Relaxation des contraintes dans les hétérostructures épaisses (Al,Ga)N

Le travail présenté dans ce mémoire a été réalisé au Centre de Recherche sur l’HétéroEpitaxie et ses Applications (CRHEA-CNRS). L’activité de ce laboratoire est centrée autour de la croissance et de la caractérisation de semi-conducteurs à large bande interdite en vue d’applications opto- et micro-électroniques. Les principaux matériaux élaborés au CRHEA sont les nitrures d’éléments III (et notamment le nitrure de gallium GaN), les arséniures azotés, les composés II-VI tels que l’oxyde de zinc (ZnO), ainsi que le carbure de silicium (SiC).

L’objectif de cette thèse a été de réaliser des diodes électroluminescentes à cavité verticale en nitrures d’éléments III. Ce travail s’est inscrit dans le cadre du projet européen AGETHA (IST 1999-10292) auquel le CRHEA a participé. Ce projet visait à développer des diodes électroluminescentes (DEL) et des récepteurs pour la transmission de données à haut débit (jusqu’à 500 Mb.s⁻¹). Le principal domaine d’application visé étant l’électroniqueembarquée dans l’avionique et l’automobile, ces dispositifs doivent répondre à des contraintes assez sévères : environnement hostile (vibrations, températures de l’ordre de 120 °C). Par ailleurs, la recherche d’un couplage optimisé avec des fibres optiques plastiques a conduit à choisir une structure de type diode électroluminescente à cavité résonante (DEL-CR). En effet, le principal intérêt de ce type de structure réside dans la directivité de l’émission et la sélectivité spectrale qui permettent d’améliorer le couplage avec les fibres optiques [1].

Les nitrures d’éléments III possèdent un caractère réfractaire illustré par des températures de fusion élevées. Ils présentent une structure de bande directe et une gamme étendue d’énergies de bande interdite qui permet de réaliser avec ces matériaux des émetteurs de lumière couvrant tout le domaine du visible jusqu’au proche UV [2]. Ce sont donc des candidats privilégiés pour la réalisation de dispositifs optoélectroniques de courte longueur d’onde, pouvant fonctionner à des températures élevées. En outre, les fibres optiques plastiques présentant des maxima de transparence à 510 et 570 nm, les nitrures sont parfaitement adaptés à la réalisation de dispositifs optoélectroniques émettant à ces longueurs d’ondes, c’est ainsi que le choix s’est porté sur la réalisation de DEL-CR à base de nitrures.

La fabrication d’une DEL-CR implique la réalisation d’une cavité optique de type Fabry-Pérot. Dans le cas des nitrures épitaxiés sur saphir, en raison de la difficulté d’enlever le substrat, une approche monolithique est privilégiée, c’est-à-dire la croissance d’un miroir de Bragg préalablement à l’épitaxie de la zone active. Or la faible différence d’indice optique entre le GaN et l’AlN oblige à empiler de nombreuses paires (Al,Ga)N / GaN afin d’obtenir une réflectivité satisfaisante. Le désaccord de paramètre de maille entre ces matériaux est source de contraintes importantes. Leur relaxation par fissuration ou introduction de dislocations rend problématique la croissance d’hétérostructures. L’étude de la relaxation des contraintes dans le système (Al,Ga)N / GaN constituera donc l’essentiel du travail présenté dans ce mémoire.

Les nitrures d’éléments III

Les premiers travaux sur GaN datent des années 70. Néanmoins la difficulté d’obtenir un dopage de type p a très fortement freiné le développement des applications optoélectronique en nitrures d’éléments III. Cet écueil a été levé au milieu des années 80 par Amano et Akasaki. Il faut attendre 1993 et les premières diodes électroluminescentes en (In,Ga)N [1] pour voir l’explosion de l’activité de recherche sur ce système de matériaux. Depuis, les dispositifs à base de nitrures se sont multipliés tant dans le domaine de l’optoélectronique que de la microélectronique hyperfréquence.

Propriétés cristallines des nitrures d’éléments III 

Les nitrures sont des semi-conducteurs à large bande interdite formés d’atomes d’éléments III (Gallium, Aluminium ou Indium) associés à l’azote. Tous les atomes sont tétracoordonnés. Ces composés III-V peuvent présenter deux phases cristallines : la structure wurtzite ou la structure sphalérite. La phase la plus stable dans les conditions normales de croissance est la structure wurtzite. Elle est hexagonale. Dans ce mémoire, nous nous intéresserons exclusivement à celle-ci.

Défauts structuraux 

En l’absence de substrat adapté, la croissance des films en nitrures se traduit par la présence de nombreux défauts cristallins. Les principaux défauts dans les nitrures d’éléments III sont des dislocations traversantes. Les dislocations sont des défauts linéaires définis par un vecteur de Burgers b (qui correspond à l’amplitude de la déformation locale du réseau) et par un vecteur unitaire u parallèle à la ligne de dislocation [3]. Le plan de glissement d’une dislocation est le plan qui contient ces deux vecteurs. Des études antérieures ont montré que trois types de dislocations pouvaient se propager de l’interface substrat/nitrure vers la surface à travers le film [4]. On parle alors de dislocations traversantes.

