Transformations des politiques de recherche en Europe

Transformations des politiques de recherche en Europe

Dans un grand nombre de pays européens, on assisterait ces dernières années à un changement « paradigmatique » des politiques menées par les pouvoirs publics dans le domaine de l’encouragement de la recherche (Senker, 1999 ; Larédo, Muster, 2001). Ces transformations ont été catégorisées de différentes manières : « strategic science », « mode 2 », « new managerialism », « new public management », « triple helix » etc. (Gibbons, et al., 1994 ; Etzkowitz, Leydesdorff, 1997; Rip, 1997; Braun, 1998a; 1998b). Ces différentes catégories renvoient autant aux modalités d’intervention étatique qu’aux pratiques de recherche. Le propos ici n’est pas d’alimenter ce débat en (re)qualifiant un changement, mais plutôt de rendre compte empiriquement des éventuels changements intervenus dans les politiques de recherche retenues ici (Suisse, Allemagne, France). Les questions que nous souhaitons aborder sont les suivantes : dans quelle mesure et sous quel aspect assiste-t-on à une transformation des politiques de recherche dans les pays étudiés ? Dans quelle mesure et pour quelle(s) raison(s) observe-t-on des différences entre ces pays ? Au-delà des discours sur la science et sur les politiques de recherche, on peut se poser la question des transformations matérielles intervenues au sein des politiques de recherche européennes. En d’autres termes, il s’agit de savoir si ces (méta)discours sur la science se sont objectivés au sein des institutions d’encouragement de la recherche. Et dans la mesure où l’on assiste à un tel changement, il convient encore de préciser la forme qu’il prend. En effet, en raison de la forte différenciation et spécialisation du champ dans lequel la recherche est encouragée, on peut poser l’hypothèse que ces discours s’objectiveront de manière différente en fonction des intérêts en présence et des rapports de force entre les acteurs du champ. C’est la raison pour laquelle l’analyse se concentre sur trois « dimensions » des politiques de recherche : les agences de moyens, les instruments de financement de la recherche et l’organisation de la recherche.

Convergence, divergence

Le rôle accru de la recherche dans les rapports de production économiques et sociales est l’un des premiers facteurs de convergence que l’on peut avancer, notamment au niveau de la place et du rôle attribué aux politiques publiques menées dans le cadre de ces rapports (économiques et sociaux). En effet, l’économie de la connaissance semble être désormais la réponse aux problèmes de stagnation économique (Foray, 2000 ; Jessop, 2001). De plus, on assiste depuis quelques années à l’institutionnalisation d’une recherche européenne, que ce 37 soit par la création politique d’un espace européen de la recherche, l’accroissement des programmes européens de recherche (également dans le domaine des sciences sociales) et le financement de réseaux européens d’excellence (NoE). Cette institutionnalisation conduirait à une harmonisation des pratiques de financement (p.ex. sur la question des critères d’évaluation de projets de recherche) et des pratiques de recherche (p.ex. au niveau de l’organisation de la recherche – travail en réseaux – ou de la construction de la légitimité des objets de recherche). Cette harmonisation des pratiques d’encouragement de la recherche pourrait s’accentuer par le biais d’organismes supra-nationaux telle que la Fondation européenne de la science où différents organes de politiques de recherche se rencontrent dans le but de partager des expériences nationales et de les diffuser. Les pratiques de l’OCDE peuvent également constituer un facteur d’harmonisation des politiques nationales de recherche dans la mesure où cet organisme produit non seulement des évaluations (p.ex. avec la mention des forces et des faiblesses d’un pays, selon des critères – « benchmark » – qu’elle a elle-même produit), mais valorise également ce qu’elle appelle des « best practices » nationales. Ce travail de normalisation peut donc ne pas être sans effet sur les mesures prises par les acteurs des politiques de recherche nationales.

Comparaison internationale

Les trois pays retenus participent directement ou indirectement à l’institutionnalisation d’une politique scientifique européenne pouvant conduire à la mise en place de mêmes réformes, de mêmes pratiques d’encouragement de la recherche. Néanmoins, ces pays se différencient tant au niveau de leur économie nationale que de leur système et institutions politiques (jacobin et centralisateur d’un côté, fédéraliste et décentralisé de l’autre). Ces différenciations « institutionnelles » nous permettront de mettre à l’épreuve nos thèses sur le poids des idiosyncrasies nationales comme facteurs de divergences. La comparaison des trois politiques de recherche se base sur la méthode de l’étude de cas. Dans cette perspective méthodologique, l’un des designs de recherche possible est celui de l’étude contextualisée de cas multiples intégrés (« multiples, embedded case studies »). Le but de cette méthode est de comparer plusieurs cas afin de détecter non seulement des logiques communes, mais également d’observer le poids de certains facteurs sur l’action publique (Yin, 1994). Notre comparaison internationale repose sur les trois dimensions des politiques de recherche retenues (les agences de moyens, les instruments de financement et l’organisation de la recherche).

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