Processus physico-chimiques impliqués dans la combustion du charbon pulvérisé

Processus physico-chimiques impliqués dans la combustion du charbon pulvérisé

La combustion des particules de charbon est un processus complexe qui fait interagir des espèces dans les trois phases : solide, liquide et gazeux. Dans une approche simplifiée, les particules de charbon relarguent tout d’abord des composés volatils lors de l’étape de dévolatilisation rapide. Ces composés volatils contiennent notamment des gaz légers, des hydrocarbures ainsi que des goudrons . Ces composés volatils vont se retrouver tout autour du résidu solide de la particule, nommé coke ou semi-coke en raison du caractère incomplet de la dévolatilisation.

Dévolatilisation

Lorsque la température de la particule de charbon s’élève aux alentours de 393 K, des gaz légers (dont le diazote) et l’eau contenus dans le combustible s’échappent (Van Heek & Hodek, 1994). Dès 573 K (Chen et al., 2012), les ponts labiles présents dans la matrice carbonée se rompent de manière progressive au cours de la montée en température de la macromolécule de charbon. Des composés volatils incondensables à température et pression ambiantes sont relargués lors de ces ruptures. Ils sont dits précoces. Ils sont constitués d’oxydes de carbone, d’hydrogène et d’hydrocarbures légers (de Soete, 1982a). Des fragments et des chaînes latérales sont également formés lors des ruptures des ponts. Les fragments constituent les goudrons (condensables à température et pression ambiantes) et la phase métaplastique (Genetti, 1999).

Cette phase de dévolatilisation dure au plus 100 ms (Therssen, 1993). À l’issue de cette étape, le charbon originel a laissé place à un semi-coke, qui contient la matrice carbonée solide, entouré par un nuage de composés volatils gazeux. Ces derniers sont principalement constitués de gaz légers (monoxyde et dioxyde de carbone, vapeur d’eau, dihydrogène), d’hydrocarbures (méthane, acétylène, éthylène, éthane, propane, cyclopropane), d’espèces azotées et soufrées (sulfure d’hydrogène, oxysulfure de carbone, cyanure d’hydrogène et ammoniac) alors que les goudrons sont constitués d’espèces aromatiques (benzène, toluène et xylène) (Solomon et al., 1992).

Cette phase de dévolatilisation peut être influencée par plusieurs facteurs, dont le rang du charbon, la température, la pression, le gradient de chauffe, la granulométrie, la composition de l’atmosphère, la chaleur spécifique du charbon ainsi que la fragmentation des particules (Borah et al., 2011). Ces effets ont été synthétisés dans les revues de de Soete (1982a); Saxena (1990); Solomon et al. (1992); Zhang (2010) ou Borah et al. (2011). Brièvement, les effets d’une modification de la température des particules ou du gradient de chauffe sont difficilement séparables. D’une part, à une température de dévolatilisation donnée, une hausse du gradient de chauffe va tendre à augmenter le taux et la vitesse d’éjection des composés dévolatilisés (Saxena, 1990). Une modification du gradient de chauffe modifie également la nature des composés dévolatilisés, une plus grande quantité de goudrons étant relarguée à fort gradient thermique (Zhang, 2010). D’autre part, une augmentation de la température des particules entraîne une augmentation des taux et une diminution du temps de dévolatilisation. Elle modifie également la nature des composés dévolatilisés. En effet, une augmentation de la température active des ruptures de ponts dont l’énergie d’activation est plus élevée. Les tendances précédemment soulignées sont enfin à modérer en fonction des autres paramètres qui influencent la dévolatilisation, dont le rang du charbon utilisé. Ce dernier influe sur la nature des composés volatils émis et le rendement de dévolatilisation. Les lignites relarguent plutôt des gaz légers (monoxyde et dioxyde de carbone ainsi que vapeur d’eau) (Therssen, 1993) tandis que les charbons bitumineux relarguent d’avantage d’hydrocarbures et de goudrons (Solomon & Colket, 1979; McLean et al., 1981). Les particules brûlées à l’échelle industrielle ont une granulométrie moyenne de 100 μm et sont soumises à un gradient de chauffe de 105 à 106 K·s−1  . Dans ces conditions, un changement de granulométrie a une influence négligeable sur la dévolatilisation, tant que la taille des particules reste de l’ordre de la centaine de micromètres (Jüntgen & Van Heek, 1979; de Soete, 1982a; Therssen, 1993). Pour finir, la dévolatilisation des particules a souvent été étudiée sous atmosphère inerte. Peu d’études ont été effectuées dans des atmosphères oxygénées (Borah et al., 2011).  En somme, cette revue rapide de l’influence de plusieurs paramètres sur la dévolatilisation illustre la complexité de ce phénomène. Cette complexité rend peu aisée la modélisation précise de la dévolatilisation.

