Spécificités de la PME par rapport à la grande entreprise

ÉVOLUTION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE

La création d’emplois détermine la santé économique de toute région. Dans le cas de l’Abitibi-Témiscamingue, 6 600 nouveaux emplois ont été créés entre 1994 et 2004 (Statistique Canada, 2004). Cela représente une croissance de 4,6 %, inférieure toutefois à celle du Québec qui s’élevait à 19,4 %. Cette évolution de l’emploi ne suit cependant pas une structure linéaire. En effet, comme dans le reste du Québec, la récession des années 1990 a eu des répercussions jusqu’en 1993 dans la région. Cela s’est traduit concrètement par une perte nette de 1 200 emplois entre 1991 et 1993 alors que le nombre total d’emplois à cette date était de 59 200. Puis, entre 1994 et 1995, la situation s’est nettement améliorée avec la création de 5 700 emplois. Or, en 1998, la région enregistrait de nouveau une perte de 2 500 emplois. Pareillement, entre 1999 et 2000, l’Abitibi-Témiscamingue bénéficiait de la création de 3 500 nouveaux emplois pour en perdre ensuite 3 100, en 2001. La contraction de l’économie a particulièrement touché le secteur de la fabrication. Ensuite, les années 2002 et 2003 ont fait l’objet d’une reprise économique, qui a progressé jusqu’en 2004.

À cette date, on enregistrait 65 700 emplois, un record similaire à celui de 65 900 emplois atteint en l’an 2000. On remarque, enfin, qu’entre 1994 et 2004, le secteur de la production a enregistré 700 emplois, attribuables à la création d’emplois dans les secteurs de la fabrication, des mines et de la forêt. Cette situation a engendré une croissance des emplois dans le domaine des services. De fait, 5 700 emplois ont généré une croissance huit fois plus rapide dans ce secteur, illustrant une tertiarisation évidente de l’économie comme le démontre le Tableau 1.3. À la lumière des statistiques recueillies, il appert que les nombreuses pertes d’emplois observées en région au cours de ces dernières années s’expliquent par un taux élevé de faillites d’affaires des PME. De fait, même si ces faillites ont tendance à diminuer- le Bureau du syndic observe qu’elles ont passé de 81 à 33 entre 1999 et 2007 -, ce phénomène mérite d’être mieux examiné compte tenu de son caractère cyclique. La question des faillites des PME, qui fait l’objet de cette étude, sera plus détaillée dans les prochains chapitres. Mais d’abord, pour faciliter une meilleure compréhension de l’économie de l’Abitibi-Témiscamingue, il convient ici de dresser un bref portrait de l’entrepreneuriat qu’on y trouve.

PORTRAIT DE L’ENTREPRENEURIAT EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

Différentes possibilités s’offrent à nous pour comprendre la situation entrepreneuriale d’une région. Il est utile notamment d’observer la culture entrepreneuriale qui tient compte des individus et, du même coup, de jeter un regard sur les types d’entreprises présentes dans cette région. Sur le plan de la culture entrepreneuriale, on remarque ces dernières années en Abitibi-Témiscamingue un changement de mentalité. Auparavant, les grandes entreprises occupaient la majeure partie de l’activité entrepreneuriale. Régnait alors ce qu’on appelle une culture ouvrière, où la majorité des habitants se contentait d’être embauchée par les grandes entreprises et d’y compléter toute leur carrière professionnelle. Aujourd’hui, en revanche, on trouve des candidats à l’entrepreneuriat dans tous les groupes d’âge, comme le démontre une étude réalisée par la chercheuse Nathaly Riverin sur l’entrepreneuriat au Québec (Riverin, 2005). Nous baignons maintenant dans une culture dite entrepreneuriale. D’après cette étude, le dynamisme des entrepreneurs du Québec diffère selon les régions. Ainsi, le dynamisme des régions du centre est plus fort que celui des régions éloignées. Qu’en est-il en Abitibi-Témiscamingue? Regardons la situation de plus près.

