A la recherche de signatures de chauffage préférentiel à l’aide des raies coronales

A la recherche de signatures de chauffage préférentiel à l’aide des raies coronales

Stabilité des paramètres des raies

Le jeu de données 3 permet de tester la variabilité des paramètres des raies, tant du point de vue instrumental, que de la stabilité de l’ajustement, et que du point vue spatio-temporelle (conditions physiques dans la couronne). La figure 7.1 représentent l’amplitude, le centre, et la largeur des raies du Mg x et de l’O vi (cf. Sec. 6.1.2), sur une heure (axes des abscisses, par intervalles de 30 s) et sur la hauteur de la fente (ordonnées, moyenne glissante sur 10 pixels). Pour le centre, j’ai retiré la distorsion du détecteur (non corrigée dans le traitement initial des données brutes; cf Fig. 7.2) . Le centre de la fente est positionné à environ 33 000 km du limbe. Du fait de la position à l’équateur, la différence d’altitude maximum entre chaque point de la fente est d’environ 3000 km. Les amplitudes maximales des raies (i.e. l’intensité, si la largeur reste sensiblement constante) montrent la présence de structures spatiales. Les centres des raies présentent des fluctuations (écart-type) sur une heure, et sur toute la hauteur de la fente (axe YD) de 0.1 pixel pour l’O vi comme pour le Mg x (respectivement 0.3 et 0.2 sans la soustraction de la distorsion). Les largeurs, quant à elles, fluctuent de 0.07 et 0.1 pixels, respectivement. Ceci reste donc de l’ordre de l’erreur minimale que je me suis imposée. On constate qu’il n’apparaˆıt pas d’oscillations de grandes amplitude (i.e., elles restent inférieures à 2 km · s −1 , dans la limite des barres d’erreur (Fig. 7.3), excepté de fa¸con localisée, dans le cas de l’O vi (Fig. 7.4; oscillations dans des boucles?). Il est possible de descendre à une résolution de 5 s, mais cela ne montre pas plus d’activité, tout en rajoutant du bruit statistique. La conclusion principale que l’on peut tirer de cette étude est qu’on est loin de trouver dans la basse couronne la trace directe d’ondes omniprésentes et de forte amplitude (i.e. de l’ordre de 20 ou 30 km · s −1 ), dans le domaine de fréquences compris entre environ 10−4 et 10−1 Hz. Soit la vitesse non-thermique est due à des ondes de plus haute fréquence, soit c’est l’intégration sur la ligne de visée qui masque la signature Doppler des ondes de basse fréquence. 7.2 Conditions régnant au dessus des pôles solaires La figure 7.5 permet la comparaison des largeurs des raies du Mg x dans différents jeu de données observés au dessus des pôles solaires (l’amplitude maximum est aussi représentée; jeux 1,2, 5 et 6). Seul le jeu 2 ne présente pas la même tendance de largeur croissante avec l’altitude. En fait, les images de contexte correspondant au jeu 2 (Fig. 6.2), ainsi que celles prises au cours de la rotation solaire précédente, montrent que le trou coronal est très peu développé dans ce cas. Rappelons que toutes ces observations ont été réalisées en dehors du minimum d’activité solaire. Le plasma observé est probablement contaminé par du matériel originaire de régions de type ”couronne calme”. On observe une décroissance des largeurs à plus haute altitude, intervenant entre 150′′ et 250′′. Toutefois, la lumière diffusée instrumentale n’a pas été corrigée avant d’obtenir ces courbes (cf. Sec. 8.1). 7.3 Impossibilité de conclure directement à partir de courbes T = f(q/m) Si on trace la courbe v 2 = f(1/m), (Fig. 7.6), on remarque, comme Moran (2003) (cf. Sec. 4.4.1 (hypothèse isotherme), et Eq. 4.8), que les ions de même masse mais de charge différente n’ont pas la même température (du moins si l’on suppose qu’ils ont la même vitesse non-thermique). Les barres d’erreur empêchent néanmoins d’être vraiment catégorique Si on trace la courbe T = f(q/m), pour mettre en évidence des différences de températures d’origine cyclotronique ionique, on constate que les écarts de température entre ions de différents q/m dépendent fortement de la valeur supposée pour ξ (Fig. 7.7). Conclure à du chauffage préférentiel ne repose que sur quelques points. Cela est principalement dˆu à la forte dépendance entre les valeurs de q/m et m (Fig. 7.8). De fait, les ions les plus susceptibles d’être chauffés sont aussi ceux pour lesquels la température, déduite de la largeur de raie, est très sensible à la valeur de ξ. En fait, on a beau multiplier le nombre d’espèces ioniques observées, si on permet à chaque espèce d’avoir une température différente (du fait d’un chauffage préférentiel), il reste toujours une inconnue supplémentaire, la vitesse non-thermique ξ, par rapport au nombre d’informations dont on dispose (les largeurs de raies). J’ai tenté de diminuer le nombre d’inconnues, pour contraindre la valeur de ξ, en partant de l’observation des courbes de températures comme celles de la figure 7.7 : quelle que soit la valeur posée pour ξ, les espèces ayant un grand q/m tendent vers la même température (ce qui apparaˆıt logique en présence de chauffage préférentiel des espèces ayant un petit q/m). On peut donc étudier l’hypothèse qu’un certain nombre n d’espèces de plus grand q/m aient toutes la même température T0, et la même valeur de ξ. Si n > 2, le système d’équations de type σ 2 i = λ 2 i 2c 2 ( 2kT0 m + ξ 2 ) serait (n − 2) fois dégénéré, avec une solution unique (les σi sont connus par la mesure). En réalité, du fait des incertitudes expérimentales, chaque équation i n’est vérifiée que pour une température Ti,ξ à priori différente (dépendant de la valeur de ξ). On peut dans ce cas chercher la solution (T0,ξ) qui minimise la somme des termes (Ti,ξ − T0) 2 (moindres carrés). Les (n−2) équations supplémentaires apportent alors une meilleure précision (statistique). Mais il faut choisir la valeur de n de fa¸con à réaliser le meillleur compromis entre ce gain de précision et la validité de l’hypothèse d’une température commune (hypothèse qui est d’autant moins vrai que n est grand, c’est-à-dire que l’on prend des ions de q/m de plus en plus petits). Cette méthode n’a pas donné de résultats probants : la solution qui minimise le χ 2 est celle qui correspond à une valeur faible (voire nulle) de ξ, même dans des jeux de données synthétiques (simulés) o`u elle est au contraire élevée. Ce problème vient encore une fois du manque d’espèces de masses suffisamment différentes pour des q/m voisins. Il suffirait d’un ion du Fer ayant un grand q/m pour que le problème soit mieux posé. Il est donc nécessaire de chercher une nouvelle approche. Notons que le jeu de données 0 (cf. Annexe C) montrait déjà que la largeur du Fe x était supérieure à celle du Fe xi. Comme ces ions ont la même masse, la différence doit provenir de la température (et non de la vitesse non-thermique; les raies correspondantes ont de plus des longueurs d’onde très voisines). Elle correspond à ce qu’on attend en présence de chauffage cyclotronique. Ces observations-là ont été faites dans la couronne calme, ce qui laisse supposer que si chauffage cyclotronique il y a, il se produit partout dans la couronne (et pas uniquement dans les trous coronaux). 

