Variabilité intraspécifique chez les espèces invasives 

Variabilité intraspécifique chez les espèces invasives 

Biodiversité et fonctionnement des écosystèmes 

Evaluer la biodiversité pour mieux appréhender le fonctionnement des écosystèmes 

Un des objectifs majeurs de l’écologie est de comprendre le rôle de la biodiversité dans la dynamique de l’énergie et de la matière et dans les cycles des éléments au sein des écosystèmes. Les organismes régulent les processus écologiques (e.g., cycle des nutriments, production de biomasse, décomposition de la matière, flux trophiques) et contribuent à la stabilité des écosystèmes (e.g., résistance aux perturbations). Traditionnellement, la biodiversité est évaluée selon une approche « espèce-centrée » basée sur le calcul d’indices de diversité prenant en compte la richesse spécifique et l’abondance relative des espèces au sein des communautés (Fig. I.1). Cette diversité peut contrôler le fonctionnement des écosystèmes au travers d’effets de sélection d’espèces importantes et l’établissement de complémentarité entre espèces dans l’utilisation des ressources et de l’espace (Loreau & Hector 2001). Cependant, un nombre grandissant d’études a révélé que les changements de richesse spécifique n’ont pas toujours d’impacts forts sur les processus fonctionnels étudiés (Hooper et al. 2005, Reiss et al. 2009). Ceci s’explique par le fait que, au sein de communautés riches, plusieurs d’espèces peuvent jouer le même rôle, l’une pouvant se substituer à l’autre en cas d’extinction (Walker 1992). Cette redondance fonctionnelle ainsi que l’importance des espèces dans les écosystèmes sont largement déterminés par les caractéristiques biologiques (e.g., taille du corps, morphologie, régime trophique, mode de locomotion) et l’écologie des organismes (niche écologique) (Tilman et al. 1997, Loreau et al. 2001, Hooper et al. 2005, Griffin et al. 2009; Fig. I.1). Par conséquent, notre compréhension du fonctionnement d’un écosystème doit se baser sur l’utilisation d’approches « trait-centré » qui permettent une meilleure évaluation des fonctions remplies par les espèces constituant le système (Mouillot et al. 2013).

 Composante intraspécifique de la biodiversité 

Les études se référant à la diversité fonctionnelle comme mesure de la biodiversité se sont principalement focalisées sur la valeur moyenne des traits des espèces ou au mieux des populations. Ces études ont donc considéré les individus d’une même espèce comme étant écologiquement similaires, négligeant ainsi la présence de variabilité phénotypique au sein ou entre les populations d’une même espèce (Bolnick et al. 2011, Violle et al. 2012; Fig. I.3). En effet, des individus peuvent diverger selon de nombreux aspects comme leur génétique (Pauls et al. 2013), leur morphologie (Quevedo et al. 2009), leur comportement (Dall et al. 2012), leur physiologie (Bouwhuis et al. 2014), la composition élémentaire de leur corps (El-Sabaawi et al. 2016), leur régime alimentaire (Bolnick et al. 2003) ou bien encore leurs traits d’histoire de vie (Biro & Stamps 2008). Cette variabilité phénotypique intraspécifique peut s’avérer supérieure à la variabilité existant entre les espèces (Bolnick et al. 2003, Woodward & Hildrew 2005) et pourrait ainsi moduler les effets des espèces sur le fonctionnement des écosystèmes. Par exemple, de nombreuses espèces expérimentent au cours de leur développement ontogénique des changements écologiques qui se traduisent généralement par un changement de régime alimentaire (Werner & Gilliam 1984). Les individus appartenant CONSOMMATEURS Carnivores Herbivores Détritivores PRODUCTEURS PRIMAIRES Diversité et composition Biomasse algale algale RESSOURCES LIMITANTES Lumière Nutriments N P Quantité et qualité des détritus (A) (B) Carnivores Herbivores Biomasse algale Nutriments Mécanismes ascendants (bottom-up) Mécanismes descendants (top-down) Recyclage des nutriments Resources allochthones 13 à des stades de développement différents sont donc fonctionnellement différents et des changements de la structure en taille des populations peut modifier le fonctionnement de l’écosystème (Rudolf & Rasmussen 2013a). Par conséquent, bien qu’il se soit opéré un véritable bouleversement dans l’étude des relations entre biodiversité et fonctionnement des écosystèmes (i.e., intégration de multiple processus écosystémiques, utilisation d’approche fonctionnelle, incorporation des dimensions horizontale et verticale du réseau trophique), il est de plus en plus reconnu qu’intégrer la variabilité intraspécifique en tant que source potentielle de modification des processus écosystémiques permettrait d’obtenir une vision plus complète des mécanismes par lesquels la biodiversité module la fonctionnement des écosystèmes. Enfin, puisque le régime alimentaire d’un individu décrit sa fonction au sein du système, tenir compte de la variabilité trophique intraspécifique devrait permettre de tester les effets des changements de structure et de fonctionnalité des populations sur le fonctionnement des écosystèmes (Luck et al. 2003) et ainsi apporter une vision plus précise des relations entre biodiversité et fonctionnement.

