Variation spatiale de la diversité ichtyenne selon des variables physiques

La diversité, la répartition et la variabilité spatiale des espèces

La grande superficie et le grand nombre de lacs du bassin versant de la rivière Rimouski nous ont limité à mesurer des variables faciles à obtenir. Cette étude a donc mis l’emphase principalement sur des facteurs abiotiques tels que des variables physiques et spatiales des lacs (e.g., superficie, altitude) provenant d’ informations rapidement disponibles (cartes ou SIG). Cette approche a donc été favorisée malgré le fait que la dynamique des communautés ichtyennes soit influencée aussi par d’ autres facteurs abiotiques et biotiques (Dunson et Travis, 1991 ; Jackson et al., 1992 ; Jackson et Harvey, 1993 ; Brazner et BeaIs, 1997 ; Helfman et al., 1997). Ce choix entraîne nécessairement une faible variance expliquée par les analyses de redondance. La combinaison des résultats obtenus dans chacune des phases (1 à 3) permet de présenter la diversité ichtyenne en lacs pour le territoire couvert par le bassin versant de la rivière Rimouski. Bien que Bertolo et Magnan (2006) n’ aient pas capturé les mêmes espèces lors de leur étude, ils ont obtenu des richesses par lac similaires (x = 4,6, étendue de 1- 9) dans des plans d’ eau du Bouclier canadien qui se retrouvent dans les bassins versants des rivières Outaouais, Saguenay et Saint-Maurice.

Ils ont aussi dénombré 24 espèces, incluant un regroupement de cyprins, ce qui est similaire aux observations faites dans le bassin de la rivière Rimouski. En effet, la richesse globale de 25 espèces regroupées dans Il familles est plausible, car près de la moitié des espèces (12 / 25) sont des cyprins reconnus pour former la famille la plus diversifiée dans le monde (Berra, 2001 ; Nelson, 2006). Leur importance comme poissons appâts, qui ont pu mener à des introductions (MLCP, 1989), jumelée à leur facilité d’adaptation et le fait qu’ils soient prolifiques (Bematchez et Giroux, 2000), peuvent expliquer en partie cette représentativité au sein de cette étude. D’ailleurs, la richesse des lacs est corrélée avec la superficie, un phénomène pouvant s’expliquer par un potentiel plus élevé en termes de diversité d’habitats (Olden et al. , 2001) et de fréquentation humaine (MLCP, 1989). Pour la présente étude, le plus grand nombre de données historiques (phase 1), surtout axées sur les grands plans d’ eau, versus les données provenant de la campagne d’échantillonnage des lacs retenus pour compléter l’information (phase 3), donnerait plus de poids à cette corrélation.

La couverture du bassin versant, effectuée en combinant les trois phases, n’ exclut pas la possibilité d’avoir manqué une ou plusieurs espèces, mais cette éventualité se limiterait à des espèces difficiles à capturer avec les engins de pêche utilisés, à des espèces marginales, à des lacs encore inexploités ou serait imputable aux différentes périodes d’échantillonnage entre les méthodes qui pourraient favoriser ou défavoriser temporellement la capture de certaines espèces. L’introduction d’espèces dans le bassin versant, comme ce fut le cas pour Jetalurus nebulosus et Carassius auratus, pourrait aussi apporter des bouleversements dans la diversité, notamment une baisse du potentiel halieutique de Salve lin us fontinalis (MLCP, 1989) et seuls des seuils infranchissables naturels ( e.g., chutes) ou artificiels ( e.g., barrages) pourraient limiter leur expansion (Tremblay, 1988). La diversité globale, qui inclut l’ensemble des occurrences, y compris les lacs avec données partielles, est de 26 espèces et rejoint 143 lacs au total.

