Styles d’attachement et conduites suicidaires chez les patients souffrant de troubles de l’humeur

Styles d’attachement et conduites suicidaires chez les patients souffrant de troubles de l’humeur

INTRODUCTION

Le suicide représente un enjeu majeur de santé publique. En effet, chaque année, dans le monde, plus de 800 000 personnes se suicident dont plus de 90% souffrent d’un trouble psychiatrique. Le trouble de l’humeur est la principale pathologie associée au suicide, aggravant le pronostic de ce trouble. Il y a donc pour les professionnels de santé prenant en charge des patients souffrant de troubles de l’humeur, un enjeu majeur à améliorer la prévention suicidaire. Cependant, le risque suicidaire est difficile à appréhender, en particulier car de nombreux facteurs de risque entrent en jeu. Une meilleure connaissance des différents facteurs de risque suicidaires ainsi que l’identification de facteurs modifiables permettraient une meilleure prévention du risque suicidaire. Le manque de soutien social est reconnu par l’OMS comme un facteur de risque suicidaire, classé dans la catégorie des « facteurs de risque liés à la communauté et aux relations ». Or la capacité d’une personne à pouvoir solliciter l’aide auprès de son entourage ou auprès des services de soins est en grande partie déterminée par son style d’attachement. La notion d’attachement a été théorisée, au cours de la secondaire moitié du XXème siècle, par John Bowlby, psychiatre britannique. Cette théorie adopte un point de vue évolutionniste. Le comportement d’attachement est conçu comme remplissant une fonction biologique, celle d’assurer la survie de l’individu par la recherche et le maintien de proximité sociale. C’est pourquoi, dans ce mémoire, nous nous sommes intéressés à la relation entre le type d’attachement et le suicide.

ATTACHEMENT ET SUICIDE DANS LES TROUBLES DE L’HUMEUR 

Théorie de l’Attachement 

Suivant la théorie de l’attachement, un attachement est un lien entre deux individus, plus précisément entre un individu et sa figure d’attachement. Ce lien repose sur le besoin de sécurité et de protection (1). La figure d’attachement est d’abord la personne à laquelle l’enfant adresse son besoin de sécurité (2). La figure d’attachement est également appelée « caregiver », que l’on peut traduire comme « donneur de soin ». Le soin, est ici défini comme l’apport de protection et de réconfort (1). Le lien d’attachement est asymétrique. Il est dirigé de l’enfant vers sa figure d’attachement. Réciproquement, le « caregiving bond » ou « lien du soignant » émane de la figure d’attachement et se dirige vers l’enfant (1). Le comportement d’attachement et le comportement de caregiving partagent donc la même fonction : apporter un sentiment de sécurité à l’enfant. Pour John Bowlby, dans «A secure base », publié en 1988, ce lien d’attachement est actif tout au long de la vie « from the cradle to the grave » (3). La théorie de l’attachement est formalisée pour la première fois en 1958, dans une publication de John Bowlby intitulée « The nature of child’s tie to his mother » et elle connait, depuis, de nombreux développements. Bowlby, dans le sillage de plusieurs courants que nous évoquerons, élabore une théorie intégrative du lien affectif « qui unit deux personnes à travers le temps et l’espace » selon la formule de Mary Ainsworth (4). Il semble important de resituer, dans une démarche chronologique, les différentes influences qui, d’une façon ou d’une autre, ont inspiré Bowlby.

Les sources d’influences de la théorie de l’attachement

 La première des influences nous ramène au milieu du dix-neuvième siècle. En effet, la théorie de l’attachement s’inscrit dans la continuité de la théorie de l’évolution de Darwin, exposée en 1859 dans « De l’origine des espèces ». Selon Bowlby lui-même, « aucune caractéristique (…) du comportement de l’espèce ne peut être comprise (…) si ce n’est en relation avec l’environnement d’adaptation évolutionniste de l’espèce » (1). La théorie de l’évolution de Darwin apparait donc comme une source importante. Darwin avance que l’hérédité confère aux organismes une caractéristique qui, dans un environnement donné, procure un avantage sélectif permettant la survie de l’individu et sa reproduction (5). Pour Bowlby, les comportements d’attachement constituent un avantage sélectif (6). Ils sont « dans une certaine mesure préprogrammés ». Le comportement d’attachement ayant une fonction vitale, ce serait « une folie biologique » de laisser son développement aux seuls « caprices de l’apprentissage individuel » (3) . Selon les propos de Pierrehumbert, « chez l’humain comme chez l’animal, l’attachement est un besoin primaire, inné, biologiquement déterminé de la même façon que tous les autres besoins fondamentaux liés à la survie ». (7) Certains aspects de la psychanalyse, également, influenceront Bowlby (2). En psychanalyse, le symptôme est considéré comme l’expression d’un conflit psychique trouvant ses racines dans l’histoire infantile du sujet (8). En 1923, Freud publie « Introduction à la psychanalyse », texte traduit en français par Samuel Jankélévitch, dont les vingt-huit chapitres sont la reproduction de ses leçons de 1915 à 1917 (9). Selon les termes de S. Jankélévitch dans la préface, Freud voulait trouver « une cure radicale » en allant à « la racine du mal », introduisant ainsi une approche diachronique, un lien présent-passé du symptôme à la racine. Bowlby gardera la prise en compte de la temporalité puisqu’il établit un lien entre les interactions sociales précoces et le développement ultérieur de l’individu. Il questionnera, en revanche, l’idée que la relation de l’enfant à sa mère naît de la fonction nourricière de la mère qui satisfait sa faim, l’enfant associant ainsi la présence de la mère au plaisir de la satisfaction (10). 6 De plus, l’éthologie fournira un cadre méthodologique à Bowlby. Il formule clairement l’idée que son approche pour comprendre la relation parents-enfant est d’inspiration éthologique par l’observation des comportements des enfants. (3) C’est, en effet, l’observation du vivant dans son milieu qui caractérise l’éthologie. Son champ de prédilection, à ses débuts, est le monde animal, bien qu’en 1872 déjà, Darwin ait dans un même ouvrage relaté des observations d’émotions chez les animaux et chez les humains dont les enfants. (11) En 1936, Lorentz introduit la notion de « phénomène d’empreinte » en observant les oies cendrées (12). Il remarque que les oisillons suivent le tout premier objet en mouvement, y compris d’une autre espèce, qu’ils aperçoivent à une période précoce définie, après l’éclosion. Cela s’apparente à un comportement d’attachement par une recherche de proximité. Bowlby innove en intégrant l’éthologie au domaine de la psychologie et à l’étude des comportements humains. Freud, dès les années 1920, avait eu une intuition. Dans une autocritique, citée par Boris Cyrulnik, il écrivait à sa fiancée que sa soif de savoir concernant les relations humaines « n’avait pas encore reconnu la valeur de l’observation » (13). C’est Bowlby qui adoptera cette méthode dans sa pratique.

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ATTACHEMENT ET SUICIDE DANS LES TROUBLES DE L’HUMEUR
I. Théorie de l’Attachement
II. Trouble de l’humeur et suicide
DEUXIEME PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE .
I. Objectif
II. Méthodologie
III. Résultats
IV. Discussion
V. Méta-analyse
VI. Conclusion
TROISIEME PARTIE : CAS CLINIQUE
I. Présentation du cas clinique
II. Les apports de la théorie de l’attachement
III. Discussion
QUATRIEME PARTIE : L’ETUDE CLINIQUE
I. Introduction
II. Méthodologie
III. Description de la population d’étude
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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