PÉDAGOGIE ET ÉCRITURES LITTÉRAIRES DANS LES AVENTURES DE TÉLÉMAQUE

 PÉDAGOGIE ET ÉCRITURES LITTÉRAIRES
DANS LES AVENTURES DE TÉLÉMAQUE

LES QUALITES D’UN PRINCE

LA SAGESSE

Nourris dans la hauteur, la grandeur, la majesté de leurs rangs, les rois se voient d’une autre nature que les hommes qu’ils veulent gouverner .C’est cette attitude détestable que le précepteur veut corriger dans la personne du Duc de Bourgogne. Il s’est donné comme objectif de redresser le caractère du roi présomptif du trône, de le guider vers un règne modéré, juste, proche de la sagesse et de la retenue. Face à un personnage élevé dans la hauteur et l’estime de soi, le prêtre se propose de le rendre sage et modéré, de lui faire sentir le besoin qu’un roi peut avoir de ses prochains, de ses sujets. Dans son ouvrage Le Télémaque de Fénelon, Charles Dédéyan raconte une scène vécue entre Fénelon et le Duc de Bourgogne où ce dernier montre toute sa hauteur et sa fierté en répliquant au prélat « Non Monsieur, je sais qui vous êtes et je sais qui je suis » 39D’ailleurs, les rois de France sont convaincus que leur puissance, émane de Dieu. C’est un pouvoir d’ordre divin qui donne tous les droits sur les sujets, d’où son caractère absolu. Louis XIV définit son « métier de roi » dans ses Mémoires en soulignant ce caractère absolu « C’est à la tête seulement qu’il appartient de délibérer et de résoudre, et toutes les fonctions des autres membres ne consistent que dans l’exécution des commandements qui leur sont donnés »40 Les rois tiennent leur sceptre de Dieu, Louis XIV l’exprime dans ces mêmes Mémoires en ces termes : Toute puissance, toute autorité résident dans la main du roi et il ne peut pas y avoir d’autre dans le royaume que celle qu’il établit… Tout ce qui se trouve dans l’étendue de nos Etats, de quelque nature que ce soit nous appartient au même titre…Celui qui a donné des rois aux hommes, c’est-à-dire Dieu a voulu qu’on les respectât comme ses lieutenants, se réservant à lui seul, le seul droit d’examiner leur conduite41 L’évêque Bossuet renchérit dans ce domaine « Les princes agissent comme ministres de Dieu sur la terre… Le trône royal n’est pas le trône d’un homme, mais le trône de Dieu même »42 . Dépouiller ce moi, le rabaisser, c’est à quoi tendent toutes les fictions narratives du prélat notamment Les Aventures de Télémaque où Mentor guide Télémaque vers la sagesse et la retenue, la modération dans toutes ses actions. La sagesse est faite de mesure et suit toujours la raison comme le définit Boileau : « Qu’est-ce que la sagesse ? Une égalité d’âme que rien 39 Op Cit P 30 40 Collection Isaac Jules, Classe de Quatrième, Classique Hachette, P274 41 Ibid., p. 276 42 Bénigne Jacques Bossuet, La Politique tirée des propres paroles… édition J. Le Brun, L III, art II, P65 -68 14 ne peut troubler, qu’aucun désir n’enflamme, qui marche en ses conseils à pas mesurés qu’un doyen au palais ne monte les degrés »43 Sous les traits de Mentor se cache AthénaMinerve la déesse de l’intelligence et de la sagesse dans la mythologie grecque, pour inspirer les actions de Télémaque, tout au long des dix-huit Livres qui composent les Aventures de Télémaque. Durant son périple méditerranéen en Egypte, dans le Livre II, Mentor le met en contact d’un roi sage comme Sésostris qui gouverne ce pays avec sagesse et modération. Télémaque en captivité dans ce pays a le temps de noter l’opulence et la richesse de cette contrée bien gouvernée : « Nous ne pouvions jeter les yeux sur les deux rivages sans apercevoir des villes opulentes, des maisons de campagne agréablement situées, des terres qui se couvraient tous les ans d’une moisson dorée sans jamais se reposer » Le précepteur saisit l’occasion pour le persuader que ce bien être est l’œuvre d’un roi sage qui aime son peuple et en est aimé de retour. Un tel roi fait le bonheur de ses sujets et travaille pour la prospérité de son royaume. Le peuple ne pense qu’à conserver ce roi à et aucune révolution ni insurrection ne menacent de le détrôner. Mentor s’exclame à ce sujet : Heureux le peuple qui est conduit par un sage roi, il est dans l’abondance. Il est heureux et aime et celui à qui il doit son bonheur. C’est ainsi que vous devez régner et faire la joie de votre peuple, si jamais les dieux vous font posséder le royaume de votre père. Aimez vos peuples comme vos enfants Le roi Sésostris est dans le Télémaque, l’exemple illustratif d’un sage roi qui gouverne son peuple dans la modération .C’est le roi pasteur du peuple qui conduit ses sujets vers le bonheur comme le bon père de famille. Il règle toutes les affaires de son royaume avec mesure, comme le note Fénelon dans le Livre II « Il écoutait chaque jour, à certaines heures réglées tous les ceux de ses sujets qui avaient ou des plaintes à lui faire où des avis à lui donner. Il ne méprisait ni ne rebutait personne et ne croyait être roi que pour faire du bien à tous ses sujets, qu’il aimait comme ses enfants » Une gouvernance fondée sur la sagesse, l’amour mutuel, entre le souverain et son peuple, tel est le but que se fixe Mentor. Sésostris est un roi qui n’abuse pas de son pouvoir et l’exerce avec discernement, rendant une justice équitable malgré son âge avancé .C’est un roi à l’écoute de son peuple qui le vénère. Fénelon le relève toujours dans le Livre II : 