Les dislocations sont des centres de recombinaisons non-radiatifs [5] et sont donc néfastes aux performances des dispositifs optoélectroniques, notamment en ce qui concerne leur durée de vie [6]. Dans les films de bonne qualité réalisés par épitaxie en phase vapeur à base d’organométalliques (EPVOM), la densité de dislocations traversantes est de quelques 108 cm-2. Un important effort de recherche a été produit pour réduire la densité de dislocations traversantes. Les deux principales voies sont l’épaississement des films par épitaxie en phase vapeur à base d’halogénures (EPVH) et la technique de surcroissance par épitaxie latérale (ELO) [7]. Si on a recours à des techniques relativement lourdes pour réduire la densité des dislocations traversantes, c’est que leur formation dans les premiers stades de la croissance ne peut être évitée. En effet, les dislocations de type a permettent lorsqu’elles sont dans le plan de croissance, de relaxer le désaccord de maille entre le substrat et le film nitrure. Elles sont inhérentes à l’hétéroépitaxie. Par la suite lorsque ces dislocations se propagent verticalement, elles permettent de compenser les désorientations entre les sous-grains de GaN [8]. Nous détaillerons dans la suite de ce mémoire l’effet des dislocations sur la relaxation des contraintes et nous nous appliquerons à minimiser leur densité dans les films épitaxiés. En plus des dislocations traversantes, il peut y avoir des domaines d’inversion, des fautes d’empilements ainsi que des défauts ponctuels (lacunes, interstitiels, substitutionnels, impuretés). Ces défauts ont fait l’objet de nombreuses études, notamment optiques (cf références dans [9]). On peut noter que les seuls défauts étendus observés dans les échantillons étudiés sont les dislocations traversantes.

Hétéro-épitaxie des nitrures 

Du fait de la très haute température de fusion de ces composés, il n’existe pas de substrat en nitrures d’éléments III disponibles commercialement. La technique de cristallisation du GaN à haute pression [10] ne permet pas d’obtenir des surfaces de films de taille compatible avec la production de dispositifs optoélectroniques. Par ailleurs, leur disponibilité et leur coût sont prohibitifs. Pour réaliser des dispositifs en nitrures, nous avons donc recours à des substrats exogènes et donc à l’hétéro épitaxie. Or il n’existe pas de substrat adapté dont la maille cristalline et le coefficient d’expansion thermique soient proches de ceux des nitrures [11]. De ce fait, la croissance des nitrures induit une densité élevée de dislocations.

Table des matières

INTRODUCTION
1. LES NITRURES D’ELEMENTS III
1.1. PROPRIETES CRISTALLINES DES NITRURES D’ELEMENTS III
1.1.1. PARAMETRES CRISTALLINS
1.1.2. DEFAUTS STRUCTURAUX
1.1.3. HETERO-EPITAXIE DES NITRURES
1.2. STRUCTURE DE BANDES, PROPRIETES OPTIQUES ET PROPRIETES DE TRANSPORT
1.3. DISPOSITIFS
1.4. DIODES ELECTROLUMINESCENTES A BASE DE NITRURES
1.4.1. STRUCTURE DES DIODES PLANAIRES
1.4.2. AMELIORATION DES PERFORMANCES DES DEL
1.5. CROISSANCE DES NITRURES PAR EPVOM
1.6. METHODES DE CARACTERISATION STRUCTURALE
2. RELAXATION PLASTIQUE DANS LE SYSTEME (AL,GA)N
2.1. INTRODUCTION
2.2. CONTRAINTES ELASTIQUES
2.2.1. L’ELASTICITE
2.2.2. CONTRAINTE D’EPITAXIE
2.2.3. CONTRAINTE THERMO-ELASTIQUE
2.2.4. MODELE ELASTIQUE MULTICOUCHE
2.2.5. COURBURE
2.2.6. MESURE DES CONTRAINTES / DEFORMATIONS
2.2.7. EPAISSEUR CRITIQUE
2.2.8. TAUX DE RELAXATION
2.3. RELAXATION DES CONTRAINTES PAR GLISSEMENT DE DISLOCATIONS
2.3.1. MECANISME DE MATTHEWS-BLAKESLEE
2.3.2. ÉNERGIE DES DISLOCATIONS
2.3.2.1. Énergie de ligne
2.3.2.2. Énergie de Peierls
2.3.3. ÉNERGIE ELASTIQUE RELAXEE PAR LES DISLOCATIONS
2.3.3.1. Énergie élastique relaxée par une dislocation de rattrapage de désaccord paramétrique
2.3.3.2. Énergie élastique relaxée par un réseau de dislocations
2.3.4. COURBURE DE DISLOCATIONS TRAVERSANTES
2.3.5. NUCLEATION DE DEMI-BOUCLES DE DISLOCATIONS
2.4. FISSURATION DE L’(AL,GA)N EPITAXIE SUR GAN
2.4.1. EPAISSEUR CRITIQUE DE FISSURATION
2.4.2. DENSITE DE FISSURES ET TAUX DE RELAXATION
2.5. ALTERNATIVES A LA FISSURATION
2.6. CONCLUSION
CONCLUSION

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