Résistance de Plasmodium falciparum aux combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine

Résistance de Plasmodium falciparum aux combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine

CHIMIOTHÉRAPIE ANTIPALUDIQUE

 Au cours du siècle dernier, la recherche de molécules actives contre Plasmodium a été très active (figure 2) (6). Dans le contexte actuel de chimiorésistance, cet axe de recherche demeure encore une priorité. Pour presque toutes les alternatives thérapeutiques proposées, l’émergence de parasites résistants a pu être observée, soulignant la nécessité quasi constante de faire évoluer l’arsenal thérapeutique. La majorité des molécules antipaludiques en usage sont dérivées de substances naturelles. Figure 2 : Chronologie de l’utilisation des principaux composés antipaludiques et émergence des résistances (Blasco et al. 2017) 

La quinine

 La quinine (QN) a été isolée en 1820 à partir de l’écorce de quinquina, dont les décoctions étaient déjà utilisées depuis plusieurs siècles pour le traitement des fièvres en Amérique du Sud (7). C’est le premier antipaludique à avoir été largement utilisé. La QN appartient au groupe des aryl-amino alcool ; c’est l’alcaloïde de l’écorce de quinquina le plus actif contre Plasmodium. La quinine purifiée 4 a été utilisée comme traitement antipaludique de référence jusqu’aux années 1940, période durant laquelle elle fut remplacée par des molécules plus efficaces comme la chloroquine (CQ) (8). Cette molécule a depuis été utilisée comme traitement de deuxième ligne, principalement chez les femmes enceintes lors du premier trimestre de grossesse ainsi que pour certains cas de paludisme sévère (9). Plusieurs études ont cependant démontré que les CTA au premier mois de grossesse et l’injection d’artésunate (AS) pour les cas de paludismes sévères étaient plus efficaces que la QN et causaient moins d’effets indésirables (10,11). Le premier cas de résistance à la QN a été rapporté en 1908 (12). L’apparition de la résistance à la QN s’est faite lentement. Malgré une diminution de la sensibilité de P. falciparum à la QN en Asie et en Amérique du Sud, la molécule semble conserver son efficacité (9).

Les dérivés de la quinine 

Plusieurs aryl-amino alcools dérivés de la QN ont par la suite été synthétisés. Parmi eux, la méfloquine et la luméfantrine sont les molécules les plus utilisées. x La méfloquine (MQ) : elle est issue d’une longue liste de composés antipaludiques développés par l’armée américaine (Experimental Therapeutics Division of the Walter Reed Army Institute of Research (WRAIR)) à la fin de la guerre du Vietnam, en réponse au lourd bilan de mortalité des soldats américains liée au paludisme résistant à la CQ (13). L’usage de la MQ, alors devenue la principale prophylaxie des soldats américains et des touristes en zones endémiques, a rapidement été controversé au milieu des années 1990 après plusieurs études cliniques reportant des effets secondaires cardiologiques et neuropsychiatriques chez l’homme (13). La neuro-toxicité de la MQ a par la suite été confirmée grâce au modèle murin (13,14). La MQ est aujourd’hui utilisée comme prophylaxie antipaludique du voyageur, et comme drogue partenaire (en raison d’une longue demivie d’environ 3 semaines) en combinaison avec l’AS (AS-MQ) notamment en Asie du Sud-est. Le premier cas de résistance à la MQ a été rapporté en 1982 en Thaïlande (15). x La luméfantrine (LM) : cette molécule a été découverte à la fin des années 1960 pendant le projet chinois 523 visant à identifier de nouvelles molécules antipaludiques à partir de remèdes 5 traditionnels chinois. Ce projet a aussi mené à la découverte de l’artémisinine (ART), de la pipéraquine (PPQ) et de la pyronaridine (PYR) (16). Ce projet, initié par le gouvernement chinois pendant la révolution culturelle, était avant tout un projet militaire visant à trouver un traitement efficace contre le paludisme résistant à la CQ qui touchait les soldats nord-vietnamiens pendant la guerre du Vietnam. Un seul rapport fait mention de l’utilisation de la LM en monothérapie en Chine (17), et ce n’est qu’à partir de l’introduction des CTA que la LM a été utilisée comme drogue partenaire en combinaison avec l’artemether (AL). La demi-vie de la LM est de 3 à 5 jours (18). La résistance à la LM n’a pas été clairement démontrée, mais une tolérance augmentée à la molécule a été observée chez des souches parasitaires africaines présentant un profil de sensibilité à la CQ (19–21). 