En 2004, l’activité entrepreneuriale se chiffrait à 5% en Abitibi-Témiscamingue, ce qui place la région devant le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Gaspésie-Iles-de-la Madeleine et la Côte-Nord (Germain et al., 2005). Les autres régions du Québec disposent, pour leur part, de taux plus importants. Il appert, par ailleurs, que la pratique de l’entrepreneuriat varie selon l’âge des entrepreneurs. Riverin (2005), citée par l’Observatoire de l’Abitibi-Témiscamingue (2005), note que les jeunes de l’Abitibi-Témiscamingues se distinguent par un dynamisme deux fois plus que leurs aînés. Leur taux d’activité entrepreneuriale est de 8 % alors que celui des aînés est d’environ 4 %. De plus, la région occupe une assez bonne position par rapport à l’ensemble du Québec chez les 18-35 ans. En effet, d’après les conclusions de l’étude menée par la chercheuse (Riverin, 2005), 51 % des 18 à 35 ans de la région témiscabitibienne ayant participé à l’enquête estiment avoir suffisamment de capacités et de connaissances pour se lancer en affaires. Au Québec, ce sont 47% des personnes du même groupe d’âge qui affirment posséder de telles habiletés. À cet égard, le Tableau 1.4, à la page suivante, compare le taux de capacité entrepreneuriale de l’Abitibi-Témiscamingue à celui des autres régions du Québec. Il convient de mentionner également l’apport du mentorat dans le développement des entreprises d’une région. Selon l’enquête Riverin, la capacité entrepreneuriale n’est pas la seule composante de la création et de l’essor de nouvelles entreprises, la présence dans le milieu de modèles entrepreneuriaux est un atout majeur. Ses travaux montrent que plus les gens sont en lien avec des entrepreneurs, plus ils ont de l’intérêt à se lancer en affaires.

L’ENTREPRENEURIAT DANS LES MRC DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

Une étude conduite par la Chaire d’entrepreneuriat Rogers-J.A.-Bombardier sur l’entrepreneuriat dans les MRC du Québec (Germain et al., 2005) brosse un portrait intéressant de la situation en Abitibi-Témiscamingue. Cette étude recourt à deux mesures particulièrement utiles pour évaluer l’activité entrepreneuriale d’une région, soient le nombre d’entreprises par 1 000 personnes composant la population active et le nombre d’entreprises actives par 100 entreprises créées. La recherche de Germain s’échelonne sur une période de huit ans (1992-2000), ce qui permet de comprendre les mouvements de tous les types d’entreprises. Il faut toutefois souligner qu’elle ne distingue pas la nature des entreprises et leur accorde toutes le même poids, qu’il s’agisse d’un restaurant ou d’une usine de sciage. Le constat qui s’en dégage est le suivant: d’un territoire à l’autre, il existe une disparité entrepreneuriale assez marquée. Qu’en est-il des MRC de l’Abitibi-Témiscamingue comparées à celles de l’ensemble du Québec? Comme l’indique le Tableau 1.5, la création d’entreprises dans les MRC du Québec se chiffrait à 117 % entre 1992 et 2000, en se référant à l’année 1992 comme année de base. Davantage d’entreprises ont donc été créées durant cette période qu’il y en avait en 1992. Le même phénomène se répète en Abitibi-Témiscamingue avec un ratio plus important (127 %). Ceci est valable pour toutes les MRC de l’ Abitibi-Témiscamingue, sauf celle de Témiscamingue qui affiche un taux inférieur à celui du Québec (1 03 %). Toutefois, il faut noter, d’une part, que plusieurs entreprises ont fermé pendant cette période même si le nombre d’entreprises a augmenté de 24% depuis 1992, ce qui équivaut à un taux de croissance annuel de 3 %. On observe ainsi que le bassin des entreprises en région s’est passablement régénéré durant ces années.

