Processus d’écoulements de l’eau en sol structuré et insaturé

Processus d’écoulements de l’eau en sol
structuré et insaturé

Introduction 

Dans les sols, la structure hétérogène du milieu naturel donne généralement lieu à un écoulement non uniforme, i.e. localisé dans une partie réduite de la porosité et incluant des processus hors équilibre. Flury et al. (1994) ont montré que ce phénomène d’écoulement préférentiel était davantage une règle qu’une exception dans de nombreux sols. L’écoulement préférentiel conduit à un transfert d’eau et un transport de solutés et de particules plus rapides que celui observé dans la matrice de sol, par un contournement de celle-ci. Les écoulements préférentiels dans les macropore s’initient lorsque le flux d’équilibration de la pression matricielle est moins important que le flux vertical. Un lien a rapidement été établi entre la notion d’écoulements préférentiels et les caractéristiques de certains pores de grande taille, i.e. les macrophores. Les processus d’écoulements dans les macropores sont différents de ceux contrôlant l’écoulement matriciel (Beven and Germann, 2013). Selon Jarvis (2007), les processus hors équilibre sont dominants dans des pores de diamètre supérieur à 0,3-0,5 mm, en dessous, les processus à l’équilibre dominent. D’autres d’auteurs placent cette limite pour des tailles équivalentes de macropores allant de 0,075 mm à 3 mm (Brewer, 1964; Germann and Beven, 1981; Luxmoore, 1981; Perret et al., 1999; Ghezzehei and Or, 2005; Schaap and Van Genuchten, 2006; Jarvis, 2007), aucun seuil n’étant réellement admis par tous car de nombreux facteurs autres influent les processus d’écoulement qui s’y dérouelent, tels que la perméabilité de l’interface, la teneur en eau de la matrice aux abords des macropores, l’intensité de la pluie, l’hydrophobicité des parois (teneur en matière organique). Si une défintion exacte de la taille des macropores est encore sujette à débat, il est communément admis que la macroporosité du sol résulte de processus variés tels que les processus d’humectation-dessiccation, le gel-dégel (fissures et espaces interagrégats), la croissance racinaire et l’activité de la macrofaune (vers de terre essentiellement). La multiplication des études de traçage coloré pour caractériser les chemins d’écoulements préférentiels (communément au bleu brillant FCF) à l’échelle du profil   (Weiler and Flühler, 2004; Weiler, 2005; Kasteel et al., 2007) ou de sections de colonne de sol (Flury and Wai, 2003) a montré que tous ces macropores n’étaient pas actifs. De ce fait, la notion de « porosité active » a été introduite, i.e. la partie « active » de la porosité du sol qui participe effectivement à l’écoulement de l’eau, par opposition à la porosité totale du sol (que nous appellerons « structure totale » par la suite) qui englobe indifféremment tous les pores du sols. Quelques publications estiment que la « partie active » de la porosité est généralement réduite à 1-10% de l’espace poral total (Bouma and De Laat, 1981; de Jonge et al., 1998a). Ces approches par traçage au bleu ne permettent pas d’accéder à la dynamique de l’écoulement et aux processus impliqués, ni d’établir clairement des liens avec les caractéristiques tridimensionnelles du réseau de macropores (Luo et al., 2008; Kodešová et al., 2012). Récemment, une nouvelle approche a été proposée pour déterminer la macroporosité active dans des colonnes de sol non remanié par acquisitions d’images 3D de tomographie d’absorption X résolues dans le temps durant des pluies