La chloroquine 

La CQ a été découverte en 1934 par des scientifiques Allemands. Ces recherches sont restées en suspens pendant une décennie avant d’être reprises par des chercheurs Américains pendant la Deuxième Guerre mondiale. Une alternative à la QN était en effet urgente à cette période, le Japon ayant pris le contrôle du principal site de production de quinquina, en Indonésie (22). La CQ appartient au groupe des amino-4-quinoléines (23). Grâce à son efficacité à la fois contre P. falciparum et P. vivax ainsi qu’à sa faible toxicité, la CQ est rapidement devenue l’antipaludique le plus utilisé après la deuxième guerre mondiale. En 1957, les premières études mentionnant l’émergence de la résistance à la CQ à la frontière Thaïlande-Cambodge ont été publiées (24). La résistance à la CQ s’est par la suite propagée à l’Ouest de l’Asie et à l’Afrique, mais a aussi émergé de façon indépendante dans d’autres continents, notamment au Venezuela et en Colombie dans les années 1960, et en Papouasie Nouvelle Guinée au milieu des années 1970 (figure 3) (23,25). La diffusion de la résistance à la CQ a causé une importante augmentation de la prévalence et de la mortalité liée à P. falciparum en Afrique pendant les années 1980.  

Table des matières

PARTIE 1 – Synthèse bibliographique.
I. CHIMIOTHÉRAPIE ANTIPALUDIQUE
A. Historique de l’utilisation des principaux antipaludiques et des résistances associées
B. Les Combinaisons Thérapeutiques à base d’Artémisinine
II. RÉSISTANCES AUX COMPOSÉS ANTIPALUDIQUES
A. Émergence des résistances
B. Mécanismes de résistance de P. falciparum aux antipaludiques
C. Les méthodes de surveillance de la résistance aux antipaludiques
III. EPIDEMIOLOGIE DU PALUDISME ET DES RESISTANCES : EXEMPLES DU CAMBODGE ET DU
CAMEROUN
A. Épidémiologie du paludisme
B. Bilan récent de la résistance aux CTA
IV. NOUVELLES OPTIONS THERAPEUTIQUES
A. Molécules à action rapide : les remplaçants de l’artémisinine
B. Molécules à action prolongée
C. Les triple-CTA
PARTIE 2 – Travaux de recherche
I. ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA RÉSISTANCE AUX CTA AU CAMBODGE ET AU CAMEROUN
A. Émergence de la résistance à l’artésunate-méfloquine en combinaison avec une faible dose de primaquine au Cambodge
B. Prévalence et phénotype des isolats triple-mutants cambodgien
C. Efficacité de la DHA-PPQ pour les infections non compliquées à P. falciparum au Cameroun
II. NOUVELLES OPTIONS THÉRAPEUTIQUES POUR LE TRAITEMENT DU PALUDISME NON
COMPLIQUÉ À P. FALCIPARUM
A. Efficacité de l’artésunate-pyronaridine associée à une dose unique de primaquine pour le traitement des infections non compliquées à P. falciparum au Cambodge
B. Action de la ferroquine in vitro sur des isolats multi-résistants collectés au Cambodge
C. Résistance clinique et in vitro de P. falciparum à l’artésunate-amodiaquine au Cambodge
III. ÉTUDE DU MÉCANISME DE RÉSISTANCE A L’ARTÉMISININE
CONCLUSION GÉNÉRALE
RÉFÉRENCES

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