Sur les l-blocs de niveau zéro des groupes p-adiques

Sur les l-blocs de niveau zéro des groupes p-adiques

Le théorème de décomposition de Bernstein

 Le cas Λ = Q` (ou de façon équivalente Λ = C) est bien connu, puisque le théorème de décomposition de Bernstein nous fournit une description en blocs de RepQ` (G). Rappelons ici cet énoncé. Soit P = MU un sous-groupe parabolique de G de facteur de Levi M et de radical unipotent U. Nous pouvons alors définir une paire de foncteurs adjoints, appelés foncteurs d’induction et de restriction parabolique i G P : RepΛ(M) → RepΛ(G), rG P : RepΛ(G) → RepΛ(M), de la façon suivante. Notons δP le module de P. Pour toute représentation lisse (τ, E) de M, on définit alors i G P (τ, E) = IndG P (τ ⊗ δ −1/2 P , E). Pour la restriction parabolique, prenons (π, V ) une représentation lisse de G. Nous pouvons voir (π, V ) comme une représentation de P par restriction. Comme M normalise U, M agit sur VU , l’espace des coinvariants, défini par VU = V /V (U), où V (U) est le sous-espace de V engendré par les π(u) · v − v, avec u ∈ U et v ∈ V . On note cette action πU . Le foncteur de restriction parabolique est alors défini par r G P (π, V ) = (πU ⊗ δ 1/2 P , VU ). Le foncteur i G P est l’adjoint à gauche de r G P . Définition. Une représentation (π, V ) est dite cuspidale si pour tout sous-groupe parabolique propre P = MU de G, r G P (π, V ) est nul. On appelle alors donnée cuspidale un couple (M, ρ) où M est un Levi de G et ρ est une représentation cuspidale irréductible de M. Deux données cuspidales (M1, ρ1) et (M2, ρ2) sont dites associées s’il existe g tel que gM1g −1 = M2 et ρ2 ‘ ρ g 1 . Définition ([Vig96] II.2.4). Soit V une représentation irréductible de G. Il existe P = MU un sous-groupe parabolique de G et W une représentation cuspidale irréductible de M tels que V ⊆ i G P (W). L’ensemble des données cuspidales (M, W) vérifiant cette propriété est appelé le support cuspidal de V . Proposition ([Vig96] II.2.20). Soit V une représentation irréductible de G. Alors le support cuspidal de V forme une unique classe de conjugaison. Nous pouvons également définir une autre relation d’équivalence sur les données cuspidales. Deux données cuspidales (M1, ρ1) et (M2, ρ2) sont dites inertiellement équivalentes s’il existe un g ∈ G et un caractère non-ramifié ω de M2 tels que gM1g −1 = M2 et ρ2 ‘ ρ g 1 ⊗ ω. On note [M, ρ]G la classe d’équivalence inertielle de (M, ρ) et B(G) l’ensemble des classes d’équivalence. Théorème ([Ber84] 2.10, 2.13). La catégorie RepQ` (G) admet la décomposition RepQ` (G) = Y s∈B(G) Reps Q` (G), 11 où Reps Q` (G) est la sous-catégorie pleine de RepQ` (G) dont tous les sous-quotients irréductibles ont pour support inertiel s. De plus les catégories Reps Q` (G) sont des blocs. 

