Une méthode d’évaluation environnementale pour la réhabilitation des friches industrielles

Dans les processus d’urbanisation des communautés durables, les parties prenantes, dès les premières phases d’expansion de la ville, développent des formes d’aménagement innovatrices du territoire. La revitalisation des friches urbaines représente une opportunité intéressante au développement de ce type de projets. Toutefois, le défi est de trouver une manière de concilier les attentes et les objectifs de la ville, des investisseurs, des habitants et des organismes locaux. La revitalisation des friches industrielles s’inscrit de plus en plus dans la volonté des villes de densifier les activités sur leur territoire afin d’une part, d’augmenter la valeur foncière de ces terrains et donc de ses revenus et d’autre part, de réduire l’étalement urbain. La volonté de diminuer les distances de déplacement domiciletravail vise à réduire les temps de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, notamment par une utilisation accrue des transports en commun et à contribuer à la préservation des terres agricoles en périphérie des villes (Hyra, 2012, 2015).

Selon une estimation de l’Environmental Protection Agency (EPA, 2004) des États Unis, il y a environ 450 000 friches industrielles, alors que la US Conference of Mayors (2006) avance plutôt le chiffre à 600 000 sites. Au Canada, il y a environ 35000 sites contaminés selon la Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie (NRTEE, 2003). La plupart de ces sites sont localisés dans les agglomérations urbaines de Montréal, Toronto et Vancouver (De Sousa, 2003). Le réaménagement de ces espaces est une tâche complexe en raison des effets induits sur les interactions avec les services et fonctions offerts par les milieux urbains auxquels ils se connectent. De nouvelles zones industrielles et entrepreneuriales sont créées en conformité avec les politiques visant à attirer les investissements privés à l’aide d’incitatifs pour les petites et moyennes entreprises (De Sousa, 2006). Cependant, il existe une certaine réticence à revitaliser ces espaces qui est causée par l’inertie des instances publiques locales et les différents paliers gouvernementaux à initier des processus de réaménagement, en raison du faible niveau de compréhension et d’acceptation des approches participatives et collaboratives nécessaires dans la conduite de projets complexes (Tonin, 2014). L’implication des parties prenantes est essentielle pour définir des stratégies de revitalisation des friches industrielles et pour réconcilier ces stratégies avec celles de la ville.

Les approches utilisées pour la prise de décision par les municipalités qui visent l’implication des parties prenantes préconisent une utilisation plus efficace des terres et misent sur l’amélioration des modes de transport autant au niveau de la fiabilité du service, du confort des usagers que de la diversité de l’offre de transports disponibles pour les déplacements (Cundy et al., 2013; Greenberg & Lewis, 2000; Luederitz, Lang, & Von Wehrden, 2013; Moussiopoulos, Achillas, Vlachokostas, Spyridi, & Nikolaou, 2010). Elles sont complémentaires, au sens où chacune met l’accent sur l’une des problématiques comme l’accessibilité, les activités économiques, le transport, les ressources environnementales, les relations entre les personnes et les politiques de logements, à savoir la capacité d’une ville à offrir à ses habitants des biens et des services et des activités en fonction de leurs besoins. Autrement dit, aucune des approches n’englobe toutes ces problématiques à la fois (Nijkamp, Rodenburg, & Wagtendonk, 2002; Pediaditi, Doick, & Moffat, 2010). Une caractéristique commune de toutes ces approches est de transformer le processus du développement des nouveaux quartiers ou de réaménagements des friches industrielles (Ng, Cook, & Chui, 2001; Turcu, 2013), par la conception de nouvelles approches d’aide à la décision (Marsal-Llacuna & Segal, 2017). Plusieurs d’entre elles sont fondées sur des principes généraux applicables dans différents contextes (Moussiopoulos et al., 2010; Pediaditi et al., 2010; Sardinha, Craveiro, & Milheiras, 2013). En outre, les méthodes d’évaluation les plus couramment utilisés (BREEAM, 2015; CASBEE-UD, 2014; LEED-ND, 2015; SBTool, 2004) ne sont pas tous équivalents ils ont une structure complexe et ne fournissent pas les résultats attendus dans l’analyse des projets de friches industrielles (Cappai, Forgues, & Glaus, 2016).

La recherche présentée dans cette thèse tout d’abord analyse les outils d’évaluation existants afin de relever et identifier les points forts et les points faibles de chacun pour ensuite proposer une série d’indicateurs locaux qui seront utilisés dans un outil d’évaluation, c’est-àdire, une approche méthodologique pouvant être utilisée dans des projets de revitalisation des friches industrielles.