La performance de la région a dépassé celle du Québec, qui se chiffrait à 19 %. Ces performances de la région la placent au 3′ rang au Québec. Les MRC de Valléede- l’Or et d’Abitibi-Ouest présentent quant à elles un bon rendement avec un taux de 26 % (solde net de 3,25 % par année). La MRC d’Abitibi réalise la meilleure performance (28% pour la période 1992-2000, soit 3,5% par an), ce qui la classe au dixième rang au Québec. La MRC de Rouyn-Noranda montre un taux de création d’entreprises de 23 % tandis que celui de la MRC de Témiscamingue est de 17% pour la même période (1992-2000). D’autre part, un autre indicateur de l’étude menée par la Chaire d’entrepreneuriat Rogers-J.A.-Bombardier rapporte la création en Abitibi-Témiscamingue d’environ 114 entreprises par 100 entreprises en activité entre 1992 et 2000; il s’agit d’un meilleur ratio que celui observé à l’échelle de la province. Or, environ 93 entreprises ont fermé dans la région durant la même période, ce qui signifie qu’en huit ans, le bassin d’entreprises s’est accru de près de 22 %. Résultat: un solde net annuel de 2,7 %. Les performances de la région ont donc été plus intéressantes que celles de l’ensemble du Québec, où le ratio s’établissait à 17%. En se basant sur le deuxième indicateur de l’étude, soit la création d’entreprises par rapport à 100 entreprises en activité, les MRC de la Vallée-de-l’Or et d’AbitibiOuest ont obtenu des performances supérieures aux autres MRC de l’AbitibiTémiscamingue avec un solde de 23,4 %. Or, c’est la MRC d’Abitibi qui occupe ici la première place concernant le dynamisme entrepreneurial en région avec un solde de 24,6 %. Cette dernière se classe au dixième rang à l’échelle provinciale tandis que l’Abitibi-Témiscamingue, elle, se classe au troisième rang. Enfin, la création d’entreprises s’est accrue de 21 %dans la MRC de Rouyn-Noranda et de 15,5% dans la MRC de Témiscamingue.

RÉALITÉS DES ENTREPRENEURS DE LA RÉGION

Après avoir dépeint la situation de l’entrepreneuriat en région, il convient maintenant d’aborder les stratégies et les réalités des entrepreneurs de l’AbitibiTémiscamaingue. Un rapport produit par l e Groupe Éverest (Groupe Éverest, 2001) recense les stratégies mises en oeuvre par les entrepreneurs de la région. Ce rapport révèle que la réduction des coûts de production, la pénétration du marché local et le développement de nouveaux produits, services et procédés sont les principales activités auxquelles les entrepreneurs de la région se livrent pour développer leur entreprise. L’étude précise que comme dans l’ensemble du Québec, six entreprises sur dix en Abitibi-Témiscamingue ont recours à ces procédés. Le rapport d’Everest note, par ailleurs, que les entrepreneurs de l’AbitibiTémiscamingue conviennent que le fardeau fiscal constitue un obstacle à l’amélioration de la santé financière des entreprises. Une bonne proportion d’entre eux estime que les gouvernements doivent réduire l’impôt sur le profit des entreprises. Toutefois, le gouvernement du Québec a instauré, en 2000, une stratégie de développement économique des régions ressources faisant bénéficier les compagnies manufacturières de congés fiscaux particuliers. Depuis cette date, la situation s’est probablement améliorée, grâce notamment aux initiatives découlant du projet ACCORD (cf.1.3.3, page 25).

Entre autres obstacles, les entrepreneurs de l’Abitibi-Témiscamingue évoquent également leur difficulté à recruter de la main-d’oeuvre qualifiée habile à répondre à leurs besoins. Plus de six employeurs sur dix sont confrontés à cette difficulté en région. Relativement au développement des marchés, les entreprises de la région réalisent près de 90 % de leur chiffre d’affaires sur le territoire régional. À titre comparatif, les entreprises du Québec réalisent quant à elles 70 % de leur chiffre d’affaires sur l’échiquier québécois. C’est dire que les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue tendent davantage à favoriser le marché régional. Dans le même ordre d’idée, elles s’intéressent peu au marché canadien; 26 %d’entre elles seulement visent le territoire canadien comparativement à 31 %des entreprises québécoises. Enfin, la majorité des entreprises au Québec misent sur une culture de la qualité de leurs services (70 %) et favorisent la formation (61 %) pour assurer leur développement. Les entreprises québécoises allouent 53 % de leurs ressources aux technologies de l’information, 41,5 % à la recherche et 45 % à la machinerie de production. En contrepartie, seuls 39,5 %de leurs ressources sont consacrés à la création et au maintien d’un réseau d’affaires. Ces taux d’investissement sont sensiblement les mêmes pour les entreprises de l’Abitibi-Témiscamingue, mais les données spécifiques pour la région ne sont pas disponibles actuellement (Observatoire de l’ Abitibi-Témiscamingue, 2005).

