Sociologie contrôle social et déviance

Sociologie: Contrôle social et déviance

Notions : Contrôle social formel/informel ; stigmatisation ; dissuasion ; déviance primaire/ déviance secondaire ; anomie ; chiffre noir de la délinquance.
Indication complémentaires :
• On s’interrogera sur l’évolution des formes de contrôle social dans les sociétés modernes et sur leurs effets. On montrera qu’au fur et à mesure que les relations sociales deviennent plus impersonnelles, le contrôle social par des instances spécialisées tend à prédominer sur le contrôle informel exercé par les groupes primaires. On s’interrogera également sur les effets produits par le recours à des formes de contrôle social prenant appui sur les ressources des nouvelles technologies.
• On définira la déviance comme une transgression des normes et on montrera qu’elle peut revêtir des formes variées selon les sociétés et, en leur sein, selon les groupes sociaux. On analysera la déviance comme le produit d’une suite d’interactions sociales qui aboutissent à « étiqueter » certains comportements comme déviants et, en tant que tels, à les sanctionner. On montrera que les comportements déviants peuvent aussi s’expliquer par des situations d’anomie.
• On précisera que la délinquance n’est qu’une forme particulière de déviance : celle qui fait l’objet d’une sanction pénale. On s’intéressera aux modes de construction des statistiques produites par la police et la justice. On confrontera ces données avec celles que révèlent les enquêtes de victimation.

Objectifs du chapitre 
• Faire le lien entre socialisation et contrôle social.
• Dévoiler les ressorts et les effets du contrôle social.
• Nuancer l’opposition entre normes et déviances : la déviance est un phénomène « normal » et souligner son caractère construit.
• Etudier la délinquance comme cas particulier de déviance et étudier la mesure de la délinquance (la production des des statistiques) de manière critique .

Pré-requis : notions abordées dans le chapitre sur la socialisation et dans le chapitre sur les groupes sociaux : socialisation, normes, groupes primaires, secondaires.

Introduction 

Dans ce chapitre, on va s’intéresser à la fois au contrôle social, soit ce qui permet de faire respecter les normes et la déviance qui constitue une transgression des normes. Avant cela, quelques rappels :

Rappel : comment peut-on définir la socialisation ?

Si la socialisation des individus consiste en une intériorisation des normes sociales en vigueur au sein d’un groupe ou d’une société dans le but de les intégrer dans la société dans laquelle ils vivent, toute transgression de ces normes semble a priori faire obstacle au lien social.

Rappel : comment définir les normes sociales ?

Les normes sociales désignent les comportements habituels ou attendus, au sein d’une société : ce sont les règles reconnues comme légitimes (fondées, justifiées) au sein d’un groupe social. Elles peuvent être formelles ou informelles. Par exemple, à un concert : quelles sont les normes formelles et quelles sont les normes informelles ?
Situation Normes sociales formelles Normes sociales informelles
Concert de Justin Bieber Venir habillé, sans arme, avoir acheté ses places Chanter, danser, crier
Dans un supermarché Venir habillé, ne pas agresser les autres personnes, payer Attendre calmement, ne pas parler tout seul ou trop fort, ne pas doubler
Visite d’un lieu de culte Venir habillé, ne pas proférer d’insultes, ne pas endommager le lieu Ne pas faire de bruit, adapter sa tenue (chaussures, couvre-chef, épaules…)

Sensibilisation : La soumission à l’autorité : L’expérience de Stanley Milgram(questions + résultats)
« I comme Icare » est un film français d’Henri Verneuil (1979). Dans ce film, est reproduite une synthèse des expérimentations de Stanley Milgram, menées en laboratoire en 1963. Le scénario de cette séquence a été contrôlé par S. Milgram lui-même. Psychologue américain, une étude du rôle des bourreaux dans les camps d’extermination nazis l’avait conduit à réfléchir aux mécanismes de « soumission à l’autorité ». En recrutant des volontaires, il a voulu reproduire en laboratoire les conditions qui conduisent des individus ordinaires à devenir des « bourreaux ».