Évolution des villes 

Avant le développement de l’automobile qui a transformé les villes et les métropoles contemporaines, la ville de l’époque préindustrielle a d’abord été bâtie à l’échelle des piétons et des chevaux. Ce n’est que par la suite, avec le développement du train, et plus tard du tramway, que nous avons eu des formes urbaines et métropolitaines particulières (Clark, 2010; Anne Henry, 2012). Le constat est que les grandes avancées techniques ayant marqué l’histoire de l’industrie ont eu des conséquences sur l’évolution de la ville. En effet, l’évolution des axes de communication, la mécanisation des procédés de fabrication et l’électrification des villes et des transports ont permis un développement sans précédent (Anne Henry, 2012). Avec ce concept d’urbanisme moderne, qui préconisait de diviser la ville par fonction, des nouveaux modes de transport, notamment l’automobile individuelle, l’aspiration collective à des environnements moins urbains, la croissance économique et l’accès à de l’énergie en abondance et à bon marché sont d’importants facteurs qui ont favorisé par la suite la généralisation et l’application de la pensée moderniste. La division de la ville par fonction a causé des problèmes environnementaux et socioéconomiques à cause de l’expansion territoriale exagérée et la dépendance envers l’automobile. Encore aujourd’hui les villes sont dépendantes de l’utilisation de l’automobile, elles sont développées en districts monofonctionnels et les équipements et les services sont axés sur l’utilisation de la voiture individuelle (Hyra, 2015; Ewing et coll., 2016).

L’aménagement du territoire par les municipalités et les lois visant à aider les urbanistes ne laissent aucune marge de manœuvre aux autorités chargées de l’aménagement urbain pour permettre une utilisation durable des territoires. En effet, même si les villes sont orientée à l’utilisation des méthodes participatives, ses lois et règlements sont très rigide surtout dans les zones des sites industriels abandonnés à cause de leur passé. Cette rigidité est inadaptée à la nouvelle réalité urbaine, tant au niveau d’arrondissement que des zones où les nouveaux défis du développement durable peuvent être mis en place, ce qui pourrait favoriser la combinaison d’activités dans une perspective de complémentarité (Maciocco, 2008). En réalité, le manque de planification stratégique a contribué à la séparation exagérée et artificielle des diverses fonctions sur le territoire, ce qui a eu pour conséquence de contribuer à l’expansion urbaine c’est-à-dire à l’étalement urbain (Hyra, 2015).

Impacts environnementaux

Comme l’affirment Hyra (2015), Chen (2014) et Bramley & Power, (2009), la prise en compte des impacts environnementaux dans le cadre de la planification du territoire est nécessaire pour réduire: (1) l’étalement urbain et la perte de zones agricoles et forestières et (2) la transformation des zones naturelles en zones construites, que ce soient des bâtiments, des routes, des voies de chemin de fer, des parcs urbains, etc.. Bramley et Power (2009) ainsi que Holden (2013) suggèrent pour répondre à ces enjeux, que la planification des territoires urbains doit prendre en considération les terrains vacants ainsi que les espaces « abandonnés » qui sont présents sur le territoire urbain dans le but d’une réappropriation de ces friches afin de densifier et améliorer leur statut environnemental.

La construction, mais surtout l’exploitation du bâtiment (eau, éclairage, chauffage, entretien), entraîne la consommation de près de la moitié de l’énergie produite dans le monde. Le secteur du bâtiment et de la construction est l’un des secteurs les plus concernés par les enjeux environnementaux. Le secteur de la construction, selon une étude conduit par Deshayes (2012), est un des secteurs qui consomme le plus d’énergie. En effet, au niveau mondial, elle en consomme environ 37%. Les activités humaines concentrées dans les villes en influencent le développement génèrent plusieurs sources de pollution. En outre, ces activités sont accompagnées par la consommation excessive des ressources naturelles qui peut apporter des problèmes pour la population locale et pour l’environnement (Giaccone, 2017). En même temps, les villes dépendent de leurs écosystèmes pour maintenir les conditions de vie à long terme, la santé, la sécurité, de bonnes relations sociales, et d’autres aspects du bien-être humain (GómezBaggethun & Barton, 2013). Ainsi l’augmentation de la consommation sur le territoire, amplifiée par la libéralisation du commerce et des échanges non contrôlés, a non seulement accéléré l’épuisement des ressources naturelles en encourageant les villes à dépasser leurs limites locales mais, en plus, elle a contribué à l’augmentation des impacts environnementaux (Wackernagel & Rees, 1998).