L’espèce supplémentaire (Semotilus corporalis) , n’ayant pas été recapturée lors de l’ échantillonnage de 2003-2004, correspondrait possiblement à une erreur d’identification dans le passé. Les espèces les plus communes sont: Salvelinus fontinalis , Phoxinus eos, Margariscus margarita, Phoxinus neogaeus et Semotilus atromaculatus. Leur répartition concorde avec les observations faites par Bematchez et Giroux (2000). Salvelinus fontinalis est l’espèce la plus répertoriée (124 lacs répartis dans 42 sous-bassins) et sa grande popularité auprès des pêcheurs sportifs aurait favorisé sa distribution (Scott et Crossman, 1974). Le secteur nord du bassin versant correspond au secteur le plus anthropisé du bassin versant de la rivière Rimouski. Ceci pourrait expliquer, en partie, la répartition spatiale de la richesse plus élevée dans les sous-bassins versants du secteur nord-ouest. La proximité de la population de la ville centre (Rimouski), le réseau routier développé et le grand nombre de lacs de ce secteur pourrait avoir favorisé la distribution naturelle des poissons ou artificielle par des introductions d’ origine anthropique.

La variabilité temporelle des captures et la technique de pêche utilisée

La méthode utilisée (trois échantillonnages répartis durant une saison) pour vérifier la variation temporelle des captures de poissons est seulement un indice qui sert à démontrer le potentiel de la technique de pêche utilisée afin d’établir la diversité dans les lacs au cours de la période estivale. L’ absence de réplications dans d’ autres plans d’eau, autre que le lac France, exclut par le fait même une variabilité dans les combinaisons de communautés et soulève une faiblesse de cette méthodologie. Il est à noter que cet indice soulève aussi le problème éventuel d’ observer des variations temporelles de la diversité issue des multiples inventaires réalisés aux fils des ans. Malgré cela, il semble évident que la présence des espèces marginales dans une communauté piscicole d’un lac peut être difficilement observée, principalement à l’aide d’une méthode de capture utilisant une faible variété d’engins (Jackson et Harvey, 1997) et développée pour réaliser des diagnoses de lacs pour Salvelinus fontinalis (MEF, 1994). Seulement cinq espèces (Percas flavescens, Catostomus commersoni, Notropis cornutus, Semotilus atromaculatus et Couesius plumbeus) ont été capturées lors des trois pêches. Ces quatre premières espèces constituent les principaux compétiteurs de Salvelinus fontinalis (Tremblay, 1988) et, Perca jlavescens ainsi que Semotilus atromaculatus sont aussi des prédateurs reconnus qui se nourrissent de petits poissons (Bematchez et Giroux, 2000 ; Scott et Crossman, 1974).

Ces phénomènes de compétition et de prédation pourraient expliquer l’ abondance marquée des espèces capturées à plusieurs reprises et la rareté des captures des autres espèces (Chapleau et al., 1997), dont Salvelinus fontinalis (Whittier et Kincaid, 1999). De plus, bien que Bertolo et Magnan (2006) précisent que la prédation exercée principalement par les grands prédateurs contribue à structurer les communautés de poissons, selon Chapleau et al. (1997), le nombre total d’espèces ne semble pas être affecté par la prédation sauf dans le cas des espèces marginales de petites tailles. Dans ce cas, le nombre d’espèces de poissons de petites tailles, surtout chez les cyprins, est significativement affecté à la baisse en présence de prédateurs littoraux (Whittier et al., 1997), comme Perca jlavescens (Olin et al., 2004). Ceci concorderait avec les captures occasionnelles et de faible quantité obtenues au lac France, pour l’ensemble des cyprins, à l’exception de Notropis cornutus et Semotilus atromaculatus, tous deux réputés pour être de bons compétiteurs (Tremblay, 1988). En effet, Fundulus diaphanus, Notropis heterolepis, Rhinichthys atratulus, Phoxinus eos et Phoxinus neogaeus ont de petites tailles « 1 0 cm) et sont reconnus pour être des espèces fourrages pour bien des poissons prédateurs (Scott et Crossman, 1974 ; Bematchez et Giroux, 2000). Par ailleurs, le comportement grégaire, l ‘habitat préférentiel (zones de rivage aux profondeurs < 9 m), des mouvements saisonniers hors des profondeurs en réponse à la température et probablement à la distribution de la nourriture, pourraient expliquer en partie la répartition dans le temps ainsi que l’abondance selon les périodes de captures de Perca jlavescens (Scott et Crossman, 1974). L’abondance de Notropis cornutus dans les captures pourrait aussi s’ expliquer par le fait qu’ il fréquente les habitats littoraux (Scott et Crossman, 1974), et qu’ il peut être retrouvé en grand nombre dans certains lacs (Whittier et al., 2000).