LA HAINE DU LUXE

: Un gouvernement modéré et sage implique naturellement que le roi n’use pas du trésor de l’Etat pour satisfaire un gout du luxe qui appauvrit son peuple. De son temps Louis XIV aimait le faste et les lambris des palais. Ainsi au sommet de la butte qui dominait le pauvre village de Versailles à une vingtaine de kilomètres de Paris, Louis XIII, son prédécesseur s’était fait bâtir un pavillon de chasse en pierres et en briques. Dès 1661 il le fit modifier par Le Vau, l’architecte de Fouquet, intendant des finances du roi tombé dans la disgrâce royale en un édifice somptueux fait de marbres et donnant à un vaste jardin. C’est ce cadre idyllique du palais de Versailles qui devint la résidence officielle du roi et de la cour. Un gout immodéré du luxe que l’auteur du Télémaque n’a cessé de condamner. Partout Fénelon chante la simplicité, rejette le luxe .Il écrit dans La Lettre à L’Académie : Ce n’est ni le difficile, ni le merveilleux, ni le rare que je cherche ; c’est le beau simple, aimable que je goute. Si les fleurs que l’on foule aux pieds dans une prairie sont aussi belles que celles des plus somptueux jardins, je les en aime mieux : 44 De ce fait la description de la grotte de Calypso au Livre premier est une traduction de l’éthique et l’esthétique de Fénelon de la simplicité, ennemie de l’ornement outrancier qui caractérise le règne de Louis XIV. Cette grotte est l’antithèse du palais de Versailles puisqu’on « n’y voyait, ni or, ni argent, ni marbre, ni colonnes, ni tableaux, ni statues » Fénelon exalte cette simplicité inspirée D’Homère comme il l’écrit toujours dans La Lettre à L’Académie « Homère n’a-t-il pas dépeint avec grâce l’ile de Calypso et les jardins à Alcinoos sans y mettre ni marbres ni dorures »45 Reçu avec faste par la déesse Calypso , Télémaque se complait à ce plaisir quand Mentor lui fait ce reproche « Un jeune homme qui aime à se parer vainement comme une femme est indigne de la sagesse et de la gloire. La gloire n’est due qu’à un cœur qui sait souffrir et fouler aux pieds les plaisirs » A maintes reprises le précepteur s’attaque à la mollesse, à la parure qui fait de l’homme un efféminé. Cette haine du luxe est d’autant plus vive que Fénelon utilise des mots comme « sucer le sang des malheureux, s’engraisser du sang des malheureux » pour dire que ce luxe est souvent acquis au détriment du peuple. La frugalité, l’innocence, la simplicité, tels sont les mots récurrents dans le Télémaque en opposition avec le luxe ruineux qui plonge le peuple dans le désastre. La Lettre à l’académie s’en fait échos en ces termes : Diverses personnes sont dégoutées de la frugalité des mœurs, qu’Homère dépeint. Rien n’est si aimable que cette vie des premiers hommes .Ceux qui cultivent leur raison et qui aiment la 44 Op Cit, XXI, P 198 45Ibid., P 253 20 vertu, peuvent-ils comparer le luxe vain et ruineux qui est en notre siècle la peste du siècle et l’opprobre de la nation, avec l’heureuse et élégante simplicité que les anciens nous mettent devant les yeux 46 Tout le Télémaque est un hymne à la simplicité, à la rusticité, contraire au besoin de luxe effréné qui met la jalousie et la haine dans les cœurs, l’envie d’usurper le bien d’autrui. Fénelon s’insurge contre le luxe monstrueux de la cour ; le luxe était devenu chose naturelle dans la cour du roi ; Le cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII écrivait dans son Testament Politique « La probité n’empêche pas qu’un homme puisse faire ses affaires en faisant celles de l’Etat »47 Certains ministres de Louis XIV osaient rivaliser faste de comme Fouquet dans son magnifique palais à Vau, à Sceau, Colbert et après lui son fils Seignelay, à Meudon, Louvois. Tels de petits astres gravitant autour du soleil, ils entendaient rayonner de leur propre éclat. Ils pensaient avec le cardinal de Richelieu que « le cœur et la force » qu’ils mettaient à servir l’Etat méritaient « cet honnête aiguillon de gloire sans lequel les plus capables et les plus gens de bien demeurent sans se signaler par aucune action avantageuse au public »48 Le prêtre qu’est Fénelon ne pouvait que s’indigner de cette magnificence qui va à l’encontre des enseignements de l’Evangile qui recommande la simplicité et le dépouillement au chrétien. A la magnificence, à l’éclat la simplicité. Dans son Sermon sur l’humilité, il interpelle les biens temporels : Richesses de la terre, dignités temporelles, superbes palais, trains magnifiques, et tout ce qu’il y a d’éclatant sur la terre que les hommes du siècle recherchent, que les païens vous idolâtres et que les mondains soupirent après vous, vous n’avez rien qui doive toucher le cœur d’un chrétien 49 C’est donc en vertu de la religion que le roi doit rejeter le luxe, la magnificence ou le faste, Fénelon n’hésite pas à s’attaquer à ses pairs comme dans sa Lettre à Jacques Nicolas Colbert archevêque de Rouen : On se passionne au bâtiment comme au jeu ; une maison devient comme une maitresse. Qui corrigera la fureur de bâtir si prodigieuse en notre siècle, si les bons évêques eux-mêmes autorisent ce scandale Souvenez Monseigneur que vos revenus ecclésiastiques sont le patrimoine des pauvres ; que ces pauvres sont vos enfants, et qu’ils meurent de tous côtés de faim .Je vous dirai comme Don Barthélemy disait à Pie IV qui lui montrait ses bâtiments : dic ut lapides isti panes fiant… que deviendra la pauvreté de J.C, si ceux qui doivent le représenter 46 Ibid. P252 47 Richelieu, Testament politique, Edition Louis André, P 373, Robert Laffont, Paris, 1947 48 Ibid., P 297- 298 49 Abbé Fénelon, Fénelon et la prédication, Appendice I, P. 168 21 cherchent la magnificence. Voilà qui avilit le ministère, voilà ce qui ôte l’autorité aux pasteurs50 Rien de surprenant que les discours de Mentor, les peintures qu’il trace des crétois, sa réforme de Salente aillent dans le sens de la suppression de l’éclat. Dès le Livre V Mentor invite Télémaque à refuser la couronne de Crète « car l’éclat qui est attaché est faux et ne peut éblouir que des âmes vaines » En Crète Mentor exalte la simplicité des mœurs, leur attachement à la terre qui leur procure « l’abondance, la paix, la joie, l’union » les préservant ainsi de « l’ambition et de l’avarice des hommes qui sont les seules sources de leurs malheurs » De plus on « n’y souffre ni meubles précieux ,ni habits magnifiques , ni festins délicieux , ni palais dorés » Dans sa Lettre à Louis XIV Fénelon reproche au roi de vivre dans le luxe pendant que son peuple croupit dans la misère. Le prélat est d’autant plus contre ce luxe qu’il vide les coffres royaux et appauvrit le peuple, et n’a pour seul but d’accroitre le prestige des princes et de leurs collaborateurs. Dans cette Lettre à Louis XIV, Fénelon compare la France à un Etat en ruine « Au lieu de tirer de l’argent de ce pauvre peuple, il faudrait lui faire l’aumône, et le nourrir. La France entière n’est plus qu’un grand hôpital sans provisions 51 » Par le bannissement de ce superflu, le prélat veut soulager le peuple de sa misère .En effet le peuple est pressuré d’impôts qui l’écrasent. Dans ses plans de gouvernement ou les Tables de Chaulnes rédigés à l’intention du Duc de Bourgogne, il prévoit d’humaniser l’impôt qu’il définit ainsi : Impôts. Cessation de gabelle, grosses fermes, capitation, dime royale, suffisance des sommes que les Etats pour payer leur part de la somme totale des charges de l’Etat. Ordre des Etats plus soulageant que celui des fermiers du roi ou traitants, sans l’inconvénient d’éterniser les impôts ruineux de leurs arbitraires 52 Au préalable il avait préconisé ce que l’on peut appeler des mesures d’austérités pour le train de l’Etat. Il recommande au roi et à sa cour de réduire l’exemple de frugalité. Voilà pourquoi il écrit dans l’Ordre des dépenses à la cour : Retranchements de toutes les pensions de cour nécessaire .Modérations dans les meubles, équipages, habits, tables, exclusion de toutes les femmes inutiles. Lois somptuaires comme les Romains .Renoncements aux jardins et aux bâtiments Diminution de presque tous les appointements .Cessation de tous les doubles emplois ; faire résider chacun dans sa fonction. Supputation exacte des fonds pour la maison du roi. Nulle augmentation sans aucun prétexte.