simulées (Sammartino et al. 2012). La méthode a permis une première quantification de la partie active de la porosité en fonction de la profondeur, à l’échelle de la colonne de sol (Sammartino et al. 2012). Elle a également été utilisée par Kutawal et al. (2014) lors de l’étude de corrélations entre la géométrie des macropores et les propriétés hydrodynamiques de colonnes de sol. Ces auteurs concluent à la nécessité de ne prendre en compte que la partie active de la porosité pour améliorer les corrélations. En effet, ces études ont des difficultés à mettre en relation des propriétés effectives des colonnes (i.e. propriétés hydrodynamiques, vitesse et voies de l’écoulement, conductivité à saturation, dispersion des solutés, transport des particules) avec les caractéristiques du réseau de (macro)pores (i.e. leurs caractéristiques topologiques et morphologiques). Pour progresser dans la compréhension de ces relations et dans la modélisation de l’écoulement dans les sols insaturés, l’identification de la porosité dite « active » et des processus à l’interface macropores-matrice est reconnue comme une question clef (Jarvis, 2007; Luo et al., 2008; Mooney and Morris, 2008; Köhne et al., 2009; Allaire et al., 2009; Nimmo, 2012; Sammartino et al., 2012; Beven and Germann, 2013). Les techniques d’imagerie ont notamment permis des avancées en ce sens ces dernières années Chapitre III – Identification de la macroporosité active 23 (Perret et al., 2000; Vogel, 2000; Vogel and Roth, 2001; Pierret et al., 2002; Vervoort and Cattle, 2003; Bastardie et al., 2003; Luo et al., 2008, 2010; Elliot et al., 2010; Köhne et al., 2011; Naveed et al., 2013b; Capowiez et al., 2014). Nous proposons donc (i) d’identifier sur des colonnes de sol non remanié la porosité active par simulation de pluie sous tomographie d’absorption X ; (ii) de déterminer les processus gouvernant la dynamique de l’eau au sein de la colonne ; (iii) d’établir un lien entre les caractéristiques de la structure totale et celles de la macroporosité active pour le type de sol étudié (i.e. luvisol), permettant ainsi d’estimer un fonctionnement effectif du sol sans passer par la technique lourde et couteuse développée précédemment. III.2. Matériels et méthodes III.2.1. Principe de l’approche Des simulations de pluie sur des colonnes de sol non remanié sont réalisées dans un scanner médical. Cette approche expérimentale permet d’enregistrer des images 3D de colonnes de sol durant un évènement pluvieux (Sammartino et al., 2012). L’avantage de la tomographie d’absorption X par scanner médical repose sur sa calibration en densité ». Cette calibration est réalisée par comparaison avec l’atténuation de l’air et de l’eau, au moyen de la transformation en unités Hounsfield (HU) (Hounsfield, 1973; Kalender, 2011). Chaque matériau ou mélange de matériaux est ainsi caractérisé sur les images 3D par une valeur de niveau de gris. Selon cette échelle, -1000 HU est la valeur des voxels (pixels tridimensionnels) remplis d’air et 0 HU la valeur des voxels remplis d’eau. Le mode de la distribution de niveau de gris du sol est centré vers 1000-1300 HU, ce qui correspond habituellement à la matrice de sol et dépend de son potentiel hydrique. Au-delà de 2000 HU, on trouve les densités HU des grains minéraux les plus denses. Par conséquent, cette échelle est appropriée pour distinguer les différentes phases du sol et par différence avec un état de référence, acquis avant la pluie, les mouvements d’eau et d’air dans la porosité (Sammartino et al., 2012). 