CONCLUSION

Ce mémoire, qui a permis de dresser un portrait de répartition de la diversité ichtyenne lacustre à l’échelle du bassin de la rivière Rimouski, tient en compte 125 lacs (39 % des lacs) sur les 320 retenus selon des critères de sélection, couvrent 83 % de leur superficie totale et se retrouve dans 93 % des bassins versants avec plans d’ eau. Cette répartition a été rendue possible en combinant le portrait historique préliminaire issu d’ informations archivées récentes (1987 à 2002) obtenue dans 80 lacs et d’une campagne d’échantillonnages de 59 lacs ciblés (2003) qui a permis de compléter et d’ actualiser les données disponibles. Le territoire à l’étude abrite une diversité globale de 25 espèces. L’approche combinée confère ainsi une grande fiabilité et une grande valeur à cette étude pour l’ atteinte de ses objectifs, d’ autant plus que les données recueillies sont intégrées au SIG du bassin versant de la rivière Rimouski, pouvant en faire un outil complémentaire décisionnel de gestion faunique efficace et convivial d’utilisation. La méthode en trois phases, qui a mené à la création d’une banque de données complète, est innovatrice et a été révélatrice pour décrire la diversité ichtyenne lacustre à l’ échelle du bassin versant de la rivière Rimouski. Ses avantages et son efficacité sont intéressants, car elle est simple, relativement peu coûteuse, applicable et adaptable à différentes échelles, et elle peut facilement être exportée dans d’ autres bassins versants ou sous-bassins versant. Elle permet aussi de valider certaines occurrences et la répartition réelle des espèces tout en mettant à jour la diversité à l’ échelle du territoire. Bien qu’ effectué sur un seul lac, une variabilité dans la richesse, principalement associée aux espèces marginales, a été observée lors de trois pêches effectuées à un mois d’ intervalle au cours de la saison estivale. En somme, le potentiel de la méthode développée dans ce mémoire pour dresser le portrait global actualisé de diversité dans un réseau hydrographique pourrait être amélioré en y combinant simplement une technique de pêche à l’ électricité répartie sur le territoire pour effectuer des recensements en cours d’ eau.

Table des matières

REMERCIEMENTS
AVANT-PROPOS
RÉSUMÉ
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES ANNEXES
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Localisation et description de l’aire d’étude
Description de la méthode
Phase 1 : Compilation des données historiques
Phase 2 : Choix des lacs prioritaires
Phase 3 : Échantillonnage des lacs retenus pour compléter l’information
Variation spatiale de la diversité
Variation temporelle de la diversité
Traitement des données
RÉSULTATS
Diversité ichtyenne
Données historiques
Échantillonnage des lacs retenus pour compléter l’information
Diversité ichtyenne à l’échelle du bassin versant de la rivière Rimouski
Variation spatiale de la diversité ichtyenne selon des variables physiques
Variation temporelle de la diversité ichtyenne
DISCUSSION
La diversité, la répartition et la variabilité spatiale des espèces
La variabilité temporelle des captures et la technique de pêche utilisée
Le potentiel de la méthode et de l’outil d’aide à la décision
CONCLUSION
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

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