Surdicécité, description de la population

Le terme surdicécité est à prendre au sens générique. Il définit toute personne atteinte d’un double déficit sensoriel cumulé de l’ouïe et de la vue, quel que soit leur degré de déficit. Par exemple, une personne atteinte d’une surdité profonde et de malvoyance entrera dans cette population.

Il est important de rappeler que le handicap n’est pas une maladie (bien qu’elle puisse être à l’origine du handicap). Le handicap est la conséquence de l’interaction entre des facteurs personnels (en d’autres termes, les possibilités de chacun) et des facteurs environnementaux. Ce n’est donc pas la personne qui est handicapée, mais la situation qui est handicapante .

De plus, comme nous allons le voir plus loin, chaque personne atteinte d’une surdicécité est différente . Ainsi, nous pouvons dire, vu qu’il y a un type différent de surdicécité pour chaque personne touchée, qu’il y a autant de types de surdicécité que de personnes atteintes par cette double déficience sensorielle. Il est donc important de considérer chaque cas comme étant unique.

Classification, épidémiologie & étiologie

Il n’existe malheureusement pas de statistique Suisse, en raison de la difficulté de recensement des sourdaveugles, généralement hébergés en foyers pour personnes en situation de handicap mental, vivant à domicile ou étant enfermés dans leur propre monde et ainsi, coupés de tout contact. Une autre raison est que la majorité des personnes sourdaveugles sont âgées et hébergées en établissement médico social, dans lesquels les conséquences liées à la surdicécité sont associées à de la démence.

C’est pourquoi les données présentées dans ce chapitre sont basées sur les statistiques européennes faites entre 1970 et 1990. Ces statistiques montrent qu’il y aurait, en moyenne, 20 individus sourdaveugles pour 100’000 habitants. Les chiffres Suisses sont des estimations, basées sur un rapport entre la population européenne et suisse.

En 2010, en Suisse, il y aurait au moins 10’000 personnes touchées par la surdicécité. Ce chiffre est donné par l’Union Centrale pour le Bien des Aveugles (UCBA). Cependant, avec le vieillissement de la population, ces chiffres vont évoluer. En effet, on prévoit que plus de 1’000 personnes seront touchées dans les 10 ans à venir, dont 80% d’entre elles dans la tranche du quatrième âge.

Malgré le fait que chaque individu soit considéré comme unique, une classification a pu être faite, en fonction du moment d’apparition de la déficience. La population des sourdaveugles est donc répartie en quatre groupes. Cette répartition est nécessaire car, en plus des besoins généraux liés à la surdicécité, que nous verrons plus loin, chacun des groupes possède des besoins spécifiques, répondant aux difficultés qui lui sont propres. Le fait de les « classer » permet de se faire une idée plus rapide du type d’accompagnement nécessaire à son développement et au maintien de ses acquis. Ainsi, la répartition se fait comme suit :

Groupe 1 : Les personnes sourdaveugles congénitales, c’est à dire, dès la naissance ou au plus tard avant le développement du langage. La surdicécité peut être conséquente à une rubéole de la mère, enceinte, des syndromes rares et/ou une grande prématurité. Ce groupe représente, au niveau Européen, 15% de la population totale des sourdaveugles (GAY- TRUFFER, F., 2007). En Suisse, cela représenterait 214 personnes (UCBA, 2011).

L’enfant sourdaveugle congénital est privé de l’apprentissage et des interactions sociales dont il a besoin pour se développer de manière optimale. La compréhension de l’environnement est impossible, sauf par contact physique direct ou grâce à un lien extérieur (généralement un adulte) qui pourra mettre du sens sur ce qui est touché. Qu’il y ait ou non un autre handicap, l’enfant aura un retard de développement : « Sans l’aide de spécialistes du domaine, ces enfants ont peu de chance de se développer. Intégrés dans des structures destinées aux personnes handicapées mentale ou polyhandicapées, ils vont développer un surhandicap et des troubles graves du comportement apparaissent. » (GAY-TRUFFER, F., 2007) .

Groupe 2 : Les sourds qui deviennent aveugles, donc perdant la vue subitement ou progressivement, en raison d’un syndrome d’Usher ou d’une rétinite pigmentaire , par exemple. Ce groupe représente, au niveau Européen, 35% de la population totale des sourdaveugles (GAY-TRUFFER, F., 2007). En Suisse, cela représenterait entre 285 et 428 personnes (UCBA, 2011).

Le sourd devenant aveugle, contrairement au premier groupe, est déjà habitué à l’utilisation de la langue des signes française (LSF), par exemple ou à d’autres modes de communication. Cependant, lorsque le déficit visuel apparaît, l’accès à la communication se complique. Il n’a pas appris de méthodes comme le braille ou des techniques de locomotions, n’en ayant pas eu besoin jusque-là. Il doit donc apprendre – ou réapprendre – la LSF de manière adaptée à sa perception sensorielle afin de préserver – ou de développer – son autonomie.