Oxydation des composés dévolatilisés et du semi-coke

À l’issue de cette dévolatilisation, le charbon a relargué des composés dévolatilisés et le semicoke s’est formé. Les oxydations des composés dévolatilisés et du semi-coke sont présentées séparément dans cette section. Les composés dévolatilisés gazeux s’oxydent de manière homogène au fur et à mesure qu’ils sont relargués. Ces réactions d’oxydation sont analogues aux réactions d’oxydation rencontrées dans le cas des combustibles gazeux. Les cinétiques impliquées font intervenir des centaines d’espèces, dans des centaines ou des milliers de réactions élémentaires (de Soete, 1982a).

Le semi-coke résiduel est constitué de carbone, d’hydrogène, d’oxygène, mais aussi d’atomes de soufre, d’azote et de minéraux qui restent liés à la matrice carbonée. Il s’oxyde de manière hétérogène. Il adsorbe des molécules de dioxygène, de dihydrogène, de dioxyde de carbone ou de vapeur d’eau à sa périphérie ou dans ses pores. Trois régimes d’oxydation sont possibles, selon l’importance relative des cinétiques d’oxydation et de diffusion des espèces adsorbées dans le milieu environnant et à l’intérieur des pores (de Soete, 1982b) :
– le régime chimique : à basse température, l’oxydation est contrôlée par la cinétique de la réaction et a lieu à l’intérieur des pores. La concentration en oxygène dans les gaz environnants est égale à la concentration en oxygène dans les pores ;
– le régime mixte : l’oxydation a lieu à l’intérieur des pores, mais l’oxygène ne pénètre plus dans l’intégralité des pores. La concentration en oxygène est plus importante dans le milieu environnant que dans les pores. Elle est même nulle au centre de la particule (Zhang, 2010) ;
– le régime diffusionnel : à haute température, l’oxydation a lieu à la surface du semi-coke. Elle est contrôlée par la diffusion de l’oxygène dans le milieu environnant. La majorité des particules de charbon s’oxyde sous un régime mixte, contrôlé par la diffusion de l’oxygène et les réactions chimiques (Baum & Street, 1971). Les facteurs qui influencent l’oxydation du semi-coke sont la température, la composition et la structure du semi-coke (nombre, taille et distribution des pores, surface du semi coke) ainsi que l’évolution de la concentration en oxygène au cours du temps (Edge et al., 2011). De manière simplifiée, la quantité de semi-coke oxydée augmente avec une disponibilité accrue des atomes d’oxygène, un accroissement du nombre de pores et de surface accessible pour recevoir les atomes d’oxygène. L’oxydation du semi-coke dure généralement plus d’une seconde, à comparer à un maximum de 100 ms pour la dévolatilisation dans des conditions typiques de centrales à charbon pulvérisé (Therssen, 1993). L’oxydation des composés dévolatilisés et du semi-coke conduit à l’inflammation des particules et à la formation des produits de combustion.

Inflammation des particules

La compétition entre l’oxydation des composés dévolatilisés et celle du semi-coke peut s’opérer selon trois régimes d’ignition de la particule de charbon : homogène, hétérogène ou hétérohomogène (de Soete, 1982b). Au cours d’une ignition homogène, les composés volatils s’enflamment. Ils chauffent alors le semi-coke qui s’oxyde par la suite. Au cours d’une ignition hétérogène, le semi-coke s’oxyde en surface avant que la dévolatilisation ne soit terminée ou ait atteint un stade significatif. Au cours d’une ignition hétérohomogène, la dévolatilisation entre en compétition avec l’oxydation du semi-coke.

