Une permanence fonctionnelle constitutionnellement liée à la désacralisation des pouvoirs internationaux du Roi

Une permanence fonctionnelle constitutionnellement liée à la désacralisation des pouvoirs internationaux du Roi

« Le ministre des Affaires étrangères, quel est- il ? C’est un MONTMORIN, qui, il y a un mois, quinze jours, vous répondait, se faisait caution que le Roi adorait la Constitution. C’est à ce traître que vous abandonnez vos relations extérieures, sous la surveillance de qui ? du Comité diplomatique, de ce Comité où règne un d’ANDRE et dont un de ses membres me disait qu’un homme qui n’était pas un traître à sa patrie ne pouvait y mettre le pied. » [Maximilien de ROBESPIERRE (député d’avril 1789 à septembre 1790 et septembre 1792 à juillet 1794)]597 275. La fin du XVIIIème siècle s’annonce sous de mauvais auspices pour la fonction de ministre français des Affaires étrangères. « Malheur aux souverains qui veulent asservir un peuple insurgent, scande ainsi le harangueur des foules, Camille DESMOULINS. Jusqu’ici ce sont nos rois qui ont fait nos traités ; que les peuples fassent enfin leurs alliances eux- mêmes »598. Le révolutionnaire Pierre Hubert ANSON précise son propos 599: « (…) Si vous remarquez que je place le dernier [ministère] celui des secrétaires d’État qui est chargé des affaires extérieures, cela pourra paraître surprenant à ceux qui, habitués à lui voir tenir autrefois le premier rang, ne peuvent perdre le respect qu’ils ont conçu pour cette politique que l’on mettait, autrefois au nombre des connaissances supérieures. La raison la fait descendre de plus en plus à la place qu’elle doit occuper, c’est-à-dire bien après l’administration intérieure de l’empire, de laquelle dépend véritablement la félicité de ses habitants. »600. Dans les faits, son titulaire doit mener ce qui se présente, sans doute, comme les négociations les plus périlleuses de son histoire. Elles s’emploient à inscrire le passage de la diplomatie de l’Ancien Régime à celle de la République dans un cadre institutionnel et fonctionnel aussi serein que puisse permettre l’instabilité politique ambiante.

initiative malencontreuse du ministre des Relations extérieures Armand MONTMORIN DE SAINT-HEREM (16 juillet 1789 – 31 octobre 1789), prise dans le contexte de la « révolution » brabançonne (1787-1790) que soutient alors farouchement DESMOULINS. La majorité de l’Assemblée, pour sa part, ne souhaite pas s’y associer dans le souci de préserver une entente cordiale avec l’Autriche qui sera en butte à de graves mouvements insurrectionnels dans ses territoires des Pays-Bas. C’est donc en toute bonne foi qu’en ce 17 mars 1790, le ministre informe les députés de la réception d’une lettre prétendument envoyée par un agent du peuple brabançon. Le Roi et MONTMORIN ayant fait le choix de ne pas prendre connaissance de cette dépêche, le ministre demande que l’Assemblée en fasse de même. La réaction de Camille DESMOULINS ne se fait pas attendre et est à l’image de sa puissante harangue du 12 juillet 1789 : « De quelle gloire, s’exclama t-il, cette séance peut couvrir le nom français ! Les Américains, les Français, les Anglais, les Brabançons, sont frères (…) », [in DESMOULINS (C.), Révolutions de France et de Brabant, et des royaumes qu,i demandant une assemblée nationale et arborant la cocarde, mériteront une place dans ces fastes de la liberté, Tome I, novembre 1789, p. 131 ; cité in MASSON (F.), Le département des Affaires étrangères pendant la Révolution, 1787-1804, Éd. Plon et Cie, 1877, p. 74].

voisines a incité les révolutionnaires à tempérer l’ « Esprit du siècle » en matière de politique étrangère. Cette stratégie de conciliation les amène à articuler la gestion de la politique étrangère autour de deux objectifs en apparence contradictoire : pour garantir la pérennisation des alliances conclues sous l’Ancien Régime – et partant, assurer la continuité des relations internationales de la France nouvelle – ils conservent à Louis XVI son autorité politique en matière internationale ; mais dans l’intérêt de la nation, l’Assemblée introduit un mécanisme tout à fait novateur en matière de politique diplomatique : le contrôle de l’exercice des pouvoirs de guerre et de paix de l’Exécutif par les députés. Cependant, au lendemain de la prise de la Bastille, la nature et l’étendue de ce contrôle demeurent, encore indéterminées : sera-t-il d’ordre politique ? Informatif ? La réponse à ces questions nécessite une clarification préalable du statut constitutionnel des différents acteurs politiques. encore de souveraineté. Ils ne sont pas davantage les mandataires de la nation-personne, qui serait titulaire de la souveraineté. On ne peut non plus voir en eux les organes d’une personne une et collective, l’État »[(DUGUIT (L.), L’État, les gouvernants et les agents, Éd. Albert, 1903, p. 361]. « Quels qu’ils soient, affirme t-il, ils n’ont (…) qu’un pouvoir objectif, pouvoir d’une volonté individuelle, et toutes les règles du droit positif relatives aux gouvernants doivent reposer sur ces deux idées : il n’y a d’autre volonté politique que la volonté individuelle des gouvernants ; cette volonté individuelle des gouvernants est investie d’un pouvoir objectif, qui doit être réglementé et sanctionné par le droit. » (Op. cit., pp. 361-362). L’existence de « gouvernants par représentation » procède, selon Léon DUGUIT, de l’institutionnalisation de l’« État moderne » (Op. cit., p. 362). De ce point de vue, son analyse conforte, au plan conceptuel, notre découpage chronologique faisant de la Révolution de 1789, le point de départ de la modernisation de la fonction monarchique de ministre des Affaires étrangères.

 

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