Usages de la technologie dans des conditions ordinaires

Usages de la technologie dans des conditions ordinaires : le cas de la géométrie dynamique au collège.

HYPOTHESES

Notre vision des difficultés de l’intégration des technologies n’est pas celle d’un corps enseignant qui résisterait par conservatisme ou à cause d’une conception « transmissive » de l’enseignement supposée incompatible avec l’usage des technologies. Nous rejoignons en cela Ruthven et Hennessy (2002, p. 48) qui ont été les premiers à questionner la crédibilité d’études de l’enseignant utilisateur des Technologies d’Information et de Communication pour l’Enseignement (TICE) basées sur une dichotomie entre profils d’enseignants « transmissive » et « constructiviste » et à montrer la nécessité d’approches plus fines. Nous partons de l’observation que des usages des technologies pour l’enseignement, même avec un degré d’intégration faible, impliquent pour l’enseignant des efforts et des difficultés sur le plan didactique et sur le plan de la gestion de ses moyens d’enseignement. L’enseignant usager est en effet confronté à l’obsolescence des praxéologies auxquelles il avait recours sans la technologie (Lagrange 2000, p. 25), il doit adapter ses stratégies d’enseignement et il doit assurer une gestion plus complexe.
Il s’agit d’efforts importants. Pour un innovateur ou dans le cadre d’une expérimentation, ils sont motivés par l’intérêt de la nouveauté ou de la recherche et n’ont pas à être assumés sur le long terme. En revanche, de la part d’enseignants usagers auxquels nous nous intéressons, ces efforts ne peuvent se justifier que si la technologie est vue comme susceptible d’aider à la réalisation de souhaits ou d’aspirations concernant leur pratique d’enseignement. Nous considérons par conséquent que ces enseignants ont certaines « attentes » vis-à-vis de la technologie. Notre hypothèse est que ces attentes sont marquées par des préoccupations vis-à-vis de l’exercice du métier d’enseignant, davantage que par une réflexion didactique sur les outils informatiques. Pour valider cette hypothèse nous allons chercher à mettre en évidence un écart entre les potentialités découlant de cette réflexion et les avantages que l’enseignant attend des usages. Nous faisons deux hypothèses plus spécifiques sur cet écart. La première porte sur les discours relatifs aux usages de la technologie, ceux de la recherche, des instructions officielles et des manuels. Ces discours « noosphériens » sont supposés orienter les usages, mais ils en sont aussi partiellement le reflet, les manuels ne pouvant par exemple proposer des usages trop en rupture avec les pratiques dominantes. Ils sont donc un matériau pour l’analyse des usages, notamment en ce qui concerne les rôles respectifs de l’analyse didactique et des attentes. Le discours de la recherche privilégie l’analyse didactique alors que les manuels prennent nécessairement en compte les attentes de l’enseignant, les instructions officielles occupant une position intermédiaire. Des décalages successifs doivent pouvoir s’observer d’un discours à l’autre, permettant de bien caractériser l’écart entre potentialités et attentes. La seconde hypothèse est que, comme les enseignants usagers voient les apports des outils informatiques en fonction d’attentes qui se situent sur un plan pédagogique général, ils prennent peu en compte les effets et contraintes proprement didactiques de ces outils, ce qui va entraîner des difficultés de mise en œuvre et donc être à l’origine d’un décalage entre leurs attentes et la réalisation effective. Robert et Rogalski (2002) considèrent que les pratiques des enseignants sont complexes au sens de non réductibles à la somme de leurs composantes. La technologie ajoute une composante interagissant avec les composantes existantes et les difficultés qui en résultent sont des indices d’une complexité nouvelle, et que leur l’analyse doit permettre de mieux comprendre.

OUTILS THEORIQUES

Un premier outil théorique nous sera utile pour caractériser le fonctionnement des attentes des enseignants. Dans la continuité des préoccupations exposées ci-dessus, Ruthven et Hennessy (ibid.) ont élaboré ce qui constitue pour nous un modèle des attentes. A partir d’interviews d’enseignants, ils ont identifié dix thèmes opérationnels. Ces thèmes s’organisent sur 3 niveaux, le premier étant constitué d’apports supposés de la technologie, le troisième d’aspirations générales des enseignants indépendantes de la technologie. Entre ces deux niveaux, certains thèmes apparaissent comme des conséquences des apports de la technologie et font le pont avec les aspirations des enseignants. Ruthven et Hennessy ont dégagé par une analyse statistique des liens privilégiés entre thèmes, ce qui constitue ce que dans la suite nous appellerons le modèle RH. Le schéma 1 donne les thèmes (traduits par nous) et les liens les plus significatifs. Pour nous, ce modèle rend compte des attentes des enseignants vis-à-vis de la technologie, de la façon dont ces attentes s’articulent entre elles et dont elles sont liées aux potentialités de la technologie, mais aussi à des aspirations plus générales de l’enseignant quant aux conditions de l’apprentissage en classe. Notre projet est d’utiliser ce modèle pour rendre compte des attentes d’enseignants individuels et de leur activité en classe.

Cours gratuitTélécharger le cours complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *