Pratique musicale en milieu scolaire

Introduction

Les troubles spécifiques des apprentissages (TSDA) sont un ensemble de troubles appartenant à la grande catégorie des troubles neurodéveloppementaux. Ils sont caractérisés par des difficultés à acquérir les compétences scolaires considérés comme normales pour l’âge de l’enfant. Ils sont apparus comme un véritable problème de santé publique au cours des dernières décennies, du fait de leur fréquence et de leurs conséquences sur la vie scolaire, socio-professionnelle et personnelle des individus atteints. Ils ont récemment fait l’objet de nouvelles recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) (1) qui a publié en 2018 un “Guide de parcours de santé”. Dans ce dernier, le médecin traitant (généraliste ou pédiatre) occupe une place centrale dans la prise en charge. Les populations socio-économiquement défavorisées sont particulièrement à risque car les TSDA y sont plus fréquents que dans la population générale et l’accès aux soins leur est plus compliqué (2). La recherche d’une prise en charge adaptée à ces populations semble donc primordiale pour diminuer la prévalence des TSDA et leurs conséquences dans ces populations. En 1975, au Venezuela, l’économiste et musicien José Antonio Abreu, a développé “El sistema”. Ce programme, destiné aux enfants défavorisés, proposait une méthode d’apprentissage de la musique afin d’améliorer leur intégration sociale. C’est l’un des premiers projets d’enseignement musical à large échelle visant spécifiquement les populations socio-économiquement défavorisées. De nombreux projets, inspirés de ce dernier, se sont par la suite développés dans plusieurs pays. Ainsi le projet Harmony, action de santé publique lancé en 2001 par le Dr Martin auprès des élèves issus des banlieues défavorisées de Los Angeles, propose une éducation musicale gratuite de la maternelle à la terminale. L’objectif est de leur fournir les compétences et ressources nécessaires à leur épanouissement à l’école, dans leur communauté et dans la vie. En se basant sur de nombreux travaux ayant étudié les effets de la musique sur le cerveau, des chercheurs se sont intéressés à l’évolution des apprentissages chez les enfants participants au projet Harmony (3). Ils ont montré une amélioration de la fluidité en lecture chez les enfants particulièrement investis dans le programme. Par la suite, de nombreuses études ont conforté l’hypothèse d’un effet bénéfique de la pratique musicale sur les compétences en lecture. Face aux inégalités d’accès aux soins dans la région, l’Agence Régionale de la Santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (ARS PACA) a lancé fin 2017 un appel à projets intitulé “Soutien aux actions innovantes s’inscrivant dans une démarche de rechercheaction visant la réduction des inégalités sociales de santé”. Résodys (4), association régionale gestionnaire d’un réseau de soins dédié aux TSDA, y a répondu en proposant le projet : “L’éducation musicale comme outil de 3 structuration neurocognitive chez l’enfant à risque de trouble d’apprentissage en milieu socialement vulnérable”. Ce dernier avait pour but d’évaluer la faisabilité de la mise en place de cours de musique en milieux scolaires situés en secteurs socialement vulnérables. Ce projet s’est déroulé durant l’année scolaire 2018-2019 dans trois écoles de la région (deux écoles dans le Vaucluse et l’école Chabanon à Marseille). C’est dans le cadre de ce projet que s’est inscrite notre étude. Nous avons suivi l’évolution des apprentissages des enfants à l’école Chabanon. Notre travail cherchait à évaluer, en conditions réelles, l’effet de la pratique musicale sur l’apprentissage en lecture des enfants.

Troubles spécifiques des apprentissages ; définitions, épidémiologie et enjeux

Les TSDA sont un ensemble de troubles du neurodéveloppement, liés à un développement atypique du système nerveux central au cours de sa croissance initiale. Ils sont actuellement classés par le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5 pour diagnostic and statistical manual of mental disorders) (5) dans la grande catégorie des troubles neurodéveloppementaux, qui regroupe également les handicaps intellectuels, les troubles de la communication, le trouble du spectre de l’autisme, le déficit de l’attention/hyperactivité et les troubles moteurs. Le DSM-5 définit le trouble spécifique des apprentissages comme pouvant être : – un déficit en lecture, – un déficit de l’expression écrite, – un déficit en calcul. Ces différents déficits sont fréquemment associés entre eux et/ou avec d’autres troubles du neurodéveloppement (5) en particulier : – le trouble du langage, – le trouble développemental de la coordination, – le déficit de l’attention/hyperactivité.

Epidémiologie 

Les TSDA sont des troubles très fréquents. La prévalence est estimée en France entre 8 et 10% dans la population générale (1). Le sex-ratio est de trois garçons pour une fille. Cette prévalence peut atteindre, selon les études, entre 20 et 40% (6) dans les populations socio-économiquement défavorisées, c’est à dire, selon la définition de l’UNESCO, les “personnes qui vivent sous le seuil national de pauvreté, tant en milieu urbain qu’en milieu rural” (7). 7 Cela suggère l’importance de l’environnement de l’enfant dans l’expression de ces troubles. La langue maternelle semble également influencer l’expression de ces troubles (8). On retrouve en effet une incidence plus faible des TSDA dans les pays dont la langue bénéficie d’une forte correspondance entre la forme orale (phonème) et la forme écrite (graphème). Dans des langues dites transparentes comme l’Italien ou l’Allemand on observe un plus grand pourcentage de mots lus en fin de première année de l’enseignement primaire que dans des langues dites opaques comme l’Anglais (cf. tableau 3)

Enjeux : scolarité, vie professionnelle, vie sociale 

Selon la HAS, les conséquences des troubles sont très variables d’un enfant à un autre en fonction (1) : – du degré des troubles – de la nature des troubles – de la présence éventuelle de comorbidités – de la mise en place par l’enfant de compensations ou de stratégies de contournement sur le plan cognitif – de la précocité du diagnostic et des interventions thérapeutiques – du suivi des soins engagés – de l’environnement et de la qualité du soutien familial Lorsque l’enfant est confronté à des difficultés d’apprentissage, les mécanismes compensatoires qu’il essaie de mettre en place engendrent une surcharge attentionnelle. Les troubles peuvent être source d’une lenteur de travail, d’une fatigabilité, parfois de problèmes d’organisation ou de troubles du comportement. En l’absence de diagnostic et de prise en charge adaptée (1) , il existe un risque : – de décrochage voire d’échec scolaire