécule la mieux documentée. La PfEMP1 est en fait une famille antigénique exportée par le parasite à la surface de l’hématie et dont la synthèse est codée par plus de cent cinquante (150) gènes hautement variables. Les antigènes exposés au système immunitaire de l’hôte à l’autre et chez le même hôte, d’une infection et d’un cycle parasitaire à l’autre. D’autres molécules, plus récemment décrites comme les rifines ou la protéine CGLAG, pourraient également jouer un rôle important. Quant aux récepteurs endothéliaux, plusieurs molécules ont été décrites. La liaison du globule rouge parasité à des molécules exprimées, constitutivement par l’endothélium des capillaires cérébraux telles que CD36 et une thrombospondine, ne semble pas être un élément clef dans la pathogenèse du paludisme grave. Au contraire, des molécules telles qu’ICAM1 (intercellular adhesion molecule 1) et ELAM1(E selectin) dont l’expression endothéliale est 14 induite par le TNF (tumor necrosis factor) et d’autres médiateurs de l’inflammation, sont préférentiellement exprimés dans les capillaires cérébraux contenant des globules rouges parasités [39,47,57].  Le phénomène de rosetting Par l’intermédiaire des protubérances, les hématies parasitées adhèrent entre elles et aux hématies non parasitées en formant des rosettes. PfEMP1 et son domaine DBL1α seraient impliqués dans le phénomène de « rosetting » via les récepteurs CR1 (complement receptor-1) présents dans les hématies non infectés. Ce phénomène a été bien étudié in vitro sur des lignées cellulaires (fibroblastes, lignées cellulaires d’origine mélanique). Il varie d’une souche plasmodiale à l’autre et il est corrélé au degré de sévérité du paludisme [39, 47, 57].  L’auto-agglutination des hématies L’auto-agglutination des hématies parasitées a été observée sur de nombreuses souches de P. falciparum étudiées en culture au laboratoire. Les érythrocytes infectés se regroupent entre eux et forment des micro-agrégats susceptibles d’obstruer les capillaires profonds. Ce phénomène a été également observé chez des patients porteurs de fortes parasitémies en dehors de tout phénotype d’adhésion. Les mécanismes moléculaires qui prédisposent à sa survenue sont encore inconnus. L’hypothèse mécanique qui fait de la séquestration érythrocytaire le déterminant des lésions tissulaires du paludisme grave est séduisante. Elle est néanmoins insuffisante pour expliquer les lésions, en particulier cérébrales, du paludisme grave. En effet, la concentration cérébrale de récepteurs endothéliaux est faible et le phénomène de cyto-adhérence disparaît chez des singes splénectomisés. 15  L’hypothèse immunologique Des mécanismes immuns mis en évidence sur des modèles animaux sont d’une grande importance pour la compréhension de la pathogénie des glomérulonéphrites, de certaines formes graves de paludisme cérébral et de certains types de lésions cérébrales [39, 59]. Chez l’homme, les infections par P. falciparum déclenchent des réactions immunitaires à médiation cellulaire et humorale. L’atteinte neurologique retrouvée dans le paludisme grave résulterait en partie de l’hyper activation du système nerveux central par les antigènes plasmodiaux. Paludisme grave : théorie mécanique Hématies parasitées Cytoadhérence/séquestration Hypoperfusion d’organes Défaillance d’un ou de plusieurs organes .L’hypothèse de l’action d’un complexe immun vasculaire au niveau des vaisseaux cérébraux a également été émise. On a rapporté des cas de glomérulonéphrites prolifératives lors du paludisme grave or cette pathologie est un marqueur classique de l’existence d’une maladie immunologique sous-jacente. Toutefois, c’est la nécrose tubulaire aigue rénale qui est la lésion la plus rencontrée dans le paludisme grave [63]. Le paludisme s’accompagne d’une activation massive du système immunitaire qui touche en particulier le système des phagocytes mononucléés et les lymphocytes T. Des données provenant de l’étude des marqueurs d’activation de ces cellules et des taux plasmatiques de cytokines dans le sérum de patients, suggèrent que cette activation soit d’autant plus forte que le paludisme est grave. Parmi les cytokines habituellement retrouvées en forte concentration dans le sérum des patients souffrant de paludisme grave, le TNFα (Tumor Necrosis Factor) a fait l’objet des études les plus convaincantes avec une corrélation indiscutable entre taux sérique et gravité. On considérait que le paludisme grave était associé à une forte réaction inflammatoire, liée à l’activation du système des phagocytes mononucléés par les toxines parasitaires. L’existence même de ces toxines est actuellement remise en cause. L’activation des monocytes macrophages serait le résultat de l’activation des lymphocytes, comme cela a été démontré depuis plusieurs années ; parmi les lymphocytes à l’origine d’une forte production de cytokines pro inflammatoires, les lymphocytes T pourraient jouer un rôle central. Ces lymphocytes T activés par des phosphoantigènes libérés lors de la rupture des hématies sont en effet à l’origine d’une forte production de TNFα. 17 En définitive il a été découvert que c’est surtout de la séquestration des hématies parasitées dans les capillaires viscéraux notamment cérébraux, par l’intermédiaire des KNOBS qui explique réellement la gravité du paludisme.  