Table des matières

LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES ABRÉVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES
CARTE GÉOGRAPHIQUE DE LA PROVINCE DU QUÉBEC
CARTE GÉOGRAPHIQUE DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE ETDE SES MRC
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PORTRAIT DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE
1.1 Territoire et population
1 .1.1 Le territoire
1 .1.2 La population
1. 2 La situation économique de la région
1 .2.1 Évolution de la situation économique régionale
1.2.2 Portrait de l’entrepreneuriat en Abitibi-Témiscamingue
1.2.3 L’entrepreneuriat dans les MRC de l’Abitibi-Témiscamingue
1 .2.4 Réalités des entrepreneurs de la région
1. 3 Les statistiques de développement de la région
1.3.1 Les écarts de revenu, d’emplois et de chômage
1.3.2 L’assistance des organismes de développement
1.3.3 Le projet ACCORD
1.4 Synthèse
CHAPITRE Il RECENSION DES ÉCRITS ET PROBLÉMATIQUE
2.1 Faillites d’affaires en Abitibi-Témiscamingue
2.2 Impacts économiques de la faillite des PME en Abitibi-Témiscamingue
2. 3 Impacts sociaux de la faillite des PME en Abitibi-Témiscamingue
2.4 Impacts humains de la faillite des PME en Abitibi-Témiscamingue
2.5 Facteurs psychologiques et sociaux de l’entrepreneur
2.6 Facteurs organisationnels
2.6.1 Approches stratégiques, managériales et économiques
2. 7 Facteurs environnementaux
2. 8 La pertinence de l’étude
2. 9 Les objectifs de l’étude
2. 10 Problématique
CHAPITRE Ill DÉFINITION DES CONCEPTS
3.1 La défaillance
3.2 La PME
3 .2.1 Spécificités de la PME par rapport à la grande entreprise
3. 3 La technique Delphi
3.3.1 Descriptif de la méthode originale en trois phases
3.3.2 Méthode Delphi adaptée
CHAPITRE IV LE PROFIL DES ENTREPRISES DÉFAILLANTES DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE
CHAPITRE V LES CAUSES DE DÉFAILLANCE EN ABITIBI-TÉMISCAMINGUE
5.1 Les causes
5.2 Argenti et les autres
5. 3 Le chemin de la faillite
CHAPITRE VI MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE
6.1 Constitution et description de l’échantillon
6.2 Le choix des variables
6.2.1 Les critères quantitatifs
6.2.2 Les critères qualitatifs
6. 3 Le choix des techniques de classification
6.3.1 L’analyse discriminante
6.4 L’approche multicritère
6.4.1 Une approche globale
6.4.2 Les champs d’application
6.4.3 Étapes de la méthode multicritère
6.4.4 Les ensembles approchés
6.5 Le modèle retenu
6.6 Les hypothèses de recherche
CHAPITRE VIl PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
7. 1 Profil des experts
7. 2 Définition des attributs de condition
7. 3 Mesure des attributs de condition
7.4 Codification des attributs de décision
7.5 Table d’information
7. 6 Génération des règles de décision
7. 7 Création de sous-ensembles réduits des attributs de condition
7.8 Validation des résultats
7. 9 Validation des hypothèses
7.10 Les résultats
7.11 Récapitulatif des résultats
7.12 Faits saillants
CHAPITRE VIII DISCUSSION
8.1 Limites de l’étude
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
APPENDICE A

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