Résumer – Résumez le protocole de l’expérience

Les sujets d’étude sont recrutés par annonce : on leur propose une indemnisation monétaire pour participer à une expérience scientifique sur la mémoire. Les sujets arrivent par binome dans le laboratoire de la prestigieuse université de Yale : un cobaye et un complice de Milgram (tirage au sort truqué). Le cobaye pense participer à une expérience scientifique sur la mémoire. Le cobaye doit faire réciter une série de mots au complice et sanctionner les réponses fausses par des chocs électriques de 15 à 450 volts qui ne sont pas réellement administrés au complice mais le cobaye l’ignore. Des manettes portant les inscriptions de « choc léger », « choc modéré », « choc fort », « choc intense », « choc extrêmement intense », « attention, choc dangereux ». La consigne précise que pour chaque nouvelle erreur, il faut augmenter l’intensité du choc. L’expérience s’arrête lorsque le cobaye est arrivé à 3 chocs de 450 volts. Le complice réagit aux chocs par des cris d’intensité croissante. Lorsque le cobaye hésite, Milgram lui demande de continuer en utilisant quatre messages prévus à l’avance : « l’expérience exige que vous continuiez », « j’en prends toute la responsabilité », etc. Si le sujet refuse d’obeir à la quatrième incitation, l’expérience prend fin.
Milgram construit une expérience dans laquelle il va multiplier les détails garantissant le réalisme, la vraisemblance de la situation, de manière à ce que les réactions collectées soient bien réelles et non des projections abstraites. D’autre part, l’expérience doit être conduite dans des conditions constantes, afin que seul varie le paramètre que le chercheur veut analyser et afin que cette expérience puisse être décrite et reproduite. Par exemple, l’influence du chercheur, lorsqu’il est présent dans la pièce, est matérialisée par une série précise de messages toujours identiques. Des avertissements sont placés près de la machine à administrer les chocs électriques, pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté quant à la puissance de ces chocs. Il est indispensable de dissimuler le but réel de l’expérience pour que les comportements enregistrés soient aussi proches que possibles de comportements « naturels », c’est-à-dire hors expérience. En particulier, il est essentiel que les sujets de l’expérience ne sachent pas qu’ils sont les sujets étudiés.

Expliquer – Quels en sont les objectifs ?

Est étudié le comportement des sujets auxquels il est demandé d’infliger des chocs électriques de plus en plus violents. Le but de l’expérience est d’étudier dans quel contexte l’obéissance peut mener des individus quelconques à faire souffrir physiquement leurs semblables (et ils le sont, puisque la place de chacun des deux est tirée au sort, pour bien montrer aux sujets qu’ils pourraient être à la place de celui qui reçoit les chocs) et jusqu’où cette obéissance peut aller.
L’objectif est donc d’étudier la soumission à l’autorité, l’obéissance notamment quand les actions demandées posent des problèmes de conscience au sujet. Jusqu’où les hommes obéissent, se soumettent à la pression sociale et quand se révoltent-ils ? Est étudiée la rupture qui mène à la désobéissance.

Expliquer – Quels éléments de pression sociale sont introduits dans l’expérience ?

Divers éléments de pression sont introduits, comme le lieu (prestige de l’université de Yale ou au contraire studio loué en ville par Milgram) ; la présence ou non du chercheur, en blouse blanche, solennel ; les messages demandant aux sujets de continuer lorsqu’ils faiblissent ou hésitent. Ces éléments ne sont pas très forts. Toutefois, l’un des messages (« J’en prends toute la responsabilité ») joue particulièrement un rôle dans la culture américaine – telle que l’a analysée, par exemple, hilippe d’Iribarne – où la notion de responsabilité d’une personne, dégageant celle des autres, est importante. Est également important le message disant « Vous n’avez pas le choix » (non cité dans le texte). Dans les films d’archives de l’expérience, un seul sujet, confronté à ce message, se tourne vers
le « chercheur » et répond : « Si, j’ai le choix et j’arrête ».

Expliquer – Quels en sont les résultats ?
La majorité des participants sont obéissants : 63% des participants vont jusqu’à 450 volts soit le maximum. La pression sociale exercée sur les participants s’est révélée d’une terrible efficacité, puisque jusqu’à 65 % des sujets sont allés « au bout », soit jusqu’à infliger un choc de 450 V, présenté comme dangereux. Selon le témoignage de la veuve de Stanley Milgram, cette proportion est largement supérieure à celle que Milgram anticipait et les résultats de son expérience l’ont profondément déprimé.

Expliquer – Comment expliquer que le moniteur ait accepté de torturer des sujets innocents ? Qu’est-ce que cela montre ?

Il a confiance dans les autorités scientifiques qui encadrent l’expérience. Ces autorités assument la responsabilité de l’expérience. Il obéit à l’autorité des scientifiques. (Forme de domination légale rationnelle chez Max Weber. L’expérience aura montré que le sujet place l’obéissance au-dessus du fait de ne pas faire souffrir son prochain. Elle aura également permis de comprendre par quels mécanismes ce résultat est obtenu : peur de décevoir le chercheur, abandon de sa responsabilité morale à un autre, difficulté de remettre en cause son jugement et son comportement initiaux (infliger un choc ne semble pas prêter à conséquence lorsque celui-ci est de quelques volts), agressivité finalement tournée vers la victime, « coupable », en ne sachant pas bien répondre, d’obliger le sujet à se comporter de manière immorale, etc. De manière plus générale, comme l’exprime un psychosociologue, l’expérience aura montré que la situation dans laquelle se trouve un individu est presque toujours plus importante que son caractère pour déterminer ses réactions.
Explicitement, Milgram, préoccupé par l’holocauste, souhaitait trouver par son expérience quelques éléments d’explication mais surtout souhaitait montrer que les Américains n’étaient pas, du fait d’une socialisation différente, disposés à obéir comme l’avaient fait les Allemands. Il a été cruellement déçu.

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