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 ÉTAT DES CONNAISSANCES
1.1 Évolution des villes
1.2 Impacts environnementaux
1.3 Traces de l’industrie en milieu urbain
1.4 Reconversion des friches industrielles en quartiers durables : Exemples en Europe et Amérique du Nord
1.5 Outils d’évaluation et d’aide à la décision
1.6 Choix des indicateurs : une démarche vers des indicateurs locaux
CHAPITRE 2 DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
2.1 Principes généraux
2.1 Stratégie de recherche
2.2 Collecte des données
2.2.1 Étude de cas 1 : Le projet de réhabilitation du canal Lachine-TurcotPetite Bourgogne
2.2.2 Étude de cas 2 : L’application de l’outil d’évaluation CASBEE-UD intégré avec des indicateurs locaux à quatre arrondissements de la ville de Montréal
2.3 Lien entre les objectifs spécifiques de la recherche et les articles
2.4 Présentation de la contribution des articles de journal et de conférence
2.4.1 Article 1 – L’intégration d’indicateurs socio-économiques dans l’outil d’évaluation CASBEE-UD : une étude de cas
2.4.2 Article 2 – Des indicateurs socio-économiques pour une évaluation ex post d’une friche industrielle : une étude de cas
2.4.3 Article 3 – Une approche méthodologique pour l’évaluation d’un projet de réhabilitation d’une friche industrielle
2.4.4 Article de conférence 1 (Annexe I) – L’intégration des aspects environnementaux et socio-économiques dans un outil d’évaluation d’un projet de réaménagement urbain
2.4.5 Article de conférence 2 (Annexe II) – Réduire les impacts de l’environnement bâti par l’intégration d’indicateurs socio-économiques locaux dans les outils d’évaluation
CHAPITRE 3 THE INTEGRATION OF SOCIO-ECONOMIC INDICATORS IN THE CASBEE-UD EVALUATION SYSTEM: A CASE STUDY
3.1 Abstract
3.2 Introduction
3.3 Aim of the Study and Justifications for Using the CASBEE-UD Assessment Tool
3.4 Scope of the Study
3.5 Evolution of the Evaluation Systems
3.6 Weaknesses of these Evaluation Systems
3.7 Research Design
3.8 The Analytic Hierarchy Process (AHP)
3.8.1 Prioritization of Indicators by Importance
3.8.2 Comparison of Indicators by Importance
3.8.3 Determining the Weights Associated with Each Indicator
3.8.4 Verification of the Consistency of the Result
3.8.5 Aggregation of Indicators
3.9 Results
3.9.1 Study Context
3.9.2 Step 1: Search for Independent Variables
3.9.3 Step 2: Hierarchization of Socio-Economic Variables
3.9.4 Step 3: Integration and Application of the Two Tools to the Territories
3.10 Discussion
3.11 Conclusions
CHAPITRE 4 SOCIO-ECONOMIC INDICATORS FOR THE EX-POST EVALUATION OF BROWNFIELD REHABILITATION: A CASE STUDY
4.1 Abstract
4.2 Introduction
4.3 Brownfields: Theoretical Knowledge and Practical Experience
4.4 Methodology
4.5 Case Study: Industrial Wasteland of Canal Lachine-Turcot-Petite Bourgogne (Montréal, Quebec, Canada)
4.6 Discussion
4.7 Proposal for an Evaluation Tool for Decision-Making in Urban Projects
4.8 Alignment with Other Theories and Works
4.9 Conclusions
CHAPITRE 5 A METHODOLOGICAL APPROACH FOR EVALUATING BROWNFIELD REDEVELOPMENT PROJECTS
5.1 Abstract
5.2 Introduction
5.3 Awareness of brownfield rehabilitation
5.3.1 Stakeholder Input into Decision-Making
5.4 Proposed Methodological Approach
5.4.1 Stakeholders Identification (first step)
5.4.2 Identification of Dimensions and Thematic Fields and Identification of Indicators in their Dimensions (second step)
5.4.3 Classification and Integration of Indicators in a Methodological Framework (Third Step)
5.5 Construction of the methodological approach (Analysis Results)
5.5.1 Identification Indicators and Stakeholders’ Positioning
5.5.2 Integration of Indicators into Dimensions
5.6 Discussion
5.6.1 Alignment with Other Theories and Works
5.7 Conclusions and Future Work
CHAPITRE 6 DISCUSSION
CHAPITRE 7 CONCLUSION

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