Accompagnement des patients d’oncogériatrie à l’officine

Hôpital : centre d’expertise

Suite au décret sur la rétrocession du 15 Juin 2004, une nouvelle catégorie de médicaments à prescription initiale hospitalière est désormais disponible en ville.
On assiste donc à une sortie de la réserve hospitalière de certaines molécules, en l’occurrence les anticancéreux. Ce décret n’est pas sans importance au sujet de la pratique des médecins prescripteurs et des pharmaciens. Il modifie considérablement les conditions de prescription et le circuit de dispensation de certains médicaments.
On vit ainsi, depuis quelques années, une révolution de la prise en charge du cancer, qui figure un changement majeur vis à vis des patients, puisqu’ils pourront venir chercher désormais leur traitement en pharmacie de ville.
Désormais, l’hôpital n’est plus un lieu où l’on séjournera plusieurs jours. Après avoir bénéficié des soins, on réalise une sortie précoce de l’hôpital tout en maintenant la continuité des soins par le biais du secteur de ville.
Mais ce passage de l’hôpital à la ville n’est pas sans conséquence. En effet, même s’ils ont eu la même formation de base, les pharmaciens hospitaliers et officinaux ne sont pas confrontés dans leurs pratiques quotidiennes aux mêmes problématiques et l’équipe officinale aura parfois besoin d’outils d’aide à la dispensation.
D’autant plus que certains médicaments ne sont réservés qu’à un usage hospitalier, et donc qui ne feront jamais parti de l’arsenal thérapeutique de ville. C’est la raison pour laquelle les molécules disponibles pour la voie orale sont parfois mal connues des pharmaciens d’officine.
Cependant, lorsque les autorités ont décidé de faire passer certains médicaments entre les mains du pharmacien d’officine, et à l’heure actuelle de plus en plus de spécialités, la problématique au sujet des connaissances incomplètes est très vite remontée à la surface. Les oncologues ont sans doute sous-évalué ce phénomène en question.
A l’heure actuelle, bien que depuis 2014 ont été énoncées des mesures lors du troisième Plan Cancer, c’est-à-dire : « Sécuriser la prise en charge des patients traités par anticancéreux oraux ». Mettre à disposition des professionnels des formations continues sur les chimiothérapies orales ; Soutenir la formation des professionnels en matière de promotion de l’éducation thérapeutique en chimiothérapie orale ; Développer l’éducation thérapeutique en cancérologie dans le cadre d’un accompagnement des pratiques professionnelles.
Force est de constater que peu de pharmaciens de ville semblent informés au sujet des chimiothérapies orales, pour lesquelles trois arguments reviennent toujours à la charge : Enseignements insuffisants; Manque de formation; Manque de temps pour assister aux formations .
Leurs solutions leur permettant de se documenter, de leur propre gré, sont : Vidal , bases de données sur Internet, OMEDIT, revues spécialisées.
A ce sujet, dans un but d’améliorer la coordination entre les acteurs de soins à l’hôpital et en ville, la mesure 29 du premier Plan cancer ( 2003-2007 ) instaure des Réseaux Régionaux de Cancérologie ( RRC ), qui s’inscrivent dans une continuité des objectifs des différents Plans cancer.

Les risques de l’automédication

L’automédication n’est indéniablement dénuée de risques.  Choix d’un traitement inadapté voire contre-indiqué.
Il est déjà arrivé de voir des personnes se présentaient à l’officine, voulant acquérir un médicament alors que celui-ci n’est pas indiqué pour leur état de santé.
Cette erreur peut être due : à une mauvaise identification du symptôme ; à la publicité présentant les mille vertus de ce médicament mais passant sous silence ses contre-indications ; aux recommandations du traitement par l’entourage, qui ne connaît pas forcément l’état physiologique de la personne.
Bien évidemment, ce problème peut être évité par le pharmacie qui doit systématiquement se renseigner sur les raisons qui poussent l’achat de ce médicament.
Retard ou erreur de diagnostic :Face à un problème de santé, le malade analyse ses symptômes et leurs intensités, et décide de pratiquer l’automédication.
Le risque principal, dans tout cela, est la prise de médicaments symptomatiques faisant croire au malade l’efficacité de ces derniers alors qu’ils ne sont juste en train de masquer les signes de l’affection, et donc retarder ou fausser le diagnostic d’une pathologie grave, où l’on aurait pu mettre en place un traitement efficace depuis le début.
Nous pouvons citer comme exemple une cystite que l’on traiterait avec un reste d’antibiotique stocké dans l’armoire de pharmacie : Est-ce que l’antibiotique est adapté ? Est-ce que les dates de péremption sont respectées ? Est-ce que la durée du traitement est adaptée ? Ainsi le vrai risque est la mise en place d’une antibiothérapie trop courte et inadaptée au germe en cause. Ce dernier n’aura pas été recherché initialement, et le traitement déjà entrepris rendra difficile l’identification secondaire, avec un risque important de résistances et de complications.
Ceci est un exemple parmi tant d’autres. Voilà pourquoi l’automédication doit se faire sur un très court terme et nécessiter une consultation médicale en cas de non amélioration des symptômes au bout de 48h.
Risque iatrogène :Comme nous l’avons vu plus haut, la personne âgée est très souvent en situation de polymédication, c’est la raison pour laquelle l’automédication expose à un véritable risque d’interaction médicamenteuse pour elle. Son usage est donc à bannir autant de fois que possible.
Sans oublier, les nombreux mésusages escomptés, notamment au niveau des posologies et des conditions d’emploi, qui font apparaître des effets indésirables de différents types.

Dispositifs et méthodes d’accompagnements pharmaceutiques

Après avoir étayé les sources de ce nouveau rôle de pharmacien et ses nouveaux enjeux, nous allons donner les différents dispositifs et méthodes existants qui permettront la réalisation de ces nouvelles missions.

L’éducation thérapeutique du patient : ETP

L’OMS propose la définition suivante : « l’éducation thérapeutique du patient vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique ».
Cette ETP a ensuite été inscrite dans le code de la santé publique, suite à la Loi HPST de 2009, et a été reconnu officiellement dans le parcours de soins du patient. Elle fait partie intégrante de la prise en charge globale du patient ; elle comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage de la gestion de la maladie, et de soutien psychosocial ; elle a pour but d’aider les patients ainsi que leur entourage à comprendre leur maladie et leur traitement, à collaborer avec les soignants, et à maintenir ou améliorer leur qualité de vie.
Cette ETP s’adresse à toute personne atteint de pathologie chronique mais aussi à l’entourage du patient qui souhaiterait s’impliquer dans la gestion de la maladie.
Elle permettra notamment à :
Comprendre les mécanismes de la maladie et le rôle des médicaments et des examens de biologie médicale nécessaires au suivi de la maladie car nous nous sommes aperçus que les patients et/ou leur entourage étai(en)t très souvent ignorant(s) de la pathologie qu’ils avaient contracté voire même lorsqu’on leur demandait d’identifier le traitement qu’on venait de leur délivrer ;
Autogérer les traitements et maîtriser les bons gestes techniques pour utiliser le médicament ou surveiller la maladie (exemple : instillation d’un collyre, utilisation d’un lecteur de glycémie …) ; Reconnaître les signes d’alertes (symptômes, effets indésirables, résultat d’une automesure située en dehors des valeurs normales) et savoir quoi faire s’ils surviennent ;
Apporter des changements au mode de vie (nutrition, activité physique) et les maintenir dans le temps.

L’entretien pharmaceutique

Il est l’un des moyens qui permet au pharmacien d’officine d’assurer une prise en charge personnalisée et optimale du patient, avec entre autres :
Renforcer les rôles de conseil, d’éducation et de prévention du pharmacien auprès des patients ; Valoriser l’expertise du pharmacien sur le médicament ; Evaluer la connaissance par le patient de son traitement ; Rechercher l’adhésion thérapeutique du patient et l’aider à s’approprier son traitement ; Evaluer à terme, l’appropriation par le patient de son traitement.
Ces entretiens doivent répondre à plusieurs conditions. Tout d’abord, le pharmacien doit obtenir le consentement éclairé du patient, acceptant d’intégrer le dispositif d’accompagnement.

Le déploiement de la conciliation médicamenteuse intégrée aux activités de pharmacie clinique

La conciliation médicamenteuse

La conciliation des traitements médicamenteux est un processus interactif et pluri-professionnel qui permet de prévenir et d’intercepter les erreurs médicamenteuses.
Elle repose sur la coordination et la transmission d’une information claire et détaillée entre tous les membres de l’équipe de soins et le patient tout au long de son parcours de soins. Cela invoque une amélioration du partage d’informations et du lien ville-hôpital. Le pharmacien d’officine contient les informations majeures pour accompagner le patient dans cette démarche de prise en charge globale de pharmacie clinique. Plusieurs étapes successives sont décrites par la SFPC : la conciliation des traitements médicamenteux, l’analyse pharmaco-thérapeutique, les interventions pharmaceutiques, la révision pluridisciplinaire des prescriptions médicamenteuses, l’éducation thérapeutique du patient, et le lien ville-hôpital.

Les étapes de la conciliation

La conciliation des traitements médicamenteux (CTM) s’est développé suite au projet international High’5s, lancé par l’Alliance mondiale pour la sécurité du patient de l’OMS en 2006. Son objectif était de réduire certaines problèmes majeurs liés à la sécurité des patients, de façon pérenne et mesurable, par une procédure standardisée réalisable en routine, nommée standard operating procedure (SOP).
Soutenue par la HAS et le Ministère de la Santé, la France est engagée depuis 2009 dans la SOP medication reconciliation (SOP Med’Rec) sur la sécurité de la prescription médicamenteuse aux points de transition du parcours de soins, que sont notamment l’admission, les transferts entre services et la sortie de l’hôpital . A chacune de ces étapes, la CTM est appelée conciliation médicamenteuse à l’admission (CMA), de transfert et de sortie (CMS).
Suite au rapport de l’IGAS de 2011, il est clairement établi que la continuité du parcours de soins du patient est fragilisée aux points de transition thérapeutique. La rupture de la chaîne de soins entre les secteurs ambulatoire et hospitalier affecte la qualité et la sécurité du parcours de soins. Elle représente également un enjeu économique par le poids financier des prescriptions hospitalières exécutées en ville, principal facteur de progression des dépenses de médicaments en ville, représentant 200 millions d’euros en 2009 .
Mise en œuvre dans plusieurs établissements entre 2009 et 2014, la SOP Med’Rec vise à prévenir ou corriger les Erreurs Médicamenteuses (EM) par la CMA, en obtenant, au moment de l’admission à l’hôpital, la liste exhaustive et complète de tous les médicaments pris ou à prendre en routine par le patient avant son hospitalisation, prescrits par le médecin ou pris en automédication : on parle de Bilan Médicamenteux Optimisé (BMO) .
Impliquant fortement les patients, leur entourage et les aidants, c’est une méthode puissante d’interception des EM, avec en moyenne 1 EM détectée par patient sur 27 447 patients conciliés, et, après CMA, un nombre moyen de divergences vis-à-vis du BMO proche de zéro. Principalement dues à un défaut de transmission d’informations entre professionnels de santé, les EM les plus fréquentes sont des erreurs de patients, de médicament, de sur ou sous-dosage, de modalité ou moment d’administration, de durée ou encore par omission.

Table des matières

1 INTRODUCTION 
2 CONTEXTE 
2.1 LES SORTIES ANTICIPEES 
2.1.1 BENEFICES POUR LE PATIENT
2.1.2 ECONOMIE ET REDUCTION DES DUREES D’HOSPITALISATION
2.1.3 LIMITES DE CETTE EVOLUTION
2.2 HOPITAL : CENTRE D’EXPERTISE 
2.2.1 LES RESEAUX REGIONAUX DE CANCEROLOGIE (RRC)
2.3 ECONOMIE DU SYSTEME DE SANTE HOSPITALIER 
2.4 ONCOGERIATRIE 
2.5 PROFIL DES PATIENTS 
2.5.1 PATIENT AGE : C’EST QUOI ?
2.5.2 LES FACTEURS DE RISQUES SPECIFIQUES DU PATIENT AGE
2.5.3 SUJET AGE ET ANTICANCEREUX
2.6 COMPORTEMENTS DE SANTE
2.6.1 UNE FORTE CONSOMMATION
2.6.2 IATROGENIE
2.6.3 L’AUTOMEDICATION CHEZ LE SUJET AGE
2.6.4 LES MOYENS A METTRE EN ŒUVRE, A L’OFFICINE, POUR SECURISER ET PREVENIR LES RISQUES LIES A L’AUTOMEDICATION CHEZ LES PERSONNES AGEES
3 ORGANISATION DE LA CANCEROLOGIE EN FRANCE : QUEL ACCOMPAGNEMENT POUR LE PATIENT SOUS CTO ? 
3.1 LES PLANS CANCER 
3.1.1 PREMIER PLAN CANCER ( 2003-2009 )
3.1.2 LE DEUXIEME PLAN CANCER ( 2009-2013 )
3.1.3 LE TROISIEME PLAN CANCER ( 2013-2019 )
3.2 APPROCHE GLOBALE 
3.2.1 PRIMO-PRESCRIPTION
3.2.2 EVALUATION DE LA FAISABILITE DU TRAITEMENT A DOMICILE
3.2.3 PRESCRIPTION DU TRAITEMENT ET INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
3.2.4 MISE EN PLACE DE LA LIAISON HOPITAL-VILLE ET PREPARATION DU SUIVI DU PATIENT EN VILLE
3.3 PARCOURS DE SOIN DU PATIENT ATTEINT DE CANCER 
3.3.1 CIRCONSTANCE DE « DECOUVERTE » DU CANCER
3.3.2 LE DISPOSITIF D’ANNONCE
3.3.3 LE TEMPS MEDICAL
3.3.4 UN TEMPS D’ACCOMPAGNEMENT SOIGNANT
3.3.5 L’ACCES A UNE EQUIPE IMPLIQUEE DANS LES SOINS DE SUPPORT
3.3.6 UN TEMPS D’ARTICULATION AVEC LA MEDECINE DE VILLE
3.4 CONCLUSION : NECESSITE DE LUTTER CONTRE LE CLOISONNEMENT 
4 VALEUR AJOUTEE AU ROLE DU PHARMACIEN D’OFFICINE 
4.1 TEXTES ET DECRETS 
4.1.1 LA LOI HPST DE 2009
4.1.2 LA CONVENTION NATIONALE DES PHARMACIENS DE 2012
4.1.3 LA LOI SANTE DE 2016
4.1.4 AVENANT N°12 A LA CONVENTION NATIONALE ORGANISANT LES RAPPORTS ENTRE LES PHARMACIENS TITULAIRES D’OFFICINE ET L’ASSURANCE MALADIE
4.2 DISPOSITIFS ET METHODES D’ACCOMPAGNEMENTS PHARMACEUTIQUES 
4.2.1 L’EDUCATION THERAPEUTIQUE DU PATIENT : ETP
4.2.2 L’ENTRETIEN PHARMACEUTIQUE
4.2.3 LE DEPLOIEMENT DE LA CONCILIATION MEDICAMENTEUSE INTEGREE AUX ACTIVITES DE PHARMACIE CLINIQUE
4.3 LES RESSOURCES A L’APPUI DU PHARMACIEN 
4.3.1 LES RESEAUX DE SANTE
4.3.2 LE DEVELOPPEMENT PROFESSIONNEL CONTINU ( DPC )
4.4 NOUVELLES MISSIONS DU PHARMACIEN 
4.4.1 NOUVELLES PERSPECTIVES D’EXERCICE OFFICINAL
4.4.2 PLACE DU PHARMACIEN DANS L’ETP
4.4.3 LE PHARMACIEN , ACTEUR DE SANTE PRIVILEGIE ENTRE LE MEDECIN ET LE PATIENT
4.4.4 FAVORISER L’OBSERVANCE, UN REEL DEFI POUR LE PHARMACIEN
4.4.5 ACCOMPAGNEMENT COORDONNE DU PATIENT CANCEREUX A L’OFFICINE
4.4.6 MISSIONS DU PHARMACIEN CORRESPONDANT
5 PHARM’OBSERVANCE : UN PROJET INNOVANT
5.1 PROJET PHARM’OBSERVANCE PACA 
5.2 APPLICATION DE PHARM’OBSERVANCE AU SUJET DES CHIMIOTHERAPIES ORALES (CTO) 
5.2.1 POURQUOI LES CHIMIOTHERAPIES ORALES ?
5.3 ROLE DU PHARMACIEN D’OFFICINE DANS LE SUIVI DE PATIENTS SELON PHARM’OBSERVANCE : EXEMPLE AVEC L’ACETATE D’ABIRATERONE (ZYTIGA®) 
5.3.1 BILAN DE MEDICATION SELON PHARM’OBSERVANCE
5.3.2 ACTIONS D’EDUCATION THERAPEUTIQUE CIBLEES APPLIQUEES AUX CHIMIOTHERAPIES ORALES : EXEMPLE DU ZYTIGA® ( ABIRATERONE ) POUR UN CANCER PROSTATIQUE
5.4 PERCEPTION DE LA SFPC 
6 DISCUSSION 
7 CONCLUSION

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