Blocs de Vignéras-Helm

 Le cas Λ = Z` est quant à lui assez peu connu. Pour G = GLn, Vignéras a obtenu dans [Vig98] une décomposition de la catégorie RepF` (GLn(F)) en blocs (voir aussi les travaux de Sécherre et Stevens [SS16]). Celle-ci a permis par la suite à Helm [Hel16] d’obtenir une décomposition de RepZ` (GLn(F)). Définition. Une représentation irréductible (π, V ) est dite supercuspidale si V n’est pas sous-quotient d’une induite parabolique propre. Lorsque Λ = Q` , la notion de supercuspidalité est la même que la notion de cuspidalité, cependant elles peuvent différer lorsque Λ = Z` ou F` . Comme précédemment on appelle donnée supercuspidale un couple (M, ρ) où M est un Levi de G et ρ est une représentation supercuspidale irréductible de M, et on définit les relations d’association et d’inertie. Définition ([Vig96] II.2.6). Soit V une représentation irréductible de G. Il existe P = MU un sous-groupe parabolique de G et W une représentation supercuspidale irréductible de M tels que V est un sous-quotient de i G P (W). L’ensemble des données supercuspidales (M, W) vérifiant cette propriété est appelé le support supercuspidal de V . Théorème ([Vig98] V.4). Si G = GLn et V est une représentation irréductible de GLn(F) à coefficients dans F` alors le support supercuspidal de V forme une unique classe de conjugaison. Ce résultat n’est pas vrai en général, un contre exemple dans Sp8 sur un corps fini a été trouvé par Dudas dans [Dud18] puis a été relevé sur un corps p-adique par Dat dans [Dat18b]. Définition ([Hel16]). Soit Π ∈ RepZ` (GLn(F)) un objet simple. — Si ` annule Π, on appelle support supercuspidal inertiel mod ` de Π la classe d’inertie du support supercuspidal de Π. — Si ` est inversible sur Π, on appelle support supercuspidal inertiel mod ` de Π la classe d’inertie de l’ensemble des (M, π) apparaissant dans le support supercuspidal d’une paire (M0 , π0 ), avec M0 un Levi G contenant M et π 0 une représentation irréductible cuspidale de M0 sur F` , obtenue par réduction modulo ` d’une paire cuspidale (M0 , π˜ 0 ) inertiellement équivalente au support cuspidal de Π. Théorème ([Hel16] Théorème 9.8). Nous avons une décomposition RepZ` (GLn(F)) = Y [L,π] Rep[L,π] Z` (GLn(F)), où le produit est pris sur les classes d’équivalence inertielles de paires (L, π) avec L un Levi de GLn(F) et π une représentation supercupidale irréductible de L sur F` , et Rep[L,π] Z` (GLn(F)) 12 INTRODUCTION est la sous-catégorie pleine de RepZ` (GLn(F)) des objets dont tous les sous-quotients irréductibles ont un support supercuspidal inertiel mod ` donné par (L, π). De plus, les catégories Rep[L,π] Z` (GLn(F)) sont des blocs. Nous noterons que les décompositions de Bernstein et de Vignéras-Helm utilisent de façon cruciale « l’unicité du support supercuspidal ». Cependant, cette dernière n’est pas vraie en général, nous devons donc utiliser une autre méthode pour décomposer RepΛ(G). Dans le cas du niveau 0, Dat propose (voir [Dat18a]) une nouvelle construction des blocs de GLn(F) en utilisant la théorie de Deligne-Lusztig et des systèmes d’idempotents sur l’immeuble de Bruhat-Tits semi-simple (comme dans l’article de Meyer et Solleveld [MS10]). Nous nous appuierons donc sur cette méthode et la généraliserons au cas où G se déploie sur une extension non-ramifiée de F. La correspondance de Langlands locale La correspondance de Langlands locale (conjecturale en général) prédit une correspondance entre les représentations irréductibles de G et des « L-morphismes admissibles » du groupe de Weil-Deligne à valeurs dans LG, le dual de Langlands de G. Ainsi en regroupant les représentations irréductibles de G grâce à des critères portant sur leur paramètre de Langlands, nous devrions pouvoir obtenir des décompositions de RepQ` (G). Nous expliquons ici, quelques résultats que nous pouvons espérer.

 La correspondance de Langlands locale 

Supposons que G se déploie sur F nr, l’extension non-ramifée maximale de F. Notons F une clôture algébrique de F et GF = Gal(F /F) le groupe de Galois absolu de F, WF le groupe de Weil absolu de F et IF le sous-groupe d’inertie. Le groupe Γ := GF /IF est topologiquement engendré par un élément Frob dont l’inverse induit l’automorphisme x 7→ x q sur k. Ainsi F nr = F IF et F = (F nr) Frob. L’action de GF sur G donne une action de Γ sur G(F nr), complètement déterminée par un automorphisme F ∈ Aut(G(F nr)) donné par l’action de Frob. On a alors G = G(F nr) F . Notons Gb le groupe dual de G sur Q` . Soit T un F-tore maximal F nr-déployé et notons X∗ (T) le groupe des caractères de T et X∗(T) les co-caractères. Fixons également un épinglage (G, B, T, {xα}α∈∆). Si γ ∈ GF , alors il existe g ∈ G(F nr) tel que Ad(g)(γB) = B et Ad(g)(γT) = T, ce qui nous permet de définir un morphisme GF → Aut(X∗ (T), ∆, X∗(T), ∆∨). Comme IF agit trivialement cette action se factorise à travers Γ et notons ϑ l’automorphisme induit par F. La dualité entre X∗(T) et X∗ (T) permet d’associer de façon naturelle à ϑ un automorphisme ϑb ∈ Aut(X∗(T), ∆∨, X∗ (T), ∆). Le choix d’un épinglage (Gb , Bb, Tb, {xα}α∈∆) de Gb où Bb est un Borel contenant Tb permet d’obtenir un automorphisme ϑb ∈ Aut(Gb ). On note W0 F = WF n Q` le groupe de Weil-Deligne. Définition. Un morphisme ϕ : W0 F → LG(Q` ) := Gb (Q` ) o hϑbi est dit admissible si 13 1. Le diagramme suivant commute : W0 F ϕ /  LG(Q` )  hFrobi /hϑbi 2. ϕ est continue, ϕ(Q` ) est unipotent dans Gb (Q` ), et ϕ envoie WF sur des éléments semi-simples de LG(Q` ) (un élément de LG(Q` ) est semi-simple si sa projection dans Gb (Q` ) o hϑbi/nhϑbi est semi-simple, où n est l’ordre de ϑb). On note alors Φ(LG) l’ensemble des morphismes admissibles ϕ : W0 F → LG(Q` ) modulo les automorphismes intérieurs par des éléments de Gb (Q` ). 

