Structures synchronisées dans les écoulements inhomogènes de convection mixte en milieu poreux

Le problème de Rayleigh-Bénard (R-B) est indiscutablement le modèle type parmi les systèmes hors d’équilibre qui a été le plus étudié dans divers laboratoires du monde entier. Cela consiste à maintenir une couche mince de fluide entre deux plaques horizontales portées à des températures différentes, la température de la plaque inférieure étant plus élevée que celle de la plaque supérieure. Lorsque la différence de température entre les deux plaques dépasse une valeur critique, une structure spatiale périodique apparaît. De tels phénomènes peuvent se manifester à différentes échelles, allant de celle du microscopique (évaporation d’une couche fluide) à celle de la planète (convection atmosphérique). Un système en convection est le siège de phénomènes de transport de la masse, de la quantité de mouvement ou de la chaleur. Les avancées récentes [2, 3] dans la compréhension de la convection de R-B sont dues en grande partie à sa relative facilité dans l’analyse théorique [4] et au développement des techniques de visualisation [5, 6].

L’équivalent du problème de R-B en milieu poreux est le très célèbre problème de Horton-Rogers-Lapwood, étudié en premier par Horton et Rodgers [7] et par la suite par Lapwood [8] (pour une revue, voir le livre de Nield et Bejan [9]). Contrairement à une expérience de R-B, la visualisation en milieu poreux des mouvements convectifs est confronté au moins à deux problèmes : l’opacité du milieu et la diffusion de la lumière par la matrice solide même transparente. L’adaptation d’indice de réfraction conduit à de nombreuses difficultés techniques et demeure très approximative (Saleh et al. [10]). Par conséquent, la grande partie des données expérimentales existantes sont limitées aux mesures de transfert thermique , avec des résultats qui sont souvent contradictoires.

Ce n’est qu’en 1997 que Shattuck et al. [18] ont utilisé des moyens de mesure non intrusifs, à savoir l’imagerie par résonance magnétique comme procédé de visualisation du champ de vitesse de convection naturelle en milieu poreux. Le résultat majeure qui découle de leurs investigations expérimentales est que la structure du milieu poreux joue un rôle très important qui n’est pas prédit par la théorie qui repose sur l’hypothèse de l’homogénéité du système. En effet, dans des milieux poreux conçus de façon bien ordonnée, leurs expériences ont mis en évidence deux phénomènes qui ne sont pas prédits par la théorie :

– la présence d’un faible gradient de température qui induit un écoulement inhomogène, là où la théorie prévoit un état de conduction pure,

– des rouleaux localisés dans des régions plus perméables au fluide, en absence de toute forme de convection dans d’autres régions moins perméables.

La théorie est alors appelée à prendre en compte les inhomogénéités d’origine intrinsèque au milieu poreux, comme la variation spatiale de sa perméabilité ou extrinsèque au milieu lorsque par exemple la température appliquée sur les bords horizontaux varie spatialement. Le travail que constitue cette thèse est par conséquent une tentative qui vise à comprendre les effets de telles inhomogénéités sur la naissance et le développement des instabilités dans un milieu poreux ouvert chauffé par le bas et qui, en plus, est soumis à un écoulement forcé de débit non nul.

Du point de vue fondamental, ce problème rentre dans le cadre général de l’étude des instablités hydrodynamiques d’écoulements dans des milieux ouverts. Ce genre de système a bénéficié d’un intérêt considérable depuis les vingt dernières années. On peut citer quelques exemples tels que les couches de mélange, les jets, les sillages, les couches limites et les problèmes de R-B et de Taylor-Couette couplés avec un écoulement imposé. Dans ce genre de système où se produit un transport global de matière vers l’aval, il est hors de question de considérer tous les points du système équivalents au regard des instabilités. La dimension spatiale des instabilités ne peut plus être dissociée de sa dimension temporelle. Il est donc naturel d’identifier les mécanismes physiques qui sont derrière l’apparition de structures macroscopiques et de leur propagation le long du système tout entier. En effet, il est maintenant clairement établi que les écoulements ouverts se regroupent en deux classes : les écoulements instables convectifs où les structures macroscopiques peuvent être simplement le résultat de l’amplification des perturbations présentes dans tout système expérimental, et les écoulements instables absolus dont le comportement est intrinsèque et peu sensible à la présence du bruit.  Du point de vue expérimental, la nature convective ou absolue d’une instabilité peut être mise en évidence par des mesures spectrales d’une quantité fluctuante par rapport à l’écoulement de base. Ces mesures montrent un spectre de fréquence large si l’instabilité est convective ou au contraire un pic de fréquence plus énergétique si l’instabilité est absolue. Dans ce dernier cas, on observe l’apparition d’un mode global, c’est à dire d’une résonance du milieu avec une structure spatiale et une fréquence temporelle bien définies.