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Présentation du charbon
1.1.1 Le processus de houillification
1.1.2 Caractérisation du charbon
1.1.3 Utilisation du charbon en guise de combustible
1.2 Processus physico-chimiques impliqués dans la combustion du charbon pulvérisé
1.2.1 Dévolatilisation
1.2.2 Oxydation des composés dévolatilisés et du semi-coke
1.2.2.1 Inflammation des particules
1.2.2.2 Formation des produits de combustion
1.3 Enjeux de la combustion du charbon pulvérisé à l’échelle industrielle
1.3.1 Capture et séquestration du dioxyde de carbone pour les centrales à charbon pulvérisé
1.3.2 Influence de l’atmosphère de combustion sur les processus physico-chimiques d’oxydation du charbon pulvérisé
1.3.2.1 Dans le domaine de l’OEC
1.3.2.2 Dans le domaine de l’oxycombustion
1.4 Modélisation de la combustion du charbon pulvérisé
1.4.1 Modélisation de la dévolatilisation
1.4.1.1 Le modèle à une réaction
1.4.1.2 Le modèle à deux réactions compétitives
1.4.1.3 Le modèle à énergie d’activation distribuée (DAEM ou DAE)
1.4.1.4 Le modèle FG-DVC
1.4.1.5 Le modèle CPD
1.4.1.6 Le modèle FLASHCHAIN
1.4.1.7 Le modèle de Sommariva et al
1.4.2 Modélisation de l’oxydation des composés dévolatilisés
1.4.3 Modélisation globale de la combustion du charbon
1.5 Problématique
1.6 Organisation de l’étude
CHAPITRE 2 ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET NUMÉRIQUE DES CINÉTIQUES DE DÉVOLATILISATION
2.1 Présentation du banc expérimental utilisé
2.2 Présentation des conditions opératoires étudiées
2.3 Détermination expérimentale des cinétiques de dévolatilisation
2.3.1 Caractérisation de l’histoire thermique des particules de combustible
2.3.2 Détermination des taux de dévolatilisation des particules de charbon
2.3.3 Profils cinétiques de dévolatilisation expérimentaux
2.4 Comparaison des prédictions des modèles cinétiques de dévolatilisation sous atmosphère inerte
2.4.1 Modèle empirique à une réaction
2.4.2 Modèle empirique à deux réactions
2.4.3 Modèle empirique de distribution de l’énergie d’activation
2.4.4 Modèle structurel
2.4.5 Comparaison des aptitudes des modèles à reproduire les résultats expérimentaux
2.5 Influence de l’atmosphère de combustion sur la dévolatilisation
2.6 Conclusion partielle
CHAPITRE 3 MODÉLISATION DE LA DYNAMIQUE DES ÉCOULEMENTS DANS LA CHAMBRE DE COMBUSTION
3.1 Propriétés des écoulements
3.2 Résolution des équations de conservation appliquées aux écoulements étudiés
3.3 Domaine de résolution des équations de conservation
3.4 Validation des résultats
3.4.1 Sensibilité des résultats au maillage
3.4.2 Convergence des simulations
3.4.3 Comparaison entre les prédictions de la simulation et les résultats expérimentaux
3.5 Analyse des résultats
3.5.1 Étude générale des écoulements
3.5.2 Étude de la dynamique du jet central
3.6 Conclusion partielle
CHAPITRE 4 MODÉLISATION DES FLAMMES ÉTUDIÉES
4.1 Conception du réseau de réacteurs
4.1.1 Propriétés d’un réacteur parfaitement agité
4.1.2 Définition de la structure du réseau de réacteurs
4.2 Modélisation de la combustion du charbon pulvérisé
4.2.1 Modélisation de la dévolatilisation dans le réseau
4.2.2 Assemblage du mécanisme réactionnel d’oxydation des composés dévolatilisés
4.2.2.1 Présentation des cinétiques d’oxydation des espèces gazeuses carbonées et des goudrons
4.2.2.2 Sélection de la cinétique d’oxydation des espèces azotées et de celle des espèces soufrées
4.2.2.3 Sélection de la cinétique d’oxydation du semi-coke
4.2.2.4 Sélection du mécanisme réactionnel
4.2.3 Comparaison des prédictions du mécanisme retenu à des résultats expérimentaux issus de la littérature
4.3 Comparaison des prédictions du réseau aux résultats expérimentaux obtenus sous air et sous atmosphères enrichies en oxygène
4.3.1 Évaluation de la prédiction des cinétiques de dévolatilisation
4.3.2 Évaluation de la prédiction des fractions molaires de CO2, O2, CO, NO et SO2 en fonction du temps de séjour
4.4 Influence de l’atmosphère de combustion sur les chemins réactionnels de formation du CO, du NO, du SO2 et des précurseurs de suies
4.4.1 Étude des chemins réactionnels de formation du CO
4.4.2 Étude des chemins réactionnels de formation du NO
4.4.3 Étude des chemins réactionnels de formation du SO2
4.4.4 Étude des chemins réactionnels d’oxydation des goudrons
4.5 Conclusion partielle
CONCLUSION

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