. L’AMOUR DE LA VERITE

Dans les dangers de la royauté, figure le risque perpétuel de passer toujours à côté de la vérité. En fait les rois sont souvent entourés de gens artificieux, empressés, intéressés, prêts à les tromper pour les éloigner de la vérité. Mentor le précepteur de Télémaque se propose comme but, de former le jugement du roi, à se défier de ses passions, de ne pas se livre entièrement à ses passions. Pour réduire la marge d’erreurs, le roi doit s’entourer de conseillers loyaux, vertueux qui disent la vérité aux risques de ne pas plaire au roi. Tout le long du Télémaque, Mentor à son élève les périls auxquels s’exposent les rois en se fiant aux mauvais conseillers. Dans le Livre II Metophis qui est un conseiller artificieux du sage roi fait enfermer Télémaque en dépit de la vérité à l’insu de ce roi, pourtant bon et très sage. Mentor le constate ainsi « l’officier auquel le roi renvoya l’examen de notre affaire avait l’âme aussi corrompue et artificieuse que Sésostris était sincère et généreux. Cet officier se nommait Metophis ». Afin de ne pas tomber dans le piège des mauvais conseillers le roi doit bien choisir son entourage pour rendre des jugements objectifs .Mentor attire l’attention du fils d’Ulysse en lui représentant en lui représentant les périls que courent un souverain en se livrant aveuglément aux avis des conseillers .Un roi ne doit déférer aux avis de ses ministres qu’avec la prudence requise. Il s’exclame ainsi dans ce Livre II : Hélas ! A quoi les rois sont-ils exposés .Les plus sages même sont souvent surpris .Des hommes artificieux et intéressés les environnent .Les bons attendent qu’on les cherche et les princes guère les aller chercher, les méchants sont hardis et trompeurs, empressés à s’insinuer et à plaire, adroits à dissimuler, prêts à tout faire contre l’honneur et la conscience En s’entourant de pareils gens prêts à abdiquer tout honneur et toute dignité, la vérité est souvent travestie et les rois ne s’en aperçoivent que tardivement. Mentor s’apitoie sur leurs sorts en ces termes « O qu’on est malheureux disait-il, quand on est au-dessus des hommes. Souvent on ne peut voir la vérité par ses propres yeux .On est environné de gens qui l’empêchent d’arriver jusqu’à celui qui commande » D’ailleurs la vérité offense l’orgueil des princes, eux qui sont élevés dans la hauteur et le mépris de leurs sujets, ramenant tout à leurs personnes. Cette hauteur qui les empêche de considérer la vérité a besoin d’être secouée, car les rois ont une nature humaine faible et imparfaite .Ils ont besoin de gens hardis qui leur représentent la réalité crue, qui leur disent leurs fautes et qui leur parlent librement dans leurs propres intérêts .Dans sa Lettre adressée à Louis XIV, Fénelon parle de la vérité au roi en ses termes : 26 , La vérité est libre et forte. Vous n’êtes guère accoutumés à l’entendre. Les gens accoutumés à être flattés prennent aisément pour chagrin pour âpreté, et pour excès ce qui n’est que la vérité toute pure .C’est la trahir que de ne pas vous la montrer dans toute son étendue59 En plus de ces écrans humains que sont les conseillers qui empêchent les rois de découvrir la vérité, s’ajoute un défaut qui est l’orgueil démesuré. Mentor conseille toujours à Télémaque de se défier toujours de lui-même, de ne pas écouter ses passions, d’être