Du point de vue mathématique, la nature convective ou absolue est déterminée en étudiant l’évolution d’une impulsion localisée dans un milieu où se produit une compétition entre les mécanismes d’advection par l’écoulement principal et d’amplification spatiotemporelle de l’instabilité. De cette compétition, trois types de comportement peuvent se produire :
– la perturbation décroit dans le temps et dans l’espace : le système est dit stable,
– la perturbation croit dans le temps et dans l’espace mais cela n’et pas suffisant pour contrer l’advection, la perturbation finie par sortir du domaine et le système est dit convectivement instable,
– la perturbation croit dans le temps et l’espace suffisament pour contrer l’advection, la perturbation finie par envahir le domaine, et le système est dit absolument instable.

Dans sa thèse consacrée à l’étude de la convection mixte d’un fluide soumis à un écoulement horizontal homogène dans un milieu poreux chauffé par le bas, A. Delache a utilisé le concept d’instabilité absolue pour expliquer des résultats expérimentaux jusqu’alors restés mal compris. Ces résultats émanent d’investigations expérimentales conduites par M. Combarnous [13, 14] et qui constituent une documentation des plus complètes sur ce sujet. Les matrices solides utilisées dans ses expériences sont non consolidées, composées de différents milieux : billes de verre, de quartz, de propylène, . . . . Différents fluides sont utilisés : de l’eau désaérée et de l’huile aux silicones. Des différents essais entrepris, il en résulte que la forme des cellules convectives dépend à la fois du gradient de température imposé entre les deux parois horizontales et de la valeur de la vitesse de l’écoulement moyen du fluide saturant le milieu poreux. Lorsque le gradient vertical de température est suffisamment élevé et est maintenu fixe, l’enregistrement de l’évolution des températures au sein du milieu a permis de mettre en évidence deux types de structures :

– des rouleaux mobiles oscillatoires pour des faibles débits . Leur structure spatiale est parfois bidimensionnelle sous la forme de rouleaux transversaux   ou complètement tridimensionnelle.
– des rouleaux fixes parallèles à l’écoulement moyen appelés rouleaux longitudinaux fixes   pour des débits élevés.

Table des matières

Introduction
1 Présentation de la convection mixte inhomogène en milieu poreux
1.1 Caractérisation des milieux poreux
1.1.1 Définition des milieux poreux
1.1.2 Paramètres des milieux poreux
1.2 Équations du mouvement pour les milieux poreux
1.2.1 Hypothèses adoptées
1.2.2 Équation de conservation de la masse
1.2.3 Équation de conservation de la quantité de mouvement
1.2.4 Équation de conservation de l’énergie
1.3 Formulation mathématique
1.3.1 Problème physique et modèle mathématique
1.3.2 Équations adimensionnées
1.4 Solution de base
1.5 Conclusion
2 Modes globaux linéaires de convection mixte faiblement inhomogène en milieu poreux
2.1 L’approximation WKBJ pour la perturbation
2.1.1 Problème à l’ordre principal et relation de dispersion locale
2.1.2 Critère de sélection de la fréquence du mode global linéaire
2.1.3 La solution de l’approximation WKBJ à l’ordre ε
2.2 L’approximation WKBJ dans la région du point tournant double pour le domaine infini
2.2.1 La solution extérieure au voisinage du point tournant double
2.2.2 Écoulement de base au voisinage du point tournant double
2.2.3 Construction de la solution intérieure des équations de perturbation
2.3 Résultats et discussion
2.3.1 Dépendance du seuil et de la fréquence de l’instabilité globale vis-àvis du nombre de Péclet
2.3.2 Caractéristiques de la structure spatiale du mode global linéaire
2.4 L’approximation WKBJ dans la région du point tournant pour le domaine semi-infini
2.4.1 Écoulement de base dans la région du point tournant
2.4.2 Solution intérieure des équations de perturbation
2.5 Résultats et discussion
2.5.1 Seuil et fréquence de l’instabilité globale
2.5.2 Structure spatiale du mode global linéaire
2.6 Conclusion
Conclusion

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