Distinguer une variation de température d’une variation de vitesse non-thermique

Pour éviter d’avoir à faire une hypothèse sur la valeur de la vitesse non-thermique, on peut se pencher sur la variation de largeur avec l’altitude. En différenciant l’équation 4.9, on trouve : ∆σ = λ 2 2σc2 ( k m ∆T + ξ∆ξ) (7.1) On constate que si l’on suppose que ξ ne varie pas (ou si ξ est nul), la variation de température ne dépend plus d’aucune hypothèse sur la valeur de ξ, ni même sur la température initiale. Or mettre en évidence une variation de température privilégiée pour les ions de petit q/m constituerait une signature de chauffage cyclotronique ionique. Malheureusement, on ne peut exclure l’existence d’un ∆ξ. Etudier les deux cas limites (∆ξ = 0 ou ∆T = 0, Fig. 7.9) n’apporte pas plus d’arguments : un chauffage préférentiel des ions ou une augmentation commune de leur vitesse non-thermique sont aussi vraisemblables l’un que l’autre (voir aussi Dolla et al. (2004), Annexe D). Il est en fait très vraisemblable que les deux effets se produisent en même temps! En fait, pour essayer de discriminer entre les deux contributions, il va nous falloir faire une hypothèse sur la vitesse non-thermique : plutôt que d’en faire une sur sa valeur, on va en faire une sur son gradient. L’hypothèse repose alors sur le fait que la vitesse non-thermique est due à des ondes d’Alfvén, dont l’amplitude suit la relation 2.3 en fonction de la densité électronique, du fait de la conservation du flux de l’onde. Cette hypothèse est testée dans le chapitre 8. 

 Réinterprétation du ”plateau” observé par certains auteurs

La figure 8.1 montre la variation de la largeur de certains des ions coronaux du jeu de données 1 en fonction de l’altitude au dessus du limbe (pour les autres, voir Sec. 8.4). Malgré la présence de certaines inhomogénéités aux plus hautes altitudes, on retrouve le même genre de comportement que ceux rapportés par de précédentes études (cf. Sec. 4.3.5), en particulier pour le Mg x : une phase de croissance, puis un plateau (ou une décroissance), autour de 200′′ au dessus du limbe (soit environ 1.2 R⊙ du centre du Soleil). On constate néanmoins que cette décroissance de la largeur disparaˆıt si on effectue une correction de la lumière diffusée. Le fait que le point d’inflexion (sans correction) se produise d’ailleurs à des altitudes différentes selon la raie (e.g. Fe x et Mg x) renforce l’argument que cette décroissance est due à la lumière diffusée : il se produit lorsque la contribution de la raie de mélange devient prédominante (avec la même raie du disque pour le Fe xii et le Mg x , avec l’O i pour le Fe x). Globalement, après correction, la largeur semble toujours augmenter, même si cette augmentation se ralentit à grande altitude. Concernant le Si viii, pour lequel il a été rapporté aussi un changement de pente autour de 1.2 R⊙, il est plus difficile de conclure. En effet, l’ajustement des raies a dˆu être arrêté autour de 160′′, faute de statistique. En moyennant ces derniers spectres sur des intervalles 2 fois plus grands, il apparaˆıt que la largeur se met à diminuer (résultats non présentés). Toutefois, les résultats sont très bruités, et j’ai déjà fait part Sec. 6.3.3 de mes soup¸cons de mélange avec de la lumière diffusée. On peut supposer que les précédentes études qui ont été faites avec SUMER hors du limbe (cf. Sec. 4.3.5) ont sous-estimé le problème de la lumière diffusée (e.g. Doschek et al. (2001), pour lesquels l’estimation de la contribution de la lumière diffusée était plus indirecte, et qui jugeaient qu’elle n’était pas responsable du plateau à grande altitude; cf. Sec. 6.3.3). Il n’est pas exclu que la correction telle que je l’effectue élimine aussi une composante de la raie due à la photo-excitation (cf. Sec. 4.2.4, et O’Shea et al. (2004), qui suggèrent que c’est ce phénomène qui est responsable de la décroissance de la largeur de la raie du Mgx, phénomène qui deviendrait important à partir d’une certaine altitude). Les largeurs des profils de lumière diffusée et de photo-excitation sont en effet tous les deux similaires, typiques des basses altitudes, donc moins larges que les raies à plus haute altitude o`u leur effet se fait sentir. Ma propre correction reviendrait alors à supprimer tout ou partie de la contribution radiative de l’émission dans la raie, pour ne laisser que la contribution collisionnelle (plus représentative de la distribution cinétique des ions). Mais cela suppose que je surestime en fait l’intensité de la lumière diffusée de fa¸con importante. Et si c’est réellement le cas, cela aboutit à une meilleure estimation du profil de la distribution cinétique à l’altitude observée.

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