Que sont les peptides pénétrants ?

Les peptides pénétrants, aussi nommés peptides pénétrateurs de cellules (en anglais Cell Penetrating Peptides : CPPs), sont des peptides capables de pénétrer à l’intérieur des cellules et qui conservent cette propriété avec de nombreuses molécules qui leur sont conjuguées, entrainant donc la traversée de ces dernières.

Une cellule est l’entité de base du vivant, sa membrane plasmique délimite son intérieur. Le principal constituant de la membrane plasmique est la bicouche lipidique dont le cœur est occupé par les chaînes carbonées des lipides qui constituent une zone hydrophobe entre deux milieux aqueux : le cytoplasme de la cellule et le milieu extra-cellulaire. Les CPP ont des courtes séquences d’une trentaine d’acides aminés au plus dont certains sont basiques et donc chargés positivement et hydrophiles. Si les CPP traversent directement la bicouche lipidique, il est nécessaire que ces peptides hydrophiles traversent une couche hydrophobe. Nous verrons cependant plus loin qu’il leur est aussi possible d’entrer dans la cellule sans traverser la bicouche lipidique de sa membrane plasmique.

Les molécules pouvant traverser la membrane cellulaire sont d’une importance majeure pour la médecine. En effet, la majorité des désordres physiologiques ont pour origine un déséquilibre dans la machinerie d’une cellule. Cette dernière est régulée par le matériel génétique de la cellule qui, par mutation ou modification environnementale, peut déréguler la machinerie cellulaire. Afin de rétablir l’état natif d’une cellule malade, il est nécessaire de pouvoir influer sur son génome ou son contenu. Il est possible de détruire la cellule nocive lorsqu’elle est isolée, mais dans de nombreuses maladies les cellules délétères coexistent avec les cellules saines au sein d’un tissu. Il arrive aussi que l’ensemble du tissu devienne instable, ce dernier devenant délétère pour l’organisme. Il est donc nécessaire de pouvoir pénétrer avec des molécules thérapeutiques (matériel génétique, médicaments, protéines, etc.) afin de restaurer le phénotype natif des cellules dysfonctionnelles sans altérer le reste de l’organisme.

Les CPP se présentent comme prometteurs puisqu’ils peuvent transporter des médicaments dans les cellules. Cependant, les mécanismes permettant aux CPP d’entrer dans les cellules avec leur cargaison sont complexes. Au cours de cette introduction, je me propose de revenir sur les mécanismes d’entrée dans une cellule et les méthodes de vectorisation classiques avant de m’intéresser à l’origine des CPP, leurs mécanismes d’entrée, et les cargaisons déjà délivrées grâce à eux, pour conclure sur les avancés concernant le développement de vecteurs idéaux.

Afin de comprendre les problématiques de la vectorisation, il est nécessaire de considérer l’adressage du médicament à administrer. L’adressage désigne les mécanismes permettant d’introduire une molécule donnée dans son compartiment cellulaire de destination. En effet, chez les cellules eucaryotes, c’est-à-dire les cellules qui composent la majorité des organismes pluricellulaires, l’intérieur de la cellule est compartimenté. La compartimentation correspond à la séparation par une membrane de sous-ensembles de la cellule possédant une fonction spécifique. Ces compartiments possèdent chacun une fonction propre et la compartimentation permet d’isoler leurs activités pour les rendre plus efficaces, voire protéger la cellule. Il existe de nombreux compartiments dans la cellule, mais nous ne présenterons que quelques compartiments ayant un intérêt thérapeutique :

– Le noyau est le compartiment le plus volumineux dans la majorité des cellules, pouvant aller jusqu’à 80 % du volume d’une cellule. Ce compartiment contient l’ADN de la cellule, permettant l’expression des gènes. Cependant, très peu de produits cellulaires y sont adressés afin de ne pas perturber l’expression génétique de la cellule.
– Les mitochondries sont les « usines » énergétiques de la cellule. Elles possèdent un génome qui leur est propre et sont séparées du cytosol par une double membrane. C’est ce compartiment qui assure la respiration des cellules, il est donc sensible aux altérations respiratoires telles que la présence de radicaux libres.
– Les endosomes et lysosomes sont des vésicules formées lors de l’ingestion de molécules extérieures à la cellule. Ce sont des compartiments dont le pH est généralement acide et où se produit la dégradation des composées biologiques en unités élémentaires.
– Le cytosol qui n’est pas un compartiment, puisqu’il constitue tout l’espace fluide séparé du milieu extérieur par la membrane plasmique dans lequel se trouvent les différents organites (compartiments internes dans le cytosol, délimités par une membrane). C’est dans ce dernier que se produit la majorité des réactions spécifiques d’une cellule, réactions enzymatiques, réponse électrique, détection d’hormones.

Il est donc nécessaire de connaître le compartiment cible, c’est à dire celui vers lequel le médicament doit être délivré afin d’adapter la stratégie de vectorisation pour s’assurer de son effet thérapeutique.