Acquisition des images 3D avec un scanner hélicoïdal multi-coupes

 Le scanner médical (General Electric BrightSpeed Excel 4) installé au LERFOB, laboratoire de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), a été utilisé lors des expérimentations. Chaque scan avait une durée de 125 s avec le paramétrage suivant : tension du tube à 120 kV, flux d’électron à 50 mA et le pas de scan (pitch factor) de 1,0. Le temps entre deux acquisitions successives n’a pas pu être réduit à moins de 3 min afin d’éviter toute surchauffe du tube. Les coupes ont été reconstruites en utilisant le logiciel interne GE et un filtre BonePlus a été sélectionné comme le meilleur compromis entre réduction du bruit et conservation des contours des macropores. Dans les images brutes, la taille du pixel de 410 µm a été obtenue pour un champ de vue de 210 mm et une matrice numérique de 512×512 pixels. L’épaisseur des coupes a été réduite à son minimum (625 µm). Les sections reconstruites sont exportées au format image standard DICOM (Digital Imaging and Communications in Medicine), encodées en 16-bit signé avec une échelle de gris étendue de -1024 à 3072. 

Segmentation de la structure du sol 

Les images 3D des colonnes de sol acquises avant la pluie (utilisées comme référence pour la détermination du passage de l’eau) sont segmentées afin de séparer la matrice des macropores (tous deux définissant la structure du sol) L’approche de segmentation proposée par Sammartino et al. (2012) ne tient pas compte d’une limite de taille de macropores a priori mais utilise l’information de niveau de gris de chaque voxel, calibré en densité Hounsfield. Cette calibration de l’échelle Hounsfield limite la part de subjectivité importante dans le choix des seuils comme récemment démontré par Baveye et al (2010). Chaque voxel est potentiellement composé de matrice, d’air et d’eau, et de tous les mélanges possibles entre ces éléments. D’après une loi de mélange simple des atténuations caractéristiques de l’eau, de l’air et de la matrice, dans laquelle les atténuations des trois phases principales sont pondérées par leurs fractions volumiques (Luo et al., Chapitre III – Identification de la macroporosité active 25 2008; Sammartino et al., 2012), la macroporosité a été seuillée sur les images 3D. Les limites de niveau de gris définissant la macroporosité ont été placés entre – 1024 HU (le minimum de densité dans l’échelle Hounsfield) et 623 HU (i.e. des voxels remplis d’un mélange d’air – jusqu’à 50 % de leur volume – et de matrice de sol). Cet intervalle de niveau de gris inclus une part de macroporosité dont la taille peut être inférieure à la résolution du scanner (Sammartino et al., 2012). Ce seuillage de la macroporosité permet de définir la structure des colonnes de sol, appelée par la suite « structure totale ». III.2.1.3. Segmentation des zones affectées par le passage de l’eau Afin de déterminer les évolutions de densité dans les colonnes par rapport à l’état de référence avant le début de la pluie, des soustractions entre images 3D de référence (à t=0) et images 3D à chaque temps d’acquisition (t) ont été réalisées. L’évolution de la forme des histogrammes de ces images 3D soustraites durant la pluie (Figure III-1) illustre les changements de densité de l’échantillon consécutifs à l’infiltration de l’eau dans la colonne de sol. Chaque niveau de gris sur ces images 3D soustraites correspond au remplacement d’air, d’eau ou de matrice présentes sur l’image de références par de l’eau, de l’air ou de la matrice dans des proportions différentes, au temps t. De la même façon que pour la segmentation de la structure, des seuils de niveau de gris sont définis afin de segmenter les zones affectées par l’infiltration de l’eau dans la colonne de sol. Quelques valeurs caractéristiques correspondantes au remplacement de voxels remplis d’air par des voxels constitués d’eau ou de matrice sont listées Tableau III-1. La valeur 0 HU correspond aux voxels pour lesquels aucun changement n’a été détecté entre l’image 3D de référence et l’image 3D au temps t. Deux pics s’individualisent au cours du temps sur les histogrammes entre 500 et 2500 HU. Le premier pic est centré sur la valeur de 1000 HU qui correspond aux voxels contenant initialement de l’air et qui sont totalement remplacés par de l’eau au temps t. Ce pic nous indique la présence d’eau libre dans l’échantillon. Cependant, contrairement aux résultats présentés par Sammartino et al. (2012), un deuxième pic situé à la valeur de 2200 HU apparaît et correspond aux voxels contenant initialement de l’air et remplacés par de la matrice. Ce pic est interprété comme un gonflement de la matrice argileuse après hydratation des cations interfoliaires des minéraux argileux gonflants de type smectite. Dans cette étude, nous n’avons pas distingué les zones d’eau libre des zones de gonflement de la matrice, en considérant l’ensemble de ces deux zones (deux pics sur l’histogramme) comme des indicateurs du passage de l’eau durant la pluie. Le troisième pic au-delà de 2800 HU est dans le bruit de fond (Figure III-1) (i.e. très faible nombre de voxels devant les autres pics d’intérêts).

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