La correspondance de Langlands locale prédit une application à fibres finies IrrQ` (G) −→ Φ(LG) π 7−→ ϕπ . La correspondance de Langlands locale est connue dans plusieurs cas dont : — les tores (prouvé par Langlands lui-même), — les représentations unipotentes des groupes p-adiques adjoints 

 Les paramètres inertiels 

La correspondance de Langlands devrait être compatible à l’induction parabolique dans le sens suivant : si π est un sous-quotient irréductible d’une représentation induite i G P (σ) alors ϕπ|WF ∼ ι ◦ ϕσ|WF , où ι : LM ,→ LG est un plongement dual à M ,→ G. En particulier, si π et π 0 sont deux représentations irréductibles dans le même bloc de Bernstein, alors on devrait avoir ϕπ|IF ∼ ϕπ0 |IF . Ceci induit donc une décomposition RepQ` (G) = Y φ∈Φ(IF ,LG) Repφ Q` (G) où Φ(IF , LG) désigne l’ensemble des classes de Gb -conjugaison des morphismes continus IF → LG(Q` ) (où Q` est muni de la topologie discrète) qui admettent une extension à un L-morphisme de Φ(LG). Dans le cas de GLn (où l’on a bien la correspondance de Langlands locale ainsi que sa compatibilité à l’induction parabolique) les facteurs Repφ Q` (GLn(F)) sont des blocs et la décomposition précédente est une réécriture du théorème de décomposition de Bernstein. De façon analogue, nous pouvons réinterpréter la décomposition en blocs de VignérasHelm de la façon suivante, RepZ` (GLn(F)) = Y φ∈Φ(I (`) F ,LG) Repφ Z` (GLn(F)) où I (`) F est le sous-groupe fermé maximal de IF de pro-ordre premier à ` et Φ(I (`) F , LG) 14 INTRODUCTION désigne l’ensemble des classes de Gb -conjugaison des morphismes continus I (`) F → LG(Q` ) qui admettent une extension à un L-morphisme de Φ(LG). Remarque. Dans cette thèse, nous nous intéressons à la catégorie de niveau 0. Cela devrait se traduire de la façon suivante en terme de paramètres de Langlands. Soit π une représentation irréductible, alors π ∈ Rep0 Q` (G) si et seulement si ϕπ est modéré, c’est-à-dire que ϕπ est trivial sur l’inertie sauvage. 

Les blocs stables

 Le théorème de décomposition de Bernstein fournit une partition des irréductibles IrrQ` (G) = ts∈B(G) Irrs(G). En supposant vraie la correspondance de Langlands locale, on obtient une autre partition IrrQ` (G) = tϕ∈Φ(LG)Πϕ, où Πϕ est le L-paquet associé au paramètre ϕ. Haines introduit dans [Hai14] la notion de « centre de Bernstein stable » qui permet de comparer ces deux décompositions. Commençons par rappeler la notion de parabolique standard et de Levi standard de LG, définis dans [Bor79] paragraphes 3.3 et 3.4. Fixons des données Tb0 ⊆ Bb0 ⊆ Gb , composées d’un tore maximal et d’un Borel, stables sous l’action du groupe de Galois. On dit alors qu’un sous-groupe parabolique P de LG est standard si P ⊇ LB0. Sa composante neutre P ◦ := P ∩ Gb est alors un sous-groupe parabolique standard de Gb contenant Bb0 et on a P = P ◦ o WF . Soit M◦ l’unique Levi de P ◦ contenant Tb0. Alors M := NP(M◦ ) est un sous-groupe de Levi de P et M = M◦ o WF . Les sous-groupes de Levi de LG construits de cette manière sont appelés standards. Tout sous-groupe de Levi de LG est Gb -conjugué à un Levi standard, et pour M un Levi standard de LG, on note {M} l’ensemble des sous-groupes de Levi standards qui sont Gb -conjugués à M. Soit ϕ : WF → LG un morphisme admissible. L’image de ϕ est alors contenue dans un Levi minimal de LG, bien défini à conjugaison par un élément de CGb (ϕ) ◦ , où CGb (ϕ) désigne le centralisateur de ϕ(WF ) dans Gb (voir [Bor79] proposition 3.6). Notons (ϕ)Gb la classe de Gb -conjugaison de ϕ. Alors ϕ donne lieu à une unique classe de Levi standards {Mϕ} telle qu’il existe ϕ + ∈ (ϕ)Gb dont l’image est contenue minimalement dans Mϕ, pour un Mϕ dans cette classe.