Les cellules ont besoin d’apports en nutriments et en eau afin de synthétiser leurs constituants (protéines, sucres, lipides, matériels génétiques, etc.). Or, la bicouche lipidique de la membrane plasmique n’est pas perméable à la majorité des molécules nécessaires à ces fins. Seules les molécules hydrophobes telles que les gaz O2, CO2, etc. peuvent traverser la bicouche, permettant ainsi la respiration. Quelques molécules plus complexes, dont les CPP, peuvent aussi la traverser directement. Les mécanismes permettant cette traversée sont regroupés sous le terme de translocation et sont encore mal compris. Les petites molécules non chargées telles que l’eau et l’éthanol, peuvent aussi pénétrer lentement au travers de la bicouche, mais pas les molécules de plus grande taille telles que le glucose.

De nombreux mécanismes physiologiques reposent sur l’entrée et la sortie d’ions, tels que le déplacement de signaux électriques dans les neurones ou la contraction musculaire. Il existe deux grandes familles de protéines transmembranaires permettant le transport de petites molécules chargées. Les canaux protéiques sont des protéines qui forment des pores dans la membrane, sélectifs ou non d’une molécule en particulier, afin de permettre son passage selon le gradient électrochimique. L’ouverture des canaux peut être dépendante de certaines conditions telles que la présence d’un potentiel transmembranaire précis ou la reconnaissance d’un ligand. Les transporteurs sont des molécules qui permettent le passage de molécules contre leur gradient électrochimique à l’aide d’un apport en énergie, soit l’hydrolyse d’ATP (le carburant des cellules), soit l’utilisation d’une deuxième molécule qui est échangée selon le sens favorable de son gradient électrochimique .

En dehors de ces exceptions, il existe plusieurs mécanismes permettant à la cellule d’incorporer des matériaux exogènes. Ces processus sont tous regroupés sous le nom d’endocytose.

L’endocytose repose sur une modification de la membrane, soit une invagination, soit une protrusion. Il existe deux mécanismes majoritaires. Le premier, les voies d’endocytose dépendante de récepteurs ont lieu après la reconnaissance, par la membrane plasmique de la cellule, des molécules à ingérer. Le second, la pinocytose se produit sans reconnaissance particulière .

La vésicule est formée par l’invagination de la membrane de sorte qu’il n’y ait pas de communication avec le milieu extérieur. Les vésicules ainsi formées sont appelées endosomes. Ainsi, des molécules extérieures entrent dans la cellule sans que la membrane ne devienne perméable. Les endosomes sont ensuite dirigés vers les différents compartiments cellulaires selon les éléments reconnus au moment de l’endocytose. En l’absence de reconnaissance particulière les molécules sont alors dirigées vers les lysosomes, qui sont les compartiments où se produit la dégradation des protéines et autres molécules biologiques afin de pouvoir être converties en molécules énergétiques, telles que l’ATP, ou en composants constitutifs, comme les acides aminés. Il existe plusieurs voies d’endocytose, dont les plus connues sont la voie dépendante de la clathrine, la voie dépendante de la cavéoline, regroupées toutes les deux comme étant des voies d’endocytose nécessitant des récepteurs, et la macropynocitose L’étude des mécanismes d’internalisation est complexe, car plusieurs voies peuvent reposer sur des mécanismes communs, rendant difficile l’inactivation d’une voie sans perturber tous les processus.

Table des matières

I. Que sont les peptides pénétrants ?
A. Définition et intérêt biomédical des peptides pénétrants
B. La compartimentation cellulaire
C. Les portes d’entrée des cellules
D. Les différents vecteurs
1. Les débuts de la vectorisation
2. La vectorisation chimique
3. La vectorisation « physique »
4. Les vecteurs
5. L’intérêt des CPP ?
E. Origine des CPP
1. Trans-activator protéine, Tat
2. Pénétratine
3. Transportane, TP10
4. Peptides synthétiques
F. Mécanismes d’entrées
1. Une entrée plus compliquée qu’il n’y paraît
2. Les sucres de surface comme partenaires
3. Les approches modèles, l’hypothèse de la translocation
G. Quelques succès des CPP
1. Quelques cargaisons
2. Optimisations
H. Questions soulevées
II. Détermination de la force d’adhésion entre les CPP et la membrane 
A. Les mesures de forces
1. Mesure de force
2. Le BFP, un outil de choix pour les échantillons biologiques
B. Matériels & méthodes
1. Principe du Biomembrane Force Probe
2. Préparation du Biomembrane Force Probe
3. Expérience de Biomembrane Force Probe
4. Acquisition des données
5. Echelle de temps et de force, raideur du globule rouge et taux de charge………II-62
6. Traitement des données
7. Culture cellulaire
8. Préparation des cellules
9. Préparation des vésicules
10. Biotinylation des globules rouges
11. Préparation des billes
12. Synthèse des peptides
C. Résultats
1. Déterminer la densité de pénétratine pour une approche en molécule unique
2. Un partenaire de choix, les glycosaminoglycanes
3. Interaction avec des membranes modèles
4. Importance des acides sialiques
5. Quelques modèles énergétiques
6. Densité des différents éléments de la surface de contact
D. Conclusion

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