Invasions biologiques

De l’introduction des espèces au phénomène d’invasion 

Les invasions biologiques sont actuellement reconnues comme une cause majeure de perte de biodiversité pouvant conduire à une homogénéisation globale des communautés et des habitats (McKinney & Lockwood 1999). Une espèce invasive est une espèce introduite par l’Homme en dehors de son aire de répartition géographique naturelle, qui s’établie de manière durable dans son aire d’introduction, se disperse à partir de son point d’introduction et impacte les espèces natives et les écosystèmes où elle est introduite (Lockwood et al. 2007; Fig. I.4). Les invasions biologiques se sont considérablement accélérées sous l’intensifications des activités humaines, plus particulièrement du développement des transports et des échanges internationaux (Mooney & Cleland 2001). En parallèle de ces introductions fortuites, de nombreuses espèces ont été introduites volontairement par l’Homme à des fins ludiques (pêche, aquariophilie) ou commerciales (agriculture, aquaculture, production de fourrure). Pour ces raisons, les invasions biologiques peuvent intervenir rapidement et à large échelle géographique, modifiant ainsi la dynamique de colonisation naturelle des habitats (Lockwood et al. 2007).

Table des matières

CHAPITRE I – Introduction générale
I.1 – Biodiversité et fonctionnement des écosystèmes
I.1.1 – Evaluer la biodiversité pour mieux appréhender le fonctionnement des écosystèmes
I.1.1 – Evaluer la biodiversité pour mieux appréhender le fonctionnement des écosystèmes
I.1.2 – Composante intraspécifique de la biodiversité
I.2 – Invasions biologiques
I.2.1 – De l’introduction des espèces au phénomène d’invasion
I.2.2 – Conséquences écologiques des invasions biologiques en milieu aquatique: du gène à l’écosystème
I.2.3 – Gestion des invasions biologiques en milieu aquatique
I.2.4 – Variabilité intraspécifique et invasion biologique
I.3 – Objectifs
CHAPITRE II – Matériel & Méthodes
II.1 – Sites d’étude
II.2 – Espèces modèles
II.3 – Collecte des données
II.4 – Analyses de la niche trophique
II.5 – Analyses morphologiques
CHAPITRE III
Article I: Impacts of invasive fish removal through angling on population characteristics and juvenile growth rate
CHAPITRE IV -Article II: Environment-dependent trophic niche shifts in an invasive omnivore
CHAPITRE V Article III: A transcontinental comparison of the phenotype-environment relationships among invasive populations
CHAPITRE VI – Article IV: Intraspecific traits variations among populations modulate the ecological effects of invasive Procambarus clarkii
CHAPITRE VII -Article V: Resource composition mediates the effects of intraspecific variability on
ecosystem processes
CHAPITRE VIII – Discussion générale et perspectives
VIII.1 – Déterminants écologiques de la variabilité intraspécifique chez les espèces invasives
VIII.2 – Rôle de la variabilité intraspécifique dans la modulation des impacts écologiques des espèces invasives sur le fonctionnement de l’écosystème
VIII.3 – Mécanismes évolutifs de la variabilité intraspécifique et boucle de rétroaction
CHAPITRE IX – Bibliographie

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