Table des matières

Introduction
La catégorie des représentations lisses
Décompositions en blocs connues
Le théorème de décomposition de Bernstein
Blocs de Vignéras-Helm
La correspondance de Langlands locale
La correspondance de Langlands locale
Les paramètres inertiels
Les blocs stables
La théorie de Deligne-Lusztig
Résultats de cette thèse
Décomposition inertielle
Décompositions grâce aux paires (S, θ)
Interprétation duale de la décomposition associée à ∼∞
Interprétation duale de la décomposition associée à ∼r
Interprétation duale de la décomposition associée à ∼e
Systèmes de coefficients
Vers des `-blocs
Notations
Liste des symboles
1 Décomposition inertielle
1.1 Système cohérent d’idempotents
1.2 Construction d’idempotents
1.2.1 Théorie de Deligne-Lusztig
1.2.2 Construction d’idempotents sur l’immeuble
1.2.3 Systèmes 0-cohérents de classes de conjugaison
1.3 Paramètres de l’inertie modérés
1.3.1 Classes de conjugaison dans G
1.3.2 Classes de conjugaison dans les quotients réductifs des groupes parahoriques
1.3.3 Classes de conjugaison dans un groupe fini
1.3.4 Systèmes 0-cohérents de classes de conjugaison associés aux paramètres de l’inertie modérés .
1.4 Propriétés de Repφ
1.4.1 Lien entre les décompositions sur Z` et Q`
1.4.2 Représentations irréductibles de Repφ
1.4.3 Condition de relevance
1.4.4 Compatibilité à l’induction et à la restriction parabolique
1.4.5 Compatibilité à la correspondance de Langlands
2 Décomposition minimale
2.1 Systèmes cohérents minimaux
2.1.1 Systèmes 0-cohérents minimaux
2.1.2 Clôture transitive
2.1.3 Compatibilité à l’induction et à la restriction parabolique pour les systèmes cohérents
2.2 Décomposition grâce aux paires (S, θ)
2.2.1 Définition de PΛ et construction de PΛ → S
2.2.2 Inclusion dans un système minimal
2.2.3 Paires minimales
2.2.4 Relations d’équivalence sur PΛ
2.2.5 Caractérisation des systèmes de classes de conjugaison 0-cohérents minimaux dans PΛ
2.3 La relation d’équivalence ∼r
2.3.1 Interprétation sur G
2.3.2 Classes de conjugaison rationnelles
2.3.3 Réinterprétation de la relation d’équivalence ∼r
2.3.4 Interprétation en termes duaux
2.3.5 Lien entre Z` et Q`
2.3.6 Compatibilité à l’induction et à la restriction parabolique
2.3.7 Équivalence inertielle sur les paramètres de Weil
2.3.8 Condition de relevance
2.3.9 Classes de conjugaison rationnelles pour les groupes classiques
2.3.10 Compatibilité à la correspondance de Langlands locale
2.4 La relation d’équivalence ∼e
2.4.1 Paramétrisation des classes de ∼e-équivalence dans une classe de ∼r-équivalence
2.4.2 Les groupes Gφ,σ
2.4.3 Le cas quasi-déployé
2.4.4 Décomposition pour une forme intérieure pure
2.4.5 Lien entre Z` et Q`
2.4.6 Compatibilité à l’induction et à la restriction parabolique
2.4.7 Compatibilité à la construction de DeBacker-Reeder .
3 Systèmes de coefficients
3.1 Systèmes de coefficients
3.2 Chemins tendus
3.3 Les applications locales
3.4 Équivalence de catégories
4 Towards `-blocks
4.1 Blocks over
4.2 d-cuspidality
4.2.1 Unipotent `-blocks for finite reductive groups
4.2.2 d-cuspidality for classical groups
4.2.3 d-1-series
4.3 Unipotent `-blocks
4.4 Some decompositions
Annexe
A Rappels sur le groupe dual
B Rappels sur le Frobenius
C Cohomologie des groupes p-adiques
D Quelques isomorphismes sur les tores et leurs duaux

projet fin d'etude

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