Groupe 3 : Les aveugles devenant sourds, donc perdant l’ouïe subitement ou graduellement (perte accidentelle au cours de la vie). Ce groupe représente, au niveau Européen 5% de la population totale des sourdaveugles (GAY-TRUFFER, F., 2007). En Suisse, cela représenterait environ 70 personnes.

L’aveugle a appris le langage oral et généralement le braille. S’il est touché par une surdité en plus de sa cécité, la communication et les échanges d’informations deviennent compliqués. Il peut utiliser l’écriture braille ou le Lorm (alphabet correspondant à des points de contact sur les doigts et la paume de la main). « L’apprentissage de la LSF (Langue des Signes Française) tactile reste le moyen le plus pratique et le plus rapide pour communiquer […]. Cet apprentissage est long, il donne pourtant de bons résultats. Une réadaptation doit être faite car les aveugles ont été formés à toucher pour reconnaître les objets et non à toucher pour communiquer des idées. Dans cette situation, ils sont souvent mal à l’aise et présentent souvent une difficulté majeure au contact du toucher d’une autre personne. » (GAY- TRUFFER, F., 2007) .

Groupe 4 : Les personnes devenant sourdaveugles à la suite d’un traumatisme ou d’un accident grave, d’une dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA ) ou d’une hypoacousie. Ce groupe représente, au niveau Européen, 45% de la population totale des sourdaveugles (GAYTRUFFER, F., 2007). En Suisse cela représenterait entre 8’913 et 213’900 personnes (UCBA, 2011). « Ce groupe touche surtout les personnes âgées. Il s’agit du plus grand groupe ayant un double déficit sensoriel. La personne âgée ayant déjà dû s’adapter à une perte de statut (mise à la retraite, maladie, perte du conjoint, perte d’indépendance physique), éprouve de grandes difficultés psychologiques lorsqu’elle perd la vue et l’ouïe. Elle a particulièrement besoin d’accompagnement humain dans les  .

Table des matières

1 . Introduction
1.1 Motivations personnelles et professionnelles
1.2 Question de recherche
1.3 Conceptualisation de la question
1.4 Objectifs de recherche
2 . Cadre théorique
2.1 Surdicécité, description de la population
2.1.1 Classification, épidémiologie & étiologie
2.2 Surdicécité, regard théorique
2.2.1 Appareil auditif
2.2.1.1Surdité
2.2.2 Appareil visuel
2.2.3 Rétinopathie pigmentaire
2.2.3.1Vision tubulaire
2.2.3.2Scotome central
2.2.3.3Taches visuelles
2.2.3.4Dégénérescence maculaire liée à l’âge
2.2.4 Syndrome d’Usher, une pathologie type de la surdicécité
2.2.5 Besoins conséquents à la surdicécité
2.2.5.1Accès à l’information
2.2.5.2Accès à la mobilité
2.2.5.3Accès à la communication
2.2.6 Guide-interprète – une solution efficace
2.3 Humanitude
2.3.1 Comportements d’agitation pathologique
2.3.1.1Paradoxe de la relation
2.3.1.2Prévention des comportements d’agitation pathologique
2.3.1.3Mise en humanitude
2.3.1.4Canaux de mise en humanitude
2.3.2 Les besoins dans l’Humanitude
2.3.3 Conclusion
2.4 Le Moi-peau
2.4.1 La peau
2.4.2 L’idée du Moi-peau
2.4.3 Développement du Moi-peau
2.4.4 Fonctions du Moi-peau
2.4.5 Développement pathologique
2.4.6 Le Moi-peau chez une personne sourdaveugle
2.4.6.1Le pack
2.4.7 Conclusion
2.5 Concept de soi
2.5.1 Modèle expérientiel-développemental du concept de soi
2.5.1.1Prémisses du développement
2.5.1.2Soi Matériel
2.5.1.3Soi Personnel
2.5.1.4Soi Adaptatif
2.5.1.5Soi Social
2.5.1.6Soi-Non-Soi
2.5.2 Conclusion
3 . Problématisation
3.1 Question de recherche
3.1.1 Hypothèses
4 . Démarche méthodologique
4.1 Terrain de recherche
4.2 Population ciblée
4.3 Échantillon
4.4 Approche qualitative semi directive
4.4.1 Commentaires quant au déroulement des entretiens
5 . Analyse des données collectées
5.1 Entrée en relation
5.2 Gestion de crises
5.3 Bien-être du résidant
5.4 Développement de la personne sourdaveugle congénitale
6 . Conclusion

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