réfléchi et modéré. Il ajoute que tous les conflits sui s’allument entre les Etats sont dus à l’orgueil dont les rois se livrent inconsidérément .Dans le Livre IX, Mentor fait remarquer à Idoménée roi de Salente la cause de la guerre contre les sauvages Manduriens. Il note que « la hauteur et la fierté attire les guerres les plus dangereuses. Dans ce Livre, le précepteur désamorce un conflit que Idoménée allait livrer malgré son infériorité en termes de forces. Ce roi, sous l’impulsion et l’inspiration de Mentor se laisse persuader et accepte la vérité qui lui est représentée : Vous êtes sage et vous voulez qu’on vous découvre la vérité sans aucun adoucissement. Vous n’êtes point comme ces êtres faibles qui craignent de la voir et qui manquent de courage pour se corriger .Et qui n’emploient leur autorité qu’à soutenir des fautes qu’ils ont faites Accoutumés à être servis par des conseillers qui savent s’insinuer dans leurs plaisirs, les rois se trouvent désarmés et prennent l’habitude de ne jamais délibérer dans leurs décisions. Le précepteur souligne les défauts majeurs des rois, qui les bloquent dans la quête de la vérité. Dans le livre XI, Idoménée parle de Protésilas, un conseiller corrompu qui savait si bien disposer dc sa personne : Cet homme me connaissait mieux que je ne me connaissais moi-même. Il savait que les rois sont d’ordinaire défiants et inappliqués, défiants par l’expérience continuelle qu’ils ont des artifices des hommes corrompus dont ils sont environnés. Inappliqués parce que les plaisir les entrainent et parce qu’ils sont accoutumés à avoir des gens chargés de penser pour eux sans qu’ils en prennent eux-mêmes la peine Cette défiance et cette inapplication étaient passées en une habitude tenace qui l’empêchait de reconnaitre ses propres défauts comme il le confesse « Tant d’années d’habitude étaient des chaines de fer qui me livraient à ces deux hommes et ils m’obsédaient à tout moment » .Ces mauvais penchants font donc que les rois ne sont pas habitués à entendre la vérité qui les blesse et qu’ils prennent comme des injures à leurs personnes, à leurs majestés. Cette vérité, peu de gens oseront la dire au roi sous peine de subir leur disgrâce. Mentor le fait remarquer à Idoménée dans le Livre X : Mon dessein a été de vous accoutumer à entendre nommer les choses par leur nom, à comprendre que quand les autres vous donneront des conseils sur votre conduite, ils n’oseront 59 Op Cit., P.1 27 jamais vous dire tout ce qu’ils penseront .Vous ne verrez la vérité qu’à demi et sous de belles enveloppes Par ailleurs les rois devraient être disposés à entendre prononcer la vérité en toute vérité pour le bien de l’Etat. Dans ce but les mauvais conseillers qui chuchotent à leurs oreilles devraient être écartés du trône, de même que les rois doivent faire preuve de discernement en usant avec modération de leur pouvoir. En usant d’un pouvoir absolu les rois s’exposent en faisant fi de la réalité et de la vérité, et ils compromettent la stabilité de l’Etat. Les devoirs de la royauté sont tellement immenses que le roi à lui seul ne peut tout faire. En prenant connaissance de leurs faiblesses et de leurs limites, les souverains sauront se laisser dire les vérités qui les blessent. C’est pourquoi Mentor s’attelle à attirer l’attention du prince sur la servitude