Le coma L’hypertension intracrânienne, avec ou sans œdème, contribue vraisemblablement à la genèse des troubles de la conscience dans la moitié des cas pédiatriques de paludisme grave. L’hypothèse mécanique n’explique pas de manière satisfaisante les troubles de la conscience souvent profonds, prolongés et habituellement réversibles. La séquestration des hématies parasitées, la formation de rosettes et/ou d’autoagglutina, ainsi que la diminution de la déformabilité des globules rouges, Paludisme grave : théorie humorale Plasmodium falciparum Intra- érythrocytaire Action cellules immunocompétentes Cytokines (TNα, IL-1, IL-2, INFγ Fièvre,hypoglycémie, troubles conconscience, anémie… Figure 4: Théorie humorale 18 semble pourtant susceptible de modifier la microcirculation locale, générant une hypoxie et la production de lactates par glycolyse anaérobie. Les marqueurs biologiques de sévérité que sont les cytokines n’interviennent pas directement dans la genèse du coma[34]. Des auteurs ont avancés qu’une surproduction de monoxyde d’azote par les cellules endothéliales des micro-vaisseaux cérébraux pourrait interférer avec la transmission neuronale et contribuer à l’apparition de symptômes neurologiques. Cependant, son niveau de production varie beaucoup en fonction de l’âge et apparaît inversement proportionnel à la gravité du paludisme. Au total, la physiopathologie des troubles de la conscience observés, volontiers comparés à ceux de l’encéphalopathie métabolique ou l’anesthésie générale, fait probablement intervenir un réseau complexe de cytokines et/ou de neuromédiateurs, ainsi que des modifications locales, dont la nature précise reste à déterminer [47].

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : GÉNÉRALITÉS
I. Rappels sur le paludisme
1. Définition
2. Aspects épidémiologiques
3. Quelques aspects économiques du paludisme
4. Cycle évolutif du paludisme
4.1. Agents pathogènes
4.2. Transmission
4.3. Sujet réceptif.
4.4. Cycle parasitaire
5. Physiopathologie du paludisme grave
5.1. Les troubles de la conscience
5.2. Physiopathologie des autres complications
II. Aspects Cliniques 20
1. Paludisme grave dans sa forme neurologique ou accès pernicieux chez l’enfant
2. Autres formes graves
III. Examens biologiques
1. Examens d’orientation
2. Examens de certitude
2.1. Diagnostic direct
2.2. Le diagnostic sérologique
IV. Prise en charge du paludisme grave et compliqué
1. Traitement curatif
1.1. Buts
1.2. Moyens
1.3. Indications
2. Traitement préventif
2.1. Prévention primaire
2.2. Prévention secondaire
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. Cadre et lieu d’étude : Le Centre Hospitalier National d’Enfants Albert Royer
II. Patients et méthode
1. Type et période d’étude
2. Patients
2.1. Critères d’inclusion
2.2. Critères de non inclusion
3. Techniques de recueil de données
4. Outils de collecte des données et d’analyse des résultats
5. Considérations éthiques et administratives éventuelles
III. Résultats
A. Etude descriptive
1. Fréquence
1.1. Fréquence du paludisme grave dans sa forme neurologique suivant
les années d’admission
1.2. Fréquence des enfants atteints de paludisme grave dans sa forme neurologique suivant les mois d’admission
2. Caractéristiques sociodémographiques
2.1. Age
2.2. Sexe
2.3. Zone de provenance
3. Enquête socioéconomique
3.1. Niveau socioéconomique
3.2. Secteur d’activité professionnelle du père
3.3. Secteur d’activité professionnelle de la mère
4. Données anamnestiques
4.1. Antécédents/terrain
4.2. Statut vaccinal
4.3. Terrain
4.4. Structure d’origine
4.5. Motifs de référence
4.6. Délai de consultation
4.7. Motifs d’hospitalisation
5. Signes cliniques
5.1. Signes neurologiques
5.2. Signes associés
5.3. Recherche d’infections associées
6. Signes paracliniques
6.1. Hémogramme
6.2. CRP.
6.3. Test EMMEL
6.4. TDR
6.5. Goutte épaisse
6.6. Densité parasitaire
6.7. Ponction lombaire
6.8. Glycémie
6.9. Altération de la fonction rénale
7. Prise en charge
7.1. Hospitalisation
7.2. Traitement curatif.
7.3. Autres traitements
8. Évolution
B. Étude analytique
1. Signes neurologiques selon les tranches d’âge
2. Signes neurologiques selon le sexe
IV. Discussion
1. Données épidémiologiques et sociodémographiques
1.1. Fréquence
1.2. Sexe
1.3. Age
1.4. Antécédents et terrain
2. Données anamnestiques
2.1. La provenance et le mode d’admission
2.2. Motifs de consultation
2.3. Délai de consultation
3. Aspects cliniques
3.1. Les signes neurologiques
3.2. Les autres signes de gravité
4. Sur le plan biologique.
5. Données thérapeutiques
6. Les aspects évolutifs
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXES

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