liée à l’état de roi. Dans le Livre X, il le souligne à Idoménée « Plus on a d’hommes à gouverner, plus il faut des ministres pour faire par eux ce qu’il ne peut pas faire lui-même .Et plus on a besoin d’hommes à qui on confie l’autorité, plus on est exposé à se tromper » Cette ampleur de la tache doit inciter à écouter les plus à écouter les sages conseils, de ne pas se livrer qui lui mettrait un bandeau sous les yeux. Sa nature humaine faible et imparfaite doit l’obliger à faire preuve de prudence, afin de débusquer la vérité qui se cache à lui partout. Mentor le fait remarquer à Idoménée : Un roi quelque bon et sage qu’il soit, est encore homme. Son esprit a des bornes et sa vertu en aussi .Il a de l’humeur et des passions, des habitudes dont il n’est pas tout à fait le maitre, il est obsédé par des gens artificieux, il ne trouve point les secours qu’il cherche, il tombe chaque jour dans quelque mécompte tantôt par ses passions, et tantôt par celle de ses ministres Tant de défauts ajoutés à l’ampleur de leur mission font que les rois passent toujours à côté de la vérité .Dans le Livre X, Mentor réforme les idées du roi Idoménée qui se plie à l’évidence et accepte d’être repris. Fénelon exalte ses souverains qui se plient devant la vérité pour le bien de l’Etat : Sa simplicité à avouer son tort, sa douceur, sa patience pour se laisser dire par moi les choses les plus dures, son courage contre lui-même pour réparer publiquement ses fautes et pour se mettre par-là, au-dessus de toute la critique des hommes montrent une âme véritablement grande .Le bonheur ou le conseil d’autrui peuvent préserver de certaines fautes un homme médiocre Cette humilité et cette disposition à entendre des vérités sont les seules voies pour le roi à assurer le succès de son règne et le bonheur de son peuple. User de la crainte pour faire taire la vérité n’est jamais une solution. Les sujets font semblant de se soumettre au joug, mais en fait, n’attendent que pour secouer le joug. Ainsi le prince Bocchoris fut victime d’une révolution au Livre II. « Le roi qui dans sa vaine prospérité, ne trouvait pas un seul homme 28 hardi pour lui dire la vérité, ne trouvera dans son malheur, aucun homme qui daigne ni l’excuser, ni le défendre contre ses ennemis » Un roi doit toujours faire preuve de souplesse, en laissant une parcelle de son pouvoir. L’orgueil exacerbé des rois à se détourner de ceux qui osent leur dire la vérité les perdent. En se laissant reprendre par Mentor, Idoménée ouvre les yeux à cette vérité qu’il ne pouvait voir de ses propres yeux. Le sens de l’écoute est une vertu nécessaire dans le gouvernement des peuples et la seule autorité exercée outrancièrement ne peut être gage de réussite. Le roi Idoménée l’avoue dans le Livre X :

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’EDUCATION MORALE D’UN PRINCE
CHAPITRE I : LES QUALITES D’UN PRINCE
CHAPITRE II : LES DEFAUTS D’UN PRINCE
DEUXIEME PARTIE : L’EDUCATION POLITIQUE DU PRINCE
CHAPITRE I : LA POLITIQUE ECONOMIQUE
CHAPITRE II : LA POLITIQUE SOCIALE
TROISIEME PARTIE : ECRITURES LITTERAIRES DANS LES AVENTURES DE TELEMAQUE
CHAPITRE I : LES SOURCES LITTERAIRES
CHAPITRE II : LA REECRITURE LITTERAIRE DANS LE TELEMAQUE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIERES .

 

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